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Aventure/Epopée
calouet : Les folles aventures du général Potame (5)
 Publié le 07/03/08  -  2 commentaires  -  13035 caractères  -  4 lectures    Autres textes du même auteur

Chapitre IV en intégralité, sur l'atroce maladie de Major. C'est pas rien...


Les folles aventures du général Potame (5)


Chapitre IV


L’atroce maladie de Major



Et le Général attendait sur son pneu, mâchouillant sans conviction les quelques vivres que lui lançaient les gens d’en bas, ravis de la soirée que leur offrait le Baron… En réalité, il pouvait toujours attendre (expression hautement adaptable, puisque vraie en toute circonstance : on peut toujours attendre)… Voici pourquoi :


Tiraillé, souillé de multiples déferlantes intestines, auxquelles venaient souvent s’ajouter les éructations nauséabondes de quelques-uns de ces cols blancs que les opposants du MALE n’hésitaient pas à parachuter au sein de ses services, le SLIP n’était plus que l’ombre de la glorieuse communauté intellectuelle qu’il avait été par le passé, ainsi éclaboussé de l’opprobre de ceux qui pensaient pouvoir en tirer les galons de l’extérieur. L’éclat d’antan ayant disparu, l’efficacité du SLIP ne tenait plus qu’à une ficelle, constituée des âmes pures et besogneuses de quelques-uns de ses membres… Sergent Major, à n’en pas douter, était de ceux-là. Fermement agrippé à son poste de charnière, tel un indécramponnable morpion, il ne ménageait ni sa peine, ni sa fierté pour mener à bien les missions parfois périlleuses, toujours ingrates qui atterrissaient sur son bureau sous la forme généralement admise et usitée d’innocentes statuettes en papier mâché, de style postcolonial, qu’il ne lui restait plus ensuite qu’à décompacter : il était heureusement équipé à cet effet, et ce depuis deux ans, d’une décompacteuse bubonique à diffraction subversive, qui lui évitait la fastidieuse corvée du décompactage manuel au bec Bunsen… Ensuite, ne restait plus qu’à dissocier quantitativement les composants, trier les particules élémentaires selon l’échelle corrigée de Kürt, reconstituer l’empreinte génétique des arbres abattus au moyen de l’abaque de Francès, et enfin décrypter lettre par lettre le message initialement camouflé au sein de la structure de la statuette, l’œil gauche collé à une lunette auto-réfractante, tandis que le droit continuait de relire un énième rapport à valider…


Mais l’être humain est une mécanique fragile. Major ne faisait pas exception à cette règle cruelle (cf. le fameux, quoique controversé, rapport d'Alain Proust « Sans entretien régulier, les grosses Allemandes ont le système de refroidissement et la pompe d’alimentation qui merdouillent »)... Ses nerfs, soumis à rude épreuve, tant sa responsabilité et l’atmosphère au sein du SLIP lui pesaient, étaient devenus aussi durs que l’acier, et s’étaient peu à peu rétractés sur eux-mêmes, à tel point que les synapses de certaines parties de son corps n’étaient désormais plus innervées ! Après avoir cru pendant des mois qu’il ne s’agissait là que de la résultante plus ou moins folklorique de sa chute dans le lit asséché de la Loire en soixante-seize, et de la malnutrition planctonique à la Alain Bombarde qui s’ensuivit, les plus grands spécialistes internationaux, devant l’ampleur de sa dégénérescence nerveuse et l’influence galopante du phénomène sur le comportement de Major aboutirent finalement à un tout autre diagnostic : pendulite ! Major était atteint de pendulite ; un mal extrêmement courant sous sa forme bénigne, puisque touchant plus de la moitié de la surpopulation, ainsi pourvue de nerfs peu réactifs aux stimulations temporelles, mais totalement inconsciente de son état.


Dans le cas de Major, le problème était de taille. Quelle taille me direz-vous ? Disons celle d’un terrain de foot, version champions league, soit environ cent mètres par soixante cinq, ce qui nous fait six mille cinq cents mètres carrés, treize milliards de brins d’herbe et pas loin de quatre tonnes et demi de lombrics plus ou moins esquintés par des crampons d’une vingtaine de bourreaux hebdomadaires… Le problème de Major, vous en conviendrez, était donc de taille : là où beaucoup de penduleux ne connaissent que de microcrises de dix ou vingt minutes maximum, chez lui les symptômes pouvaient atteindre des proportions tout à fait incongrues, et on ne peut plus handicapantes au quotidien, dans son travail comme dans sa vie privée. Heureusement, la vie privée de Major était strictement circonscrite aux limites du SLIP, ce second inconvénient n’en étant du coup plus vraiment un, ou du moins se confondait-il avec le premier.


Il me semble opportun de vous rendre ici compte des principales caractéristiques d’une infection pendulique aiguë, mal aussi rare que dramatique. Le patient contaminé voit, comme nous l’avons vu, certaines zones de son anatomie subir une rétractation nerveuse rapide, intense et exponentielle, touchant principalement la boîte crânienne. Ainsi, le cerveau endure-t-il rapidement les affres de la pendulite, et le malade se retrouve alors régulièrement soumis à de violentes crises hallucinatoires au cours desquelles il perd totalement la notion du temps qui passe, d’où le nom de l’infection. Ce point particulier peut certes constituer un avantage relatif lorsqu’on assiste à une pièce de théâtre minable, à un discours lénifiant ou bien lorsqu’on se trouve dans un avion en phase d’écrasement certain ; mais ce n’est hélas pas la règle… Combien de fois le malheureux Major ne s’était-il pas fait casser la gueule à la sortie d’un camping parce qu’il avait monopolisé pendant plus de six heures l’unique cabine téléphonique et que les portables passaient mal ? Combien de soufflés au fromage avait-il ratés ? Combien de gastro-entérites catastrophiques ? Combien d’amis avait-il reçus à l’apéritif sans même s’apercevoir qu’ils étaient déjà repartis depuis plus d’une heure en laissant le bar vide, avec le contenu de son portefeuille en poche et que lui n’avait même pas encore bu une goutte de son premier verre, où les glaçons avaient lamentablement fondu ?… Dramatique, je vous dis…


Face à ce mal terriblement affligeant, le corps médical semblait unanime : ils manquaient de personnel qualifié au sein des hôpitaux et la plupart d’entre eux étaient sous-payés au regard de la charge de travail endurée ! Accessoirement, ils estimaient qu’une solution ad hoc existait contre la pendulite : une greffe d’horloge interne ! Opération ô combien risquée puisque la mise au point des premières horloges biologiques n’en était alors qu’à ses balbutiements et que les seules expérimentations validées l’avaient été sur des rats, des limaces et quelques exemplaires particulièrement vigoureux d’Amiboida amiboïdes, que la taille par trop importante du greffon mécanique avait conduit à une mort brutale par éclatement cellulaire généralisé, sur les coups de midi.


Dans son malheur, Sergent Major avait fort heureusement de la chance, ce qui est assez incongru comme expression, à la hauteur pourquoi pas du très hypocrite et souvent rassurant « mieux vaut une petite travailleuse qu’une grosse fainéante », puisqu’il lui aurait sans doute mieux valu d’avoir un peu de guigne dans son bonheur, un petit nuage dans un ciel globalement bleu plutôt qu’une minable éclaircie perdue au milieu de monceaux de cumulonimbus… Mais personne ne dit jamais ça – de même qu’une grosse travailleuse vaudra toujours mieux que le plus ardent des cure-dents, etc. – nous nous en tiendrons donc à la très politiquement correcte expression sus-citée pour définir l’état de providence en forme de pis-aller de Major… Bref, tandis qu’il planchait sans compter son temps, allongé sur un splendide panneau d’acajou polychrome sur son rapport top secret, dont le nouveau projet d’intitulé (« De l’influence de la malveillance internationale sur le bien-être et l’intégrité psychologique des œufs ») ne lui convenait guère plus que le précédent, la fête battait son plein chez le Baron Dechaise, donc les convives étaient pleins et, justement, l’un d’eux n’allait pas tarder à lui offrir un salut inespéré, devant le reste de l’assistance spongieuse et ébahie…


Un groupe d’une vingtaine d’invités s’était formé au milieu de la salle, se trémoussant de façon plus ou moins esthétique sur les accords métalliques de « J’kiffe ma race quand tu grooves comme aç sur le beat», certains allant même jusqu’à reprendre avec brio la chorégraphie du vidéo-clip, une serviette de table entre les jambes comme dans « Suzon », mais sans serviette… Juste au-dessus d’eux, le Général Potame rongeait silencieusement son frein, ce qui demande une grande souplesse. Un des gorilles venait de lui apprendre (naturellement doué pour les langues, le Général commençait en effet à mieux saisir la teneur des avances libidineuses de celui qui avait initialement entrepris de débarrasser sa moustache postiche d’hypothétiques parasites comestibles) que Gloria d’Entretouffe ne viendrait pas, retenue par une opération escargot à plusieurs dizaines de kilomètres de là.


Comprenant qu’il aurait peut-être dû répondre au téléphone, que Colombine – le chat des voisins, pour mémoire – n’avait sans doute subi aucuns sévices corporels, et imaginant déjà sa tigresse d’ex-épouse ensevelie sous des hectolitres de bave de routier, le Général tentait tant bien que mal de descendre du pneu suspendu, afin d’éviter de passer à la casserole, ou plutôt au manche.


Mais revenons-en aux danseurs ; parmi eux, un homme râblé et barbu (un lutin, donc) se démenait avec une aisance toute particulière, une vista rare et majestueuse. Peu à peu, un cercle d’admirateurs moins doués que lui (et se sentant donc à juste titre un tantinet ridicules) s’était formé autour de son ahurissante représentation, le regardant jackyment (équivalent de « benoîtement » lorsque les gens ont plus une tête de Jacky que de Benoît) enchaîner une série de voltes alsaciennes semi-groupées, sur une seule jambe, orteils du pied gauche tendus vers les cieux et bras judicieusement croisés à la malgache derrière la partie la plus septentrionale de l’occiput. Bref, le gnome enflammait le dance-floor, il assurait grave, il tripait comme une bête.


Le Baron Dechaise lui, sûr de son charme, était confortablement installé au centre d’une ribambelle de groupies de la haute bourgeoisie désœuvrées, frustrées ou ruinées. Il contemplait avec un subtil mélange de ravissement et de curiosité le spectacle du virevoltant modèle réduit… Les intrigantes l’entourant, complètement saoules pour la plupart, se comportaient comme des débutantes en fin de bal (comme des quasi-putes, donc). Cette concentration hormonale avait rapidement eu pour effet de former un autre cercle plus grand, majoritairement masculin, autour du harem improvisé… Ainsi, la réception ressemblait de plus en plus à un assemblage de poupées russes ovoïdes et gigantesques, aux anneaux olympiques en moins symbolique, aux traces à peu près concentriques qu’auraient pu laisser des soucoupes volantes en plein salon ou encore à la furieuse création de quelque architecte fou et passionné d’homothéties travaillant avec du matériel humain. Bref, ça ne ressemblait pas à grand-chose… Et le danseur barbu continuait d’enflammer la piste, surveillé du coin de l’œil par le Baron. Il me semble opportun ici de vous préciser que le Baron avait, entre autres particularités, des orbites carrées ; ce qui lui donnait de faux airs de machine à sous facile certains soirs de pleine lune, ou bien amenait les êtres les plus crédules à croire qu’il portait en permanence les lunettes tridimensionnelles rouges et bleues requises pour profiter de façon optimale d’une éventuelle projection surprise du film « L’étrange créature du Lac Noir »…


- Mais… qui est donc ce bondissant personnage ?…

- Mmmmblrp… dit goulûment la veuve Poignais, qui était justement accroupie face au Baron.

- Il s’agit d’un certain Stakhanov, Baron… dit une autre nymphomane d’un air dédaigneux… Il paraît qu’il travaille comme un chien. Ce doit être dégoûtant… (ses yeux brillaient d’excitation, je vous laisse imaginer la chose), mais je vais vous faire oublier cela, en vous récitant un merveilleux poème de ma création…

- Euh… bien… Argl !… Brôôôooooo… Je… vous écoute Comtesse, dit finalement le Baron en se redressant.


L’aède autoproclamé entama alors son récital, qui ressemblait plus à une improvisation avinée sur fond de medley des œuvres poussiéreuses d’Yves Dutilleul qu’à de l’art, mais ne put heureusement mener sa laborieuse initiative à terme, tant les applaudissements soulevés par le formidable Stakhanov étaient bruyants. Vexée, la pimbêche finit par stopper net en plein récit (réflexe pour le moins altruiste, qui la différencie clairement de l’éreintant Dutilleul), et entreprit selon l’expression consacrée de chier une pendule sur place.

C’est à peu près à ce moment-là que le Général parvint à les rejoindre, en sautant les quatre mètres le séparant du sol avec l’agilité d’une tanche asthmatique.


- Barooon !!! Aie !… Je… Laissez-moi faire, je suis plombier. Dit-il avec un aplomb remarquable, tout en se dirigeant prestement vers la malheureuse poétesse, du corps de laquelle commençait à poindre le chapiteau suintant d’une fort belle comtoise en hêtre patiné.



 
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   David   
7/3/2008
Bonjour Calouet,

C'est tordant à lire mais je vais pas prendre des notes pour suivre l'histoire. Je pense que c'est la parution en épisodes qui gène un peu, ça doit gagner à être lu d'un coup (mince c'est pas une critique constructive ça). J'ai bien aimé, je viendrais lire la suite.

   Maëlle   
12/6/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
Et alors, et alors, et alors? On manque le meilleur, là, non? Ca donne l'impression d'un prologue à un truc extraordinaire, sauf que le truc en question n'arrive pas...


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