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Fantastique/Merveilleux
laplume : Mort blanche
 Publié le 14/04/07  -  7 commentaires  -  7076 caractères  -  20 lectures    Autres textes du même auteur

Des disparitions atypiques, un jeune homme assez fou pour ne pas fuir, une correspondance ultime et personnelle... Est-ce le corps ? Est-ce l'esprit ? Cette chambre blanche nous est commune à tous...


Mort blanche


Chère lettre,


Mon but n’est pas de me confier mais de faire connaître, à celui qui te lira plus tard, cet étrange phénomène dont je suis malheureusement la victime. Au début, j’ai d’abord cru à une blague mais ça n’en était pas une. J’ai cru aussi à une intervention extérieure, mais là encore je n’étais pas dans le vrai. J’ai même cru devenir fou mais la folie n’est pas le fin mot de cette histoire. Je sais que je ne suis pas fou. Mais je ne peux raconter à personne ce qui m’arrive sous peine que l’on m’enferme dans un cachot et que mon maton jette la clé au fond du puits. J’ai essayé de trouver une explication logique et rationnelle mais là, je sèche. Alors, j’ai décidé de raconter.


Lettre, je te raconte ceci mais peut-être que toi aussi tu disparaîtras bientôt. Je ne sais pas ce qui me pousse réellement à faire tout ça puisque plus personne ne me verra, puisque plus personne ne pourra te lire.


Lettre, tu seras ma confidente et la spectatrice de mes derniers instants ou je serai spectateur de tes derniers instants. Tu comprendras vite où je veux en venir.

Ne t’inquiète pas. Je t’explique tout de suite…



Il y a de cela environ un mois, je me suis réveillé sans couette.

Ne te moque pas, Lettre. Tu riras moins quand tu sauras la suite.

Je me suis réveillé nu sur mon lit. Je l’ai cherchée partout et je ne l’ai toujours pas retrouvée. Accusant en premier lieu mes parents de m’avoir joué un mauvais tour, il s’avéra qu’ils n’auraient pas fait ça. Je les crois maintenant. La blague passée, ma vie a continué toute une journée pendant laquelle le doute semait la zizanie dans ma tête. La couette n’aurait pas pu s’évaporer, disparaître toute seule. Quelqu’un avait dû me l’enlever durant la nuit. Je ne m’étais pas réveillé. J’ai le sommeil léger et à chaque bruit, j’ouvre machinalement les yeux. Je l’aurais senti. J’en ai donc repris une autre.

Si tu savais, Lettre, à quel point c’est désagréable de se réveiller sans couette, dans le froid.


Le lendemain, je me suis réveillé sans couette et sans oreiller.

Ne sois pas si impatiente, Lettre, ton tour viendra.

Il n’y avait plus que mon matelas. Plus de couette ni d’oreiller. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : le somnambulisme. J’ai cru sur l’instant que je me levais la nuit pour cacher mes affaires dans un endroit où personne, même moi, je ne pouvais les retrouver. Cette version ne convient plus à présent. Mais c’était l’explication la plus plausible et c’était aussi celle que tout le monde accréditait. Mon erreur ce jour-là a été d’en parler aux copains. Ils m’ont ri au nez. J’aurais fait pareil à leur place.

La folie n’est pas ce que tu vis mais ce que les autres croient que tu vis.

N’ayant plus de couette, j’ai pris une couverture et j’ai pris un autre oreiller. Je te laisse deviner la suite, Lettre.


Le lendemain je n’avais plus de couette, plus d’oreiller et plus de lit. Tout avait disparu, même le matelas. La thèse du somnambulisme commençait déjà à ne plus tenir la route. Comment aurais-je pu déplacer un lit sans réveiller mes parents et sans me faire remarquer ?! Aucune trace du lit dans la maison ni dans les alentours. J’ai tout gardé pour moi. Je n’ai rien dit à personne.

Il n’y a qu’à toi que je le dis car je sais que tu ne porteras pas de jugement sur moi, Lettre.


Et chaque matin, je me réveillais avec un manque. Mon mobilier disparaissait au fur et à mesure. Aucun intrus ne pouvait venir dans ma chambre et voler une penderie pleine de vêtements et laisser la télé sur place. Je jouais la discrétion et ma porte de chambre restait fermée jour et nuit. Personne ne devait être au courant. On m’aurait traité de fou. Mon acharnement à tout cacher m’a valu ce que je suis en train de vivre en ce moment même où je t’écris.


Lettre, j’espère que tu survivras. Il faut que quelqu’un sache.

Mais deux semaines plus tard, au milieu d’une chambre presque vide, l’impensable se produisit. J’ai vraiment cru devenir fou. Peut-être, après mûres réflexions, que cette chambre y est pour quelque chose. C’est drôle, je n’y pense que maintenant. Trop tard pour les regrets, trop tard pour avoir peur.

On est tous les deux dans la quatrième dimension.


Il y a deux semaines, ma porte de chambre avait disparu à mon réveil. Plus de porte. Tu sais ce que j’ai pensé sur le coup, Lettre ?


« Ben, ça c’est fort ! »


Sans porte, sans lit, sans vêtements de rechange, sans mobilier, je ne dormais plus et je mangeais de moins en moins. Je ne suivais même plus les cours. Vidé !

J’ai encore eu une réaction stupide ce matin-là. Au lieu de sortir en courant de ce lieu maudit, j’ai juste réfléchi à un moyen de cacher mon entrée. Il ne fallait plus que ma mère rentre dans ma chambre.

C’est un peu le même genre de réaction que maintenant. Je t’écris dans un espoir quelconque.


Mais il y a pire, Lettre !

Tu ris déjà moins, Lettre. Tu commences à comprendre ce qui arrive.


Puis, un matin, plus de trous. Plus de trou de porte, plus de trou de fenêtre. Plus de porte, plus de fenêtre. Plus de quoi rentrer ou sortir. Je n’ai plus de calendrier. Je ne sais pas combien de temps je suis enfermé ici mais ça doit bien faire trois jours. Je n’ai pas de quoi boire ni de quoi manger. Même pas de coin toilette. Peu importe car mes déchets ne restent pas. Ils s’envolent eux aussi. Il ne reste que toi, Lettre ; soit une feuille et un crayon. Je suis nu, je suis affamé mais j’ai encore de l’air. D’une minute à l’autre, je peux mourir asphyxié. Il faut donc que je me dépêche. Il y a de la lumière mais je ne sais pas d’où elle vient puisqu’il n’y a plus de fenêtre. La lumière est là, c’est tout. D’ailleurs, soit dit en passant, je n’ai plus d’ombre.

Mais j’ai encore mieux, pour te faire peur. Ne tremble pas. C’est moi qui dois avoir le plus peur.


Quand je te disais que tout avait tendance « à ne plus être là », je ne plaisantais pas. Le sol et le plafond ont disparu. Les murs aussi. Ils n’ont plus de couleurs. Ils n’ont plus de textures. Ils ne sont plus là. Je suis tout seul dans le néant, dans le blanc.


C’est mieux que noir ?! Tes réflexions ne m’intéressent pas, Lettre. C’est moi qui fais les commentaires.


Excuse-moi pour l’écriture mais c’est dur d’écrire sans plancher. Cette chambre est mon tombeau. Tu mourras avec moi. Désolé de t’annoncer cette mauvaise nouvelle d’une manière aussi brusque. Mais je pense que tu l’avais compris depuis un moment. D’ailleurs, je pleure. Je ne pleure pas pour toi, Lettre. Je pleure pour moi. Mon bras gauche devient translucide. Je ne le sens plus. Je commence à disparaître. Mes larmes n’arrivent plus à tomber. Elles s’effacent de mes joues.

Mes sensations me quittent. Ce n’est pas douloureux mais je pleure de ne pas savoir ce qui se passe, de m’effacer seul. Je pense que tu survivras un peu plus longtemps que moi. C’est ma consolation. C’est peut-être injuste que tu sois encore entière alors que moi je ne suis plus entier. Mais parler de justice dans un tel moment, c’est un mot qui est aussi blanc que ma vision.


Au revoir, Lettre. Tu verras ce n’est pas…


 
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   Aliceane   
15/4/2007
Même après la lecture de ce texte, le mystère plâne. Je veux dire que je ne trouve pas vraiment d'explication à cette disparition... j'ai pensé à la feuille blanche, à l'enfermement dans une prison ( ni porte ni fenêtre ), à la pluie qui efface l'encre, etc.
Je pensais trouver une réponse avant la fin mais je dois dire que je ne suis pas très lucide.

Je dois dire que j'ai pris du plaisir à lire, je me suis facilement laissée embarquer alors que, la plupart du temps quand je lis un texte d'un auteur inconnu, j'ai du mal à ne pas décrocher.

Pour les commentaires plus constructifs :
Il y a une petite chose qui m'interpelle avec "dans un endroit où personne, même moi, je ne pouvais les retrouver", je trouve que le verbe "pouvoir" devrait plutôt s'accorder avec le nom "personne"... ( ? )

Ensuite, j'ai trouvé un peu dommage, à certains moments ( pas toujours ) l'accentuation sur le substantif "Lettre" car en tant que lectrice j'avais l'impression d'être moi même interpellée, et c'était agréable.
J'ai aussi l'impression qu'il est étrange que le narrateur ne soit pas effrayé par la situation parce que, dans le fond, il ne semble pas comprendre ce qui se passe?

   Pattie   
15/4/2007
Avec le "je" au milieu, on doit accorder avec je. Sinon, avec personne, je pense.

Pattie

   Nico   
16/4/2007
Je pense que le plus simple était de ne pas mettre ce « je ».

   Maëlle   
23/4/2007
C'est plutôt déroutant, et ce qui me surprend le plus, c'est que le personnage choisi de s'adresser à une lettre. Or, je n'imagine pas personnifier ça (et pourtant, je personnifie beaucoup).

   Gatolopez   
25/5/2007
J'ai été assez bluffé, sur le coup. Je n'aurais jamais imaginé une fin comme ça! ! La fin est tout particulièrement réussie.
Pour réagir aux autres commentaires :
le fait d'accentuer le "Lettre" permet, du moins je le vois comme ça, de montrer que le personnage n'a personne à qui s'adresser, puisqu'il n'est plus dans le même monde.
La personnification de la lettre, si peu utilisée qu'elle soit, est bougrement efficace dans cette nouvelle je trouve.

Par contre, quelque chose m'a interpellé. Je trouve ça étrange que personne, ni même les parents, n'aient remarqué les différentes disparitions. Et encore, ça peut se comprendre, très difficilement, mais ça peut.
Mais le fait que le personnage n'ait pas pensé tout bonnement à sortir de sa chambre, c'est déroutant.

   passiflore   
26/5/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Texte intéressant dans la progression, qui passe de la perte du matériel à la perte de soi-même, de sa propre enveloppe charnelle! j'attendais dans la chute de la nouvelle une réponse plus précise sur la disparition de soi-même. Mais j'ai beaucoup apprécié le côté irréel de l'histoire, qu'il y ait un déroulement inattendu, que l'interlocuteur du personnage principal soit un objet et en l'occurence une Lettre avec un grand L, comme seul confident. L'auteur aurait peut-être pu plus insister sur le désarroi du personnage. Un agréable moment de lecture!

   monlokiana   
16/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Texte très amusant en fait. Ça m’a plus fait rire. Je n’ai pas senti le coté Fantastique merveilleux de ce texte. Il y a plus de l’humour je crois.
Le suspens est bien mené. Où sont passés tous ses objets disparus, c’est la raison qui pousse le lecteur à poursuivre sa lecture. C’est la principale raison qui m’a poussé à poursuivre, plus que savoir ce qu’il va devenir lui, le narrateur.

L’écriture est fluide, rythmé, ça se lit facilement, le vocabulaire est simple, je ne me suis pas ennuyée une minute. Je ne m’attendais pas à la fin de la « tombe ». Je m’attendais plutôt à un hôpital psychiatrique et dans ces chambres où on met les malades. Mal vu alors.
Bien aimé ce texte bien mené par l’auteur.
Merci pour cette lecture.
Monlo


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