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Humour/Détente
clodius : Le révolté de l'écrit
 Publié le 28/07/15  -  8 commentaires  -  9266 caractères  -  134 lectures    Autres textes du même auteur

Un personnage qui se révolte, une nouvelle qui tourne à l'auto-dérision.


Le révolté de l'écrit


Robert était fatigué. Il avait roulé toute la nuit et l’aube commençait à blanchir l’horizon triste et uniforme. Il allait rejoindre son nouveau secteur. Comme il vivait seul depuis bientôt trois ans, sans attaches, il avait accepté cette mobilité accompagnée d’une augmentation de salaire substantielle. Il était représentant de commerce dans l’électroménager ou plutôt « commercial » comme si un simple adjectif pouvait définir un homme… La petite quarantaine, le front dégarni et le costume trois pièces défraîchi, il regardait défiler les lignes blanches de la route avalée par son Audi vieillissante… Le raccourci qu’on lui avait indiqué devrait se trouver par là dans le bosquet qui se rapprochait comme agrafé au bas-côté.

Les phares encore allumés illuminèrent les deux bornes réfléchissantes placées à l’entrée d’une étroite route qui s’engageait à angle droit sous les frondaisons. Lorsque la voiture pénétra dans le bois, l’humidité de la nuit remontait du sol pour former une brume que les phares avaient du mal à percer. Les troncs noirs délimitaient le passage ouvert entre les arbres. Robert dut ralentir son allure sur le revêtement dégradé parsemé de nids-de-poule. L’automobile accéléra néanmoins faisant gémir ses suspensions et soulevant les feuilles mortes en un nuage lourd et humide qui retombait rapidement sur l’asphalte gris. Le conducteur réprima un frisson et augmenta le volume de sa radio. La lueur verdâtre des compteurs éclairait faiblement son visage pâle et fatigué.


– Bon sang, j’espère que ça me rapproche vraiment. J’ai pas envie de me perdre ici ! énonça-t-il à voix haute, comme pour tromper sa solitude.


Il entendit à peine sont téléphone mobile, accroché sur le tableau de bord, émettre le bruit caractéristique « batterie faible ».


– Et merde manquerait plus que ça ! marmonna-t-il


Cramponné à son volant, il était concentré sur les arbres qui défilaient, essayant de maîtriser les embardées et soubresauts de la voiture, évitant les trous les plus gros.

Au lieu de s’éclaircir, le bosquet qu’il avait observé en s’engageant dans le raccourci semblait s’épaissir, devenant une véritable forêt dense et quasi primaire. Les branches d’arbres se penchaient vers la route qui perdait de plus en plus son revêtement, se transformant en terre battue couverte de gravillons. Deux ornières commençaient à se former. D’épaisses touffes d’herbe colonisaient le terre-plein central, se courbant au passage de l’engin.

La route s’élargit tout à coup. La voiture traversa en trombe une clairière. Les rayons du soleil levant étiraient des ombres mouvantes qui zébraient la route, faisant naître des persiennes lumineuses qui absorbaient la lumière des phares toujours allumés. Ce qui était devenu un chemin reprenait sa course à l’autre extrémité. Le sol devenu bourbeux se déroba sous les roues. L’Audi se mit à patiner et à chasser tandis que les branches des zigounettes cendrées ployaient vers l’engin motorisé, tendant leurs petites ventouses vers les vitres sales.


– N’importe quoi !

– … ?


L’automobile pila dans une gerbe de boue et repartit en marche arrière pour s’immobiliser au milieu de la clairière.


– Mais… ?

– Oui n’importe quoi. Des zigounettes cendrées ! On atteint des sommets là.

– C’est toi… Robert ? Tu parles seul maintenant ?

– Ben oui ça dépasse les bornes là. C’est le sommet du ridicule !

– Mais enfin, je ne t’ai pas donné la parole et c’est moi qui décide de ce qui doit arriver, de ce que tu dois dire !

– Oui bon on va le savoir ! Mais déjà hein ? Déjà être affublé de ce prénom ridicule, hein, c’est déjà dur…

– Ridicule ? Mais c’est un beau prénom, c’est celui de mon meilleur ami…

– Ça ne m’étonne pas.

– Comment mais c’est une révolte ?

– Non sire, une révolution !

– … ?

– Bon visiblement tu ne connais pas tes classiques ! Tu parles d’un auteur…

– Bon maintenant ça suffit ! C’est quand même moi qui écris ! C’est moi qui tiens le stylo non ?

– Non.

– Comment ça non ?

– Tu tapes sur un clavier.

– Oui bon c’est une expression. Monsieur veut me donner des leçons de culture mais monsieur ne comprend pas les images poétiques…

– Poétique ça ? Alors là c’est du très lourd !

– Oh puis ça suffit, depuis quand je discute avec ma création moi ? Je deviens fou !

– Fou ! C’est le mot que je cherchais. Puis de toutes façons personne les lit tes nouvelles. T’es mauvais, t’es mauvais ! t’es un « schpountz » t’es même pas bon à rien, t’es mauvais en tout !

– Mais c’est totalement faux ! Elles sont lues mes nouvelles. Elles n’ont peut-être pas été beaucoup primées, mais tout le monde peut les lire sur Internet…

– Tu m’étonnes ! Sur le site que tu as créé toi-même, parce que s’il fallait attendre un éditeur… Et puis ton sujet, là c’est du recuit. Tu crois que le coup du raccourci n’a jamais été fait peut-être ? « Les envahisseurs » ça te parle ?

– Tu crois que c’est facile de faire original ? La critique est aisée n’est-ce-pas ? Pour toi qui aimes les citations… Je voulais rendre un hommage à Stéphane Roi, c’est tout.

– Qui ?

– Stéphane Roi… Oh oui Stephen King si tu préfères. Je suis un auteur français et fier de l’être figure-toi. Jamais aucun anglicisme dans mes œuvres.

– Stephen King, rien que ça ! C’est pathétique oh et puis t’es lourd avec tes descriptions qui n’en finissent pas. Au bout de trente lignes, t’avais juste réussi à allumer la radio et planter la bagnole dans la boue au fond d’une clairière. Pour le suspense, c’est pas gagné.

– Tu exagères, je t’ai décrit, situé le contexte, placé l’action et commencé à faire monter la pression…

– Puis mon personnage ! J’en ai marre de toujours jouer des handicapés de la vie, moches, ridicules, dépressifs… Au moins les personnages de M. King ont de l’allure, de la présence...

– Comment peux-tu comparer, ses récits se passent toujours aux États-Unis. Il y a une autre dimension. Puis je n’ai jamais dit que tu étais dépressif.

– Peut-être mais je sens que la dépression arrive. Quand on te lit on a juste envie de pleurer.

– Décidément tu me déplais de plus en plus. Ça ne va pas tarder, je vais te rayer de mes personnages, t’auras plus de boulot et ça sera bien fait !


Robert sortit de la voiture et claqua la portière rageusement, le regard sombre.


– Tiens j’avais oublié que tu étais toujours dans l’Audi.

– Eh bien voilà c’est comme d’habitude, tu perds toi-même le fil de l’histoire et après c’est moi qui dois assurer et rattraper le coup.

– T’en fais un peu trop non ? Tu ne peux prendre aucune initiative et je ne vois pas comment tu peux rattraper quoi que ce soit. C’est moi qui te récupère en seconde lecture et puis c’est tout.

– Oui bon, admettons. N’empêche qu’avec cette histoire, t’es mal barré et je refuse de continuer une nouvelle aussi niaise.

– (Soupir) Qu’est-ce que tu attends de moi ?

– Ben je sais pas moi déjà je pourrais être plus « aimable », plus beau, plus fort, pour une fois… et puis relis-toi et surtout trouve quelque chose d’original. Du suspense, des surprises, des retournements de situation.

– Hum je vois ce que c’est. Je te mets des cheveux gominés, des lunettes noires, une guitare électrique en bandoulière, et un P38 dans ta poche revolver ça va mieux ?

– Houch ! Aïe ! Mais, mais ?


À ce moment-là une nuée de volatiles ressemblant à des pigeons, mais dotés de serres et d’un dard effilé se jetèrent sur le malheureux qui n’eut d’autre alternative que de rouler sous la voiture, dans la boue. Robert, effaré, entendit le moteur de l’Audi se mettre en route. La première s’enclencha. Le gargouillis du V8 devint un rugissement et les roues propulsèrent la voiture en dérapant. Elle bondit en avant et disparut entre les tentacules des zigounettes cendrées.


– Christine, reviens ! hurla le pauvre Robert soudain à découvert.


Les herbes de la clairière avaient un aspect visqueux qui ne le rassurait pas du tout. Tout en essayant de chasser les oiseaux voraces, il s’aperçut que le tapis herbeux paraissait se mouvoir lentement et s’agglutiner autour de lui. Une chose qui ressemblait à un sanglier sans poils passa en trombe, piétinant une partie des herbes qui crachèrent une substance noire en gémissant de douleur.

Le commercial tenta de s’enfuir en direction de la route. Les filaments verts qui recouvraient le sol se nouèrent immédiatement autour de ses chevilles et il chuta lourdement, à demi inconscient.

Robert ne trouva jamais l’issue du raccourci et son secteur fut attribué à Gérard, son meilleur ennemi dans la boîte.


– Et voilà comme ça tu vois qui tient le stylo…


À ce moment-là une faible voix s’éleva d’un tas immonde fait de filaments verts et de viande hachée.


– Salaud ! toujours aussi nul…

– Ah ! ah !… Mais que se passe-t-il ? Qu’est-ce que je sens ?


Une odeur de brûlé se dégageait du boîtier de l’ordinateur et un nuage de fumée l’enveloppa, se répandit dans le bureau. La flèche de la souris se déplaça fébrilement vers l’icône de la disquette, le manqua, revint dessus. Lorsque le « clic » du bouton se fit entendre, un tout petit éclair illumina la carte-mère puis tout s’arrêta. Seul l’écran noir gardait son voyant bleu allumé, à peine visible dans le brouillard malodorant. Un cri de rage retentit qui s’acheva dans une toux rauque et sifflante.


 
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   in-flight   
16/7/2015
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour,

C'est un délire qui aurait pu être sympathique mais... je ne me suis pas attaché à grand chose dans cette nouvelle. Je l'aimais bien moi ce Robert paumé dans la forêt, je m'attendais à un truc surnaturel et puis non ça vire au dialogue entre l'auteur et ses personnages. Désolé Christine mais je n'adhère pas à la tournure que prend votre nouvelle, je me suis senti complètement écarté de l'histoire. Je vous regardais discuter avec Robert sans trop comprendre votre intention. La chute? Oui, c'est tout de même assez simplet.

Quelques remarques:

Le raccourci qu’on lui avait indiqué devrait --> je mettrais plutôt le verbe "devoir" à l'imparfait

"Il entendit à peine sont téléphone mobile" --> son

"vers la route qui perdait de plus en plus son revêtement," --> pas très heureux. On pourrait avoir " vers la route dont le revêtement se dégradait"

" les branches des zigounettes cendrées" --> qu'est ce que c'est? Bon en même temps on est dans l'humour / détente...

Monsieur ne comprends pas les images poétiques --> comprend

Stéphane Roi ---> Aïe !

Robert sortit de la voiture et claqua la portière rageusement, le regard sombre.--> Sachant que le premier narrateur parle avec son héros, du coup il y a un second narrateur? Comment ça se passe?

Seul l’écran noir gardait sont voyant bleu allumé, --> son

   Mauron   
29/7/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Il faut que vous (re) lisiez séance tenante Jacques le Fataliste de Diderot, un régal de dialogues entre un auteur-narrateur encombrant et... non pas ses personnages mais ses lecteurs. J'ai toujours aimé ces fictions qui "débordent", qui "dérapent", comme votre vieille Audi (d'ailleurs j'aurais choisi une autre marque de bagnole, plus poétique, si j'avais été à votre place)... Bon, la fin manque de force selon moi parce qu'on ne comprend pas bien comment le personnage fait pour saboter l'ordinateur depuis son trou, il faudrait une véritable "insurrection" du personnage, se révoltant contre son "créateur". Votre texte est intéressant mais il me semble tout de même inabouti. Le petit auteur qui déplore par nouvelle interposée son manque de talent et de notoriété, c'est un peu un sujet "éculé" selon moi et cela sent la facilité (un peu comme les zigounettes cendrées, mais là, vous avez (bien) traité le sujet. Il faudrait faire un peu pareil pour votre auteur narrateur... Vous amorcez à la fin un dialogue entre le personnage et l'auteur sur les incohérences du récit, cela me semble amusant et pourrait être approfondi et développé. Peut-être le personnage pourrait-il sortir grandi (et non pas seulement détruit) de ce dialogue. Il pourrait s'envisager une autre vie, la réclamer, et la vivre, en décidant de quitter ce pays imaginaire et de prendre la place de lauteur?... Il me semble qu'il y a plein de pistes à suivre (même si votre chemin dans la forêt semble être une angoissante impasse)... Bon courage et bonne suite!

   AlexC   
30/7/2015
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour clodius,

L’idée d’un personnage qui se révolte, fait la guerre à son auteur, chamboule ses aventures n’est pas nouvelle. Votre traitement s’avère, à mon sens, assez superficiel. Vous auriez pu donner plus de panache à vos protagonistes, un duel dans le verbe plutôt que par le verbe. Avec des écritures, ré-écritures successives, des passages toujours plus farfelues, des interventions tarabiscotées. Jouant sur les changements radicaux de scénario, l’ajout de personnages à la volée, bref tout était possible. Une bataille de l’imaginaire qui aurait pu accueillir aussi une joute verbale raffinée.

Ici, vous nous offrez une altercation qui ne me fait personnellement jamais sourire, qui multiplie les clichés et qui n’apporte rien au niveau du style ou des idées. Elle se termine de plus aussi vite qu’elle avait commencé, d’une manière prévisible et pour le moins décevante.

Une parodie de série B ? Je veux bien mais il faudrait alors que cela soit plus tranché, plus gros.

Les meilleurs idées dans nos têtes ne se transforment pas toujours en textes grandioses malheureusement.

Bonne continuation

Alex

   Anonyme   
3/8/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

Une nouvelle surnaturelle et originale très bien écrite.

Pour ma part, il aurait été tout de même plus intéressant d'imaginer notre héros découvrir que sa vie est régie par l'imagination de celui qui écrit, et que tous ses actes ne sont que le fruit de mots saisis sur un écran. D'où le thème sous-jacent du libre-arbitre. Ne pas pouvoir décider de ses actes c'est être prisonnier. C'est être une marionnette, sans esprit ni substance...

Découvrir que notre vie dépend de quelqu'un d'autre et que nous sommes le héros d'une histoire tout droit sortie de l'imagination d'un auteur, doit être la chose la plus effrayante que l'on puisse imaginer. Une discussion entre le marionnettiste et sa marionnette, sur fond de révolte et sur le thème du libre-arbitre, aurait été, à mon sens, encore plus appropriée.

Bien à vous,

Wall-E

   Donaldo75   
11/9/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Salut Clodius,
Je reste mitigé par ce texte. D'un côté, l'idée d'un personnage sorti du stylo de son auteur pour parler avec lui, c'était prometteur. Les dialogues démarrent en fanfare, avec le reproche sur les zigounettes cendrées. Le problème, c'est qu'il y avait de la matière pour un peu plus de profondeur et pas uniquement un échange dialoguée dans la plus pure tradition potache des textes humoristiques mais sans ambition réelle. Les références sont bien cachées et pas forcément très utiles, puisqu'en gros il n'y a pas de volonté affichée de dépasser la grosse rigolade.
C'est dommage. Je m'attendais à autre chose, un décollage verbal ou un délire de l'auteur, un peu comme Jean-Paul Belmondo dans le film "Le Magnifique".
Une autre fois, peut-être.
Merci du partage.
Donald

   Anonyme   
9/10/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Robert...Il aurait pu être attachant mais il lui manque un petit quelque-chose d'indéfinissable qui empêche de le rendre sympathique. En fait c'est très stéréotypé. La description qui "pose le cadre " est longuette. Je comprends soudain que c'est volontaire et me réjouie du dialogue qui s’amorce entre le narrateur et son personnage. L' idée est séduisante malheureusement les échanges sont un peu pauvres et sans reliefs. Cependant j'ai tout de même esquissé un sourire sincère quand la situation vire au surnaturel.

   carbona   
10/10/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

C'est pas mal. Dommage pour le tout dernier paragraphe en fait où là on tombe dans quelque chose qui me plaît moins. On n'est plus dans aucune nouvelle, on est dans un troisième décor, j'aime moins. J'aurais préféré que l'on s'arrête à la mort du personnage dans la nouvelle. C'était une belle fin je trouve.

L'idée est sympathique et j'ai aimé la dose d'auto-dérision qui est bien pesée, bien amenée et appropriée.

Je pense cependant que le texte aurait eu plus de saveur en allégeant un petit peu le tout, en réduisant les phrases, en allant vers encore plus de simplicité.

Merci pour votre texte.

   GillesP   
20/10/2016
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai bien aimé le début de la nouvelle, c'est-à-dire jusqu'au dialogue entre le personnage et son auteur: l'écriture est plutôt élégante, et pourtant on sent bien une certaine distanciation. C'est après que cela se gâte, à mon avis, car le dialogue manque d'originalité et accumule des clichés, au lieu de pousser jusqu'au bout le côté déjanté de la rencontre.


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