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Sentimental/Romanesque
Babefaon : Mais il est où Henry ?
 Publié le 15/10/19  -  9 commentaires  -  6798 caractères  -  113 lectures    Autres textes du même auteur

Agathe et Louis viennent de perdre leur père. Il s'appelait Henry. Le médecin qui s'occupe de leur mère, atteinte d'Alzheimer, va leur suggérer d'emmener celle-ci à la cérémonie. « Ça l'aidera à faire son deuil... » pense-t-il. Mais les choses ne vont pas tout à fait se dérouler comme prévu.


Mais il est où Henry ?


— Mais il est où Henry ?

— Maman, s’il te plaît !

— Alors, il est où ?

— Maman, chut !

— Je t’avais bien dit que c’était une mauvaise idée de l’amener !

— C’est le médecin qui a insisté. Il a dit que ça l’aiderait à faire son deuil.

— Il avait raison, c’est une parfaite réussite !

— Mais qu’est-ce que vous chuchotez, tous les deux, dans mon dos ? De quoi vous parlez ?

— Rien, rien…

— Vous ne m’avez toujours pas répondu. Il est où ?

— Maman ?

— Oui, mon chéri ?

— Tu vois la grande boîte posée sur les tréteaux, devant nous ?

— Bien sûr, que je la vois. Et ?

— Eh bien, comment te dire… Papa est dedans.

— Mon Dieu, mais il faut le laisser sortir le pauvre ! Lui qui a toujours eu horreur d’être enfermé… Vous êtes fous, mes enfants !

— Non maman, où tu vas ? Rassieds-toi, s’il te plaît ! Reste ici !

— Mais enfin, il faut faire quelque chose. Il va étouffer !

— C’est-à-dire que… ça va être un peu compliqué, là…

— Ah bon, et pourquoi ?

— Papa est mort, maman !

— Ah bon ? Quand ça ?

— Il y a trois jours déjà. Tu ne t’en souviens plus ?

— Bon soit, admettons… Mais ça ne me dit toujours pas où est Henry ?

— Maman, on vient de te le dire. Papa, enfin Henry si tu préfères, est mort. C’est pour ça que tu es à l’église avec nous aujourd’hui. Tu comprends ?

— Laisse tomber, Louis ! Ça sert à rien…

— Mais pourquoi tu es méchante avec moi, toi ? Tu as toujours été méchante, d’ailleurs. Tu es comme ton père. Vous avez le même caractère, tous les deux. Alors que Louis…

— Et allez, c’est reparti ! Oui, je sais maman. Heureusement que Louis est gentil avec toi…

— Oui, justement, Louis est gentil, lui. Il a hérité du caractère de son père.

— Maman, je te rappelle qu’on a le même au cas où tu l’aurais aussi oublié !

— Ah non, vous n’avez pas le même ! Ça, non.

— Mais qu’est-ce que tu racontes ?

— Je me comprends…

— Qu’est-ce que tu entends par là, maman ?

— J’entends que Louis est le fils de l’autre…

— Quel autre ? De quel autre tu parles ? C’est quoi cette histoire que tu vas encore inventer ?

— Mais je n’invente rien, Agathe. Je vous dis la vérité, c’est tout ! Mais si vous ne voulez rien savoir…

— Je ne crois pas que ce soit le bon endroit, ni le moment approprié pour ça, tu vois ! Tu as toujours eu le don pour tout gâcher !

— Agathe, laisse-la parler, tu veux ? Tu sais bien qu’après…

— Quoi, après ? Tu vois bien qu’elle ne sait plus ce qu’elle dit !

— C’était il y a longtemps déjà. Je ne me souviens plus très bien de la date, mais je n’ai pas oublié notre rencontre ! Je venais d’arriver sur le quai, j’étais terriblement en retard ce jour-là. J’avais couru en sortant du taxi, j’avais couru comme une folle pour ne pas rater mon train. C’était le dernier et je n’avais aucune envie de passer la nuit dans une chambre d’hôtel sordide, en attendant le lendemain. J’ai tout juste eu le temps de l’attraper. Je ne sais pas comment j’ai fait, d’ailleurs… J’étais à bout de souffle, j’ai jeté mon sac dans le wagon et me suis précipitée à bord. Au moment où le train démarrait et que je grimpais sur le marchepied, j’ai senti une main qui m’agrippait. Une main virile qui m’a tenue fermement et qui m’a aidée à monter, sans quoi je crois bien que le sac serait parti sans moi… Le train a commencé à accélérer et puis la porte s’est rapidement refermée derrière nous. Il a plongé son regard pénétrant dans le mien, un regard insistant et charmeur qui m’a aussitôt séduite. Je l’ai remercié et je me suis aperçue que la fermeture du sac avait craqué en chemin, et que la plupart des dessous que j’avais emportés avec moi étaient restés éparpillés sur le quai. Oui, je les avais mis en dernier, comme je le fais toujours. On a ri de la situation avant de nous présenter l’un à l’autre, et ce qui aurait dû être une gêne n’en était pas une. Au contraire ! Ça nous a permis de lier connaissance plus vite, et quelle meilleure entrée en matière, mes enfants. Ça a tout de suite été une évidence entre nous. Je ne saurais vous dire pourquoi. C’est comme ça parfois, les choses sont évidentes entre les êtres, je crois qu’il n’y a rien à comprendre. Après les présentations, il m’a invitée à le suivre au bar et m’a offert un verre pour me remettre de mes émotions. Un, puis deux, puis trois. On est restés là, assis l’un en face de l’autre, à discuter de tout et de rien pendant presque tout le trajet. Le temps n’existait plus, les gens autour de nous n’existaient plus, il n’y avait que nous et nous seuls. On n’a rien vu du voyage. On a parlé de nos vies, de nos conjoints, de nos enfants. Il était marié, lui aussi. Il m’avait avoué qu’il n’était plus heureux avec sa femme et qu’il envisageait de la quitter. C’est ce qu’il a toujours prétendu, d’ailleurs. Mais il ne l’a jamais fait. Ils ne le font jamais, quand ils en parlent. Et puis le train est arrivé à destination et il m’a donné son numéro, en m’implorant de l’appeler sans tarder. Je ne lui ai rien promis, je lui ai juste dit que je verrais. Mais avec les jours qui passaient, je pensais de plus en plus à lui. À son odeur, à son regard, à sa démarche. Chaque fois que je croisais un homme lui ressemblant dans la rue, ça me ramenait toujours à lui. Il était continuellement dans mes pensées. J’étais comme envoûtée, il me poursuivait jusque dans mes rêves. Alors un matin, alors que votre père venait tout juste de partir au travail, j’ai décroché le combiné et j’ai composé fébrilement le numéro qu’il avait eu le temps de griffonner au dos d’une carte. Il m’a donné rendez-vous le lendemain, m’a invitée à déjeuner, et on a aussitôt entamé une liaison. Une liaison passionnée et torride pendant laquelle je suis tombée enceinte de toi, Louis. Il n’a pas cherché à savoir si l’enfant était de lui. Ça lui importait peu d’ailleurs, et votre père ne s’est douté de rien. Avec le recul, je dois vous avouer que c’était bien pratique quand même d’avoir un amant qui portait le même prénom que votre père. Ça m’a beaucoup amusée sur le moment. Et puis ça minimisait mes chances de me trahir. Je pouvais prononcer librement ce prénom dans mes rêves, me permettre le luxe de le dire à haute voix, sans avoir à me justifier le lendemain, ni qu’on m’interroge à ce sujet. Sans que j’aie de comptes à rendre à qui que ce soit !

— Mais comment tu peux être sûre de ce que tu avances, maman ?

— Je te l’ai dit, tu as le caractère de l’autre, mon chéri. Et son allure, aussi. Son allure élancée. Il n’y a aucun doute.

— Non mais tu te rends compte de ce que tu viens de nous balancer dans la gueule, maman ? Et le jour de l’enterrement de papa, en plus ?

— Ah bon, pourquoi, votre père est mort ? Mais c’est terrible, ma pauvre chérie ! Mais c’est arrivé quand ? Il est au courant ?

— Maman ?

— Oui, mon ange ?

— Qu’est-ce qu’il est devenu, ce Henry ?

— Henry ? Mais quel Henry ?



 
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   ANIMAL   
12/9/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Voilà une histoire courte qui en dit long.

J'aime beaucoup les échanges percutants entre les enfants et la malade, dialogue de sourd bien entendu, puis ce moment de lucidité de la mère, histoire de semer la pagaille. Et puis hop, elle replonge dans le flou. Bravo maman, voilà qui promet quelques disputes entre la "légitime" et le "bâtard", si tant est que tout soit vrai. Mais comme personne ne sait ce qui se passe dans le cerveau d'une personne atteinte d'Alzheimer, les paris sont ouverts. Très juste aussi la réflexion sur les hommes mariés qui pensent à quitter leur femme mais ne le font jamais.

J'émets un petit doute sur le médecin qui aurait conseillé d'emmener la mère à l'enterrement de son mari. J'aurai plutôt vu quelque chose comme "on ne pouvait pas la laisser seule à la maison". Et la partie "récit" de la chère maman me semble un tantinet trop longue, trop bien léchée.

Mis à part cela, le texte est vivant, très visuel et tout à fait distrayant.

en EL

   plumette   
13/9/2019
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
bonne idée d'histoire!

Le traitement de l'histoire sous forme de dialogues courts et absurdes est vif et tout à fait crédible, jusqu'à ce récit hyper structuré et trop long de la liaison.
Je trouve que cela déséquilibre le texte.

Il me semble qu'il faudrait que le secret soit révélé par bribes, un peu obscures , en gardant la forme du dialogue avec les enfants.

De plus, le récit de la liaison me semble manquer de relief, on est dans qq chose d'assez convenu ( l'écriture n'est pas en cause)

Mais il y a du potentiel!

   FANTIN   
14/9/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Une nouvelle qui ne manque pas d'humour et une malade d'Alzheimer qui n'a pas tout oublié de son existence passée. Ce pavé jeté dans la mare familiale lors de l'enterrement du père officiel des deux enfants, est assez jubilatoire. Les dialogues, vivants et naturels, donnent du rythme au texte; l'aveu spontané de la mère ne le ralentit pas, et on s'amuse jusqu'au bout. Cela ferait une bonne scène de théâtre.

   maria   
14/9/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

L'auteur(e) a choisi la facilité du dialogue pour aborder la maladie d'Alzheimer et les problèmes de la mémoire sélective.

Je ne suis pas émue de cette lecture, et n'ai pas ri non plus.
L'amant porte le même prénom que le mari ! Du déjà lu !

Merci pour le partage et bonne chance.

   cherbiacuespe   
17/9/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Voilà une petite histoire comme je les aime : avec un rebondissement ébouriffant. Merveilleux! Et qui tient en une seule et longue discussion. Une belle trouvaille, quelle imagination!

Comme il s'agit d'une discussion à trois, il n'y a pas grand chose à dire sur l'écriture en elle-même, sur le style. Par contre, je trouve les répliques très bien construite pour amener à la spectaculaire révélation, le gros morceau du récit. Et quel morceau, même si on le sent venir. Et quel réalisme, les répliques sont parfaitement crédibles.

Note particulière pour la magistrale réaction de maman "Ah bon, pourquoi, votre père est mort ? Mais c’est terrible, ma pauvre chérie ! Mais c’est arrivé quand ? Il est au courant ?", qui m'a fait hurler de rire.

C'est une nouvelle très réussie. Un petit bijou.

   Donaldo75   
23/9/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

J’ai été assez surpris de ce dialogue de démarrage. Il me semble que la mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer, du moins à ce que j’ai compris dans l’exergue, pourtant le dialogue, avant qu’il ne se transforme en pavé, la fait juste passer pour une débile. Je vois là une incohérence. Par ailleurs, en parlant du pavé qui sert de dialogue central pour la mère, il est indigeste pour le lecteur, déjà du fait de sa forme. Ce passage mériterait d'être aéré, présenté différemment, peut-être en forme indirect du genre: "elle nous expliqua alors..." D'abord, il trancherait moins avec le début, ensuite, il rendrait le texte plus lisible, enfin, il permettrait plus de variations.

En espérant que ce commentaire vous soit utile.

   Tiramisu   
15/10/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour,

Les échanges sont vifs et montrent bien les malentendus. j'ai souri à plusieurs reprises, surtout à la fin "mais Henry quel Henry ?" C'est rythmé aussi.
J'ai toujours un peu de réserve face à des textes sous forme uniquement de dialogues d'autant que l'explication par la mère du passé et de la rencontre avec le second Henry aurait pu être fait différemment. "Notre mère nous raconta ...." Et hop, on sortait du dialogue.
Je suis plus gênée sur la crédibilité de la maladie d'Alzheimer, pas dans les échanges, mais dans la partie plus narrative, la mère est extrêmement claire, trop même. C'est pourquoi sortir là du dialogue aurait pu être d'autant plus pertinent. "Ce que l'on comprit de ce que notre mère nous raconta ..."
Merci pour cette lecture.

   Shepard   
15/10/2019
 a aimé ce texte 
Pas
Un texte qui, pour moi, est ‘techniquement’ réussit mais qui ne va pas plus loin. Cette histoire tient plus de la blague que de la nouvelle, seule la réplique ‘longue’ lui permet de se distinguer et lui donner un aspect plus littéraire (malheureusement, en goûte encore au sempiternel ‘résumé des évènements’, sans plus de vie). Sur le fond, le coup du patient atteint d’Alzheimer qui raconte par accident - enfin, est-ce vraiment un accident ? - un gros secret de famille, je dois dire que ça ne pas trop surpris. Le dialogue lui-même est plausible, avec cette alternance entre confusion complète et moment de clarté, courant et déstabilisant, lors de cette maladie. Ce texte ne m’a pas ému, ni fait rire, ni fait réfléchir, ni rien en fait, c’est bien son problème, la substance n’est pas là. Donc, maintenant, j’aimerais voir l’auteur écrire une histoire, l’écriture est là…

   thierry   
16/10/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
Plutôt qu'un texte littéraire, on a une blague Carambar. Même si c'est facile, il y a toujours un petit sourire à la fin et on se dit "faudra que je la ressorte".

Donc peu importe l'incohérence d'une attitude de vieille folle d'un côté et d'un récit sentimentalo-romano-photoesque construit de l'autre. On passe.

Peut-être qu'en prenant son temps pour décrire, raconter, l'auteur pourrait installer une véritable histoire, établir une situation vraisemblable, laisser venir une montée en puissance qui trouverait une jolie chute, même attendue.

Comme toutes les blagues Carambar on oublie vite, justement.


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