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Fantastique/Merveilleux
masdau : Madeleine Liberté
 Publié le 27/05/09  -  11 commentaires  -  7358 caractères  -  43 lectures    Autres textes du même auteur

Une vieille femme dans un village. Aussi vieille que la liberté.


Madeleine Liberté


Forcalquier


Il existait autrefois un petit village, dans les hautes collines au nord-ouest de Manosque, dont la spécialité était de procurer du bonheur à quiconque y était. Pas besoin de boire son eau de source bien fraîche et bien pure, ou de respirer le bon air, pour éprouver un sentiment de bien-être, non, il suffisait d’y être.


Cela provenait de la présence d’une vieille femme, si vieille que personne ne savait son âge. Les plus vieux du village prétendaient qu’ils l’avaient toujours connue comme ça : vieille. Certains prétendaient que leur père et même leurs grands-pères l’avaient connue comme ça. C’est vous dire si elle était très vieille. Et, à cause de son grand âge, tout le monde éprouvait pour elle un respect involontaire et magique.


Personne ne savait ce qu’elle faisait dans la journée car on ne la voyait jamais ni dans les rues, ni dans les champs, ni sur les chemins de collines à cueillir des herbes secrètes comme les autres vieilles. Elle restait enfermée chez elle, une toute petite maison au toit de tuiles rouges, située un peu en retrait du village, au bord du chemin conduisant à la forêt de chênes et de pins. Ce n’est que le soir, quand le soleil disparaissait derrière le pic de la plus haute colline, qu’on pouvait la voir sortir, tirant une chaise sur le pas de sa porte et s'asseoir dessus, bien digne et bien droite. Elle restait là, sans bouger, toute la nuit. C’est du moins ce qu’on croyait, car nul ne pouvait dire à quelle heure elle s’en retournait à l’intérieur de sa maison. Même ceux qui, plus curieux que les autres, se forçaient à rester éveillés pour espionner la vieille, n’avaient pu assister à sa rentrée. Il arrivait toujours un moment où la fatigue leur faisait fermer un instant les paupières. Quand ils les rouvraient, la vieille avait disparu.


On ne savait rien d'elle et personne n'aurait osé la questionner au sujet de sa vie. La seule chose que l'on savait, pour l'avoir constaté à plusieurs reprises, c'était que l'humeur de la vieille correspondait à l'humeur du village tout entier. Mais nul ne pouvait dire si l'air du village influençait l'air de la vieille, ou si l’air de la vieille influençait l’air du village.


C'était comme ça, un mystère de plus.


Quand il faisait beau et que l'humeur était joyeuse, on était certain que l'air de la vieille était frais et joyeux. Oh, pas les grandes effusions, non, mais un petit rien dans sa façon de se tenir sur sa chaise et de regarder les nuages épars, comme si elle avait reçu une bonne nouvelle et qu'elle se la repassait dans la tête. Alors, dès le lendemain, tout le village semblait tout neuf et tout heureux d'offrir ses toits rouges au chaud soleil de midi. Il devenait comme une fleur au printemps : tout épanoui. Et les gens étaient de même.


Parfois aussi, la vieille avait l'air d'avoir reçu de bien tristes nouvelles, alors là le village devenait tout gris et tout frileux. Le soleil avait beau illuminer tous les champs et tous les toits de tuiles rouges, le village restait triste.


La vieille était le baromètre de l'humeur du village. Voilà ce qui attirait les gens. Parce qu'à la longue ça s'était su dans tout le pays et même plus loin. Partout on disait : "Il existe un endroit où une vieille rythme l'humeur de tout un village". Les gens venaient de partout pour constater le phénomène, les incrédules comme les autres. Ils arrivaient par centaines, dès la tombée du jour pour se promener sur le bout de chemin qui conduisait du village à la forêt, afin de passer devant la vieille comme de si rien n'était. Quand ils passaient devant elle, ils sentaient qu'ils se remplissaient d'un sentiment de bonheur. Et les gens défilaient du village à la forêt et de la forêt au village jusqu'à ce que l'obscurité empêchât de voir plus loin que les pointes des chaussures. Alors ils s'en retournaient chez eux pour ne revenir que le lendemain à la tombée du jour. Et ce manège dura longtemps, des années. La terre du chemin était tellement piétinée qu'elle était devenue dure et brillante comme le bitume.


La vieille semblait ne se rendre compte de rien et continuait de sortir et rentrer sa chaise comme à l'accoutumée. Par contre tout ce va-et-vient incommodait les gens du village qui ne pouvaient plus aller dans le bois, cueillir des champignons ou ramasser les châtaignes, au risque de se faire renverser par la horde des étrangers en mal de bien-être. Alors on fit construire un immeuble ouvert du côté du chemin pour que les étrangers puissent s'installer et contempler la vieille. Le chemin fut libéré à la grande joie des villageois. Le temps passa, les étrangers arrivèrent de plus en plus nombreux. On construisit d'autres immeubles, et encore d'autres. Bientôt une immense cité s'élevait en bordure du chemin et le village devint minuscule. Seule la maison de la vieille paraissait préservée. Elle se détachait comme un petit havre de paix face à la forêt de bâtisses. Mais comme la vieille avait toujours son air de gaieté, tout cela n'avait pas un caractère tragique.


Tout allait pour le mieux, jamais petit village n'avait été aussi prospère que ce petit village-là.


Et puis un jour du mois de juin quarante est arrivée une voiture noire. Une belle voiture avec, à l'intérieur, de beaux messieurs de la ville. Ils sont arrivés juste à la tombée du jour, ont garé la voiture devant la maison de la vieille. Tout le monde retenait son souffle. On sentait que quelque chose d'important allait se produire.


Quand le soleil eut dépassé la pointe de la montagne, la porte s'est ouverte et la vieille est apparue. Comme à l'habitude elle tira sa chaise sur le perron et s'assit.

Le monsieur s'est incliné avec respect et a murmuré quelques mots à l'oreille de la vieille qui, aussitôt, changea d'air.


À cet instant les étoiles naissantes disparurent derrière de gros nuages gris et le village eut comme un craquement. On aurait dit qu'il se recroquevillait.


Alors les autres messieurs sont descendus à leur tour et très précautionneusement ils ont fait monter la vieille à l'arrière de la voiture. Puis ils sont partis.


Un silence énorme s'abattit sur le village et la cité. Les gens, têtes basses, ont quitté les appartements et ça faisait un long cortège silencieux qui s'étirait jusqu'au fond de la vallée. Au petit matin tout le monde avait disparu.


Les immeubles sont restés sur place à attendre que l'herbe et les graines germent dans les interstices.


Les gens du village ne sortaient plus qu'à l'aube pour aller à leur occupation l'air déjà fatigué de la journée qu'ils allaient faire. Plus personne n'osait passer sur le chemin de la forêt. Les mauvaises herbes envahirent tout ce qu'elles purent envahir et bientôt la cité fut noyée dans la verdure sauvage. Aujourd'hui on ne sait plus où est la cité et la maison de la vieille.


Tout doit n'être que ruine engloutie. Quant à la vieille elle n'est jamais revenue.


Elle s'appelait Madeleine, Madeleine Liberté. Il est certain qu'elle doit être quelque part dans ce monde. Si un jour vous passez dans un village ou une ville ou même une métropole et que vous ressentez comme un air frais de bonheur, soyez assuré que la vieille Liberté s'y trouve. Alors, je vous en prie, cherchez-la et si vous la trouvez, ramenez-la au pays. Ici nous avons tant besoin de Liberté.



Manosque, le 5 avril 2008


 
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   xuanvincent   
27/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Merci à l'auteur pour cette jolie histoire !

S'il ne s'y passe pas grand-chose, le thème de l'histoire et l'histoire tout simplement m'a plu.

Le style de la nouvelle, proche il m'a semblé du rythme du conte, m'a de même plu.

On ne sait pas trop pourquoi la vieille dame suit ces messieurs en noir, mais là ce n'est sans doute là qu'un détail.

Autre point, sans que cela ne m'ait vraiment gênée, il m'a semblé que certains verbes, au présent, auraient pu être mis au passé comme le reste du récit.

Détail
. "Quant à la vieille elle n'est jamais revenue" : "la vieille" dans le contexte m'a paru mal sonner (alors qu'il ne m'avait pas gênée dans les phrases précédentes), "vieille dame" m'aurait paru préférable.

Je lirai volontiers un autre conte de l'auteur.

   Anonyme   
27/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Merci pour cette très jolie histoire fort bien contée.
Un texte agréable très doux à l'oreille. De belles descriptions.

   Selenim   
27/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J'ai trouvé ce texte trop répétitif et manquant de pep's.

On sent le désir de l'auteur de conter une belle histoire mais les phrases s'enchaînent sans qu'on se sente concerné.
Il manque de la matière.

Dommage.

   Anonyme   
28/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Très bien ! J'adore la chute et la morale que ce texte porte en lui...

   Brandnew   
8/6/2009
 a aimé ce texte 
Pas
La fin sauve un peu le début, on se surprend à réfléchir à la construction et au sens une fois parvenu au dernier paragraphe, ce qui est pas mal pour un départ assez peu engageant. Cela dit, au-delà du récit, on en vient alors à se demander "la liberté se définit-elle seulement par une dichotomie joie/tristesse". Être libre est être heureux, ne pas l'être c'est être triste. Est-ce bien tout de la question de la liberté, ou du moins, est-ce vraiment comme cela que l'homme s'y rapporte. Je conçois tout à fait qu'il s'agisse ici d'une ode à la liberté, je n'ai rien contre, mais n'y aurait-il pas eu moyen de dépasser cette vision du rapport de l'homme à la liberté. Quelques thématiques, si développées, m'auraient plus satisfait, comme par exemple, au pif : "Sommes-nous heureux même quand nous sommes libres ?", "Ne trouvons-nous pas toujours de quoi réfuter notre liberté, prétextant notre aliénation par des forces supérieures et des complots", "Ne sommes-nous pas heureux dans le sacrifice ?", "Donnez sa vie à quelqu'un, n'est-ce pas une forme de bonheur ? ", "Cherchons-nous vraiment le bonheur ?". Et d'autres thèmes auxquels je ne pense pas à l'instant.

Donc au final, je dirais, la liberté mérite mieux que cela.

J'espère pouvoir te relire bientôt,

Amicalement

   Pistodrake   
8/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé cet aspect de petit conte, avec quelques bizarreries amusantes, comme des immeubles construits pour voir la vieille dame.
Le changement brutal de l'arrivée des hommes en noir qui modifie un peu l'atmosphère de l'histoire tout en restant un compte est intéressant.
Le message est intéressant mais aurait peut-être gagné avec un je ne sais quoi de subtil en plus sur l'idée de liberté qui m'est moi aussi chère, je n'ai pas grand-chose a dire de plus étant assez débutant et je salue l'auteur comme camarade Manosquin ^^.

   florilange   
9/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Cette histoire est 1 conte &, comme tel, je le trouve bien amené, avec de jolies images. Pas besoin de logique, selon moi, l'auteur n'a pas voulu faire 1 essai sur la liberté, seulement nous conter quelque chose, comme autrefois à la veillée, ce qui explique les quelques menues répétitions pas gênantes.

Cette région de Manosque, avec ou sans vieille dame, demeure 1 région où il fait bon vivre & où la liberté fleure nombre d'arômes subtils. Merci pour cette douce évocation sans prétention.
Florilange.

   LeopoldPartisan   
9/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
En Belgique terre nettement plus froide que ce petit village au Nord-Ouest de Manosque, l'on avait il y a fort longtemps un écrivain qui n'était pas du tout aimé de l'intelligentsia. Son nom Arthur Masson, certain l'appelait le Pagnol belge ou pour être plus précis le Pagnol Wallon. Je retrouve dans cette histoire tout le charme souvent décrié voire carrément nié du récit régionaliste. Heureusement qu'il y a encore des gens qui écrivent comme cela car ils sont les tenants de nos racines. En afrique, pays de grandes traditions orales on les appelle le vieux baobabs. Les abatrre, les oublier, les nier ou encore les laisser de côtés comme celà nous arrivera peut être, c'est laissé l'effet de serre manger nos côtes , ce sont ainsi des pans entiers de notre humanité que nous sacrifions.
J'aime d'autant plus que jamais je ne parviendrai à écrire de la sorte.

   Brandnew   
9/6/2009
C'est vrai qu'en découvrant d'autres textes de l'auteur, je mets mieux les choses en perspective. En tout cas les annotations des derniers commentaires me font réfléchir. Aurais-je parlé trop tôt ?

   placebo   
24/2/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Le texte ne m'a pas trop accroché, j'ai aimé le thème, mais j'ai été un peu déçu par la narration.

Le style, surtout au début, pêche un peu je trouve, d'abord des répétitions, quelques maladresses: un respect ''magique'', l'air de la vieille ''frais et joyeux'', des petites choses.

On assiste en fait à la description de la phrase mentionnée dans le texte: "Il existe un endroit où une vieille rythme l'humeur de tout un village", et je trouve dommage que l'auteur ne soit pas allé plus loin.

En revanche, la fin, avec son réalisme sur les aventures immobilières de ce village et les hommes ''de la ville'' qui emmènent la vieille, on croit être guidé vers une découverte d'autres phénomènes, mais non, on reste sur sa faim, comme ce village qui retourne dans l'ombre.

Le dernier paragraphe invite le lecteur à s'imaginer un conte, comme l'ont dit des commentateurs, et de fait cela aide à passer sur quelques maladresses, comme on pourrait le faire à l'oral. De reste, la lecture, quoi que j'en ai dit, reste relativement facile. Mais, et ce n'est peut être pas le but recherche par l'auteur je reste juste dans cette hypothèse, ce n'est pas une excuse au reste.

Je trouve dommage que l'auteur n'ait pas abordé les quelques points décrits, et vais lire quelques unes de ses autres œuvres, car il y a beaucoup de promesses.

un lecteur un peu intrigué et sur sa faim,
placebo

j'allais oublier, que veut dire le premier mot? est-ce un nom propre?
et puis la liberté... un peu trop vite abordée: tout le monde a besoin de liberté, si là bas ils en ont vraiment besoin, il faudrait le justifier un minimum. La liberté de cueillir des champignons? Pardonne moi si ça te semble acerbe, ce n'est pas le cas, je suis juste heu, un peu déçu.

   Anonyme   
13/6/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une belle histoire qui m'a portée au gré du vent et fait rêver mon âme d'enfant.


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