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Fantastique/Merveilleux
jensairien : Le ténor
 Publié le 04/01/09  -  10 commentaires  -  6160 caractères  -  39 lectures    Autres textes du même auteur

C'est pas des histoires !


Le ténor


J’ai mal dormi, j’ai des courbatures partout et cette chaise est vraiment inconfortable. De plus elle est bancale, un pied qui se débine. Elle ne va pas tarder à me lâcher. Je l’ai dit au bureau des fournitures mais tu penses ! Ils vont envoyer une demande à l’économe qui, après accord de l’intendant, sera retournée signée aux fournitures. Le gros Robert ne m’a pas laissé beaucoup d’espoir.


- De toute façon même si j’ai l’accord, il faut encore que la chaise soit en stock.


Parce que de telles chaises ne courent pas les rues. Il faut les bonnes dimensions, au centimètre près.

Ces bornes sont obsolètes. Pour le matériel, c’est toujours pareil. On ne le fait plus.

Avec ses airs de faux cul dégoulinant, le gros Robert est sans espoir. On ne peut rien en tirer. Il m’a regardé comme s’il allait se mettre à chialer et il m’a dit :


- Christof lui, il ne se plaint pas.


Je l’aurais baffé.


J’ai encore deux heures à tirer. Je n’aime pas ce quartier. Je ne sais pas pourquoi mais les gens d’ici sont plus moches qu’ailleurs, plus gris. Ça paraît difficile à croire et pourtant c’est vrai.

Avant j’étais aux ambassades. Que du beau linge, de la finesse et de la gambette. Des visages agréables, souriants, comme si la chaleur là-bas était moins rude. C’était trop beau, ils m’ont collé ici, dans cette taule puante même pas aérée. Heureusement que je ne connais pas d’autre vie, sinon je crois bien que je me serais flingué.


Les gens passent, tristes et sales, traînant leurs pattes comme des poids morts, aussi froissés et usés que leurs fringues bon marché. Ce matin un gamin - oh ! je ne veux pas dire que c’était un sale gamin - a tambouriné au carreau. Ses yeux rieurs, ça m’a fait chaud au cœur, mais son père l’a illico tiré par la manche.


- Papa, il disait, pourquoi c’est écrit en cas de danger briser la glace.


Les adultes sont trop cons.


Bon je ne vais pas me plaindre. Je ne fais pas un boulot éreintant. Mais à rester assis toute la journée moi j’ai attrapé des escarres. Bien sûr je pourrais jeter la chaise. L’autre fois, en rentrant, je suis tombé par hasard sur un gros bidon en plastique qui aurait fait l’affaire. Avec mon oreiller c’était parfait. Mais il suffit qu’un comité d’inspection passe pour que l’on m’accuse de vol de matériel ou d’utilisation frauduleuse du poste. Et là, c’est la porte directe. Je connais un type qui a été pris les pieds dans une bassine d’eau salée pour soigner ses rhumatismes. À la rue. Le danger n’était pas nul, mais un bidon en plastique ! Un oreiller ! Il fallait vraiment se méfier.


Cette chaleur est accablante. Tiens ! Voilà qui est amusant. Un type de l’autre côté de la rue coincé dans la cabine téléphonique. Il tambourine contre la porte. Plus il tambourine plus la chaleur monte plus il s’énerve plus la porte résiste. Est-ce que je tambourine moi ? C’est avec des histoires comme ça que la panique s’installe.


Cela me ramène à ma dernière alarme. Une vieille dame s’est effondrée sur le trottoir. Quelqu’un aurait pu se porter à son secours ou la mettre sur le côté. Mais non, personne ne s’est arrêté. Bien sûr elle a fait tomber un type puis d’autres ont suivi et très vite des piétons ont commencé à dégringoler sur la voie. C’est à ce moment que je suis entré en action. Heureusement il n’y a pas eu de blessés et les gens ont su garder leur sang-froid.


Et ce ventilateur ! C’est à se demander s’il ne va pas me lâcher avant la chaise. Il n’aère pas, il brasse la chaleur.


Plus qu’une demi-heure. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir manger ce soir ? Il me reste des haricots. Je les ferai au thon. Ça suffira. Je n’aime pas les desserts. Un bon plat me suffit amplement. Il faudra juste que je trouve du pain.


Christof est arrivé avec cinq minutes de retard. Je crois qu’il le fait exprès. Il a remarqué que j’étais du genre coulant, alors il en profite. Je ferais pareil à sa place, si j’étais différent.


Il était tout excité Christof. À son service de nuit, hier soir, il a vu un accident pile en face de lui. Un type est tombé sur la chaussée. Un car l’a aussitôt renversé. Du sang a giclé jusque sur la borne. Sans le carreau il aurait tout pris.

Dans ces cas la règle est stricte. Il ne faut rien faire tant que personne ne tire l’alarme. Il n’a pas été long à attendre. Quelqu’un s’est précipité sur l’appareil et a brisé la vitre. L’ouverture de la porte s’est alors enclenchée et, très réglementairement, il est sorti d’un bond en hurlant :


- Un trépassé ! Un trépassé sur la voie quatre !


Ça lui faisait tellement plaisir de me le raconter. Quelle pitié ! Je l’ai laissé causer. Le flot de la circulation s’est ralenti et une équipe du service de nettoyage s’est pointée. La routine. Après, comme il avait oublié de nettoyer le sang avant de retourner s’asseoir dans la borne, il a passé tout son service avec la moitié de son champ de vision gâché par du sang coagulé. Sûr que si un contrôleur était passé, il en prenait pour son grade.


Mais ce Christof est un vantard. Je n’ai aucune preuve de ce qu’il avance. Il aura voulu m’impressionner avec son histoire d’hémoglobine. Souvent l’accident se passe loin de la borne. En général quelqu’un brise la vitre et prévient : « Accident barrière huit », « Évanouissement voie sept », « Agression quai trois. » L’ouverture de la porte s’enclenche et l’on sort tel un diable de sa boîte en hurlant l’alarme.


Un fonctionnaire est sorti d’un bâtiment en desserrant sa cravate et en déboutonnant son col trempé de sueur. Au moins moi, dans ma borne, je ne suis pas obligé de mettre une cravate. Je suis assis, le visage collé au carreau et j’attends que la journée passe. Et elle finit toujours par passer. Le jour où elle ne passera plus, c’est que je serai mort.


J’achète un sac de pain et je rentre. À chaque fois que je passe devant la loge du gardien, il me regarde avec de grands airs, comme pour bien faire sentir sa position.


- Tiens, voilà le ténor ! qu’il fait avec un méchant rire plein de dents.


La plaisanterie est éculée. Je préfère ne pas répondre, d’autant qu’il faut que je m’économise. Mes cordes vocales, c’est mon instrument de travail.



 
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   xuanvincent   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'amosphère sombre, l'humour au ton désabusé de cette nouvelle m'ont frappée.

Je n'ai toutefois pas compris pourquoi cette histoire a été classée en Fantastique/merveilleux.

   Anonyme   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Salut Jensairien ! Je dois être atteint de viscosité mentale car j'ai dû relire trois fois le texte avant de comprendre de quoi il s'agissait. Je crois avoir saisi mais en fait... j'en sais rien !
Dorénavant, je regarderai de plus près ces fameuses bornes...
Amicalement. Alexandre

   widjet   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Le retour de Jensairien après quelques mois d'absence (en plus un autre texte est en attente !). Bon, ben sinon je sais pas trop qui est ce personnage. J'ai relu deux fois. Toujours pas. Ce n'est pas si grave cela dit.

Sinon l'écriture reste fluide, l'auteur n'a rien perdu de sa causticité.

Un retour en douceur...Mais j'attends plus !

Widjet

   Anonyme   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
C'est un "préposé au suicide" ton ténor? Un "gueuleur d'accidents"? J'avoue être un peu sec aussi. Ca m' a fait penser à une nouvelle d'abe kobo je crois où un type perché sur une espèce de chaise d'arbrite de tennis surveillait les quais du métro pour éviter que certains se jettent sur les rails...
Sinon j'ai lu avec plaisir cette histoire, certes pas d'une gaité exacerbée, mais empreinte d'un certain "réalisme", si si...

   dude   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Il m'a sûrement manqué quelques clés pour comprendre cette histoire. Le ton intrigue. On cherche un peu les indices. C'est bien écrit, pour sûr, fluide et sans fioritures. Pourtant, j'en ressors avec un sentiment partagé. Du mal à accrocher totalement.

   Claude   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
C'est vrai que tout n'est pas d'une limpidité absolue, mais j'aime bien cette atmosphère un peu kafkaïenne, bien glauque et absurde.
Et il fallait y penser, à caser un type dans une boîte d'alarme, pour le faire poireauter pendant toute sa vacation. Tellement chiant qu'un accident mortel est le bienvenu !
Et le concierge qui se croit supérieur...
Peut-être faudrait-il juste revoir certains passages pour que tout cela soit évident.

   Anonyme   
4/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
La lecture est aisée, le style vivant, l'atmosphère morne est bien rendue mais je reste sur ma faim. Que fait le personnage principal ? Je me pose des questions auxquelles je ne parviens pas à répondre et c'est frustrant. Un peu déroutant.

   Menvussa   
8/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Bon, c'est l'histoire d'un type derrière une vitrine, assis sur une chaise bancale et qui observe la rue, un vigile, un gardien de parking... peut-être, mais qui dort pendant son service...

Fantastique merveilleux... Je dirais plutôt, curieux, déroutant...

"Un type est tombé sur la chaussée. Un car l’a aussitôt renversé. Du sang a giclé jusque sur la borne." Il a fait fort le chauffeur du bus pour renverser quelqu'un déjà à terre.
Et puis, qu'est-ce que c'est que cette borne ?


Bref, c'est fantastique... ment confus.

Je ne dois pas être réveillé... Et puis, pourquoi le ténor... ça doit être codé et j'ai pas la clé... pas de bol.

   kullab   
13/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé cette nouvelle parce qu'elle est très bien écrite (je trouve le style à la fois très personnel et très professionnel), mais il y a peut-être un peu trop de mystère dans cette histoire pour que l'on en sorte avec un sentiment de complète satisfaction. On a envie d'en savoir plus : s'agit-il d'un délire fantastique ? Doit-on y voir une satire, une critique du travail des fonctionnaires poussé à son extrême ? Mais peut-être était-ce l'effet voulu par l'auteur.

   Flupke   
14/1/2009
Je ne sais pas si je peux vraiment évaluer. Dabord ai-je bien tout compris ? Dans un futur ou le réchauffement serait mondialisé (ou dans un univers parallèle ?) en gars est en faction toute la journée dans un local vitré (un peu comme les dames dans des vitrines à Amsterdam). Pas très clair pourquoi il faut crier avec sa voix de stentor ? Absence de système de communication électronique /radio ? Et pourquoi ne peut-il intervenir uniquement si qqun le sollicite en actionnant l'ouverture ?
Je pense que certains éléments manquants devraient être justifiés pour convaincre plus facilement le lectorat. Soleil vert dans le brouillard.


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