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Réalisme/Historique
macaron : Rêveur et sage
 Publié le 14/03/17  -  7 commentaires  -  14544 caractères  -  84 lectures    Autres textes du même auteur

1966, dans le nord de la France.


Rêveur et sage


Pour faire partie de la fête, j’aurais fait n’importe quoi. J’écoutai leurs cris et leurs éclats de rire, des enfants de trente ans. Je les observais discrètement, caché par le pilier de la grille d’entrée de la propriété. Une allée de graviers serpentait jusqu’à l’énorme bâtisse en pierres meulières qu’entourait une pelouse impeccablement rasée. Ils finissaient de déjeuner en cette chaude journée de juin, à l’abri du soleil dans un plein air revigorant. Des carafons de vin teintaient de rose les linges d’un blanc pur de la grande table installée là, dans l’espace d’une liberté vraie. Les convives, échauffés par la richesse des mets et des vins fins, plaisantaient à qui mieux mieux : d’enfantillages en taquineries, de défis en fanfaronnades. J’allais partir, lassé de contempler ces repus satisfaits, quand Anthony se leva, sourire aux lèvres, verre à la main.


– Mes amis, quelle journée !


Un tonnerre d’applaudissements retentit.


– Attendez, je n’ai pas terminé. Les plaisirs ne font que commencer, je vous ai réservé quelques surprises…


Je m’éloignai rapidement, je ne voulais pas en savoir davantage. Des artistes venaient les distraire, la plupart du temps des magiciens. Puis, parfois, ils partaient pour la ville, une virée jusqu’au petit matin. Je poursuivis ma route en direction du café de la mairie, un cognac – de qualité très moyenne – me ferait le plus grand bien. Anthony… mon vieux copain d’enfance. Il était revenu sans crier gare, presque naturellement, pour acheter le « château » comme on le désigne par ici. Nous en avions raconté des histoires, gamins pauvres, sur cette vie idéalisée des riches. Nous l’avions achetée cent fois cette bicoque de rêve et son domaine d’arbres centenaires et d’étang poissonneux. Nous les avions possédées, adolescents, ces femmes belles et fières, véritable symbole de la réussite.

***

Le café de la mairie ne supportait pas l’été et les grandes chaleurs. C’était un bistro de village, propice aux temps sombres et pluvieux, fermé sur lui-même dans son odeur concentrée d’alcool et de fumée. Peu de monde en ce début d’après-midi, Mangin tout de même, déjà hébété.


– Ah, monsieur le secrétaire de mairie, un cognac par ce temps, prenez une fine à l’eau, évitez la déshydratation !


Il rit quelques instants pour sortir de son état vaporeux, puis enchaîna :


– On s’amuse bien au « château », n’est-ce pas ?


Je ne répondis pas, je lui devais pour toujours le respect. Il insista :


– Votre ami, Anthony Deprez, qui aurait un jour pensé cela, propriétaire du « château » ?

– Vous me l’avez déjà dit cent fois, monsieur Mangin. Tant mieux pour lui.

– Vous, vous auriez pu partir d’ici, vous avez votre bachot, une tête bien faite, employé de mairie… Mais lui, et je suis bien placé pour le savoir, un flagorneur, mais d’une bêtise…


Je sortis du café en saluant Mangin, notre vieil instituteur alcoolique. Un bref instant, je me vis à sa place dans une trentaine d’années. Des voies sans issue m’emprisonnaient dans un quotidien épuisant d’ennui et de médiocrité. J’étais pris au piège de ma pusillanimité.

***

Je ne pensais pas vivre cette vie en épousant Fanny. Pour en être amoureux, je l’étais, comme un fou. L’ensemble de son être m’avait ensorcelé, pas seulement son corps que je vénérais au point d’ignorer les autres femmes, mais sa personnalité, un bouquet de gaité et d’assurance, d’insouciance. Nos deux enfants très vite venus, sans espacement, achevèrent la fête un peu tôt, le bonheur d’être deux au monde. Vint ensuite la famille de Fanny, ouvrière, besogneuse, enfermée dans des traditions étouffantes dont je voulais m’émanciper. Omniprésente, après nos enfants, un peu en rivalité avec ma famille pourtant du même milieu, il n’y avait guère un jour où l’on ne trouvait un de ses membres à la maison pour une raison quelconque. Les avoir chez moi, les revoir à la mairie ou dans les diverses manifestations auxquelles je participais suscita de ma part un rejet définitif. Très peu manuel, il me fallut subir l’humiliation d’une aide de leur part pour quelques travaux d’aménagement. Ils me firent sentir, à travers quelques plaisanteries perfides, la supériorité des cols bleus. Je ne gagnais pas plus qu’eux, j’étais « handicapé » des deux mains, un rond-de-cuir fainéant, pas fatigué au travail.

Le jour où Anthony gara sa voiture américaine, une Mustang toute neuve, derrière ma Renault 4L que j’avais péniblement acquise, ils étaient là, une partie de la famille de Fanny. Je l’avais revu à la mairie lors de son installation, il avait promis de passer, connaître ma femme et mes enfants. Je l’accueillis un peu gêné, pourtant il ne semblait pas changé, l’argent ne lui était pas monté à la tête au point d’oublier d’où il venait. Nous étions dans la cuisine, la grande pièce de la maison, autour de la table. Mon beau-père, le visage sculpté dans la pierre, son air défiant pour un accueil des plus glacés, se leva le dernier. Après les présentations d’usage, je proposai à boire, ce qu’il y avait, de la bière, le brasseur passait tous les jeudis pour notre cageot de bouteilles. Tandis que Fanny affairée à sortir les verres restait en retrait, ses deux frères imitaient leur père dans une attitude raide et froide. Je priai Anthony d’entrer, je lui avançai une chaise, maintenant anxieux de ce qui allait se passer.

Cela ne tarda pas, le père de Fanny lança, goguenard :


– Alors c’est vous le nouveau châtelain !


Anthony répondit franchement :


– Hé oui, ce qu’on en a rêvé de cette propriété, hein Rudy !

– Tu parles ! Tu me donneras la recette pour y arriver.

– De l’audace, beaucoup de chance. Le commerce, import-export dans le bois. Tu me connais, tu sais que je n’aurais pas pu rester ici, ouvrier ou comme toi, employé. Il faut que cela bouge : oser, entreprendre, s’aventurer bref, accepter le risque. Je me suis fait quelques frayeurs tu sais. J’ai attendu des cargaisons qui n’arrivaient pas, j’ai signé des contrats le front perlé de sueur. À présent j’ai pignon sur rue, on me craint, on me respecte, on me demande conseil. Et je n’ai pas l’intention de m’arrêter là, c’est la fin des menuiseries artisanales, il y a de l’argent à faire dans le meuble en kit par exemple, seulement je suis en vadrouille tout le temps, un peu le revers de la médaille. Ici, c’est mon refuge, mon bonheur. Je te… je vous présenterai Jenny, mon amie, peut-être un jour ma femme.


– Rudy a épousé Fanny ma fille, ils ont deux enfants. C’est une petite « entreprise » qui marche bien, commença mon beau-père le visage tendu. Ce serait dommage d’aller mettre dans la tête de mon gendre des idées de grandeur, de réussite, de sale capitaliste.


Je bouillais ! De quoi se mêlait-il ? Il dépassait les bornes ce vieux con avec sa ritournelle de la lutte des classes. Insulter devant moi mon ami d’enfance, quelle honte ! À le regarder un peu mieux, dans le vif de son intolérance, il ressortait par la peau de son visage pâle, la bile, le fiel de sa haine indomptée.


– Je n’ai pas l’intention d’entraîner Rudy dans quoi que ce soit monsieur. J’offrais simplement de passer ensemble quelques bons moments, une journée au bord du lac, un goûter avec les enfants, des clowns, des magiciens, nous en avions tant rêvé gamins. Venez, ma porte est ouverte !


Mon beau-père alors, parlant au nom de tous, commença un laïus pour bien expliquer à Anthony qu’il n’avait plus sa place parmi nous, puisqu’il était à présent un « châtelain ». Il n’était pas bon de tout mélanger, chacun à sa place et le monde n’en serait que meilleur.

Il continuait, et à présent l’anathème ! Comment vivre avec cette famille de demeurés, encroûtée dans sa condition ouvrière jusqu’à la moelle ? Mes doigts étaient crispés sur le dossier de la chaise. Je la repoussai brusquement et interpellai mon beau-père :


– N’importe quoi ! Parlez pour vous, moi je n’ai pas vos a priori. Anthony est chez moi, il est à sa place chez son ami d’enfance. Et surtout, arrêtez avec vos divisions de classes, vous êtes d’un ridicule…

Le frère aîné de Fanny, menaçant, pour me faire taire, m’attrapa méchamment par le cou, mais Anthony intervint, se fit violemment repousser par le beau-père. Les retrouvailles tournaient à l’aigre, il ne manquerait plus qu’on se batte vraiment, je pris l’initiative de mettre un point final à notre rencontre.


– Anthony… je suis désolé, merci d’être passé. Tout cela est tellement surprenant et… dérangeant. Je suis fier de ta réussite… Avec un peu de temps… nous pourrions nous revoir.


Je le raccompagnai à sa voiture, que pensait-il de moi dans le grand silence de la rue vide et triste ? Il aurait préféré l’altercation, quelques gouttes de sang à cet arrangement sage. Je le compris à travers sa poignée de main et le regard déçu qu’il me lança avant de monter dans sa Mustang. Moi aussi, j’étais indécrottable !

***

Après ce jour, il y avait eu cette fête au château, cette fête que j’avais épiée comme un voleur à la grille de la propriété. Toutefois je n’ai jamais revu Anthony. Il suffirait que j’aille le voir, Fanny a plutôt une bonne opinion de lui. Mais un mur s’est hissé entre nous, un mur de doutes et de renonciations, au nom d’une ligne imaginaire à ne pas dépasser. Je ne suis pas jaloux de sa réussite, loin de là, pourtant, je ne peux empêcher un pincement au cœur chaque fois que j’y pense. Comment a-t-il fait ? Quelle volonté, quelle vigueur pour sortir de sa condition ? Les études ne lui ont pas servi à grand-chose, il était moins bon élève que moi, alors ?

Je vais de plus en plus régulièrement au café de la mairie à la sortie du travail. Je n’ai que quelques pas à faire. Jo le patron me sert machinalement un cognac. Il a lu dans mes yeux le même renoncement que dans ceux des autres habitués. Le cognac, je suis le seul à en consommer. Ici, les ouvriers préfèrent le genièvre, moins cher, parfois tôt le matin avec le café, avant d’aller au travail. Je m’illusionne en regardant le liquide ambré de ne pas être tout à fait comme eux, mais Fanny se fâche quand je rentre l’haleine suspecte. Mangin est là, très souvent, sa retraite passe entre le vin blanc et le vin rouge qu’il alterne au gré de sa fantaisie. Son sourire ironique en dit long sur sa souffrance intérieure. Sa femme est partie à la fin de la guerre avec un résistant communiste, il ne s’en est jamais remis. Il me parle souvent d’Anthony, pour me faire mal, pour être moins seul dans la désespérance. Cela m’irrite bien évidemment, et je ressens parfois l’envie de lui rappeler ce souvenir du temps où nous l’avions comme instituteur. Seulement, je suis d’une génération polie et respectueuse des institutions et de leurs membres. Alors, je le garde pour moi cet incident révélateur. C’était en 43 ou 44, 43 j’avais onze ans, ma dernière année à la communale.

***

Ils sont entrés dans la classe sans s’annoncer, ils étaient trois soldats et un officier. Mangin se leva rapidement comme pour une inspection, congestionné, le teint rougeâtre. Le gradé allemand gueulait tout en martelant ses bottes sur le plancher de bois :


– Où, terroriste, communiste ?


Puis, perdant patience devant nos visages fermés, il nous fit sortir pour inspecter les lieux, la pièce attenante à la classe. Notre maître était troublé jusqu’à perdre le sens de la discipline, un soldat lui rappelant de s’occuper de ses élèves. Tant bien que mal, il nous mit en rang et exprima quelques paroles apaisantes, mais le cœur n’y était pas, la peur se lisait, insurmontable. Lorsque l’officier réapparut, contrarié, une scène se produisit qui me fit forte impression. Anthony, à mes côtés, sortit soudainement du rang, la main sur le ventre, courbé, le visage tiré exprimant une colique imminente. J’étais aussi surpris que Mangin ou les Allemands qui demandaient des explications au maître, tandis que mon ami se dirigeait vers les latrines. Près de l’urinoir, une rigole le long du mur, des toilettes turques, une cabine à côté d’un cagibi pour le matériel de nettoyage. La porte des toilettes laissait un jour par le bas, et elle n’était pas très haute. Le résistant avait trouvé un équilibre entre la descente de la tuyauterie de la chasse d’eau et la barre sur la cloison de bois. Inconfortable, il n’aurait pas pu tenir des heures sans poser le pied à terre et risquer de se faire repérer. L’officier demanda d’ouvrir la porte du cagibi fermée à clef, entendit certainement les râles d’Anthony sans pour autant penser qu’ils étaient peut-être deux à l’intérieur. Les Allemands partis, ils sortirent, se tenant l’un l’autre ravis et soulagés. Mangin, gêné, fit comme s’il ne s’était rien passé, appela Anthony à regagner les rangs d’une voix ferme. Alors, tous ensemble nous huâmes la lâcheté du maître, la lâcheté et la non-reconnaissance du statut de héros pour notre camarade. Le résistant communiste remercia encore mon ami avant de se sauver. Peut-être était-il l’amant de madame Mangin… non, il était trop jeune et cela sonnerait pour notre maître comme un mauvais tour du destin.

Nous n’avons pas besoin, lui et moi, de ce coup de pouce pour nous désoler de notre vie. Nous avons notre nature : mesquine, craintive, rêveuse. Anthony comprit, sitôt dehors, le danger pour le résistant. Il avait cru voir la porte des toilettes faire un léger mouvement, tandis que Mangin priait les élèves de se mettre en rang, et il n’y avait pas de vent. Le subterfuge aussitôt mis en place, c’est aussi les risques qu’il a pris par la suite dans le commerce du bois. De l’intuition et de l’action sans trop se poser de questions.

***

Je ne vais plus épier à la grille du « château ». Je sais que ma vie ne ressemblera jamais à la sienne. Peut-être nous reverrons-nous un jour ou l’autre par hasard, au détour d’une rue, mais dans quel état serai-je alors ? Fanny m’aura quitté, Mangin sera mort, j’errerai en titubant pour rentrer chez moi. Pour quel chez moi ?

Demain, c’est juré, j’irai lui parler. Le bois, pourquoi pas le bois ou une autre idée. Il a des fréquentations qui débordent de son entourage professionnel, il connaît mes qualités, il pourra me conseiller.

Un espoir insensé, solubilisé dans mon cognac que je bois d’un seul trait. Je sors du café de la mairie, j’entends le vrombissement d’un moteur puissant. Anthony, au volant de sa Mustang, passe lentement. Je souris, commence à lever la main en guise de salut, mais son regard me toise, entre tristesse et dégoût. Un coup d’accélérateur, le bolide file comme pour ne jamais revenir.


 
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   Tadiou   
14/3/2017
 a aimé ce texte 
Pas
(Lu et commenté en EL)

Peinture sociale d'un milieu d'ouvriers et de petits employés où beaucoup jalousent celui qui "a réussi". Rudy n'est décrit que sous les traits d'un "loser", un homme sans énergie qui s'oppose à peine à son beau-père. Une velléité de réaction à la toute fin du texte.

Rien qui suscite l'intérêt dans la peinture ordinaire et sans charme de ces personnages à peine esquissés, où la désespérance est générale, à part quelques évocations bien tièdes de la "lutte des classes".

Tout baigne dans une grisaille triste et sans âme, alcool aidant. Même Anthony, le nouveau "châtelain" est sans séduction.

L'épisode de la recherche du résistant communiste présente quelque intérêt mais est raconté de façon quelconque.

A mon avis le style est à revoir en profondeur avec de nombreuses formulations incorrectes ou maladroites. Ce qui rend la lecture peu agréable. J'ai noté quelques-unes de ces phrases:

« J’écoutai leurs cris et leurs éclats de rire, des enfants de trente ans. Je les observais discrètement… » (passé simple, puis imparfait… enfants de trente ans..)
« une pelouse impeccablement rasée » (tondue ?)
« Mangin tout de même, déjà hébété. » (éméché ?)
« L’ensemble de son être m’avait ensorcelé.. » (Tout son être ?)
« Nos deux enfants très vite venus, sans espacement.. » (à intervalle très court ?)
« Mon beau-père, le visage sculpté dans la pierre »
« Omniprésente, après nos enfants, un peu en rivalité avec ma famille pourtant du même milieu, il n’y avait guère un jour où l’on ne trouvait un de ses membres à la maison pour une raison quelconque. » (Tout reprendre)
« A le regarder un peu mieux, dans le vif de son intolérance, il ressortait par la peau de son visage pâle, la bile, le fiel de sa haine indomptée. » (Tout reprendre)
« Le frère ainé de Fanny, menaçant, pour me faire taire, m’attrapa méchamment par le cou, »
« pour nous désoler de notre vie. »
« Un espoir insensé, solubilisé dans mon cognac » (dissout ?)
« C’était en 43 ou 44, 43 j’avais onze ans, » (à reprendre)

« la lâcheté et la non-reconnaissance du statut de héros pour notre camarade » : phrase bien obscure… Lâcheté de la part de l’instituteur Mangin parce qu’il refuse de reconnaître le statut de héros d’Anthony ???

Je pense que vos idées ne sont pas mauvaises : vous avez matière à décrire une belle et intéressante galerie de personnages.

A mon avis, il vous faut absolument travailler votre écriture pour captiver le lecteur.

   PierrickBatello   
14/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour macaron,

Quelques détails:

"j'écoutaiS leurs cris et leurs éclats de rire" le passé simple ne colle pas je trouve.
"J’étais pris au piège de ma pusillanimité." Voilà un mot bien savant dans la bouche de Rudy. J'aurais attendu une tournure plus simple ici.

J'ai aimé l'écriture, l'ambiance globale. J'ai plus l'impression d'un extrait de roman que d'une nouvelle car vous dépeignez beaucoup de personnages: Rudy, Anthony, Mangin... qui méritent chacun attention. J'aime le passage sur le passé de Mangin, mais peut-être vient-il détourner le fil de cette nouvelle. En fait, je le trouve plus intéressant que la pusillanimité de Rudy.

Je trouve moins réussi la presque altercation lors du passage d'Anthony chez Rudy avec le beau-père. Dommage de nous avoir évité un véritable clash. L'auteur aurait-il eu peur d'y aller à fond?

Quitte à aborder la lutte des classes, autant qu'il y ait lutte!

   Anonyme   
22/4/2017
Commentaire modéré

   plumette   
14/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Macaron,

beaucoup de tristesse et même de désespérance dans ce texte qui parle d'une sorte de défaite, ou plutôt d'un renoncement, et de la perte des rêves de l'enfance.

Le retour d'Anthony au village dans sa nouvelle condition de chatelain, revanche prise sur la modestie de ses origines, bouleverse Rudy qui n'a pas su s'extraire de son monde.

Rudy ne se cherche pas d'excuses, il revisite sa vie et se désole de n'être pas un autre. Il se résigne à sa prison, ne se révolte pas,s'identifie même à son vieil instituteur alcoolique, et l'espoir d'un changement qui semble renaître à la fin est vite déçu par ce qu'il croit lire dans le regard de son ami d'enfance.

Rudy admire Anthony d'être enreprenant et se remémore sa première prise de risque: cette scène éclaire tout le reste de l'histoire. j'ai tout de même douté de la crédibilité de la réaction des enfants vis à vis du maître :" Alors, tous ensemble nous huâmes la lâcheté du maître, la lâcheté et la non-reconnaissance du statut de héros pour notre camarade".

j'ai bien aimé les sentimens que véhiculent cette histoire, c'est ce qu'il y a de plus réussi.mais j'ai parfois été arrêtée par des expressions qui m'ont semblées lourdes ou inadéquates comme:
- pelouse rasée
-dans un plein air revigorant
-dans l'espace d'une liberté vraie
- des femmes belles et fières, véritable symbole de réussite ( cliché- mais c'est peut-être ce qui était recherché pour bien caractériser le regard de ces adolescents)
-j'étais pris au piège de ma pusillanimité: un mot trop complexe pourle contexte
-l'ensemble de son être m'avait ensorcelé

j'arrête de relever ces expressions qui ne sont pas à la hauteur de ce que ce texte voulait exprimer.

je pourrai apprécier beaucoup pour le fond mais un peu pour la forme, alors je fais une moyenne avec bien.

A vous relire

Plumette

   vendularge   
14/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonsoir macaron,

J'ai bien aimé lire cette histoire (mais c'est presqu'une habitude chez vous: le narrateur culpabilise de "ne pas avoir fait" ceci ou cela. Qui aurait changé les choses. Quelqu'un que vous n'avez pas sauvé? (ce n'est pas une question)

L'histoire est bien menée, une belle écriture surtout dans les premières parties.

Quelques regrets: pourquoi le narrateur passe t il son temps à se dévaloriser, n'a t il pas passé le plus clair de son temps à travailler, fonder un foyer, supporter sa belle-famille envahissante par amour? Quelque chose de honteux, d'inavouable?

Ah oui! Il n'avait pas remarqué dans cet épisode de l'enfance, qu'il y avait un résistant dans les toilettes. Et puis, le bel Anthony n'a peut-être commis qu'un seul acte de courage dans sa vie, celui qui n'a rien à voir avec sa réussite.

C'est un portrait de "perdant" que j'aurais bien aimé voir assumer sa vie parce que c'est la seule façon de comprendre que quelques fois quand on perd on gagne..;)

vendularge

   Anonyme   
15/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Macaron,
Votre nouvelle met pour moi en scène une amitié devenue impossible du fait de l'appartenance à une classe sociale, amitié interdite par les autres au nom de cette appartenance (le beau-père) et par Rudy lui-même. Ce personnage est touchant par sa fragilité, sa loyauté ( ne tolère par les critiques sur Anthony) et aussi de par tous les interdits qu'il s'impose à lui-même. D'abord observateur de la vie d'Anthony, narrateur de sa propre vie, puis de la visite d'Anthony, j'ai senti en lui de la résignation et de la souffrance.
Le Flash-back avant la chute éclaire l'ancrage profond du lien unissant Rudy et Anthony.
J'évoque une chute plutôt qu'un final du fait de "mais son regard me toise, entre tristesse et dégoût". Ainsi l'espoir semble brisé.
Je me suis posée la question de la construction de votre nouvelle.
Le Flash-back est très important, je me demande s'il ne serait pas intéressant de le tisser peu à peu dans votre nouvelle, de manière à amplifier l'intensité de la lecture, mettre le lecteur dans l'attente , l'envie que Rudy et Anthony se retrouvent, ce qui ne modifierait pas pour autant la chute que vous avez choisie.
J'ai lu dans les autres commentaires que quelques tournures avaient déjà été évoquées, effectivement, certaines seraient intéressantes à retravailler.
Merci pour ce partage.
Nadine

   Anthyme   
16/3/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'apprécie particulièrement votre description perspicace des « regards » de la culture ouvrière.
Il y a l'art de l'écriture, certes, mais surtout le fait d'y retrouver ce que je perçois moi-même des clivages qu'elle construit par la dépréciation d'elle-même.

Dès ma sortie de la gare de Lille, ville dont le cosmopolitisme et le vernis moderniste ne parvient pas à effacer l'empreinte de cette culture ouvrière qui se chiffonne « torchon » face à des « serviettes » bien pliées, plus jalousées qu'haïes ; ma sensibilité alsacienne ressent la force les passe-droits de l'oppressante pyramide sociale qu'elle légitime.

C'est probablement la raison pour laquelle j'ai reçu votre texte comme un très réaliste portrait sociologique.

… … … …

«  …/... son regard me toise, entre tristesse et dégoût.»

Voilà une fin pessimiste, qui nous laisse avec un Anthony trop con pour ne pas se conformer à la verticalité des regards ambiants.
Ce qui manque à ce si pertinent récit, c'est une ultime phrase décrivant l'horizontalité du regard égalitaire de Rudy.

… … … …

Un régal de vous lire.

   hersen   
16/3/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ce qui, pour moi, est le plus représentatif dans l'histoire est l'acceptation de son sort par le narrateur; cette éternelle lutte des classes, il continue de la véhiculer comme son beau-père le fait.

Un raté qui va finir sa vie comme Mangin, le nez dans son verre au café.

Je trouve cette histoire déprimante et j'aurais vraiment aimé un sursaut de conscience, de courage, du narrateur...pour que vraiment ça fasse une histoire.

Et naturellement, ce n'est pas une question d'époque. Toujours il y aura des gens incapables de trouver leur place. Qui, comme le dit le narrateur, oh, non, ne sont pas jaloux...mais ont le pincement au coeur que génère la jalousie.

Mais finalement, plus que la rencontre et l'opposition entre ces deux amis d'enfance, c'est l'incapacité du narrateur a assumer sa vie, à la rendre belle malgré tout. Car si on n'est pas fait pour le bois, on doit bien être fait pour autre chose, non ?

On voit que pour quelqu'un qui n'a pas beaucoup de caractère, l'environnement familial (ici la belle famille) ou la proximité d'un café font la part belle à des regrets qui, au bout du compte, n'ont de responsable que la faiblesse, le manque de confiance en soi.

Et qu'est-ce que Anthony aurait à gagner à s'encombrer d'un poids pareil, un homme même pas capable de recevoir son ami d'enfance dans sa propre maison ?

Quand même, ça m'aurait bien plu de voir le narrateur se rebeller, parce que tel que c'est parti, les enfants de ses enfants...

Merci de cette lecture.

hersen


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