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Humour/Détente
MEGALAC : Nuit blanche dans le Causse noir
 Publié le 10/11/24  -  4 commentaires  -  8495 caractères  -  26 lectures    Autres textes du même auteur

La voiture d'un citadin tombe en panne en pleine campagne. Il est pris en charge par un habitant particulier.


Nuit blanche dans le Causse noir


Ma voiture vient de tomber en panne en rase campagne. Il est 17 heures et en octobre la nuit vient vite. Inutile de vous dire que mon humeur n’est pas au beau fixe. Mais pourquoi j’ai décidé de quitter l’autoroute pour traverser le causse par ses petites routes ? Mystère. Mon téléphone est en rade, et cela fait une bonne demi-heure que j’attends un hypothétique sauvetage, en vain. Pour la deuxième fois je soulève le capot pour voir si un truc n’est pas débranché, dévissé, ou autre… Je n’y connais rien en mécanique, alors je fais ça plutôt pour passer le temps. Alors que plongé dans le moteur, et que je tapote sur des trucs – au cas où ! –, une voix grave me fait sursauter et me cogner la tête au capot.


– Alors on fait du tourisme ?


Je me suis fait un mal de chien. Un homme en combinaison verte couverte de taches, bottes aux pieds, me regarde avec me semble-t-il un sourire narquois aux lèvres. Je me frotte vigoureusement la tête tout en l’observant rapidement. Il émane de sa personne une odeur animale légèrement musquée. Ce doit être un éleveur de chèvres ou de moutons. Il est grand, la soixantaine bien établie, poils gris, yeux vifs, visage garni d’une barbe de dix jours, cheveux sur les épaules.


– Heu pas vraiment, je n’avais pas prévu cette halte. Ma voiture est en panne. Svp, vous ne connaitriez pas un garagiste dans le coin qui pourrait me dépanner ?

– S.V.P. ? C’est quoi ça ?

– Heu svp c’est l’abréviation de s’il vous plaît, désolé.

– Alors vous, même pour demander de l’aide vous êtes pressé, parisien sans doute ? Et si vous êtes si pressé, pourquoi vous n’avez pas pris l’autoroute ? Ici ce n’est pas vraiment un raccourci, et le Club Med vient de fermer ! Bon votre bagnole elle ne va pas s’envoler, j’ai ma fourgonnette à côté, vous allez passer la nuit chez nous, et on verra bien demain s’il fait jour.


Vu la situation, difficile de dire non malgré une certaine envie. Et puis j’ai bien cru qu’il allait me planter là. Il n’a pas l’air très cordial le bougre. D’un autre côté laisser ma voiture, mes bagages, et suivre ce personnage ne me rassure pas trop. Bon quand faut y aller, faut y aller. En effet un peu plus loin une 2CV fourgonnette d’époque nous attend. Je suis accueilli par un chien de race indéterminée, couché sur le siège passager, et qui visiblement n’a jamais vu une brosse de sa vie, et ne semble pas décidé à me laisser sa place.


– Poussez-le il finira bien par vous laisser un petit bout du siège. C’est un chien qui a bon fond, il vote écolo !


Après quelques efforts prudents, en effet le chien me laisse m’asseoir et d’un coup s’installe sur mes genoux. Il émet la même odeur que son maître, en beaucoup plus fort. J’évite de justesse un french kiss. Dépité, Il pose sa tête sur mes genoux et je sens qu’il bave un peu. Je scrute son pelage en priant de ne pas voir des bêtes passer de lui à moi.

Je ne pensais pas qu’une voiture pouvait émettre autant de bruits différents. Il y a des claquements qui finissent en chuintements métalliques, des crissements qui arrivent parfois à masquer l’ahanement du moteur, des cliquetis suivis de craquements qui pour moi sont obligatoirement annonciateurs de panne.


– Elle marche comme une horloge, c’est moi qui l’entretiens, me déclare mon « sauveur », en me regardant en biais. Je l’avais déjà en 72.


Visiblement la route lui appartient, et il n’use pas beaucoup ses freins. Je sens que mon séjour chez mon hôte me sortira de mes habitudes.

Nous arrivons chez lui après une petite demi-heure de route. Sa maison contre toute attente est assez coquette, murs en pierres sèches, tuiles provençales, panneaux solaires, énorme tilleul dans une cour ratissée de frais. Volets vert pastel. Je me lance :


– Désolé monsieur je manque de courtoisie, mais cette panne au milieu de rien m’a perturbé, je me présente, Gilles.

– Super, j’y croyais plus. Bernard, et le « rien » c’est chez nous.


Un grand rire féminin me fait me retourner.


– Et moi c’est Hélène, bienvenue. Ne faites pas attention à mon compagnon, c’est un ours, ce qui n’a pas que des inconvénients, je me comprends, me déclare la Hélène en me regardant droit dans les yeux.


Gros rire de Bernard. J’ai dû passer pour un idiot car la brusque chaleur de mes joues ne peut pas être restée inaperçue. Décidément je suis en territoire inconnu.


– Vous êtes ici depuis longtemps ? bafouillai-je pour me donner contenance.

– On peut dire ça. On est arrivés en 78.


J’ai atterri chez des soixante-huit-tard, voire très tard. Pour preuve je vois au-dessus de la porte d’entrée gravé dans la pierre : « gardarem lou larzac ». Des anciens combattants en sorte.


– Vous avez faim ? Car c’est l’heure où on mange ici. Nous suivons le soleil pour régler notre vie. Et les jours diminuent vite en ce moment. Au menu ce soir : soupe de lentilles et fromage de nos chèvres. Pain et vin à volonté, déclara Hélène.

– S.T.P. Minouche, installe monsieur Gilles, je vais voir les bêtes.


Je n’ai pas rêvé, il a dit : S.T.P. en appuyant bien sur les lettres. Il se fout de ma gueule je crois bien. OK j’ai compris je ne suis pas ici chez moi. Message reçu.

Le repas est pris dans la cuisine. Sur un mur, écrit au feutre noir : « Habemus pastas ». Une vieille table en chêne trône en son centre. La pièce sent la cheminée éteinte. Le chien dans un panier ronge un os. Nous discutons du temps qu’il fait et de nos occupations professionnelles dans une ambiance assez détendue. C’est évident qu’ils aiment leur vie où le superflu est totalement absent. Puis Bernard déclare qu’il est fatigué et qu’il va se coucher. Je suis le mouvement et me retrouve dans ma chambre, un peu éloignée du corps central du bâtiment. C’est une pièce située au-dessus d’une remise, et sous un grenier. On y accède par un escalier extérieur en pierre. La literie semble convenable, et une petite salle de bain jouxte la chambre. Seuls points gênants : 1) la fenêtre n’a ni rideau, ni volet ; 2) il n’y a pas l’électricité. 19 heures, la nuit tombe vite, je n’ai pas d’autre choix que de m’allonger tant que j’y vois encore quelque chose. Le vin aidant sûrement je m’assoupis assez rapidement. Un bruit indéterminé me sort de mon sommeil. J’ai sursauté et mon cœur bat vite. Il fait nuit noire. Assis dans mon lit j’ai les oreilles en alerte pour essayer de définir ce qui m’a réveillé. C’est assez faible, moyennement proche, un genre de chuchotements mêlés de râles par intermittence. Puis un grand silence où je referme les yeux doucement. Au moment de sombrer ça recommence. Borborygmes, craquements, raclements, et les chuchotements reprennent. Je n’en mène pas large. Je me lève doucement et je bloque la porte avec une chaise. Il y a maintenant un bruit sourd et régulier dans le grenier. On marche au-dessus de ma chambre. Quelques crissements, un léger tohu-bohu et plus rien. Cela fait bien une heure que je n’arrive plus à me rendormir, je suis trop aux aguets pour me détendre… Ce sont les aboiements du chien qui me réveillent. Le jour se lève à peine, et moi avec peine également. Toilette rapide à l’eau froide, et je m’aventure chez mes hôtes. Hélène épluche des légumes dans la cuisine.


– J’espère que nous n’avons pas fait trop de bruit cette nuit, mais votre voiture est réparée. Elle vous attend dans la cour. Ce n’était rien qu’un câble de batterie mal fixé, enfin d’après Bernard. Il vous attend en bricolant derrière la maison pour vous faire visiter sa bergerie. Il y tient beaucoup.

– Oui il m’a semblé entendre de petits bruits cette nuit, comme si on marchait dans le grenier.

– Ah super, c’est Ernest et sa famille qui sont de retour. Ce sont des grands-ducs. On habite chez eux vous savez. Il y en avait déjà quand on a emménagé il y a longtemps. Le fait qu’il y ait du monde dans la chambre ça les attire systématiquement. C’est pour ça qu’on y loge nos visiteurs. Le bruit c’est une méthode de chasse qu’ils ont développée. Ils tapent le sol avec leurs pattes pour faire sortir les souris. N’en parlez pas à Bernard sinon il va vous dire « c’est normal. Les trous duc attirent toujours les grands-ducs », rien que pour voir si vous réagissez. Il aime bien taquiner. Les derniers à avoir dormi dans cette chambre ils ont tellement eu peur, qu’ils s’étaient enfermés en bloquant la porte avec une chaise !!! Ils voulaient plus sortir. Faut être couillon vous ne trouvez pas ? Bon vous revenez quand vous voulez. Ici l’accueil c’est sacré. Bonne visite, bonne journée, et bon retour.


GG24


 
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   Donaldo75   
21/10/2024
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
Je n'ai pas été emballé par le récit. La rédaction ne m'a pas embarqué dans l'histoire dont le pitch me semble manquer de consistance pour être suffisamment autoporteur. Fallait-il développer ? Je ne sais pas. Il me semble plutôt que plus de relief amènerait le ressort narratif à dépasser le cadre relaté, à rendre les dialogues plus impactants dans la trame d'ensemble.

   Dameer   
10/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Hello MEGALAC,

Rencontre entre 2 mondes, 2 modes de vie, un "parisien" chez les campagnards. Tout ça est joliment décrit.

Maupassant en son temps faisait des récits de ce genre, déjà (souvent situés en Corse) !
Curieusement, il y a toujours la soupe au repas du soir, c'est presque un cliché, de même que l'absence de lumière ou d'électricité.

Le hasard sert cette rencontre, je comprends l'anxiété de ce citadin, qui remet son sort entre les mains de ses "sauveurs".

Gilles passe une nuit d'angoisse, perturbé par les bruits de la campagne. S'il entendait des pattes courir sur son plancher, sous son lit, on comprendrait, mais là, non, au final tout s'est bien passé et le lecteur reste sur sa faim !

   Cornelius   
10/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

C'est une nouvelle agréable à lire mais qui aurait effectivement mérité une chute un peu plus inattendue.
Ce texte m'a rappelé que j'ai vécu ce genre de mésaventure il y a quelques années. Mon véhicule n'était pas en panne mais nous cherchions un hébergement pour la nuit. C'était dans le même coin et je me souviens que nos hôtes d'un soir allaient manifester contre l'implantation d'éoliennes sur la Larzac.
Il me semble aussi que nous avions eu droit à une soupe ce soir là.
Finalement rien ne change sur le Larzac et ses irréductibles gaulois !

   Cleamolettre   
23/11/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Bonjour,

J'ai bien aimé l'écriture, fluide, agréable et avec de l'humour. L'idée est amusante aussi, même si les textes sur le choc des cultures campagne citadins sont nombreux.

Le personnage de Bernard joue avec les clichés et s'en amuse, sa femme aussi, ils ironisent sur ce Gilles des villes apeuré mais finalement bien confiant ai-je trouvé, pour aller ainsi dormir chez des inconnus loin de tout et sans téléphone. Pas trop le choix certes.

Ce qui m'a manqué c'est du surprenant, les grands ducs oui, je ne m'y attendais pas, me demandant ce qui faisait le bruit nocturne, mais j'ai trouvé que ce n'était pas assez exploité, la peur, les interrogations, l'imagination qui s'emballe en pleine nuit et pense au pire, à l'improbable.

Globalement j'ai regretté une mise en place plus longue que la suite, alors que si le contexte est nécessaire, il me semble que le plus intéressant était les interactions entre les personnages.


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