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Cucko : Sous la tramontane
 Publié le 25/02/14  -  10 commentaires  -  3668 caractères  -  144 lectures    Autres textes du même auteur

Du chemin du cœur solitaire.


Sous la tramontane


Je me décidai finalement à emprunter le sombre chemin que rien n'indiquait. L'obscurité autour de moi était si effrayante que je baissai les yeux pour en circoncire la menace. Mon cœur tambourinait furieusement derrière cette piètre armée dont ni le pied gauche ni le pied droit ne voulaient former la première ligne.

Je n'avais pas la légèreté du marcheur. Mon esprit n'était alors pas de ceux qui éclosent parmi les fleurs, ni de ceux qui consentent à se perdre au détour d'un sentier, s'imaginant ainsi être quelque nouvel aventurier.

Le charme de la nature fana quand on fut assuré que nulle grotte n'abritait de dragon, mourut quand toutes les forêts eurent un nom. Aussi, je ne sortais d'ordinaire jamais, assuré de ne rien avoir à découvrir. Ce chemin, pourtant, me semblait vierge et plein de mystères : j'en aperçus l'entrée dans mon salon et l'empruntai pour échapper à ma propre végétation.


Il n'y avait pour m'orienter qu'un petit éclat blanc, une étincelle sans chaleur, agonisant dans le lointain. Alors que je croyais avancer, j'osais parfois un regard à l'horizon et je faisais chaque fois ce constat étrange et inquiétant que la lueur conservait sa distance. Rien ne m'indiquait, ni les bordures informes, ni ce repère incertain, que je me fus avancé le moins du monde après dix années. Cette observation, qui me parut d'abord le fruit de mon angoisse, me frappa bientôt comme une certitude. Sous cette grande nuit, le cruel phare semblait me faire une promesse, celle d'une errance éternelle, celle d'un bruit de pas obstiné pour imiter l'espoir. Car derrière moi, il n'y avait plus rien.


Je marchai cinquante années. Cinquante années d'un seul élan, le bras follement tendu vers ma tramontane. Je me frottais les yeux pour en faire tomber la poussière dont se nourrissent les mirages. S'échouant derrière moi, elle dessinait doucement mon nom, figé dans des larmes d'argent.


Je marchai cent années par cette femme usé. Et derrière moi il ne subsistait qu'une coulée molle et sale. Alors, pour la première fois, je m'assis, et pour la première fois, je me détournai d'elle.


Mon regard saigné, dégagé, lentement relevé, avait dompté les ténèbres au gré du temps. J'en crevais soudainement l'épaisseur autour de moi.


Des ombres danseuses apparurent sur le sentier où je m'étais cru seul à marcher. D'une petite voix elles me dirent : il n'est pas de pensée sur laquelle le malheureux trouve appui, pas de palais dans l'esprit qui ait le confort d'un ami. Alors je me relevai.

Quand j'eus gagné leur confiance et que le rythme de mes pas imprima en elles une musique assez régulière, elles devinrent mes compagnes de doute. Elles m'apprirent à rire de mon errance, à pleurer de n'être pas mieux perdu. Elles prirent mes yeux pour les détacher de l'ancienne lueur. Et bientôt ce ne fut plus qu'une tache de lait sèche de mes jeunes espérances.


Nous marchions et j'oubliais de compter.

Leurs paroles soulageaient mon cœur de sa lourde sève que j'avais cru si particulière. Je devins léger. J'oubliais de me répandre sur le sol de ma vie.


Alors il fut l'heure de mourir et je voulus entreprendre un dernier voyage, revenir au début du chemin pour y inscrire une seule ligne, une dernière phrase pour ceux de mon acabit. Sur la route, je les vis nombreux, tâtonnant dans le noir, qui se croyaient seuls, et ne me voyaient pas.


Je parvins au lieu où je basculai il y a si longtemps.

Je voulus l'inscrire, cette phrase de ma vie. Mais elle était partout, écrite par d'autres avant moi, en mille, à l'identique, sur le sol, la roche et les murs, que je n'avais su lire, que je n'avais voulu voir, la plus belle phrase qui soit.


 
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   Mistinguette   
2/2/2014
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte rythmé et vraiment très bien écrit que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire. Même si, paradoxalement, après plusieurs lectures, je n’ai pas compris grand-chose (voir rien du tout).
En fait j’ai la sensation que ce récit est volontairement évasif, l’auteur désirant mettre à l’épreuve l’imagination du lecteur en le laissant se débrouiller pour mettre des images sur ses mots.
Si ce n’est pas le cas, et que l’auteur a voulu exprimer très précisément quelque chose, j’aimerais bien avoir le décodeur…
Merci pour cette lecture certes agréable mais un peu frustrante.

   Anonyme   
3/2/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ouah ! J'ai trouvé ce texte symbolique et poétique très beau. C'est ici :
"Ce chemin, pourtant, me semblait vierge et plein de mystères : j'en aperçus l'entrée dans mon salon"
que j'ai pressenti une étrangeté, un décalage qui n'a fait que s'accentuer avec l'expression par des images concrètes d'un paysage intérieur... très bien vu, pour moi.

Le mouvement est bien pensé, je trouve, parce que le décalage va toujours grandissant. Le texte se clôt sur un constat qui pourrait être tragique (une vie passée à côté de la beauté et de l'essentiel sans les voir, c'est ainsi que je comprends cette fin), mais qui me paraît très serein, imprégné de la joie d'avoir au moins vu avant la mort. Une écriture fort belle, à mon avis.

   Pascal31   
4/2/2014
 a aimé ce texte 
Pas ↑
La fin, empreinte de mystère, est plutôt réussie et titille l'imagination.
Mais que d'emphase avant d'en arriver là !
Vous avez, à mon sens, gâché cette histoire d'introspection par une écriture et des situations alambiquées (j'ai même failli stopper ma lecture dès les premières lignes).
Je pense que ce court récit aurait gagné à plus de simplicité (avec de courtes phrases, notamment). Et même les trois ou quatre lignes de conclusion que j'ai appréciées ne parviennent pas à sauver l'ensemble de l'ennui et l'incompréhension. Dommage...

   Aveta   
25/2/2014
Très étrange, et donc, très intéressant ! Curieusement, j'ai suivi la démarche du narrateur et pourtant, au fur et à mesure que son histoire se déroulait sous mes yeux, c'est mon propre cheminement qui s'imprimait en filigrane, d'où une certaine ambiguïté. Mais c'est aussi sans doute cela qui fait le charme de l'intrigue..

Par contre, je suis revenue plusieurs fois sur " Je marchai cent années par cette femme usée", et je n'en ai toujours pas compris le sens. De prime abord, j'ai cru que le marcheur était cette femme, mais non, c'est un homme : "Aussi je ne sortais d'ordinaire jamais, assuré de n'avoir rien à découvrir"

j'ai aussi été obligée de relire plusieurs fois certaines tournures de phrases, sans doute à cause du temps employé. Mais cela n'a pas réellement été un frein, puisque je suis allée au bout !

Jolie prise de conscience, de travail sur soi que l'on fait tout au long de sa vie, plus ou moins tôt, plus au moins réussi aussi.

Mon grand regret, mais que je perçois comme une petite malice de l'auteur : mais quelle est donc cette phrase, écrite partout et par tous et pourtant invisible ??
Sans doute les mots propres à chacun qui se nouent pour abreuver une seule et même source ;)

   in-flight   
25/2/2014
Texte nappé d'un spleen tout à fait palpable. J'ai également dû m'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre certaines phrases. Je crois saisir que l'auteur nous parle de l'univers de la mort ou d'une quelconque fin (de l'innocence, de l'insouciance...). Parce que je n'ai pas tout saisi, je ne mets pas de notes mais ce texte ne m'a pas laissé insensible.
Au plaisir de vous lire.

Bonne continuation.

   Pepito   
27/2/2014
Ah, enfin un texte drôle !

"... je baissai les yeux pour en circoncire la menace." pratiquer une ablation du prépuce sur l'obscurité, là franchement, faut être doué.

La suite est beaucoup plus ennuyante, avec quelques jolies images:
"Je me frottais les yeux pour en faire tomber la poussière dont se nourrissent les mirages."
et quelques trucs ''indigérables'' :
"Je marchai cent années par cette femme usé."

Bon, ben il en faut pour tous les goûts.

Bonne continuation.

Pepito

   senglar   
27/2/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Cucko,


Réflexion poético-fantastique où j'ai croisé Verlaine fourvoyé et Carson McCullers, ce qui est un signe d'évidente qualité.

Je vais encore m'employer à mieux connaître les ressources de mon salon. Un chemin dit le narrateur réflexif... et une lueur. Je n'oublierai pas de prendre une corde de rappel ou un fil d'Ariane pour ne pas avoir à tâtonner si je décide de revenir précipitamment.

Mais peut-être que je n'ai rien compris à la vie car perso j'ai vraiment pas envie de recommencer, même en cordée (lol).

Autant en emporte le vent puisqu'il est question de tramontane... Transmontane ?


brabant

   Cucko   
5/3/2014
Bonjour,

Le " circoncire " était volontaire, mauvais certes mais volontaire! Je pensais à un découpage circulaire de l'obscurité par rétrécissement du champ de vision.
Je vous rejoins, après relecture, sur la lourdeur du texte. j'ai tendance à supprimer beaucoup, ce qui entraîne paradoxalement un effet de surcharge .

   fergas   
4/4/2014
 a aimé ce texte 
Un peu
Moi aussi je bute d'emblée sur le mot circoncire (couper le bout de viande), au lieu de circonscrire (tracer un cercle pour délimiter).

De manière générale, l'écriture est un peu lourde et incertaine.

Au troisième alinéa, qui est ce "on" (dans "on fut assuré...")?

Quelques images approximatives: "... la poussière dont se nourrissent les mirages", "...une tâche de lait sèche de mes jeunes espérances."

Votre récit, dans sa forme, tire plutôt vers la poésie, qui n'a pas besoin de faire sens pour être appréciée.

Le sujet est bon, cependant. On voit l'effort d'écriture et la recherche d'images, même si c'est tout du long teinté d'emphase.

Comme le dit l'un des commentateurs, le texte est fait pour "mettre à l'épreuve l'imagination du lecteur", et c'est peut-être son principal intérêt.

   Anonyme   
26/4/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'apprécie beaucoup cette allégorie de celui qui se cherche et qui doit s'en aller malgré ses attaches et les liens du coeur.
Liens qui l'ont aveuglé sans doute et dont on met un temps infini, parfois toute une vie pour s'en libérer...mais jamais tout à fait.

J'apprécie particulièrement cette liberté, avec cette dérision sous-jacente comme, par exemple : "Aussi, je ne sortais d'ordinaire jamais, assuré de ne rien avoir à découvrir. Ce chemin, pourtant, me semblait vierge et plein de mystères : j'en aperçus l'entrée dans mon salon et l'empruntai pour échapper à ma propre végétation."

Merci de ce presque très beau texte..."J'oubliais de me répandre sur le sol de ma vie." Comme je vous comprends.


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