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Humour/Détente
Leo : L'aventurier de la corne perdue [concours]
 Publié le 07/09/08  -  4 commentaires  -  9698 caractères  -  42 lectures    Autres textes du même auteur

Un escargot sur un balcon
Vit une belle à l'environ.
Amoureux d'elle il devint ;
La rejoindre était son destin.
La belle était indifférente
Aux avances : d'autres la tentent.


L'aventurier de la corne perdue [concours]


Ce texte est une participation au concours n°6 : Collaborations estivales (informations sur ce concours).



Le ciel de ce matin triste brumise la ville d'un brouillard fin et lourd, collant et aérien. La métropole vient de se réveiller avec son haleine des mauvais jours, ce parfum nauséeux remugle de ses bas-fonds les plus interdits, ceux que même les plus endurcis des insectes hésitent à explorer.


À la limite entre le fog et l'air, dans une jardinière suspendue à un balcon du huitième étage d’un immeuble qui en compte douze, un improbable hasard a amené une feuille de salade à planter son pied entre un bégonia pétulant et un pétunia pas bégueule. Et par un autre de ces improbables hasards dont la Nature saupoudre la Terre, un escargot a élu domicile sur la roquette au vert tendre. Pour l'instant, il se tend tant qu'il peut vers la tendre tentation qu'il tente d'apercevoir, quelques tantièmes plus bas.


L’escargot est amoureux. Amoureux comme l'est un poisson qui aime un oiseau d'amour tendre. Amoureux comme l'est une licorne à la crinière d'or qui aime un dauphin à la robe d'argent. Amoureux comme Valentin, amoureux comme Cyrano, amoureux... quoi !


Amoureux d’une limace qui rêvasse et se prélasse, un balcon plus bas. Qui se délasse et trace sa place en bavassant dans une nasse formée de cinq tuiles posées en quinconce, de trois pots de fleurs, et d'un lit d’herbe que la rosée magique lui renouvelle tous les matins.


L’escargot a des palpitations jusqu'au bout des cornes, quand il l’aperçoit. Il en bave, littéralement. Depuis plusieurs jours, il prend grand soin de ne satisfaire son appétit qu'en mangeant la partie basse de sa feuille de salade, de façon à pouvoir, tous les matins, par tous les temps, la faire se balancer le plus loin possible en dehors de la jardinière, et découvrir chaque jour un peu plus la merveille gluante qui a envahi son cœur.


Il ne veut plus qu'une chose : la connaître... plus en détail. Il est subjugué par son galbe, sa forme élancée, ses courbes divinement sobres et aguichantes à la fois, sa bave luminescente, si belle, si collante...


Amoureux fou. Fou, fou, fou de chez Frappadingue, plus fou qu'un nid de coucous, plus fou que la folie...


On lui a raconté, voilà bien longtemps, que la première limace était née des amours d’un ver de terre et d’un escargot tricorne, une espèce aujourd'hui éteinte. L'un des petits vers, très libre par rapport aux habitudes du mont Égu où résidait sa famille, était tombé amoureux d'une petite Cagulet, celle dont personne ne voulait dans son monde, celle qui était rejetée par le ban et l'arrière-ban de la Cargolade, qui avait fait sarment de l'ignorer : elle ne faisait baver personne, il faut bien le dire...


Pourquoi donc, me demanderez-vous ? Parce que la destinée, suprême infamie, ignominie démoniaque, l'avait dotée d'une troisième corne. Vous vous rendez compte, un escargot tricorne ? Un napoléon de pacotille ? Inadmissible, intolérable, inimaginable, que ce soit chez les petits Gris du Sud ou les gros Burgonds du Nord ! On raconte même que le père Cagulet, fou de rage, avait battu à mort la mère Cagulette, faisant ainsi de la petite une orpheline de père et de mère car, comme chacun sait, l'escargot est hermaphrodite.


Cet étrange accouplement contre nature, la Nature l’avait acceptée. Et le fruit de cette union avait pris toute sa mesure, toute son utilité dans le monde.



Allongé sur la roquette, l’escargot rêve d'être un nouveau docteur Moreau. Il se voit déjà à la tête d'une ribambelle de rejetons tricornes, ayant fait renaître, par mécanisme génétique subsidiaire inversé, la race disparue qui était jadis Maîtresse absolue des Jardins et Primeurs. Cela VA fonctionner. Ça ne peut pas rater : il l'aime, comme la petite Cagulette aimait le gars du mont Égu. Bon, c'est vrai, les positions au balcon sont inversées. Mais quand on aime, toutes les positions sont bonnes, n'est-ce pas ?



La belle limace est à mille lieues d'imaginer ce qui se passe dans les cornes de son voisin du dessus. Elle sait juste qu’il est hermaphrodite, bien trop jeune encore pour le percevoir, et passablement crispant à se balancer toute la journée sur sa feuille en tendant ses yeux cornus vers elle, comme s'il voulait les glisser sous sa jupe. Non, mais !


D’ailleurs, elle n’attend rien de lui. Elle lorgne du coin de la corne, indifférente, sa ridicule mascarade. Elle a bien d'autres préoccupations, bien plus dignes d'une jeune fille de bonne famille : calculer son parcours de la journée, faire son baving aux bons endroits (il y a toujours des petites choses a-do-raaaables à dénicher, quand on connaît un peu le dessous des feuilles), et bien entendu faire sa petite séance de soins du corps. Bien s’arroser partout, c'est essentiel pour paraître aussi belle et lisse que Lamice Hilton, la reine des magazines baveux. Et s'arroser, quand on est une limace, ça n'est pas une mince affaire...



L’escargot désespère. Sa belle l'ignore, le snobe, s'indiffère... comment est-ce possible ? À moins que... oui, c'est ça ! Il l'a lu dans « Cagole Actuelle », à moins que ce soit dans « Limaçolitan » : c'est un de leurs trucs de drague ! Elles font semblant de vous ignorer, comme ça, hop ! elles vous ferrent encore plus sûrement qu'au hanneton. Donc, c'est clair : elle est mûre, la bougresse. Il n'y a plus qu'à la rejoindre.


Oui, mais voilà, le hic est là. Réussir à être à la limace sans encombre n’est pas chose aisée, mais alors pas du tout. Il fait les cent baves sur sa salade, et un plan émerge, petit à petit. D'abord, il va la prévenir de son arrivée. C'est la moindre des politesses de prévenir avant d'entrer chez les gens, et puis elle aura le temps de se mettre à l'abri avant qu'il ne débarque. Il ne faudrait pas qu'il l'écrase à l'atterrissage, ça ferait mauvais effet. Il la voit qui prend son bain dans la bruine, alors il confie à celle-ci son odeur et charge le brouillard d'être le messager de sa fragrance jusqu'à sa belle : il tourne en rond autour de la jardinière, chargeant les gouttelettes de ses phéromones. Voilà, ça y est, il y en a assez.


Mais... mais quoi ? Elle ne bouge pas ? La limace reste de marbre ?


Ou elle n’a pas reçu le message (un problème, avec les bruines de fond), ou c'est encore son truc de drague : elle lui lance un défi. Oui, c'est ça, un défi. Elle ne se cache pas, parce qu'elle attend qu'il lui prouve qu'il est capable de délicatesse, de ne pas la toucher par inadvertance, même dans les pires manœuvres qui soient.


Il faudra qu'il pense tout de même à la dissuader de lire ces journaux féminins : on n'est pas gasté seulement, on est des bêtes, quand même ! Et l'instinct, elles en font quoi, de l'instinct, ces pimprenelles qui croient tout ce qui est écrit dans ces torchons ? Un mâle, ça en a, des instincts. Et il lui faut les assouvir !


Bon, c'est le premier contact, on joue selon ses règles à elle. Après... on verra. Pour l'instant, il faut qu'il y aille. Il doit descendre d'un étage, impérativement. Il en est sûr à présent, elle n'attend que ça.



« Mais qu'est-ce qu'il pue, ce mec ! Il a pourri ma douche, je le crois paahon ! Ça veut dire quoi, son textair ? – Pousse-toi, poulette, j'arrive ! – Mais il est hyper-méga relou, ce type ! Il ne va pas m'imposer sa présence, tout de même ! Il ne croit pas que je vais copuler avec lui ! Pauvre type ! Il y a bien un Limaçon Charmant qui viendra me chercher, sur sa fière endive blanche ! Je ne vais pas perdre ma jeunesse avec ce rustre. Un escargot, en plus... Non mais, j'vous jure, il y en a, de ces pervers ! Mais... mais qu'est-ce qu'il fait, avec ces feuilles de bégonia ? »



Voyons... Quelles possibilités ? Descendre le long du balcon et atteindre ainsi celui en contrebas. Mouais... La moindre erreur de pilotage, et c'est la dégringolade. Vingt-quatre mètres de chute libre, fractures multiples. Et encore, si ça se limite à de la coquille froissée... On peut s'écraser, dans ce genre d'accident. Non, trop kamikaze, ce plan. Un parachute, voilà ce qu'il faut. Eurêka : le bégonia !


Faire un parachute avec trois feuilles rongées à la hâte ne lui prend que quelques minutes.


Il est fin prêt. Il est tout chaud, l'escargot. C'est maintenant ou jamais. Une glissade vers le bord de la feuille de salade, le « bégochute » bien accroché aux cornes, il n'a plus qu'à franchir le pas, et hop ! Bon, franchir le pas, pour un escargot, ce n’est pas trop le pied, mais que ne ferait-il pas pour rejoindre sa belle ?


Il y est. Le bord est proche. Plus qu'une bascule, et c'est le saut. La pluie est fine, le vent est nul. La météo est avec lui, c’est un atout à ne pas négliger. Sa décision est mûrement réfléchie, il a tout calculé, tout anticipé, tout prévu.


Sauf l'oiseau qui le gobe à l'instant même où il commet sa dernière bavure...



---oooOooo---



Vingt-cinq pluies plus tard, la limace, toute desséchée à force d'attendre son Limaçon Charmant, rêve tristement devant la photo d'un escargot à trois cornes, qui orne la une de « Marie-Bave »...


La Une de "Marie-Bave" : Incroyable ! L'escargot à trois cornes est de retour ! (Photo de Léo)



Texte issu d’une collaboration à quatre mains entre et Léo et Max-Louis


 
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   xuanvincent   
7/9/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Les amours entre un escargot et une limace ? Ah... Pourquoi pas, après tout !

Sans m'être passionnée pour ces amours quelque peu baveuses, je reconnais que cette courte nouvelle m'a paru dans l'ensemble bien écrite et assez amusante.

Détail :
. La première phrase m'a semblé un peu confuse, à cause de l'emploi de termes contradictoires.

Triste fin pour cet escargot amoureux (bon, il en reste encore apparemment la photo en guise de souvenir !)

Bravo pour cette écriture à quatre mains !

   Togna   
15/9/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Inspiré peut-être par la chanson de Juliette Gréco « Un petit poisson, un petit oiseau » à laquelle il est fait allusion, ce récit est un régal, charmant, frais, drôle.
Le passage en italique m’a fait penser au sketch « La drague » de Bedos.
Et la dernière bavure, inattendue, est courte mais très bonne.
Audiard et Prévert ont-ils habités les deux auteurs durant cette exercice à quatre mains ?

   Maëlle   
16/9/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai une sacrée dent contre les escargots.
Ces espèces de sales petits bouffeurs de tomates, j'en lance trois par dessus le balcon au petit déjeuner. Et pas un merle compatissant pour les béqueter, à peine un chat qui croit que ce sont des jouets quand je les lance.

Quand y'en a plus, y'en a encore.

Bref. Je m'égare, complètement.

Du coup j'entamais ce texte avec une rancune certaine. Une ode à l'escargot; rien que ça.
Mais elle fini bien.

Et puis, elle commence bien, aussi.

Alors, juste, merci: ça m'a fait plein sourire.

   marogne   
7/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Que dire ? Savoureux, oui savoureux !

Et puis c’est tout, et puis merci pour ce texte.

Et enfin merci aux deux auteurs !


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