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Sentimental/Romanesque
bluejam : Les retrouvailles
 Publié le 09/09/09  -  10 commentaires  -  4574 caractères  -  137 lectures    Autres textes du même auteur

"Il reste une rancœur subtile
Qui gâcherait l'instant fragile
De nos retrouvailles"

Christophe, Les mots bleus, paroles de Jean-Michel Jarre


Les retrouvailles


Nous avions loué la chambre pour une heure. Pas une de plus. Le patron avait été très clair sur ce point. Le doigt pointé sur sa montre. One hour only. Understand ? Je comprenais très bien. Il n'y avait pas de petit profit.

La chambre était sordide. Comme prévu. Une poussière ancestrale recouvrait les rares meubles disposés dans la pièce. Une chaise déglinguée près de la porte, un trépied en guise de table de nuit, trois étagères menaçant de se décrocher à tout moment du mur craquelé. La teinte d’origine de la moquette demeurait un mystère.


L'air poisseux se figeait sur ma peau comme un parasite. En voulant ouvrir la fenêtre je découvris qu’elle était dépourvue de poignée. Un ventilateur brinqueballait en sursis accroché au plafond grisâtre. Seul le drap froissé et presque blanc semblait décent au milieu de toute cette crasse.

Elle s'éclipsa dans la salle de bain. À travers le léger entrebâillement de la porte, j’ai pu apercevoir sa robe d’été écrue tomber sur le sol, découvrant son corps diaphane, le clair de lune de mes nuits révolues.


Je déboutonnai ma chemise. Aérer mon corps bouillant, me préparer à son retour.

En bas, la rue grouillait, la foule se bousculait, dans un ballet de tenues chamarrées, insensible à la moiteur insoutenable de ce pays. Les cris des marchands, le caquètement des poules encagées, les vendeurs de soie apostrophant les badauds, les jeunes fils apportant le thé à la menthe sur des plateaux mordorés.


Elle sortit de la salle de bain à petits pas de félin. En la voyant là, nue devant moi, des vagues de souvenirs se brisèrent sur mon âme sablonneuse, le reflux des émotions me fit vaciller et pendant un instant j’ai cru que j’allais finir étalé dans ce flot d’écume mélancolique.

Le passé se télescopait avec le présent en un moment hybride, estompant les limites du temps. L’univers venait de se froisser comme une simple feuille de papier qu’on aurait chiffonnée en boule. Tant de choses avaient changé. Toutes ces années étaient-elles réellement passées si vite ?


Elle s’avança vers moi, ses petits seins ronds vulnérables. Ma bouche avait navigué sur ces deux îlots lactescents. Les nuits de tempête, les jours de bonace. Ma langue tournoyé sur ces aréoles havanes, mes lèvres mouillé ces mamelons érigés.


Elle était près de moi maintenant, plus près que jamais, depuis longtemps. Elle posa une main sur mon torse, mes yeux ne pouvaient se détacher de son regard vert amande, un peu étincelant, un peu affolé. Nos lèvres s’effleurèrent, maladroitement, l’assurance d’antan nous avait désertés. Un baiser lent, suave, comme une première fois, avec en plus le petit goût de ce boukha avalé en vitesse tout à l’heure et qui se remémorait à nous.

Je ne savais plus vraiment si j’avais envie d'elle. Cet instant devenait flou. Nous étions hors du temps. J‘avais la possibilité d’apprivoiser enfin le passé, de m’extraire de ce présent et surtout de renoncer à l’avenir.

Elle recula et s'allongea sur le lit. Elle fit glisser sa main vers son ventre et commença à se caresser. Sa toison flavescente ressemblait à de la paille séchée au soleil de Provence. Elle ondula, gémit et le sommier grinça.

Je m’assis au bord du lit. Elle se releva, se colla à moi et m’ôta ma chemise. Je sentis sa poitrine se presser contre mon dos, ses bras se serrer autour de mon buste, son souffle dans mon cou.

Elle me susurra quelques mots que je ne compris pas. Elle se détacha de moi et retomba sur le lit. Je m'allongeai à ses côtés et l'enlaçai. Fort. Aussi fort que je pouvais. À la limite de la douleur. Nous restâmes ainsi, immobiles, collés l'un à l'autre. Ne plus penser à rien. Juste le clac-clac du ventilateur, les bouffées d’air presque imperceptibles venant effleurer nos peaux moites, agonisantes, les vibrations de la ville au travers de la fenêtre condamnée. Le temps s'écoula ainsi dans nos veines comme un poison.


On tambourina à la porte. Out ! Out ! Time is up ! C'était le taulier. Ponctuel. Vénal.

Nous nous rhabillâmes en hâte. Dans le couloir, les prochains clients attendaient déjà, une pointe d'affolement dans leurs yeux.


Dehors, la torpeur de ce mois d’août étouffa mes rêves. Le brouhaha de la cité m'abasourdit d’un coup. Je compris que je touchais la fin de quelque chose, une petite mort se préparait en moi, une sorte de répétition pour le grand soir.


Elle m’embrassa sur la joue avant de partir. À la prochaine me dit-elle en se retournant une dernière fois avant de disparaître dans la cohue du marché.


De quelle prochaine fois parlait-elle ?


 
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   jaimme   
9/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Une écriture qui sert l'histoire. Mais d'histoire il y a peu.
Une atmosphère. Deux corps qui se retrouvent partiellement. Deux passés, peu d'avenir.
Bon là je dois avoir le cafard, pff.
Je retiendrai donc l'écriture et ses qualités, quelques tournures qui m'ont froissé. Mais dans ces draps je n'aurais envie que de me coller, c'est vrai, sans plus, contre un corps.
Une petite mort, mais qui n'en fut pas une pour moi.

Des mots bleus, non, je n'en ai pas trouvés. cette femme n'a pas d'existence, juste diaphane. C'était dit, d'ailleurs.

   Anonyme   
12/9/2009
Bonjour,

une chaleur oppressante bien rendue, qui engourdit les corps et les coeurs à l'évidence, quand la torpeur contrarie les amours passées... Il n'a pas l'air bien enthousiaste ce garçon, si peu d'ailleurs qu'on se demande un peu ce qu'il fait là... les choses semblent perdues d'avance, alors on se demande le pourquoi de cette chambre louée ? s'assurer qu'il n'y a rien à sauver ?... ça m'a laissé un peu perplexe, avec un goût d'inachevé.
L'écriture est sobre et efficace, avec de vrais moments de poésie et d'autres, moins réussis à mon sens.
"pas une de plus", à mon avis, il fallait ajouter minute ou seconde : "pas une minute de plus" car quand on loue pour une heure, on se doute bien qu'on en n'aura pas une deuxième.
elle se releva / se redressa me semble plus juste.
J'ai un problème aussi avec cette phrase :
"Ma langue tournoyé sur ces aréoles havanes, mes lèvres mouillées ces mamelons érigés."
si la suppression de l'auxiliaire est volontaire, alors mouillées devrait s'écrire mouillé sans accord.
Après, pour être très franc, je ne sais pas si l'impression un peu désabusée et lasse que je ressens vient d'un défaut dans l'histoire ou au contraire de son efficacité...
Voilà pourquoi je ne noterai pas pour l'instant.
Bonne continuation.

   Farfalino   
9/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Un texte tout en sensualité. Une belle et chaude ambiance est décrite.

Par contre, comme il n'y a aucun contexte décrit, je suis un peu frustré de ne pas en savoir plus. L'un comme l'autre ne dont que des corps impuissants, distants même s'ils se touchent. Deux amants ? Deux amantes ? Une prostituée et son client ?

   florilange   
10/9/2009
 a aimé ce texte 
Pas
D'abord, j'ai été séduite par la description de la chambre & de l'ambiance. Ça commençait bien. Donc, je suis entrée, m'attendant à... Je ne sais pas à quoi je m'attendais, à 1 histoire sans doute.
Alors, j'ai été déçue, parce qu'il ne se passe rien & qu'on ne sait rien des 2 personnes qui se rencontrent, pourquoi elles sont là. Apparemment, elles se sont déjà connues mais où, pourquoi? On reste en suspens. Et le style aussi change, il est tout à coup + banal, moins vivant.
Florilange.
PS : qui se remémorait à nous : faudrait trouver quelque chose de + léger, + correct, + joli.
À une prochaine fois,
Flo.

   ANIMAL   
10/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Une ambiance superbe... mais l'histoire me donne l'impression d'être tronquée. Il me semble lire un extrait d'un texte plus complet et j'aurais aimé en savoir beaucoup plus.

Cela peut se passer en Inde, en Afrique du Nord... (le boukha est une eau de vie de figue). A quelle époque ? Qui sont ces deux amants, se sont-ils aimés dans une vie antérieure ? (c'est ce que je ressens à la lecture)

Enfin, beaucoup de questions pour peu de réponses alors qu'il y a sans conteste des saveurs et de la poésie dans cette nouvelle.

Un potentiel à exploiter de façon plus approfondie pour le plaisir d'une lecture exotique.

   Anonyme   
11/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une écriture d'une concision et d'une élégance qui se notent. On pourrait demander à bluejam d'en raconter davantage. Mais quoi ? Entrer dans le détail de la scène ? C'est envisageable mais d'une part pas ici, sur Oniris, d'autre part ce serait casser l'imaginaire. Car la particularité de cette écriture c'est de savoir ne pas dire, c'est suggérer à peine, c'est flirter avec l'indécence en prenant garde de ne pas s'en approcher. Moi j'aurais aimé plus de mélange linguistique, plus de parfums d'Asie, j'aurais aimé qu'on le décrive, lui, comme on pouvait lire ses seins juvéniles à elle, ses jambes.

La scène unique presque immobile, c'est presque un tableau, est une scène de nu. Je la trouve crue et impressionnante, je la trouve aussi très écrite :
"Elle recula et s'allongea sur le lit. Elle fit glisser sa main vers son ventre et commença à se caresser. Sa toison flavescente ressemblait à de la paille séchée au soleil de Provence. Elle ondula, gémit et le sommier grinça."
Pas un mot de trop, rien qui dépasse. Une sylphide nue et qui brille comme un soleil. L'effet est remarquable.

J'ai vu l'or et le bleu, la poussière et la nudité d'un lieu.

"L'air poisseux se figeait sur ma peau comme un parasite. En voulant ouvrir la fenêtre je découvris qu’elle était dépourvue de poignée. Un ventilateur brinqueballait en sursis accroché au plafond grisâtre. Seul le drap froissé et presque blanc semblait décent au milieu de toute cette crasse."

J'ai vu ce personnage décalé, dégingandé, presque cynique, un jeu de séduction :

"De quelle prochaine fois parlait-elle ?"

Et ce regard très personnel sur de pauvres orgasmes immobiles, comme des lendemains de cuite.

Edit : bluejam ayant demandé une correction post correction j'ai dû modifié mon commentaire concernant son phrasé.

   Selenim   
10/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un sympathique texte d'ambiance.
L'écriture est travaillé dans l'ensemble et la plupart des phrases font mouche. On reste spectateur de ce tango chronométré.

J'ai surtout tiqué sur certaines phrases qui font tache au milieu du reste. La plus gratinée selon moi, si empesée après les délicatesses qui l'ont précédée : En la voyant là, nue devant moi, des vagues de souvenirs se brisèrent sur mon âme sablonneuse, le reflux des émotions me fit vaciller et pendant un instant j’ai cru que j’allais finir étalé dans ce flot d’écume mélancolique.

   costic   
12/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte qui me conforte dans ma haine des retrouvailles tristes. La scène me parait très bien décrite, l'ambiance sordide nous prend dès le début. La moiteur de l'air accompagne parfaitement l'amollissement, l'apathie d'un contact épuisé. C'est sombre et réaliste. tout semble tari, on devine que la source de leur amour passée est loin, perdue. J'aurais bien imaginé une grande respiration à la sortie, en plus de ce questionement un peu inutile et formel.

   Coline-Dé   
26/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Coincé sur " ma langue tournoyé, mes lèvres mouillé" (pour la désinvolture avec laquelle tu traites ces formes verbales ...)
*sur les "petits pas de félin"
*et surtout sur " elle ondula, gémit et le sommier grinça"
( comme figure obligée : une femme ne peut se masturber sans onduler et gémir ! Je pardonne au sommier de grincer vu l'environnement sordide !)
En revanche, j'ai beaucoup aimé l'atmosphère poisseuse et mélancolique, avec ce brin d'incertitude sur ce qui est encore possible... ou non.
J'aime que tu n'expliques pas ce qui s'est passé avant : ni l'auteur ni le lecteur ne sont en position de Deus ex machina, et c'est très agréable, du coup on se concentre sur ce qui se passe et tout l'intérêt est la façon dont c'est raconté. Ici, l'adéquation entre le fond et la forme me parait très bien, une jolie simplicité sans fadeur ( excepté les deux clichés au dessus)
Et j'ai aimé la chute : une expression toute faite entendue au pied de la lettre
Et j'ai aimé la chute : cette façon de

   Anonyme   
13/1/2013
Un texte très beau que je me garderai de noter. Une plume maîtrisée et enchanteresse, l'écriture pousse l'intime dans ses retranchements. Une heure dans un endroit qui pourrait sembler triste, pourtant, c'est l'heure inoubliable, l'heure merveilleuse. Ce texte, c'est le tourbillon de la vie, c'est Jeanne Moreau accompagnée à la guitare. C'est Les mots bleus aussi. Je ne note pas, je dis juste à quel point et c'est bien au-delà de la notion de plaisir, j'aime ce brin d'histoire. C'est ça une nouvelle : une chambre, une heure et ce qui était prévu n'arrive pas. En une heure le passé, le présent se rencontrent, chaque mot ici a quelque chose à dire, je demande ça à l'écriture, d'avoir un truc à dire, d'être belle et de respecter les règles de l'art.

bluejam, si tu passes par là mais j'en doute, je te remercie :)


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