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Sentimental/Romanesque
Corentin : Michael
 Publié le 04/07/07  -  4 commentaires  -  55263 caractères  -  20 lectures    Autres textes du même auteur

Jonathan, jeune étudiant en architecture, part travailler pour l’été dans un petit restaurant tenu par la famille d’un ami. Là, il fera connaissance avec les propriétaires et leur unique employé. Un certain Michael.


Michael


J’ouvre les yeux, lentement. Je me réveille, la tête contre la vitre brûlante. Je regarde le paysage défiler. Un bref coup d’œil à ma montre. Combien de temps ai-je dormi ? Encore deux heures dans ce petit train vide, cahotant en plein cagnard… J’aime beaucoup. Ça bouge pas mal mais ça me gêne pas. J’ai soif. Quelle chaleur. Je sue à grosses gouttes. Ma bouteille. Où est-elle ? Là, sous le siège d’en face. Je bois une longue gorgée d’eau gazeuse dégazée et brûlante… Immonde. Un frisson me parcourt le corps. Mais j’ai si soif. Ces vacances me feront du bien… Enfin, c’est pas vraiment des vacances, mais c’est comme ça que je le vois… Parce qu’après 10 mois passés à taffer comme un fou dans cette putain d’école d’archi, ce job imposé par l’équipe « pédagogie-communication » me fera du bien. Je me suis trouvé un petit job, via un pote, dans un petit restaurant en Provence. Rien à voir avec l’archi, je sais, mais un CDD suffisait on m’a dit. Donc voilà… Après 10 mois de boulot, l’idée de travailler dans un resto, c’est reposant en fait, car je sais qu’aucun cours de maths ne m’attend à la descente du train… Que du bonheur… Le paysage se fait de plus en plus aride, avec ses forêts de pins desséchés. Je sue à grosses gouttes. Mon siège en faux cuir est trempé au niveau des jambes. Ça brille de sueur. Je ferme les yeux. Cette chaleur étouffante, écrasante, est en fait délicieuse. Je me rendors, le sourire aux lèvres. Le plaisir rare et fragile de se laisser aller. Fragile car, combien de fois, sachant que j’avais un peu de temps, je me suis mal organisé et j’ai galéré, ne parvenant même pas à profiter de mon temps, et me retrouvant finalement avec trois tonnes de boulot en retard. Enfin. Étrange, ce petit train vide de tout être humain. Marrant. Plaisant. Je peux me lever, faire ce que je veux. Faire le con. Je nettoie la vitre poussiéreuse avec ma sueur. Qui s’évapore instantanément. Il fait si chaud. Mais la fin de journée arrive. Le soleil commence à rougeoyer. La douceur de soirée d’été va arriver. Je me rendors, bercé par les à-coups du wagon.


Le train allait repartir. Je me suis réveillé juste à temps. J’ai pris mon sac, à l’arrache, et j’ai sauté du train. J’ai oublié ma bouteille d’eau. Pas grave. Ce doit être lui, Francis. Je l’ai jamais vu, mais Charles me l’avait bien décrit, semble t-il. La cinquantaine, grande moustache, gros ventre, visage tout rouge. Et avec un polo rouge tout crade. Bravo, Charles, en plein dans le mille. Lui aussi m’a reconnu, peut-être plus parce que je suis le seul passager descendu que grâce à une hypothétique description… Car comment me décrire… Oh, allez, c’est vrai que je suis assez grand, les cheveux longs. Mais bon.


- Alors, c’est toi, Jonathan ? me dit le supposé Francis.

- Oui, vous devez être Francis ?

- Tu peux me tutoyer. Et m’appeler Bob.

-… Bob ?

- Oui je sais, rien à voir avec Francis… Mais ça fait des années que mes vieux potes m’appellent comme ça, z’ont jamais trop voulu me dire pourquoi. Et puis je m’en fous.

- Bah ouais, tant que ça vous… que ça te plaît… Bob.

- Ouaip. Allez on est parti !


Francis prend mon sac et on quitte le quai de cette petite gare paumée. Un pick-up rouge tout déglingué. Francis balance mon sac dans le coffre. On démarre.


-C’est loin ? dis-je.

-Non, pas très, une petite heure.

-Ah… Quand même !

-Woh, ouais. Tout est relatif, lâche Francis, amusé. Alors comme ça tu veux faire cuistot ?

- Nan, c’est pas ça. En fait, Charles a dû vous le dire, je suis en école d’archi. Mais j’adore aussi faire la bouffe. Alors, comme il fallait que je me trouve un job de six semaines, et vu qu’avec seulement une année d’archi j’avais aucune chance de trouver un truc dans ce secteur, bah… Voilà, quoi. C’est un petit resto, hein ?

- Ouais. Y s’appelle le Fin de journée… Mais on fait le petit-dej aussi ! On est que trois cuisiniers, avec toi… C’est un truc simple, tu sais, c’est pour ça que je t’ai pris sans problèmes.

- Cool, ça va être tranquille. Mais je cuisine bien, vous savez.

- On verra ça. Michael est très bon aussi.

- Michael ?

- Le troisième cuisinier… Il a ton âge, je crois. T’as vingt ans, c’est ça ?

- Non, dix-neuf… Mais c’est pareil.

- Ouais. Tu dois être crevé, non ? T’arrives de Lille ?

- Ouais. Ça fait long en train. Mais j’aime bien…


Le pick-up avançait tranquillement. On roulait dans la campagne… C’était peinard. Il commençait à faire plus frais, l’air s’engouffrant dans le pick-up aidant… Je me suis laissé aller, et j’ai dormi. Encore. Faut dire que j’avais à peu près 200 000 heures de sommeil à rattraper de l’année…


- Alors, bien pioncé ? me lance Bob.

- Hein, quoi ? Je me réveille en sursaut… Ah ? Oui, bien dormi… dis-je, esquissant un sourire.


J’attends un peu avant d’ouvrir la porte et de descendre du pick-up. Je savoure l’instant. Le soleil est en train de se coucher. Au loin, les champs sont baignés d’une lueur rougeoyante. Il fait maintenant plus frais. Je descends. Nous sommes garés devant le restaurant. C’est une bâtisse assez imposante, sur la place de ce qui semble être un assez petit village. Paisible. Fin de journée. Bob ne m’a pas menti, son restaurant s’appelle vraiment comme ça. J’aime bien, c’est sympa. Il y a une terrasse assez grande, l’intérieur ne semble pas mal non plus. Quelques clients dînent à l’intérieur, dans une atmosphère tamisée, subtilement éclairée par des bougies…


- Bon, tu viens ? Je vais te présenter aux autres ! me lance Bob, avec mon sac sur l’épaule.

-… J’arrive, dis-je tout bas, lui lançant un regard de confirmation.


Un vent frais balaye la place du village. Des brins d’herbe séchée s’envolent en tourbillonnant. Un chien se ballade tranquillement. Une très jolie femme sort par la porte du restaurant qui donne sur la terrasse et va à la rencontre de Bob. Ils s’étreignent brièvement et se tournent vers moi… Je reste bouche bée devant la beauté de cette femme.


- Gamin, je te présente Isabelle, ma femme !


Wow. Intimidé par une telle beauté, je m’avance vers eux, lentement. Isabelle doit avoir la trentaine… Elle me prend déjà dans ses bras et me fait la bise. Charles m’avait bien dit que je serai bien traité.


- Tu peux m’appeler Isa, si tu veux. Et toi, alors, c’est quoi ?

- Jonathan. Tu peux m’appeler Jojo, dis-je, du tac au tac.


Ils ont l’air si gentil. Il faut bien se lancer.


Un énorme labrador surgit alors du restaurant, et, après un long dérapage pas franchement contrôlé, se jette sur Bob.


- Ah, Jojo, je te présente Hugo, notre chien ! Il est adorable, tu vas voir ! dit Bob.

- J’adore les chiens ! Alors, Hugo, ça va mon gros ? Oh bah oui, t’es un beau chien, hein ! dis-je avec un large sourire, caressant l’énorme bête essoufflée par tant d’émotions.

- Bon, allez, à table ! Tu dois crever de faim !… Non, pas toi, Hugo, t’as déjà bouffé ! dit Bob, mort de rire.


Bob et Isa disparaissent déjà dans la pénombre de la grande salle à manger. « C’est un petit truc, tu vas voir… » Ouais, petit, c’est vite dit… C’est grand, ouais ! Et Isa… Cheveux bruns mi courts, grands yeux bleus azurés, visage d’ange… Bon, faut pas faire le con. C’est pas paske Charline m’a plaqué que je dois faire le con. Je crève de peur que ce soit réellement fini entre elle et moi. Je suis fou d’elle… Je ne dois pas y penser, j’espère que cette séparation n’est que temporaire… Sinon…

- Mais oui, t’es un bon chien, Hugo. Fais gaffe, tu vas me faire tomber, tout doux ! dis-je à Hugo…

- Bon, tu viens ? me souffle Isa à l’oreille…


Grand frisson… Ce visage, magnifique, à quelques centimètres de moi, sur mon épaule… J’en ai le souffle coupé…


- Euh… Oui… murmuré-je, intimidé.


Isa est déjà repartie. Je la suis, me faufile entre les tables, l’observe. Elle est habillée avec une mini-jupe et un tailleur sublimes. Ne pas jouer au con, surtout. Quelles jambes. Putain ! Je dois arrêter ça tout de suite. Je rejoins Bob et Isa à leur table, dans une jolie petite cour de gravier avec quelques arbres.


- Sympa, non, cette cour ? dit Bob, avec un sourire jusqu’aux oreilles.

- Oui, la terrasse dehors est pas mal non plus, dis-je.

- Allez, mangeons ! lance Isa. Je meurs de faim.

- Oh oui, moi aussi ! J’ai grave la dalle ! dis-je.


Isa me regarde alors un instant et éclate de rire…


- Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? dis-je, gêné… mais content de la faire rire…

- Nan, rien, moi aussi je crève la dalle… me répond Isa, les yeux brillants…

- Ah, d’accord…


Je m’assieds, tente difficilement de caler mes quatre pieds de chaise dans les graviers. L’entrée est déjà servie. Tout le monde mange avec entrain. Le rosé coule à flots. J’ai envie de me noyer dans les yeux d’Isa. Isabelle. Quel nom magnifique. Et elle qui n’a pas l’air de se douter que je lui sauterai dessus volontiers… Si elle savait…


- C’est Michael qui est aux fourneaux, Jonathan. Je lui ai demandé de venir nous servir. Il est cuistot, mais aussi serveur. Faudra t’y mettre aussi, dit soudain Bob.

- Pas de problèmes, répondis-je, en me resservant du rosé.

- T’as une bonne descente, mon gars ! me lance Bob, avec un large sourire.

- Oh… Oui, pardon… dis-je, gêné.

- Mais non, c’est rien… Tu es grand, tu fais ce que tu veux. Du moment que les clients sont contents, dit-il. Ah ! Voilà Michael !


Je me retourne prestement, histoire de voir la tête de mon partenaire de fourneaux. Ma vue se brouille. Le rosé, sûrement. C’est toujours pareil, ça va, mais dès qu’on tourne la tête ou au moindre geste brusque, on perd le nord. Se concentrer. Je n’ai pas bu tant que ça, mais ça surprend. J’aperçois alors un jeune homme, bien habillé, les cheveux bruns et courts, fixés avec du gel, aux grands yeux noirs, qui se dirige prestement vers notre table. Me voyant, il semble ralentir quelque peu sa course, puis repart de plus belle. Michael arrive à notre hauteur, et nous sert. Ça sent rudement bon.


- Michael, je te présente Jonathan ! dit Isa.

- Salut, lui dis-je, en lui tendant la main.

- Salut ! Alors comme ça, t’es mon nouveau collègue ? lance Michael d’une voix assez fluette.

-…Ouais, et j’ai hâte de m’y mettre.


Michael semble hésiter, il me regarde un instant, puis reprend :


- Bon, euh… On fera plus ample connaissance après le dîner, j’ai du boulot, ok ?

- Euh… Ouais, à toute ! dis-je.


Michael s’en va alors rapidement, et fonce à la cuisine.


- Il a beaucoup de boulot, ce soir, car normalement on est au moins deux, mais ce soir il est seul… Et c’est un peu à cause de toi !! Je pense qu’il a hâte que tu lui donnes un coup de main, dit Bob, l’air amusé…

- Pas de problèmes…


Le dîner se poursuit tranquillement… Je fais plus ample connaissance avec mes deux employeurs… Francis, alias Bob donc, a toujours habité ici, et a repris le resto de ses parents. Il a connu Isa alors qu’elle était venue ici en vacances, il y a cinq ans… Ils se sont mariés il y a quatre ans… Une donnée qui résonne dans mon esprit… Quatre ans… seulement. Et le courant passe bien entre elle et moi. Enfin, je crois. Elle a beaucoup voyagé avant ça. L’Asie, l’Afrique, l’Amérique du sud… Forcément, en tant que photographe… Mais je dois arrêter de penser à ça… Hugo me fait les yeux doux. Ce sont mes restes que tu veux, hein ? Le dîner prend fin. État d’ébriété totale de ma part. Bob n’est pas mal non plus. Isa, ça va. Je parviens tant bien que mal à dissimuler le regard affamé que je dois lui lancer.


- Bon, Jonathan, nous on va aller se coucher… Alors, toi, tu vois avec Michael… Y’a une piaule dans la maison si tu veux… Michael préfère camper au fond du champ… C’est toi qui vois… Allez à demain, tu trouveras Michael aux cuisines… dit Bob.

- Bien, à demain…


Je regarde Isa repartir au bras de Bob, non pas jaloux… mais clairement envieux… Hugo vient me lécher la main… Mais oui, t’es un super bon chien ! Je le regarde un instant, droit dans ses grands yeux noirs. J’aime les chiens. Je les adore. Ils sont tellement gentils. Loyaux. Et surtout tellement drôle… Bon, Michael… Je me dirige tranquillement vers les cuisines, traverse la salle à manger vide de tout convives. Michael est en train de passer la serpillière, au fond de la cuisine. Il ne me voit pas encore. Je remarque à ses bras qu’il est plutôt baraqué. Je le suis aussi, mais moins que lui, quand même. Enfin, je crois. Je m’avance vers lui. Il se retourne, sentant ma présence.


- Ah ! Jonathan… Alors… Tu les trouves comment nos employeurs ? dit-il.

-… Géniaux, vraiment… Et Isabelle… Trop trop belle…

- Ah ouais ?! Tu trouves ? Ouais, j’avoue, elle est pas mal… Mais t’as quand même pas des vues sur elle ?

- Bah…

- Ah j’y crois pas ! T’es trop, toi ! T’arrives comme ça, peinardos, et tu mates la femme de ton employeur… dit-il, mort de dire.

- C’est pas ça, je la mate pas, faut pas exagérer, mais c’est vrai qu’elle est vraiment bien…

- Tu sais, les filles, c’est pas ce qui manque ici… On a beau être paumé en pleine cambrousse, c’est qu’une apparence… Tu verras y’a quelques jolies jeunes touristes…

- Sérieux ? Mais t’as commencé quand, toi ? Et tu viens d’où ?

- Moi, je suis du coin… Pas très loin, et j’ai commencé y’a deux semaines…

- Et alors comme ça tu pieutes au fond du champ… ?

- Ouais… J’adore la nature… Et c’est super calme, en bas, au bord de la rivière…

- Je me laisserai bien tenter… Moi aussi je suis très nature…

- Cool ! On y va ! J’ai fini de nettoyer ! Et j’ai une gentille bouteille de rhum arrangé…

- Merci, mais je crois que ça ira pour ce soir… J’ai un peu abusé du rosé je crois…

- J’ai vu ça… C’est moi qui vous envoyait les bouteilles… dit-il, un sourire en coin. Allez on est parti !


Toujours cette voix fluette. Michael se dirige vers la sortie, je lui emboîte la pas, trébuche.


- Effectivement t’as bien bu ! me lance Michael, en riant… On va pas se faire chier à monter une deuxième tente ce soir, on verra ça demain, vu ton état… T’as qu’à pieuter dans la mienne, elle est grande… Par contre y’a zéro matelas ! J’espère que ça te gêne pas, moi j’ai l’habitude…


On traverse la terrasse, la rue. On arrive dans le champ. Hugo part en ballade avec nous, ravi d’être avec des amis. Il court dans tous les sens, la gueule grande ouverte, la langue pendante. Il renifle absolument partout. Il est trop chou. Le terrain est en pente douce. La lune est haute dans le ciel, magnifiquement étoilé. Il ne fait pas froid du tout, juste bon… L’herbe n’est pas mouillée par la rosée. Tout est définitivement très sec. Michael avance d’un pas assuré. Moi, moins. Ne pas me casser la gueule. Les cigales s’en donnent à cœur joie, ce soir… J’adore ce bruit. Certains trouvent ça insupportable, moi ça me détend. Ça me berce. J’avance en titubant. Le vent balaye le champ. Rafraîchissant. En contrebas, on entend l’écoulement de la rivière, entre les rochers… Michael me tend une chaise. Je me pose, tranquille. Un verre de rhum. Un pétard. Bonne soirée. Les étoiles semblent danser dans le ciel. Je pense aux yeux d’Isabelle… Je me sens bien. Charline. Tout de suite, je me sens moins bien. Beaucoup moins bien… Charline… J’ai besoin de toi…Je t’aime…

J’ouvre les yeux. Je crève de chaud… Cette tente est un vrai four… Il a l’air de faire grand jour dehors… Putain, nan… Qu’est-ce que j’ai foutu… Je me lève péniblement, en sueur, avec un vieux mal de crâne… Oui. Il doit être facile midi. Putain. Je plonge la tête dans la rivière, passe un nouveau t-shirt, remonte le chemin, traverse la rue. Je vais droit aux cuisines… Michael fait la cuisine…


- Ah… Jonathan ? Bien dormi ? dit-il d’un air moqueur.

- Ouais bof, gros mal de crâne… Putain, qu’est-ce que j’ai foutu hier soir ?

- Bah… alcool-pétard-alcool… T’avais surtout trop bu…

- Putain, ouais… Et Bob ? Ça la fout mal non, pour un premier jour de boulot ?

-Penses-tu ! Il était mort de rire ce matin quand je lui ai dit que tu comatais dans la tente… Y’a pas de problèmes, mais faut pas que ce soit systématique, c’est tout… Et puis tu m’as bien fait marrer…

- Quoi ?


Bob entre soudainement dans la cuisine, me sert la main avec un clin d’œil et dit :


- Pas de soucis. Mais pas tous les jours, ok ? Allez au boulot !

- Merci… Vraiment désolé…

- Pas de ça ! C’est rien je te dis ! Allez, tu me les fais, ces brochettes ?

- Tout de suite !


Bob quitte alors précipitamment la cuisine, le téléphone sonnant à côté…


- Qu’est-ce que je t’avais dit ? Pas de problèmes ! déclare fièrement Michael.

- Ouais… C’est vraiment cool… Alors ? Qu’est-ce que j’ai dit de si drôle ?

- Oh rien… T’as déliré sur une certaine Charline… dit-il, en me regardant dans les yeux.

- Ah, ok, d’accord… dis-je…

- C’est tout ? Tu me dis même pas qui c’est ? Relance t-il après un moment, assez dépité.

- Ma copine. Enfin, je l’espère encore. On a rompu… Mais j’espère que ça va aller, qu’on va se retrouver…

- Mouais… Tu sais, sans remettre en cause que tu l’aimes, moi, j’y crois pas.

- Quoi, comment ça, t’y crois pas ?

- Bah, disons que… J’ai suffisamment d’expérience pour te dire qu’à notre âge, recoller les morceaux, c’est du bidon… Faut faire son deuil, vieux… dit-il, convaincu.

- Merci de me rassurer, t’es cool, toi ! C’est vrai que gaulé comme t’es t’as dû en voir passer des filles…

- Oh… Pas tant que ça, en fait… Allez, on a du pain sur la planche ! Au boulot ! tranche t-il.


Au milieu des vapeurs d’eau et d’huile, les plats défilent entre nos mains, avec leur cortège d’odeurs épicées… C’est horriblement tentant. Je crève trop la dalle. Je me jette sur la charcuterie et engloutis plusieurs tranches de saucisson…


- C’est pô bien ! dit Michael, qui m’imite en se jetant sur le jambon. Les plats se succèdent frénétiquement, en flux tendu…

- Putain, y’a du monde aujourd’hui ! C’est toujours comme ça ? demandé-je à Michael.

- En gros, ouais… T’as du mal ?


Je ne réponds pas et préfère me concentrer sur le défilé de poissons que je dois gérer.


- Galère, hein ? me lance Michael, avec un clin d’œil, voyant que je suis pas mal paumé au milieu de toutes ces soles panées…

- Ouais, dis-je en souriant…

- Mfff…

- Quoi ?

- Nan, rien ! Mff… La gueule de tes soles panées… Beuark !!! Mfff…


Michael est penché sur ses plats, pris d’une quinte de toux, puis se met à rire, tellement qu’il en a les larmes aux yeux…


- Arrête, je vais jamais m’en sortir avec ces putain de soles !!! T’es pas drôle, putain !!! dis-je, mort de rire à mon tour.


Les fous rires, c’est destructeur. Incroyablement destructeur. Ça vous démolit la plus grande concentration.


Les plats qui sortent de la cuisine, prêts à être servis, commencent à prendre des allures de zones sinistrées…


Bob fait alors irruption, furieux…


- Nan mais c’est quoi ce bordel ? C’est pas possible des plats avec une gueule pareil ! Qui m’a fait cette sole en forme de bite, nom de dieu !?!


Grand silence. Notre fou rire n’était visiblement pas aussi inextinguible qu’on aurait pu le croire.


- C’est moi, dit soudain Michael, feignant un air coupable.

- Eh bah t’arrêtes tout de suite tes conneries ! Je veux bien être cool mais faut pas non plus déconner ! Calmez-vous et faites votre boulot correctement !!! Je vous le dirai pas deux fois !!! Ok ?

- Désolé, monsieur, dis-je. On s’y remet sérieusement.


Sur ce, Bob quitte la cuisine, quelque peu calmé.


- Merci…Je crois qu’après le coup de ce matin, ç’aurait fait too much! Faut que j’arrête les conneries… dis-je à Michael en me tournant vers lui…

- Pff, de rien… Faut bien s’entraider ! Allez ! Pane-les, tes putains de sole ! dit-il avec un sourire en roulant des tortillas.


Le reste de la journée s’est passé tranquillement. La tronche de nos plats s’est sensiblement améliorée. Les clients étaient contents, Bob aussi. Nous aussi, par voie de conséquence…

Les derniers clients sont partis. C’est la fin d’après-midi. Ce soir, c’est fermé. Nous nettoyons la cuisine à grande eau - faut dire qu’on a foutu un sacré boxon… si l’inspection sanitaire passait par là… Je passe la serpillière, tranquillement. Les cigales commencent à se faire entendre. J’entends soudain des bruits de pas précipités dans mon dos… Je me retourne brusquement, mais n’ai pas le temps d’éviter le gigantesque seau d’eau que Michael m’envoie en pleine gueule… Je me protège vainement avec mes bras et me ramasse 50 litres d’eau dans la tronche…


- Enculé ! Bâtard !! Hurlé-je, trempé. Je me jette sur lui, le plaquant à mi-cuisse en l’envoyant voler dans la chambre froide… Je n’ai pas le temps de préparer le seau de la vengeance qu’il ressort un instant plus tard, armé d’un énorme thon de vingt kilos. Sidéré, je me prépare à esquiver le coup que j’imagine aisément destructeur. Le face à face d’observation dure une fraction de seconde. Puis Michael se lance, fendant l’air avec son thon. Je me baisse promptement. L’énorme poisson s’éclate avec un bruit sourd contre le mur, tout près de la porte, répandant des écailles poisseuses dans toute la pièce…


- Ahhhh !!!! Hurle alors une voix stridente.


C’est Isa. Elle vient de faire irruption dans la cuisine. Tremblante de peur, elle considère, effarée, le gigantesque thon qui gît au sol, inanimé, au milieu des balais et des seaux d’eau.


- Vous auriez pu me tuer ! Mais vous êtes dingues ou quoi ? lâche-t-elle, la voix défaillante.

- Désolé, on se battait bêtement, et… On pensait pas du tout que tu arriverais comme ça, sans prévenir… dis-je, gêné.


Michael se cache tant bien que mal derrière moi, pour dissimuler un rire nerveux…

Isa s’avance et se serre contre moi, m’enserrant de ses jolis bras… Insinuant tout de suite le doute dans mon esprit… Est-ce une réaction normale ? Elle a eu peur, mais faut pas non plus exagérer… Et puis, ça se voit que je suis trempé, alors, se plaquer contre moi alors qu’elle est bien sapée… Tout ça en une fraction de seconde. Je la serre à mon tour, et lui dit, troublé :


- C’est rien, Isa, ça ira… Ça va aller…

-…Oui… répond-elle, après un silence…


Michael est derrière moi. Il ne rit plus. C’est déjà ça. Isa s’écarte.


- Faudrait faire gaffe, les mecs… Ça suffit les conneries… D’accord ? dit-elle, fatigué…

- Promis, dis-je, sérieusement.


Apparemment, Michael n’en croit pas un mot. Il esquisse un sourire qui en dit long sur ses intentions…


Le boulot est terminé. Tout est propre et bien récuré. L’inspection sanitaire peut passer. J’en profite pour jeter un coup d’œil à la maison. Une jolie maison assurément, aux murs épais, assurant une grande inertie thermique à l’intérieur où il fait relativement frais, comparé à la chaleur étouffante du dehors… Un grand salon bien aménagé, une cheminée… Une autre cour ? Je m’avance tranquillement. Une superbe piscine est installée, là, dans ce grand jardin recouvert d’un joli gazon. Très sympa. Je monte à l’étage. Un couloir, des chambres, dont celle de Bob et Isa, deux salles de bain… Rien de bien spécial. L’éclairage est très sombre, l’atmosphère fraîche et sèche. Une vague odeur de moisi flotte dans l’air. Pas désagréable du tout. J’adore cette odeur de vieille maison… Je redescends. Je devine la chaleur dehors. Un bon plongeon dans la piscine me fera du bien. Je file à la tente et passe un maillot. Il fait horriblement chaud. L’air est atrocement sec. Boire. Je remonte à la maison. Arrivé dans le salon avec vue sur la piscine, je m’arrête net. Isabelle est là, en bikini bleu turquoise, endormie sur un transat au bord de la piscine… Vision de rêve. Ces jambes d’une longueur infinie, cette peau recouverte d’huile qui brille de mille feux en plein soleil. Sa respiration est lente. Sa poitrine se soulève à intervalles réguliers. Magnifique. Elle a une poitrine parfaitement dessinée. Elle tourne la tête. Plie une jambe. Je n’en peux plus. Quelle beauté. Je suis fasciné. Je m’approche, sans un bruit, laisse courir mon regard sur sa poitrine magnifique, sur son ventre… Je tourne la tête, regarde la surface miroitante de la piscine, tentant vainement de me calmer… Je jette un nouveau regard à Isabelle. Elle est réveillée… Je tombe en admiration et me perds dans ses magnifiques yeux bleu couleur lagon…


- Bonjour… me dit-elle, très sensuellement.


Mais pourquoi me parle-t-elle comme ça ? me dis-je, désespéré…


-… Bonjour, Isa… dis-je, totalement perdu, sans grande conviction…

- Ça ne va pas ? s’enquit-elle alors, en s’asseyant.


J’essaye d’avoir l’air naturel, de ne pas avoir l’air de regarder sa poitrine…


- Si, si… Ça va… J’ai juste très chaud. Un bon bain me fera du bien…

- T’as raison… Il fait si chaud… dit-elle en se levant vers moi.


Elle s’approche lentement… et me pousse violemment dans l’eau ! Stupéfait, je tombe à la renverse, sans avoir rien pu faire. Je devine que l’eau est juste derrière moi. Je vois l’image d’Isabelle, hilare, s’éloigner de moi. Le ciel, d’un bleu infini, défile devant mes yeux. Puis je suis happé par le liquide bleu qui se referme sur moi. C’est froid. Douche écossaise, au sens propre et au figuré. Dobeul. Brechen. Isabelle est au-dessus de moi, floue, imprécise… Je me laisse couler au fond de la piscine, retenant le peu d’air qu’il me reste dans les poumons. J’essaye de localiser Isa. Autant profiter du jeu. Je remonte brusquement, après quelques secondes, et attrape par le pied ma proie qui crie au secours. Je me hisse prestement hors de l’eau sans relâcher son pied, l’enserre, la soulève et fait mine de la jeter de toutes mes forces. Quel poids plume. Admirable. Elle hurle et se cramponne fermement à moi… Que j’aime ça... Elle me regarde, essoufflée. Il me semble qu’elle jette un œil à mes pectoraux saillants, puis regarde au plus profond de moi. Sa lèvre tremble. De peur… ? Mais que veut-elle, bon sang ? Désorienté, je la remets délicatement sur ses jambes.


- J’ai bien cru que tu allais me balancer à l’eau ! J’ai eu une de ces peurs… Mais, dis-donc, t’es baraqué, comme mec… Avec Michael, on est servi niveau beaux gosses à la maison, poursuit-elle en souriant… Allez, faut que j’y aille, conclut-elle, un peu hâtivement me semble t-il…


Désorienté, je quitte la maison et me dirige vers le fond du champ. J’aperçois Michael, qui se met torse nu et s’élance vers la rivière avec Hugo, le chien. Ils s’y jettent et disparaissent dans une gerbe d’eau. Je me laisserais bien tenter. Je descends la pente en courant. Michael reparaît, cheveux plaqués sur le visage. Hugo nage bruyamment à ses côtés, en aboyant bêtement. D’un souffle, Michael tente de se recoiffer mais sa mèche lui retombe lamentablement sur la figure. Il secoue alors sa tête violemment, comme un chien. Un long filet de bave gluante s’éjecte de sa bouche déformée. Il redisparaît sous l’eau. Hugo aboie après lui, tente de mettre la tête sous l’eau, pour le chercher. Trop marrant ce chien. Je monte sur un grand rocher, parsemé de quelques arbustes, surplombant la rivière. Michael ne m’a pas vu. Hugo non plus. Il doit bien y avoir trois mètres de haut d’ici à la surface, et ensuite au moins six mètres d’eau. Je saute, tête la première, Michael fait alors quelques brasses en arrière. On va se percuter. Je hurle. Je vois Michael, stupéfait, qui relève la tête. Paniqué, il fait quelques mouvements, tente de se dégager. Hugo n’a rien remarqué. J’essaye de freiner. Impossible. Nous tendons nos bras vers l’avant. Je retiens mon souffle.


-Le con ! étouffe Michael.

Et c’est le choc. Un tourbillon d’eau, de lumière et de bulles. Je percute violemment quelque chose de la tête. Mais ça va. Je remonte à la surface, cherche précipitamment Michael. Hugo ne comprend rien. Il aboie, histoire de. Michael ne tarde pas à refaire surface. Il tousse. Il nage vite vers le bord, suivi par Hugo, se traîne péniblement sur le rocher en se comprimant la poitrine…


- Ça va ? lancé-je, un peu paniqué.

- Ouais, bof… Tu m’as défoncé la poitrine, putain ! T’as la tête dure ! Mais t’es taré, t’aurais pu me tuer !! Et toi avec !! dit-il, tremblant, de sa voix toujours fluette.

- Désolé, mais j’ai sauté à côté. Mais c’est haut et le temps que je sois dans l’eau t’as bougé…

- Ouais, j’ai bougé, c’est surtout toi qui m’a sauté dessus tête la première, dit-il, me lançant un regard faussement tueur.

- Désolé…


Je sors, fais quelques pas sur la roche brûlante. Hugo se secoue et en fout partout. Il est trop beau, ce chien. Michael est là, allongé, à mes pieds. Je remarque à quel point il est beau et musclé. Son torse incroyablement bien sculpté s’anime à chaque respiration, laissant voir tous ses abdominaux en contraction. Il bouge un bras, se masse la poitrine. Ses pectoraux saillants se contractent fortement. Dégoulinant d’eau, allongé en plein soleil, son corps luisant est terriblement impressionnant, musclé, sans non plus faire dans la démesure. Son visage, ainsi que sa voix fluette, créent alors un étonnant contraste avec son corps fortement développé. Je me surprends à le regarder. Un gigantesque hématome commence à apparaître sur sa poitrine bleutée.


- Quoi ? me dit-il, se tenant toujours la poitrine, avec un drôle de sourire.

- Rien… T’as un hématome, je crois…

-… Ah ? … Oui, dit-il lentement, baissant les yeux sur ses pectoraux meurtris…

- Ça ira ?

- Oui, pas de problèmes… dit-il, en se jetant sur Hugo, qui grogne pour jouer et saute partout comme un fou.


Michael tente un plaquage sur le chien, qui parvient à l’esquiver en se vautrant dans l’eau… Ils sont excellents tous les deux. Michael, arrête, essoufflé. Je le regarde, comme fasciné. Après un moment, il se tourne vers moi et me demande :


- Et toi ? T’es sûr que ça va ? Fais voir ta tête…


Michael se lève d’un bon agile et me prend la tête fermement, à deux mains, scrute intensément mon front… De près, son corps est plus impressionnant encore… Son visage d’ange, avec ses grands yeux noirs, a dû en faire craquer plus d’une…


- Alors, j’ai rien ? dis-je.

- Nan, mon chou, tout va bien… Par contre, toi, tu m’as bien défoncé la poitrine, dit-il en riant…


Michael se tourne vers la rivière, scrutant la surface de l’eau. Je lui découvre un dos tout aussi musclé que le reste. Je m’avance à ses côtés, regarde l’eau avec lui. Il s’assoit. Sous cet angle, et avec cette lumière, l’eau agitée courant sur les rochers couleur caramel ressemble étrangement à du coca… La chaleur est toujours aussi étouffante. À peine sorti de l’eau fraîche, le soleil reprend ses droits et me chauffe intensément le corps. Je suis déjà presque sec. Du coca. Ça donne envie. Les rayons lumineux dansent élégamment à la surface de l’eau agitée, irradiant fugitivement ma rétine. Hugo pionce tranquillement sur la pierre chaude. L’instant est si reposant. Tout est calme. Ça sent bon le chien mouillé. Seul, l’écoulement de l’eau entre les rochers, vient bercer cette douce torpeur de fin de journée. Qu’est-ce qu’on est bien.


- Tu trouves pas qu’on dirait du coca ? me dit Michael.

- Si !… C’est bizarre, j’y pensais justement…

- Ah ouais ? C’est marrant, dit-il, un sourire en coin, par dessus l’épaule… Ça donne envie, hein ?

- T’as une copine ? lui demandé-je soudain.

-…Non, dit-il, après un silence. Pas actuellement… Et toi ? Tu penses encore à ta Charline, c’est ça ?

- Bah… Ouais… Mais avec Charline, ça va pas très bien… Mais c’est rien, ça va aller. Enfin, j’espère.

- C’est du sérieux ?

- Ouais… Vraiment.

- Bizarre.

- Pourquoi ?

- Je t’imagine plus frivole. Avec ta belle gueule et ton corps, tu dois les faire toutes tomber… Et c’est dur d’être sérieux avec des jolies filles à ses pieds… Nan ?

- Je pourrais te renvoyer l’ascenseur… Ce doit être plutôt ton cas, nan ?

- Bah… Ch’ais pas… Pas vraiment, en fait, dit-il, assis, en ramenant ses jambes sur la poitrine.

- Là, c’est toi qu’est bizarre ! Paske, de toi et moi, t’es le plus baraqué…

- Et toi t’es carrément beau gosse, lâche t-il, scrutant toujours l’eau, les yeux plissés pour se protéger du soleil…


Devant mon silence, il se détourne de la surface de l’eau pour me chercher du regard.


- Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Ça va pas ? lance t-il.

- Si, ça va… C’est juste que… Je pensais à autre chose, en fait… dis-je, feignant l’indifférence. Car Michael vient quand même de me dire qu’il me trouve carrément beau gosse… Ça ne veut sans doute rien dire, mais ça m’a marqué. Et puis il a dit ça bizarrement. Ou est-ce moi qui déforme ?

- Alors les gars, ça va ? Pas trop dure, la vie ? dit alors par derrière une voix moqueuse.


C’est Isabelle. Elle arrive par le champ, en maillot de bain une pièce… Qu’elle est belle… Elle se protège les yeux du soleil qui commence à redescendre. J’en profite pour la regarder à loisir. Ses jambes, parfaites, sa taille, tellement fine… Cette couleur de peau, cette poitrine… J’en ai le souffle coupé…


- Wow, dis-je, tout bas…

- Alors toi… T’es pas croyable, me glisse Michael, consterné…

- Attends ! Elle est trop belle ! T’es aveugle ou quoi ?

- P’têt’ bien…

- Hein ? dis-je, en me retournant vers lui…

- Alors les gars ? Elle est bonne ? nous demande Isabelle.

- Ouais, très, répond Michael, le regard dans le vide, mâchonnant un brin d’herbe. Ça rafraîchit. J’en connais un qui en aurait bien besoin… lance t-il. Grand silence.

-… Ça va pas, vous deux ? demande Isa, lentement, me lançant un drôle de regard…

- Si, si ! Il déconne, c’est tout… dis-je.

- Ah… Bien sûr… dit-elle, avec un sourire pour Michael.


Elle se secoue les cheveux, s’avance vers le haut du rocher, puis s’élance dans le vide, disparaît. Un bruit d’éclaboussure. Un soupir de soulagement. Tellement excitant. Et sportive, en plus.


- Faut vraiment que t’arrêtes ! dit Michael.

- Quoi ? Je peux pas m’en empêcher ! Mais enfin t’as vu comment elle est ? C’est un vrai canon ! Et élégante, en plus, pas une de ces pouffiasses qu’on voit partout… Excuse-moi d’être sous le charme !

- Ouais mais ça risque de mal finir. Ça se fait pas.

- Ouais… J’avoue.

- Tu ferais mieux d’aller voir ailleurs, tranche t-il.


Je regarde Isabelle nager en contrebas. L’eau a beau déformer son image, elle reste d’une beauté inaltérable. Quelle grâce… Michael me regarde et soupire. Serait-il ?… Il s’allonge sur le ventre, à même la roche.


- Tu sais ce qu’on devrait faire ? dis-je.

- Nan, quoi ? marmonne t-il, les yeux fermés, à moitié endormi.

- Accrocher une corde à une des branches de cet arbre. Ça ferait une putain de balançoire pour se foutre à l’eau…


Michael décolle sa figure de la roche, se retourne sur le dos. Ses abdos se contractent puissamment. Mais qu’est-ce que j’ai, à le regarder comme ça ? Il jette un œil au gigantesque châtaignier surplombant la rivière, en face.


- Carrément, lâche t-il après quelques instants. On s’y met ?

- Carrément. Isa ! T’as de la corde ? Et des outils ?


Un moment après, Michael, pieds nus, est juché dans l’arbre, à quinze mètres de la surface de l’eau.


- Fais gaffe, putain ! Prends ton temps ! Te casse pas la gueule ! hurlé-je, tout tremblant.

- T’inquiètes, petite nature ! J’assure ! Et puis, c’est que de l’eau !

- T’es con ou quoi ? À cette hauteur, eau ou pas, c’est super dangereux !

- Meuh non, beugle t-il.


Isabelle aurait pu ne pas dire oui, aussi. Du coup, elle regarde attentivement Michael, stressée à mort… Je regarde Michael, stressé à mort moi aussi. Quelle idée de con ! J’aurais jamais dû lui dire ça ! Retenant ma respiration, je suis, avec un putain de torticolis, la progression de Michael vers la branche principale qui surplombe l’étendue d’eau. Soudain, Michael glisse. Isabelle lâche un cri étouffé. Mais il se rattrape immédiatement à une petite branche.


- Le con ! Mais quel con ! dis-je, tout bas…


Michael se balance d’une main. Attrape une plus grosse branche de l’autre. Se hisse élégamment.


- Putain… lâché-je, soulagé… T’aurais pu te tuer ! hurlé-je.


Isabelle est morte de trouille. Michael ne dit rien, continue de progresser sur la grosse branche, puis s’assoit.


- Je crois que ça y est ! lance-t-il. Tu peux grimper pour essayer de m’envoyer la corde !

- J’arrive ! dis-je, pas trop rassuré.


Je grimpe bien aux arbres, mais là, c’est quand même vachement haut. Et j’ai le vertige, évidemment. Quelle idée de con, vraiment. Et bien sûr, il a pas pu monter avec la lourde et longue corde… Ça l’aurait gêné à mort, faut avouer… Donc à moi de me rapprocher autant que possible avec pour tenter de lui balancer.


- J’attends ! hurle-t-il.

- Bon, bah, ça va ! J’arrive !


Je monte rapidement, pieds nus. Je prends vite de l’altitude, jette un regard à Isabelle pour la rassurer… et pour me rassurer, aussi. Arrivé à une espèce de fourche, je me trouve assez proche de Michael qui attend tranquillement.


- Ça va, là ? dis-je.

- J’en sais rien, ouais, ça a pas l’air mal… Essaye ! lance-t-il.


J’enroule un peu la lourde corde, histoire de faire un poids, vise un instant et balance le lourd sac de nœud vers Michael qui le rate en gueulant.


- Putain, merde ! Relance un coup !

- Ok…


Je renroule la corde, tente de m’avancer un peu, et lance la corde… mais, emporté par mon élan, je glisse et tombe dans le vide, au-dessus des rochers. J’entends Isa hurler. Tout se passe très lentement. J’ai l’impression d’être paumé dans une faille de l’espace-temps. Je me cramponne bêtement à mon bout de corde. Je jette un regard désespéré à Michael qui plonge déjà vers la corde que j’ai envoyée. Il va me rattraper ? Il l’attrape d’une main, se vautre lourdement sur la branche, et passe son autre bras sous la branche, rattrapant ainsi la corde à deux mains. Il l’a fait. Putain ! Je me cramponne solidement. Le choc est imminent. Ouch. Je sens la corde se tendre violemment, claquant dans l’air. Je me balance, mais ne tombe plus. Michael a tenu. La branche se balance. Un gémissement.


- Grouille ! lâche Michael, de sa voix fluette étouffée. J’ai la gueule broyée ! Je vais pas tenir longtemps.


Isa reste sans voix. Hugo est juché sur le rocher, et me regarde en aboyant. Il a compris le danger.

Je reprends vite mes esprits, jette un œil aux rochers en contrebas. La corde sera trop courte, je devrais sauter de 5 mètres sur des rochers. Pas possible. Je dois remonter. Je me hisse prestement, à deux mains, jusqu’en haut, attrape la branche, et me mets hors de danger. Michael reste là, sans bouger, allongé sur la branche, la corde dans les mains… Essoufflé, je le regarde et lui dit :


-… Putain… merci… sans toi, j’y passais…

- De rien… mais t’as vraiment des idées à la con des fois ! dit-il, presque posément, en rajoutant innocemment à sa performance.

-… Ouais… j’ai trop flippé… j’ai pas assuré… par contre, toi, t’as géré… bravo dis-je.

-… Je…

- Ça va ? coupe alors Isa. Tout va bien ?

- Ça va, tout va bien, dis-je, en lui faisant un signe…

- Et Michael ? demande t-elle, paniquée.

- Je vais bien, lâche Michael, en beuglant, énervé, limite excédé…


Grand silence. Isabelle me regarde, étonnée plus que vexée…


- Ça ira, ça ira, tempère Michael.

- Bon… Tant mieux, dit Isabelle. C’est l’essentiel. Je vais quand même chercher des pansements et du désinfectant ! Michael a dû se blesser !

- C’est ça, c’est ça, marmonne Michael.

- Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu le prends comme ça ? dis-je, étonné…

- Elle est trop gentille… À force, ça me gonfle… lâche-t-il, tenant la corde d’une seule main, se mettant sur le dos.


Il fixe le ciel du regard. Il est salement amoché. Il a le visage tuméfié et ensanglanté. Probablement le nez brisé. Il a dû se le faire broyer… J’imagine la violence de l’impact. Un frisson me parcourt le corps. Son torse musclé est aussi écorché. Tout comme ses bras. Heureusement il avait ses gants. Il respire bruyamment. Sa poitrine meurtrie se soulève puissamment. Je me surprends encore à admirer son corps. Il me regarde. Me sourit timidement.

Michael s’accroche à la corde solidement fixée à la branche. Se balance dans le vide. Se laisse glisser rapidement vers la surface qu’il transperce à tout vitesse, dans une gigantesque gerbe d’eau. Il reparaît au bord du rocher, sort lentement. Je vois l’eau dégouliner sur son corps, se mélangeant au sang qui semble couler abondamment. Je descends, plus lentement, car je n’ai pas de gants. Je regarde encore une fois la fourche d’où j’ai failli plonger vers la mort. Ça fait froid dans le dos. Il reste trois mètres. Je me laisse tomber. Michael me regarde. Il disparaît derrière un mur d’écume. Je le rejoins sur son rocher, observe ses blessures. Son visage, tailladé, sanguinolent, aux lèvres tuméfiées, est terriblement impressionnant. Ses pectoraux déjà parcourus par un gigantesque hématome, semblent ouverts. Un lambeau de peau s’en détache. Isabelle arrive avec les pansements. Michael se laisse faire. Elle entreprend d’abord de le nettoyer et de le désinfecter. Il grimace. Comme j’aimerais être à sa place. Elle se met devant lui, lui panse les pectoraux et les abdominaux. Fasciné, je regarde son dos. Michael penche la tête sur le côté et me regarde, en souriant.


« Quoi ? Tu me nargues ? » pensé-je, en souriant. Quelle chance il a… Cruauté suprême, Isabelle pose un genou au sol, devant lui, le visage collé à ses abdominaux. À sa place je ne tiendrais pas.


- Jonathan ? Tu peux m’aider, s’il te plaît ? Passe-moi vite un pansement, pendant que je lui tiens la compresse… me demande-t-elle.

- Bien sûr, dis-je, me précipitant vers la boîte à pansements. Tiens, dis-je, lui tendant ce qu’elle m’a demandé.


Je remarque alors qu’Isabelle fixe étrangement des yeux le buste de Michael, et pose le pansement d’une manière plus appuyée que nécessaire… Michael me sourit bizarrement.

Alors ça… Il m’aura tout fait…Avec ses sermons à la con sur ma manière de la regarder, le voilà bien content…

Enfin. Ce doit être purement physique… Moi-même, je me suis laissé avoir. Il est si beau. Car, sans être homo, je dois bien reconnaître qu’il me fait un certain effet. Alors, pour une femme…


Après le dîner, Michael et moi allons nous coucher. Bob nous a dit que la journée de demain serait dure. Et puis, nous sommes crevés… On est posés près de la tente, autour d’une bouteille de rhum dont le fond ne devrait plus tarder à être atteint. J’hésite. L’alcool aidant, j’ai envie d’appeler Charline, malgré ce qu’on a convenu. Allez. Je me lève et fais quelque pas en titubant dans le champ. Michael me regarde m’éloigner dans la nuit noire. Je sors mon portable. Appelle Charline. J’entends le bruit de la sonnerie, avec une certaine appréhension.


- Oui, allô ? dit la voix de Charline, qui résonne anormalement dans mes tympans.


J’ai clairement forcé sur le rhum.


- Charline ? C’est Jonathan…

- Ah!… Écoute, on avait dit qu’on s’appelait pas… Tu te souviens ?

- Oui, mais… Ça fait déjà un moment, et…

- Et on avait dit qu’on s’appelait pas, qu’on ferait le point à ton retour… En plus, là, je suis pressée…

- Pressée ?

-… Oui… Je sors, ce soir…

- Ah…

- Écoute… Je dois raccrocher. On se voit à ton retour… Tchao.


Elle a raccroché. Difficile de faire plus expéditif. Ça sent bon la rupture définitive. Mais où va-t-elle, nom de dieu ? On avait dit qu’on devait prendre notre temps ! Je me barre dans un trou paumé, et, elle, tranquille, elle sort. Comme ça. Merde, alors… Est-ce que…


- Ça va pas ? me demande brusquement Michael, qui vient à ma rencontre.

- C’est Charline ! Elle m’a raccroché au nez ! Sous prétexte qu’elle est pressée… Madame sort…

- Ah… Ouais… Je vois le genre. Écoute…

- Tais-toi, dis-je tout bas, avec un regard menaçant…

- Écoute, je suis désolé… Mais c’est comme ça. Écoute, euh… Tu veux qu’on en parle ?…Bon… Ok… Je vais me coucher… dit-il, voyant mon air menaçant.


Je regarde la silhouette floue de Michael s’éloigner, en direction de la tente… Je me dis que j’ai été un peu dur avec lui. Il n’y est pour rien… Et puis… C’est un ami…

Quelques instants après, je le rejoins dans la tente, encore éclairée par une petite lampe faiblarde. Michael est torse nu, en train de changer ses pansements en grimaçant. Ça a l’air douloureux. Et pas facile à changer.


-… Tu veux que je t’aide ? dis-je, simplement.


Il me regarde un instant.


-… Oui, je veux bien… Tiens, dit-il, me tendant les compresses et le désinfectant.


J’imbibe une compresse d’alcool à 90° dont l’odeur suffocante me monte au nez. Je m’approche de son torse. Michael est à genoux, regarde son torse dénudé et blessé. J’approche mon visage à quelques centimètres de la blessure pour mieux juger son état.


- Ça brûle ? dis-je, arc-bouté devant lui, en plaquant la compresse sur la plus profonde balafre, suintante, qui lui parcourt les deux pectoraux sur au moins vingt centimètres.

-… Oui… me glisse-t-il, à l’oreille.

- Je vais y aller doucement. Tu t’es sacrément amoché.

-… Et grâce à qui ? me souffle t-il.


Je m’arrête. Relève la tête vers Michael.


- Désolé… Merci encore… Quand j’y repense…

- C’est rien… T’aurais fait la même chose. Enfin, j’espère…

- J’aurais essayé… Enfin, je crois… lui dis-je, hésitant, avant de me pencher à nouveau sur ses blessures…


Son corps me fascine. Ses blessures suintantes… J’essaye de me concentrer malgré tout l’alcool que j’ai ingurgité. Je continue de nettoyer, en silence. La poitrine de Michael se soulève lentement. Dehors il n’y a plus de vent. Plus un bruit. Seul, le bruit de nos respirations conjuguées parvient à mon esprit. Curieuse mélodie. Ces vapeurs d’alcool. Ce bruit rythmique. Je me sens bizarre. Comme en transe.


-… Écoute… me dit Michael, en prenant une grande inspiration.

- Quoi ? dis-je, relevant lentement de nouveau la tête vers lui.

- Je…


Lentement, Michael pose sa main sur la mienne, et la maintient contre son torse. Je vois son visage qui se penche vers moi. Quoi ? Il ferme les yeux. Approche ses lèvres de ma bouche. Je me surprends à pencher la tête pour lui faciliter la tâche. Je ferme les yeux à mon tour. Je sens ses lèvres se plaquer contre les miennes. Je ne sais quoi faire. La confusion la plus totale gagne mon esprit. Le peu que j’ai vécu aux côtés de Michael défile devant mes yeux, à toute vitesse, décrypté. Michael est gay. Et il est en train de m’embrasser. D’abord, délicatement. Je me laisse faire, étonnamment. Puis sa langue s’insinue contre la mienne. Je ne réagis pas. Je ne me retire pas de son étreinte. Je me rends compte que la fascination qu’il exerce sur moi grandit à chaque instant, se mue en curiosité puis en un inavouable désir… Michael se fait plus insistant. Puis il retire lentement sa langue de ma bouche. Me regarde avec un œil brûlant de désir.


- Tu aimes ? me souffle t-il à l’oreille… J’avais si peur que tu me rejettes… Depuis la première fois que je t’ai vu, je suis fou de toi… Tu me rends dingue…


Je ne réponds pas, totalement perdu. Il reprend :


- Tu ne dis rien… C’est normal… Laisse-toi faire…


Michael m’arrache mon t-shirt, me penche sur le côté, puis sur le dos, enfin il s’allonge sur moi. Totalement désemparé, je me laisse faire… Je vois son corps musclé contre le mien. Il me sourit, puis plaque sa bouche contre la mienne. Il m’embrasse passionnément… Je me laisse faire un instant, puis me laisse aller à l’embrasser tout aussi passionnément. Je passe mes bras derrière lui, le sers contre moi. Je me surprends moi-même. Qui suis-je ? Michael m’embrasse dans le cou. Sa langue, chaude, descends vers ma poitrine, vient titiller mes tétons… Il descend plus encore, m’embrasse langoureusement les abdominaux que je contracte d’étonnement… Sa main s’insinue sous mon jean, puis sous mon caleçon. Je reviens brusquement à moi. Je lui attrape brusquement le bras que j’écarte de moi. Michael me regarde, apeuré. Je le repousse fermement, me relève. Sans un regard, je remets mon t-shirt et sort de la tente, en pleine nuit. Je l’entends me suivre quelques instants plus tard. Je me retourne vers lui. Il est encore torse nu.


- Attends, Jojo ! me dit-il.

- Appelle-moi Jonathan ! Et fous moi la paix ! hurlé-je, sèchement.

- Comme tu veux… Tu ne sais pas ce que tu perds ! me crie t-il.

- Ta gueule !

- Tu ne t’assumes même pas… Jonathan ! Tu te laissais faire, hein ? Tu as aimé, hein ?! Avoue !


Je m’approche lentement de lui. Il me regarde, fixement, attendant une réponse. Je devine son cœur en train de battre à toute vitesse sous sa poitrine ravagée.


- Écoute… dis-je

- Quoi ? me répond-il, au bord des larmes, fuyant mon regard…

- Je… ne sais pas ce qui m’a pris… Ça doit être l’alcool… Mais je ne suis pas gay, Michael… J’aime ma copine, Charline…

- Mais pourtant…

- Écoute… Tu es super beau… J’avoue que ça m’a déstabilisé… Je l’avoue… Mais je ne le comprends pas, dis-je, posément.

- C’est ce que tu dis… Mais assume, enfin !!! crie t-il, avec des trémolos dans la voix…

- Non, Michael… Je n’ai rien à assumer… Je suis sûr de mon amour pour Charline… et de mon attirance pour les femmes… Regarde, Isabelle… Elle me rend dingue !!

- Et moi ? Tu m’as embrassé, non ? C’est pas de l’attirance, ça ?

- Je te dis que je ne sais pas ce qui m’a pris ! Je suis à moitié bourré, putain ! lui hurlé-je…

- Mais tu as dit toi-même que mon corps te plaît !

- Il me fascine ! C’est pas pareil ! Je reconnais que tu es beau gosse, à tel point que ça m’a déstabilisé ! Mais c’est tout, tu entends ?! C’est tout !!!

- Alors c’est tout, conclut-il, la tête baissée.


Je le vois s’éloigner vers le rocher.


- Écoute… J’imagine que tu dois être perturbé… Au moins autant que moi… Alors… Fais pas le con, hein ! lui lancé-je…

- T’inquiètes… l’entends-je, marmonner…


Je préfère remonter vers la maison. Je ne peux pas dormir à côté de Michael ce soir. Pas après ce qu’il s’est passé. Je frappe à la porte. Isabelle ne tarde pas à m’ouvrir…


- Jojo ? Ça va pas ? s’enquit-elle.

- C’est… Je peux entrer ? dis-je.

- Oui… Bien sûr, entre… me répond-elle, jetant un regard derrière moi, cherchant quelque chose dans la nuit noire.

- Alors, dis-moi ? poursuit-elle…

- Bob n’est pas là ? demandé-je, en me dirigeant vers le salon dont la petite cheminée est allumée...

- Non, il est parti… Une affaire urgente… Il rentre après demain… Mais qu’est-ce qu’il y a !?

- C’est… Michael… dis-je, tout bas, en m’asseyant sur le divan.

- Quoi, Michael ? demande t-elle, l’air étonnée, en s’asseyant à mes côtés.

- Il… m’a… embrassé…

- Quoi ?? dit-elle, le souffle coupé.

- Il est… gay…

- Gay ?? Souffle t-elle, bouche bée.

- Oui… Et il m’a embrassé…

- Et ?

- Au début, je me suis laissé faire… On avait bien bu, et…

- Et quoi ?

- J’avoue… que… Physiquement, il m’a un peu attiré… Mais c’est surtout l’alcool… Et la curiosité.

- Attends, attends… Tu n’es pas gay, toi, au moins ??

- Non !! Pas du tout… Mais, là, j’avais bu, et Michael m’a embrassé… Et puis il venait de me sauver la vie…

- D’accord… Et tu l’as repoussé…

- Oui…

- Et donc… ?

- Donc comment voulez-vous que je pieute sous cette putain de tente ? lui crié-je…


Isabelle a un mouvement de recul.


- Pardon, Isa… Je ne voulais pas réagir comme ça… Je suis désolé, dis-je, larmoyant…

- C’est rien… C’est rien… dit-elle, me prenant dans ses bras, reposant sa tête sur mes épaules… Je sens son doux parfum enivrant… Je reste ainsi, quelques instants. Puis elle s’écarte un peu, me regarde en face… Je pleure. Me perds de nouveau dans ses magnifiques yeux couleur lagon… Je ne sais plus où j’en suis. Michael… Et cette magnifique femme qui me fait face alors que je fonds en larmes… Les flammes de la cheminée se reflètent dans les yeux d’Isabelle, les rendant encore plus beaux et mystérieux… Elle me regarde. Se mord la lèvre inférieure. Approche lentement son visage du mien, bascule la tête. Ferme les yeux. L’instant d’après, elle est en train de m’embrasser… Puis elle s’arrête pour me souffler à l’oreille :


- Depuis le début… Je suis folle de toi…


Totalement perdu, mais ne pleurant plus, je la fixe un instant du regard. Elle se mord la lèvre. Encore. Ses yeux pétillent. Quelle soirée. Je m’approche lentement d’elle, la prend dans mes bras, l’embrasse, puis m’allonge sur elle pour la plus belle des nuits…


J’ouvre lentement les yeux. Isabelle dort encore auprès de moi. Ce n’était donc pas qu’un - merveilleux - rêve. J’approche mon visage du sien et l’embrasse, pour la réveiller en beauté. Isabelle ouvre les yeux, puis son visage s’illumine d’un magnifique sourire. Je lui souris aussi. Elle se mord la lèvre - Encore… Je m’allonge auprès d’elle, me perds dans ses yeux lagon. Elle n’arrête pas de sourire. Je tente de prononcer quelques mots :


- On a…

- Chut… me glisse t-elle. Ne dis rien.


Puis elle ferme les yeux et se rendort. Je l’imite quelques instants plus tard… Lorsque je me réveille, Isa n’est plus là. Je me lève, étonné, enfile mon caleçon. Je me dirige vers la cuisine, entend des voix. Isa et… Michael ? Ils sont là, tous les deux, en train de prendre leur petit-déjeuner. Isa me lance un regard qui me fait toujours autant d’effet. Michael nous regarde, en silence. Il a probablement tout compris. Ou alors, elle est capable de lui avoir dit. Je commence à la connaître… Mais dans quelle situation me suis-je mis ?


- Bon, euh… Je vais vous laisser, hein, glisse Michael.


Tandis qu’il quitte la cuisine, je m’assois face à Isa. La regarde longuement, en silence, profitant de son magnifique visage, de son sourire, de ses yeux…


- Ecoute, Isa… Comment on va faire ? Je veux dire, nous deux… dis-je.

- Oui, je sais, c’est… Je suis désolée, mais… Ça ne pourra pas marcher…

- Tu es avec Bob, je sais…

- Je t’aime, Jonathan… dit-elle, tout bas.

- Mais… Bob…

- Je l’aime aussi… Tu dois me trouver folle, mais…

- Nan, nan, Isa ! Moi aussi, j’aime encore ma copine… Malgré que je sois fou de toi ! Et ce n’est pas du tout que physique… Tu m’as totalement séduit, Isa !

- Jonathan…


Elle se penche vers moi, nous nous embrassons longuement…


- Écoute, dit-elle, je crois que, le mieux…

-… Ce serait qu’on arrête là, je sais… On aime chacun quelqu’un d’autre, de notre côté, et puis… C’est plus simple comme ça…

- Oui… On a tant de différence d’âge… Bien que ça ne me gêne pas, tu es si mature…

- Ça n’est pas pour nous que c’est gênant…De toutes façons, tu es mariée… Et je ne pourrais pas faire ça à Bob… Et puis… Je me vois mal dire à mon meilleur ami Charles que je vis avec sa tante… dis-je, en riant à moitié…


Elle me sourit. Nous nous embrassons longuement.


- Je repars aujourd’hui. C’est mieux, dis-je.

-… Oui… acquiesce-t-elle… Tu m’écriras… ? dit-elle tout bas, la voix tremblotante.

- Oui. Je t’aime, Isa.


Et puis je suis parti. Comme ça, sans rien dire à Bob, qui reviendra et je ne serai plus là. Je ne sais pas ce que Isa lui dira. Michael m’a promis de ne rien dire. On s’est quitté très bons amis. Je sais bien que Michael était amer, qu’il aurait préféré que je sois gay. Mais je ne le suis pas. Pourtant, je me dis que Michael aurait été parfait. Grand, beau, fort, gentil, intelligent. Un type merveilleux. Le train file à travers la campagne desséchée. À chaque instant, je me rapproche un peu plus de Charline. Il fait très chaud. Je bois une gorgée d’eau. Chaude. Je pose la tête contre la vitre brûlante, regarde le paysage défiler. Je ferme les yeux. Je revois la beauté transcendante d’Isa…Elle me dit que c’est mieux comme ça. Je sais, mais jamais je ne t’oublierai. Puis Charline m’apparaît, souriante, avant que je ne m’endorme profondément.



 
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   Maëlle   
25/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Zut! la fin est ratée. Tout le reste... oh. L'attirance est palpable tout du long, et le plaisir que je peux avoir de lire ce que peuvent faire des hommes entre eux...

Parfois quelques petit tics (et soudain, c'est le choc), qui cassent un peu le rythme, mais c'est peut-être trois phrase sur l'ensemble. Et cette fin, dommage, que je préfére oublier: s'arreter au petit déj aurait été suffisant.

   Bidis   
26/10/2007
Après la deuxième page PDF, je dirais : tiens, ça se laisse lire...
A la cinquième page : Hi hi, c’est que ce n’est pas mauvais du tout… On a quatre personnages bien campés dont on commence à suivre les évolutions avec intérêt avec un chien sympathique qui gambade entre les al(in)éas du texte
Plus loin : Oh oh, un peu de violence ? Non, c’était un jeu… La sensualité pointe son dangereux petit nez… intéressant…
Page 13 : intolérable pour moi qui détourne le regard et fait une petite prière mécréante à la Vierge Marie quand je vois quelqu’un monter sur un escabeau pour changer une ampoule. Que cette scène finisse vite, Bon Dieu, que le héros se casse la figure ou en réchappe mais pas ce suspense…

La scène s’est terminée sans heurt.

Mais ma lecture, elle, s’est cassé la figure sur une fin érotico-sentimentale, peut-être réaliste, m’en fous, pour moi c’est une conclusion débile pour ce qui aurait pu être un bon polar psychologique. Très, très, très dommage…
Jusqu’au ¾ du texte, j’aurais mis 18. Pour la fin je mettrais presqu’une note négative tant je suis fâchée. Aussi je ne mets pas de note du tout.

   Anonyme   
20/12/2007
Intéressant, très intéressant. Mais je dirais un peu comme les deux personnes ayant commenté précédemment : la fin ne colle pas avec le reste. J'étais vraiment dans l'histoire, ce conflit émotionnel, cette hésitation et cette sensualité palpable. Les personnages sont intéressants, le cadre l'est tout autant mais cette fin... Je ne trouve pas qu'elle soit mauvaise, c'est une fin plausible, mais un peu trop "facile". En fait, dans un sens, je la vois un peu comme la fin d'un rêve. Jonathan a vécu quelques jours un peu bizarres, des jours comme on en vit parfois, où on a l'impression que rien n'est normal sans pour autant être désagréable. Et d'un coup, retour à la réalité, où tout est comme ça aurait dû être depuis le départ. Cela dit... je ne sais pas, il manque un petit quelque chose. Peut-être une fin trop rapide, qui tranche trop avec les évènements qu'on a vraiment vécus en lisant.
En tout cas bon courage pour la suite de tes écrits !

   myshadows   
13/2/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très belle nouvelle, je l'ai lu d'une traite, sans respirer. Cela était tellement beau, bien écrit. Bon bref j'adore. Le seul petit bémol qu'on te faire, c'est cette fin aussi courte. Mais dans l'ensemble, j'ai adoré lire cette nouvelle que je lirais, je penses encore et encore.
Bonne continuation.


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