Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Humour/Détente
demain : Les courses de M. Sho-Ping
 Publié le 25/12/11  -  6 commentaires  -  18984 caractères  -  106 lectures    Autres textes du même auteur

"Étude sociologique sur le consumérisme sino-hexagonal"
ou
" Tous aux abris, Sho fait ses courses !"


Pochade de Noël de Perle et de Jaimme.


Les courses de M. Sho-Ping


La Chine est une chronologie.

Non, je n’ai pas dit : la Chine a une chronologie. Tout le monde a une chronologie. Elle EST une chronologie.

Une belle frise, telle que votre prof d’Histoire vous a obligé à en faire. Avec des dates très anciennes que personne n’arrive à retenir et plus de trucs vers la fin. C’est d’ailleurs à se demander ce que faisaient nos ancêtres.

Remarquez, la France aussi est une frise chronologique.

On s’est tous perdu par une longue nuit brumeuse dans les campagnes de l’Auvergne. Tous. Et au détour d’un chemin à peine goudronné… le Moyen Âge. Des poules au cou déplumé, des charrettes abandonnées, une liaison ADSL à moins d’un méga !

Mais en Chine on peut tracer une ligne droite qui partirait de Beijing, quartier du Zhongguancun ; là on est en 2011, et on y prépare 2030 ; puis passé le district de Fangshan on bascule déjà dans le milieu du XXe siècle, avec ses champs de maïs, de blé et ses tracteurs bigarrés ; trois cents kilomètres plus loin on tombe au siècle de Fénelon et parfois de Dagobert. La fin, mais aussi l’origine de notre voyage se trouve bien plus loin, dans les montagnes du Guizhou. Là on a entendu parler de l’électricité. Mais certains n’y croient pas.

Notre héros, Sho, l’aîné de la famille Ping, est né dans une belle maison de bois, typique des Miaos.

Au Néolithique.


En cette belle matinée du samedi 17 décembre 2011, soit le 23 du 11e mois de l’année Xin Mao, mais surtout UNE semaine avant Noël, Sho entra à Belle-Épine. Si vous revenez d’une très longue mission humanitaire, je me ferai un plaisir de vous informer : c’est le plus grand centre commercial de France. Tout est dit.


***


Sho s’était fait déposer par son beau-frère. Il lui avait dit de revenir dans trois heures. C’est le temps qu’il mettait habituellement au marché du bourg pour faire ses courses mensuelles. Notre héros se considérait comme un maître dans l’art du marchandage et il allait se faire un plaisir de montrer à des Français ce dont un roublard comme lui était capable. Dictionnaire Hmong-Parisien en poche, il était fin paré.

Son objectif était clair : impressionner sa nouvelle épouse. Enfin, nouvelle c’était beaucoup dire, puisqu’ils étaient unis depuis bientôt trois ans. Le mariage avait été arrangé, dans leur enfance, au siècle précédent, mais les parents de sa promise avaient eu la folle idée de venir s’installer loin de la vraie civilisation. En Europe ! Juste après les noces !

Promis et amoureux depuis sa plus tendre enfance, Sho avait respecté par la force des choses la tradition miao d’habitations séparées pendant les trois premières années du mariage. Cela sans même la possibilité de la voir en fin de semaine comme pouvaient le faire habituellement les jeunes époux.

Il venait donc de vendre son troupeau et de voyager en avion, priant toute la bureaucratie céleste.


Ici et maintenant une seule mission : l’impressionner. C’était l’assurance d’être enfin accueilli dans son lit. La belle se refusait, sans doute à cause de cette longue période de séparation. Sho ne voulait pas la brusquer, mais là il n’en pouvait plus. Deux mois à travailler dans la cuisine du restaurant des beaux-parents, sans jamais s’aérer, et à guetter un signe qui le ferait sortir de sa virginité, c’était… long.


C’est donc d’un pas vaillant qu’il entra dans le temple de la consommation occidentale.

Il avait en tête sa liste de courses et, en première place, l’indispensable pour sa chérie : de l’indigo et du sang de bœuf pour teindre les douces cotonnades qu’elle brodait avec tant d’habileté, et peut-être une paire de boucles d’oreilles, présents qui lui ouvriraient, il en était certain, les portes du temple secret de sa Petite Fleur.


Oh, il connaissait les tentations du monde moderne, mais peu lui importait : sa culture vaincrait, oui, il saurait préserver, même ici, les coutumes de ses ancêtres ! Pfhiou était si belle dans son habit traditionnel, long et brodé du symbole du village, des fleurs de… de… Sho perdit le fil de ses pensées. Devant lui, une vitrine révélait une boutique rehaussée du rouge sang de bœuf si apprécié de Pfhiou. Murs incarnats, tapis écarlates… comme le teint de Sho devant la photo de cette femme, parée de dentelles, mais minimales, les dentelles, très minimales.

Il s’approcha, tendit le cou. Ce corps sans tête permettait toutes les audaces, tous les fantasmes.


‒ Monsieur ? Puis-je vous aider ?


Sho ne savait comment, mais il se trouvait à présent au centre de la boutique, à caresser du bout du doigt un modèle exposé, un modèle vermillon, orné de fleurs délicates, de broderies affolantes stratégiquement placées pour attirer l’œil. Sho déglutit, reposa brusquement l’objet sur le présentoir. Une vieille femme, la patronne sans doute, le dévisageait. Elle avait le sourire carnassier et l’œil aguerri de la marieuse de son village. Oui, le genre de grand-mère dont la fausse bienveillance était redoutable.


‒ Je… Pfhiou…

‒ Oui, je comprends votre admiration. Très bon choix, monsieur. Notre modèle « Fleurs de pommier » séduit à coup sûr notre clientèle féminine. Aucune…


Elle le fixa en inclinant le cou, comme les pintades de son ami Ghiouxan :


‒ Aucune femme ne repousse celui qui lui offre un tel présent…


Depuis deux mois Sho travaillait le jour et étudiait la nuit, décidé à réussir dans ce pays de cocagne. Après des pages de méthode « le franchouillard pratique-guide de l’entrepreneur Hmong pour faire fortune en sept étapes » et la radio à plein tube toute la journée dans la cuisine du restaurant (il alternait Europe 1 et RTL, station jugée plus intellectuelle par son beau-père), Sho comprenait assez bien le sabir local. Malheureusement, la pratique manquait encore, les Français étant interdits de visite des arrière-salles, et lui en étant discrètement chassé lors de l’unique visite de locaux. Des gens fort désagréables, par ailleurs, qui avaient embarqué le congélateur poussif et plissé le nez pour quelques cafards.


Sho comprit donc les paroles de la vieille. Illumination ! Les Dieux l’avaient guidé, il devait se soumettre. Fleur de pommier était un nom prédestiné, il serait ridicule, voire dangereux d’aller contre la volonté céleste. Les dessous portaient le nom du symbole du village, c’était un signe incontestable ! Imaginer Pfhiou dans cet ensemble, abandonner les carcans vestimentaires de son peuple pour une liberté occidentale, là était l’avenir de la femme. Et le plaisir de l’homme. Évidemment. Le tout dans le respect des traditions et la bénédiction divine.


‒ He Xianguhop ! fit Sho tout échauffé, exhortant la déesse de la fertilité à venir à son secours.

‒ Plaît-il ?


Sho hocha violemment la tête de haut en bas, ce qui signifie partout peu ou prou : ok, cause toujours et emballe. D’ailleurs la vendeuse acquiesça à son tour, saisit les objets de délices pour les plier dans du papier de soie.


‒ Vous réglez par carte bleue, chèque, espèces ?


Comme Sho restait coi, elle fit glisser le pouce contre l’index, expression également universelle.

Sho sortit son billet. Il renoncerait sans état d’âmes aux gorges de porcs farcies pour mieux admirer celle de sa mignonne ainsi parée.


La marieuse tordit le nez :


‒ Le tanga est à quarante-neuf et le soutien-gorge à soixante-seize euros, monsieur… Ce qui nous fait… (en montrant la calculette) : cent vingt-cinq euros.

‒ Hiarrrrghhhh !!!


Sho savait additionner plus vite que toute une classe d’adolescents français réunis. Cent vingt-cinq euros ! C’était davantage que ses deux mois de salaire au restaurant de ses beaux-parents… Il considéra la vieille, le visage lisse (celui de Sho, pas celui de la Shar-Peï, bien entendu) de l’asiatique qui ne s’en laisse pas conter.


‒ Mmhh… Possible… (il feuilleta son dictionnaire)… négocier ?


La sorcière tira à elle le paquet :


‒ Je regrette, monsieur. Les soldes ne commencent qu’en janvier.


Sho recula, outré. Quel pays de sauvages traitait ainsi ses clients ? Il faillit tourner les talons, mais le poster géant le retint. Il pointa l’index sur la patronne, qui recula d’un pas.


‒ Vais chercher argent. Vous ! Gardez paquet !


Sho sortit, l’esprit en ébullition. Il avait vingt euros en poche, et un peu moins de trois heures pour en gagner cent cinq. Sans compter les pattes de poulets, et autres menues friandises à acheter pour le repas du lendemain.


Top chrono.

H moins deux et quarante-sept minutes.

Manquait au trésor : 105 euros

Sho, bien calé contre une Volkswagen rouge en vente dans l’allée centrale, entonna le seul chant qu’il connaissait en entier : « Le Président Mao parcourt la vaste patrie ». Son mouchoir posé devant lui, il vit avec satisfaction les pièces tomber régulièrement. Un homme voulut l’entraîner ailleurs. Ce concurrent prit un coup de pied retourné dans la tête, tout près du curieux tortillon noir qui pendait à son oreille. Sous les applaudissements plusieurs billets vinrent rejoindre leurs petites sœurs métalliques. Soudain il entendit, en mandarin standard : « Salaud de communiste ! Tu vas la fermer ! ». Toute une famille de réfugiés politiques se jeta sur lui…


H moins deux heures et douze minutes.

Manquait au trésor : 105 euros.

Sho vitupérait contre les dieux du magot abandonné sur place. Sa dent déchaussée le lançait terriblement.

Il se cala dans un angle du temple de l’inaccessible et examina le manège incessant des petites charrettes de métal. Quand il vit une vieille dame s’échiner à pousser une de ces cages à roulette qui persistait à aller à droite il saisit l’occasion et lui proposa de l’aider. De retour avec une pièce de dix centimes il renonça à cette idée…


H moins deux heures et quatre minutes

Manquait au trésor : 104, 90 euros.

Le temps pressait, il se dit alors que ce qui était rentable en Chine devait aussi l’être en France. Il fouilla dans une poubelle du MacDo, puis, assis sur ses talons, vociféra : « Gagner argent, gagner argent ! ». Les chalands lui jetèrent un vague coup d’œil, mais lorsque les trois gobelets se mirent à virevolter le spectacle à lui seul fit s’arrêter nombre de badauds.

Faire deviner quel est le gobelet cachant la muscade aurait tenté une ou deux personnes. Mais tenter le pari sur : « Quoi verre avec rat mort ? » c’est offrir l’assurance d’une histoire à raconter pendant des années. La participation ne coûtant qu’un euro…


H moins une et vingt-cinq minutes

Manquait au trésor : 78, 90 euros

« Il est temps de sortir de la grande poubelle, se dit-il, l’heure tourne et la police est partie. Très facile de se cacher ici. Autrement plus compliqué au marché du bourg. En plus les gens jettent des choses toutes neuves dans les poubelles ! » Sho put donc changer de veste et se dit que, puisque qu’un Français ressemblait à un Français, pour ces gens-là rien ne devait plus ressembler à un Chinois qu’un autre Chinois. Il refit donc le tour du pâté de maisons et passa sans problème devant la patrouille de police qui cherchait un Chinois en veste rouge…


H moins quarante minutes.

Manquait au trésor : 78,40 euros (Je viens de trouver le salaire d’une demi-journée de travail au battage du riz en me baissant, se dit-il, quel pays !)


C’est alors que Sho tomba sur une scène d’une rare violence, une scène quasi insoutenable aux yeux de tout homme civilisé. Un vieil homme kidnappait un enfant !

Le vieillard était repoussant : suant, gras, il portait un uniforme d’une armée inconnue mais dont la couleur rappela à Sho les pires heures de son peuple martyrisé. Il était si peu soigné que ses cheveux retombaient en longues mèches blanchâtres sur son col relevé et il arborait une barbe informe et si emmêlée qu’on aurait dit un déguisement.

Cet homme lui rappelait bien quelque chose, mais quoi ? Un truc placardé sur les murs d’affiches… Un avis de recherche ?


L’agression avait lieu dans un recoin, derrière une tenture camouflée par un décor hideux de sapins et de neige. Ruse de guerre, camouflage grossier. Le vieux libidineux retenait sur ses genoux le petit qui hurlait et se débattait. Un homme tentait de photographier cette scène odieuse, et une femme, la mère sans doute, exhortait le tortionnaire à lui rendre son fils, paroles incompréhensibles entre colère et résignation.


Sho n’écouta que son courage et sauta sur le monstre. Enfin, les longues heures d’entraînement au monastère allaient porter ses fruits… Il porta avec jubilation un Kansetsu Geri à la rotule du gros plein de soupe, lequel lâcha le môme. Avant qu’il ne se ressaisisse, Sho bondit et lui fracassa les Koukougnets par un atemi Sokutō qui laissa le barbare sans voix.


Le photographe voulut courir à son secours, mais c’était sans compter la vélocité de Sho qui le repoussa dans le décor. Tout s’effondra. La femme hurlait, le marmot hurlait, le photographe hurlait. Tous s’époumonaient, sauf le vieux dont le visage était désormais assorti à la tenue.


Sho songea que cette cohue allait attirer la police et l’empêcher de trouver la cagnotte manquante. Il attrapa le gamin, le fourra dans les bras de sa mère. En se retournant, il vit une caissette sur une table derrière le photographe. Des billets en débordaient. Le prix de précédentes rançons, certainement… Sho fit main basse sur cet argent sale et fila sous les hurlements indistincts, sans doute des cris de remerciements et d’admiration des badauds. Il n’avait pas le temps.


Il se précipita vers l’escalator, sa fortune en main. Les dieux étaient de son côté ! Il entra avec fierté dans la boutique, jeta l’argent à la figure de la marieuse et sortit, son précieux paquet à la main.


Il lui restait vingt-huit minutes pour trouver les pattes de poulets.

Face à lui, une enseigne géante montrait un oiseau stylisé sur la lettre A. Il pouvait voir de loin les montagnes de victuailles entassées. Il poussa le portillon et entra, gonflé de courage après ses exploits.


Incapable de déchiffrer rapidement les noms sur les boîtes et les emballages, Sho devait se fier aux images. Que contenaient tous ces paquets avec ces hommes au torse nu ? Ces visages de femmes aux chevelures rousses, auburn et blondes ? Ces boîtes en plastique avec des héros à l’épée ? Et ceux qui brandissent un pistolet mitrailleur ? Et tous ces…. Et ces…

Pas de pattes de poulet en tout cas.

Sho parcourut les alignements au pas de course. Affolé, tournant et retournant. Il se perdit.

Essuyant la transpiration qui lui brûlait les yeux, il regarda la montre prêtée par son beau-frère. Plus que dix minutes.

Réfléchir. Se calmer et réfléchir.

Puis il sentit l’odeur du poulet.

Il fila dans la direction et trouva la rôtissoire. Et là, horreur.

ILS AVAIENT ENLEVÉ LES PATTES !


« Fous ! » hurla Sho et les personnes autour de lui entendirent : « Zài kuáng». Et à nouveau : Zài kuáng, Zài kuáng, Zài kuáng ! ».

Un client qui patientait en profita pour lancer lui aussi : « oui, c’est quand, ça commence à bien faire ! Vous pouvez pas les passer au micro-ondes pour accélérer ? » La personne affectée au poste envié et rafraîchissant de la rôtisserie dit avec obligeance : « Messieurs, revenez donc dans dix minutes, la fournée sera prête ! ».

Sho aperçut alors le rayon volaille. Toujours pas de pattes aux poulets ! Incroyable ! Incroyable !

Alors qu’il cherchait frénétiquement, mettant une pagaille indescriptible dans le rayon boucherie, un homme tout de blanc vêtu, l’aborda : « Monsieur je peux peut-être vous aider ? ».


‒ Aider ? Oui, aider moi ! S’il vous plaît ! Je veux pattes de poulet ! Important ! Vite !

‒ Des pattes de poulet ? Mais on les jette, les pattes !

‒ Jeter ? Non, pas jeter ! Très bon ! Pour ma épouse ! Pour ma mariée !

‒ Bon, attendez, je vais voir si…


Le brave homme partit derrière les bacs remplis de viande et revint avec un sachet rempli de pattes de volaille. De poule, de pintade, de dinde.


‒ Vous avez beaucoup de chance, monsieur, que nous ayons un rayon bio. Nous recevons les volailles sur pied, car en général…


Mais Sho était déjà en train de courir vers la sortie après avoir laissé une liasse de petites coupures dans la main du boucher abasourdi.

Un autre client s’approcha et demanda, sans aucun accent :


‒ Et des tranches de mamelles de vache, il vous en reste ? Parce que ma grand-mère nous préparait un fabuleux…


Un homme en complet gris s’interposa :


‒ Moi je voudrais du cocorec, j’ai goûté ça en Turquie, c’est de l’anus d’agneau !


Un attroupement se créa en quelques secondes.


‒ Des bébés souris, c’est pour faire du vin !

‒ Du placenta de cerf, au Canada nous…

‒ Et…


Le vigile, à la sortie, prit un sachet de pattes griffues dans la figure, reconnut du coin de l’œil l’Asiatique et, terrorisé, se mit à farfouiller dans ses sacs en plastique vides comme si son emploi en dépendait.


Sho arriva au parking, essoufflé mais ravi. Il brandit ses trophées sous le nez de son beau-frère : demain, sauté de poulette pour la fête !


***


‒ Pfhiou, ma chérie, ma toute belle, voici un modeste présent pour magnifier ta beauté. Je ne te demande qu’une chose, porte-le demain pour la fête, et promets-moi que je pourrai t’admirer avec.


Pfhiou prit le paquet sans mot dire. Elle connaissait la vie occidentale, la dépravation des mœurs et les filles faciles. La marque inscrite sur le paquet ne lui était pas étrangère. Sho s’était laissé embobiner, voilà tout. En fille avisée, elle saurait lui montrer qu’elle n’était pas une proie facile et que Sho avait toute sa cour à refaire. Une seule lettre par semaine pendant trois ans ! Pff ! Quelques mois de plus à attendre, ce n’était rien au regard de leur félicité future.


***


Le lendemain soir, tout était prêt.

Le restaurant exceptionnellement fermé, la table dressée, les plats tous plus alléchants les uns que les autres. Au centre trônait la cocotte de pattes de poulet grillées à la mode Hmong, tout comme là-bas.

Les beaux-parents en avaient la larme à l’œil et le sang tout retourné. Sho était dans le même état, la libido en étendard de surcroit. Un cliquetis de pas légers fit résonner l’escalier. Doux carillon de promesses pour cette nuit… Pfhiou allait paraître, et certainement, sous sa longue tunique brodée…


Sho écarquilla les yeux.

Pfhiou était plus magnifique que jamais dans ses habits traditionnels, toujours très chargés d’ornements. Elle vint déposer un chaste baiser sur le front de son promis.


‒ Regarde, mon chou-Sho. Ainsi que tu me l’as demandé, je porte ton présent, le symbole de notre village et de nos coutumes. Et tu pourras le contempler chaque fois que tu le souhaiteras.


Elles étaient si belles, les fleurs de pommier de ce modèle, après tout…


… soigneusement découpées et cousues avec amour sur la tunique.



***


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
18/12/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Mignon ! Le texte m'a fait sourire, c'est vrai, mais je trouve qu'il présente un Sho quand même très, très peu au fait des coutumes occidentales... J'ai du mal à croire qu'il n'ait pas été abondamment bombardé de publicités et autres images au cours de son séjour de quelques semaines en France.
Ce que j'ai trouvé le plus drôle, en fait, c'est l'attroupement de clients en quête d'anus d'agneaux, mamelles de vaches et autres délicatesses. Pour le reste, cela me paraît tout de même trop caricatural. (Et puis, d'abord, le beau-père ne pouvait-il indiquer à Sho où se procurer des pattes de volaille ?)
La chute est sympa, cela dit, c'est elle qui m'a évoqué l'adjectif "mignon" pour ce texte.

   caillouq   
23/12/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai apprécié l'érotisme subtil et l'invitation au voyage que distille ce texte. Me suis demandé néanmoins s'il était raisonnable de laisser à la lecture d'enfants de quatorze ans des descriptions de foules à l'oeil allumé prêtes à payer pour se procurer des mamelles de vache et des anus d'agneaux. Brebis ou bouc, ça me choquerait moins, il s'agit alors d'adulte sconsentants, mais agneaux ...

   Anonyme   
25/12/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Je trouve l’introduction un peu longue même si j’en savoure l’humour mais je peux comprendre que passer des origines magnifiques de la Chine et de la France en suivant leur frise chronologique respective pour atterrir à Belle-épine aussi grand centre commercial soit-il, il fallait au moins cette longueur !
Le problème est que j’apprécie d’être mise directement dans l’ambiance sans détour, pour moi donc c'était un peu long.
Le personnage principal est bien sympathique, mélange de naïveté et de fraîcheur exotique et asiatique, bien sûr. Son nom est bien trouvé, même si les ancêtres Ping vont sans doute se retourner dans leur caveau de savoir que leur descendant se trouve affublé d’un nom si roturier.
Je trouve que le rythme est lent, trop ? Oui pour moi. Cela commence vraiment à démarrer avec la bagarre avec le père Noël. La quête des pattes de poulet est vraiment très amusante. La chute est inattendue et amusante également.
L’humour est omniprésent. C’est léger mais en même temps pas tant que ça. Etre un étranger maitrisant mal notre langue, sans argent surtout, dans nos grands centres commerciaux regorgeant de marchandises, quelle glaçante solitude. Les auteurs ont eu la finesse de ne pas s’appesantir sur ce point, mais il est présent en toile de fond.
Ce texte d’une certaine manière montre bien les contradictions de cette période festive. J’apprécie les nouvelles humoristiques avec un fond de réalisme.
Merci aux auteurs de nous avoir concocté cette nouvelle sympathique pour le jour de Noël !

   aldenor   
25/12/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
L’introduction est excellente, sympathique et bien peaufinée ; elle situe bien le personnage. Et prépare une situation qu’on a hâte de voir évoluer.
La première scène aussi est drôle et crédible, jouant sur les contrastes entre deux civilisations. J’ai aimé le parallèle de la patronne qui « avait le sourire carnassier et l’œil aguerri de la marieuse [du] village ».
Mais à partir de « Top chrono », c’est la débandade. Le récit part à la dérive. On change de genre : irruption de l’absurde, de l’humour facile, hors de propos, mal préparé.
Péché de l’écriture à deux : on devient plus permissif. On s’emballe. Enfin, je ne veux pas dire nécessairement, mais si on laisse faire, c’est le résultat. L’un propose un passage, pas vraiment drôle, mais qui pourrait l’être… L’autre le valide, parce que ça « pourrait » l’être et le premier se trouve conforté par cette validation, alors que tout seul son autocensure serait plus vigilante, puis les divagations s’enchaînent...

   Palimpseste   
31/12/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Le début avec la chronologie endort... et puis on se réveille dès qu'on passe à une vision "Jacky Chan à Belle-Epine".

C'est léger et amusant, mais sans plus... (comme un film de Jacky Chan).

Par contre, je suis assez gêné que vous preniez quelqu'un du peuple Hmong, une ethnie de montagnards, répartie entre la Chine, le Laos et le Vietnam. C'est un peuple qui a beaucoup souffert pour son soutien aux Français et aux Américains lors des guerres d'Indochine.

Or, le comportement électrique décrit ici serait plutôt caractéristique d'un gars bien azimuthé de Shanghai (et qui du coup sais bien comment fonctionne Carrefour: ils ont les mêmes là-bas!).

C'est un choix délibéré ou bien est-ce moi qui suis-je à côté de la plaque sur le contexte culturel de ce conte ?

   Anonyme   
31/12/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour, Perle et Jaimme,

J'arrive ici via Caillouq. Je m'y retrouve. J'ai vécu un an en Chine... pour suivre celui qui est depuis plus de vingt ans mon compagnon et tout et tout. Ça m'avait d'ailleurs mise dans une étrange position, je ne vous refais pas le roman, mais je me suis retrouvée illégale sur le territoire chinois, enfin, bref, les rares Chinois à qui nous pouvions parler (c'était deux ans après Tian an Men) me disaient : "mais vous ne savez pas que le plus bel amour, c'est quand on est séparé longtemps ?". Ben tiens. Je n'avais pas la patience de Sho, à l'époque (implicite auto-censuré :-D).
Il m'est arrivé à l'époque d'avoir envie de m'offrir de la lingerie en soie. Je suis allée dans les magasins de Shanghai. Pour découvrir d'incroyables soutien-gorge coniques, mais très décoratifs, et d'autres, un peu mollassons, pas du tout adaptés à mon bonnet B de l'époque. J'imagine que le choix de la lingerie chez La Perla (ha ha) pour Pfhiou devrait poser à Sho les mêmes soucis, d'autant que je doute qu'il soit très au courant des subtilités des tailles de lingerie, mais bon, je vous passe le manque de crédibilité de cette partie du récit.
Il m'est aussi arrivé de voir cuire des pattes de poulets. Heureusement que ça ne se rôtit pas, entre nous. La patte de poulet nécessite une longue cuisson nécessaire au ramollissement des fibres de collagène. Sinon c'est pas bon.
Bon voilà. A part ça, c'est mignon, ça m'a fait plaisir entre la confection de deux plats pour cette soirée du 31 décembre. Et ça ressemble bien, en miroir, à mes expériences de magasinage dans les marchés de Shanghai et Beijing. Et je confirme : cette garce de Pfhoui (belle orthographe) est effectivement une Shanghaienne.


Oniris Copyright © 2007-2023