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Fantastique/Merveilleux
Palimpseste : Isthar et le serpent
 Publié le 24/04/12  -  7 commentaires  -  9653 caractères  -  90 lectures    Autres textes du même auteur

Savez-vous l'origine du fleuve Barada, qui coule à Damas, ainsi que celle de l'eau des oasis du désert ?


Isthar et le serpent


Pour son délassement, Isthar, la déesse généreuse de l’âme et du corps, chassait, solitaire avec un seul de ses Lions Ailés.


Le soleil écrasait les rocailles où le gibier se terrait, fatigué par les incessants vents secs. Ici, l’herbe n’existait pas et les épineux arrivaient à peine à survivre. Les cailloux avaient toutes les teintes de l’ocre et du brun, tandis que le ciel se blanchissait au mieux d’un voile ténu et très haut, incapable de retenir la moindre humidité.


Même à cette époque primitive, les dernières pluies s’étaient évaporées depuis longtemps de la mémoire des rares hommes de ce lieu de pénitence. Les vastes étendues désolées n’étaient remplies que de créatures odieuses, sortant dès la nuit venue pour engloutir troupeaux et bergers sans la moindre considération morale.


La déesse amoureuse de ce désert s’y détendait de ses activités divines.


Quelques titans avaient quitté leur grotte et eu le malheur de croiser Isthar, dont le javelot transperça le chef de la meute. Avec son poignard, la déesse en avait extrait le foie ; elle en tirerait un venin médicinal de grande puissance. Un vol de sphinx avait aussi eu l’imprudence de passer à portée de son arc. Le plus gros de ces oiseaux, tué d’une flèche, s’était abîmé dans une grande gerbe de feu, nécessaire pour renaître, une fois réduit en cendres. La déesse fut obligée d’entrer dans le brasier pour batailler à l’épée. Elle finit par estoquer à mort l’animal, puis l’écorcha sans tarder pour éviter l’insoutenable odeur de la corruption des chairs. Sa peau fournirait des couvertures plus soyeuses que celles tissées avec de la chevelure de filles.


Le soleil de ce jour se résignait à mourir à l’Occident. Les hommes inquiets espéraient qu’un de ses frères viendrait demain sauter par-dessus les hautes montagnes d’Orient, celles que personne n’a jamais franchies.


Isthar se préparait à rentrer dans son palais. Refermant les mains sur la jointure des ailes du lion, elle s’apprêtait à lui donner un coup de talon, signal du retour. Par acquit de conscience, elle porta un dernier regard sur la plaine pour s’assurer que rien ne lui avait échappé.


Un tressaillement de la terre lui apprit que quelque chose remuait, aux confins de sa vision. Elle regarda encore, mais rien ne bougeait plus là-bas. Refusant de croire qu’elle eût pu être abusée par ses sens, elle commanda au lion de s’approcher furtivement. En quelques minutes d’un vol très lent, ils ne furent plus qu’à dix pas d’un serpent à moitié émergé du sol.


Alors qu’elle levait son arc, le reptile ouvrit les yeux en grand et la fixa de ses pupilles jaunes. Sa peau instinctivement se rétracta, faisant se chevaucher les écailles pour les rendre plus dures que la pierre.


Le voyant ainsi se protéger, la déesse sut que son arme serait inutile. Elle descendit du lion ailé, rangea la flèche dans le carquois, accrocha l’arc à son arçon et prit la longue flûte basse dont elle ne se séparait jamais.


Isthar se mit à jouer et c’est ainsi que le Serpent la charma d’une danse exquise.


Le cœur léger et le corps incandescent, la déesse posa ses mains sur lui.


Isthar : Serpent, que fais-tu là ? Je chasse et ta langue fourchue me serait un trophée envié. N’as-tu pas peur de mes flèches ni de mes attraits ?

Serpent : Non Isthar. Je ne crains pas tes charmes ni tes pièges, encore moins tes armes et surtout pas tes cajoleries. J’aime comme tu cours et tes chasses sont fameuses. Je t’ai vue transpercer les titans et dépecer le sphinx. J’en ai été ébloui.

Isthar : On raconte sur toi mille histoires de chasses mémorables. On dit combien, même contre plusieurs tu triomphes des chimères. Pourquoi être venu devant moi ? Pour me voler des proies ? Crains ma colère si tu braconnes mon gibier !

Serpent : Non, du tout. Je suis venu dire au revoir à ce soleil-ci. Tu sais que je ne sors pas beaucoup. J’aime sentir l’air du soir. Alors je quitte à moitié mon trou pour que les derniers rayons du jour chauffent ma peau froide. C’est assez pour me satisfaire et trop peu pour être capturé, même par toi.

Isthar : Tu es sage, Serpent. Que dirais-tu d’une alliance entre nous? Nous pourrions chasser ensemble. Moi à chevaucher les lions, toi à onduler parmi les pierres. Nous serions invincibles et aucun gibier ne nous résisterait.

Serpent : Oui, ce serait amusant, un temps. Mais tu me connais : je suis un chasseur solitaire et n’arrive jamais à suivre bien longtemps les traques initiées par d’autres. Mes gibiers préférés ne sont pas les tiens et nous peinerions à partager nos prises.

Isthar : C’est ainsi que tu le vois. Mais essayons quand même. Nous pourrions être bons amis et trouver par les biais de la raison la force de nous entendre.

Serpent : Non Isthar. Tu cours sous les soleils brûlants et galopes sur la terre. Moi je suis une créature argileuse : je me déplace sous le sable et mes yeux ne voient pas quand le soleil est au zénith. Je suis un bâtard de la nuit, toi un être diurne. Nous ne sommes pas du même monde, toi dessus, moi dessous.

Isthar : Change, alors ! Viens me rejoindre. Extirpe-toi de ta profondeur noire et prends place à mes côtés.

Serpent : Je ne peux pas. Je suis à moitié sur Terre, à moitié dessous. Mais ma vie se passe dans le sol, je rampe sous les rochers et me faufile entre eux. Je ne peux venir dans ton monde ni le parcourir comme tu le fais.

Isthar : Tu refuses ma proposition ? Prends garde à me mettre en colère, Serpent. Je peux faire pleuvoir des foudres sur ta galerie jusqu’à faire éclater tes oreilles afin de t’en faire sortir.

Serpent : Oui, tu peux le faire. Tu peux briser mes tympans mais j’irai me réfugier plus loin encore sous la terre, là où le tonnerre n’est plus qu’un écho plus faible que le souffle d’un vieillard. Ta force ne sert à rien envers moi.

Isthar : Alors, suis-moi de ton plein gré. Vois, j’ai là un collier que je pourrais te passer. Chaque jour mes chambellans te porteront des mets fins et chaque nuit de nouvelles compagnes.

Serpent : Je te remercie, mais je n’ai pas de cou. Ton collier ne me retiendra pas. La nourriture offerte par des serviteurs m’est insipide. Les épouses servies par des cuisiniers n’ont pas le goût sauvage de la chair séduite. Je n’en veux pas. Je préfère avoir faim et que ma pitance soit le reflet de ma valeur. Pas de succès, pas de repas ! Plein de victoires et ce sera bombance !

Isthar : Alors j’interdirai qu’on te donne quoi que ce soit. Tu prendras ton dû et couperas sur nos massacres la part qui te revient. Ni plus ; ni moins. Et comme nous sommes de grands chasseurs, nous serons inégalables et les animaux trembleront rien qu’en nous évoquant. Nous entasserons leurs dépouilles !

Serpent : C’est généreux, Isthar, mais impossible. Je ne suis qu’un serpent sans bras ni doigts. Que ferais-je de nos viandes, des fourrures et des collections de dents ou d’os ? Je ne peux rien porter et me borne à prélever ce qui m’est nécessaire jusqu’à la faim suivante. De même que l’or ou les pierres précieuses, tout ce qui brille dans les mines et que je croise sans cesse n’a pas d’attrait pour moi. Je peux me parer mieux qu’un roi, en descendant du trône je suis nu.

Isthar : Donc ? Dois-je me résigner à ce refus ?

Serpent : Ce n’est pas un refus, déesse… C’est la nature. Ton palais est à ta mesure, la dévotion des hommes est ton dû et le règne ton fardeau. Tu ne peux rien m’offrir de tout cela, malgré toute la tendresse que je sens dans ton regard. Mon royaume est grand comme une fissure, je ne connais des humains que le mépris et me cache pour vivre.


Le Serpent, d’une brusque détente, plongea dans la Terre, laissant la déesse à ses promesses. Elle cria qu’elle reviendrait dans quelques jours et serait son amie de vèneries.


À partir de ce moment, ils chassèrent régulièrement ensemble, toujours avec plaisir mais conscients de la fragilité de leur assortiment. La déesse intemporelle se savait privée des espaces infinis qui s’étendent au-delà des frontières de son pouvoir divin, et lui le nomade insensible aux bornes, vivait dans un temps sans cesse compté à l’endroit où il se trouvait.


Un jour, ils surent qu’ils ne se reverraient plus. Isthar et le Serpent pleurèrent beaucoup, chacun de son côté de la Terre. Comme ce n’était pas des sanglots amers, l’eau en était douce.


Les larmes de la déesse donnèrent naissance au fleuve Abana qui baigne la grande ville de Damas et s’appelle ne nos jours la rivière Barada.


Les pleurs du Serpent se perdirent dans le sable du désert. Les géologues y voient la source phréatique qui explique la formation des oasis.


 
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   Anonyme   
8/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une très jolie légende, qui parle de l'impossibilité foncière des rencontres... (Du moins est-ce ainsi que je la comprends.) J'ai beaucoup aimé cette ambiance orientale et mélancolique.

"Un vol de sphinx avait aussi eu l’imprudence de passer à portée de son arc. Le plus gros de ces oiseaux, tué d’une flèche, s’était abimé dans une grande gerbe de feu, nécessaire pour renaître, une fois réduit en cendres." : ce n'est pas le phénix qui renaît de ses cendres ?
"Mon royaume est grand comme une fissure" : j'adore !

   placebo   
24/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bien aimé le ton général de l'histoire. J'ai quelques remarques cependant sur l'écriture :
- Je trouve que le début est un peu trop chargé, peut-être que le couple « nom-adjectif » (voire deux adjectifs) en est la cause.
- La métaphore sur le soleil (l'attente de la venue de son frère) me semble un peu lourde aussi.
- « se préparait à rentrer dans son palais » pour moi « dans » correspond à l'action physique et pas au mouvement général (≠ rentrer au pays par ex), j'aurais mis « retourner à » par exemple.
- « prends garde à me mettre en colère » il ne manque pas la négation ? C'est peut-être l'expression sous son ancienne forme ?

Je pensais que le serpent allait se transformer en fleuve, je ne suis jamais doué pour trouver la fin des contes :) J'ai été surpris sinon que le serpent chasse avec Ishtar après tout ce qu'il lui avait dit et, plus tard, que la collaboration prenne fin si rapidement. La partie la plus longue du texte reste ce dialogue où le serpent explique qu'il ne préfère rien tant que sa liberté (ça me rappelle le chat qui s'en allait seul de Kipling) et elle est plutôt bien menée (bien qu'un peu lourde là encore).
- « le cœur léger et le corps incandescent » j'ai dû louper quelque chose dans la compréhension de l'histoire ^^
- « comme ce n'était pas des sanglots amers, l'eau en était douce » joli

Bonne continuation,
placebo

   Anonyme   
26/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Hello, Palimpseste. Tu adoptes le style du conte voire de la légende, j’aime beaucoup. Cependant la pureté de ce style aurait pu être plus complète et le texte plus travaillé.
Le meilleur : "Les épouses servies par des cuisiniers n’ont pas le goût sauvage de la chair séduite."
Le moins bon : Même à cette époque primitive… pénitence.

J’aurais intitulé le texte « La Légende du fleuve Barada » ou quelque chose comme ça, car nous voyons clairement qu’il s’agit des deux personnages principaux. Cela dit, la chute ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe puisque l’accroche nous signale qu’il s’agit d’une histoire cosmogonique. D’ailleurs, je me demande s’il faut concevoir le texte en même temps que l’accroche sur Oniris. Personnellement, mes textes ne s’accommodent pas d’un supplément.

Parler de morale et de pénitence est anachronique et coupe l’archaïsme par une irruption du moderne.

Les Titans appartiennent à la mythologie grecque donc il est dommage de ne pas avoir choisi des personnages ou des monstres appartenant à la même mythologie d’Ishtar (Babylonien). Il n’est pas de notoriété publique que les titans vivaient dans des grottes aussi quelques fans pourraient bien aller vérifier…

Au passage, je ne connais pas d'"Isthar" mais une Ishtar.

Intention pédagogique peut-être anachronique : aux époques archaïques, on n’attribuait pas l’attrait des reptiles pour l’immobilité à un besoin de chauffer leur corps au soleil, cependant on peut aussi penser que l'histoire est atemporelle et peut donc se nourrir des avancées scientifiques. Mais il est dommageable de se poser cette question au cours d'une lecture qui devrait ne présenter aucun heurt.

Le dialogue fait parfois du surplace et verse dans le relâchement du langage, ce qui est contre-indiqué pour la parole sur le fil de l’épée qu’on attend de cratophanies.

Assortiment contient déjà une nuance de fragilité.

L’enchaînement n’est pas logique entre le refus catégorique du serpent et « à partir de ce jour, ils chassèrent régulièrement ensemble ». Il te faut trouver une idée pour expliquer pourquoi le serpent a changé d'avis.

Curieuse, cette nouvelle orthographe de vénerie, avec un accent grave…

Au total, j'aime beaucoup, mais cela aurait pu être mieux.

Pour faire bonne mesure entre les deux évaluations précédentes, je note un groupe bien sans rhésus.

   AntoineJ   
27/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
sympahtique et plaisant
l'inversion du mythe ou la femme tente le serpent et l'homme est la victime (ce qui est chassé ?) aurait pu être plus utilisée
je trouve la fin un peu faible par rapport au reste ...
le dialogue est parfait !

   matcauth   
29/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
bonjour Palimpseste!

un bien joli conte qui cependant à du mal à s'assumer, du moins c'est comme ça que je l'ai vu. J'ai l'impression que ce texte prend le parti de contenter tout le monde, les "non-férus" de conte, les grands, les moins grands... du coup, j'ai eu l'impression de lire un peu quelque chose d'hybride, une histoire qui veut faire des concessions et ne s'assume, donc, pas pleinement.

j'ai vu difficilement le début de l'histoire, là ou la scène est décrite. C'est bizarre car la scène est posée avec délicatesse, servie par une belle plume. Pourtant, je ne sais pas pourquoi, la magie n'a pas opérée, je n'ai pas eu d'images qui me venaient. pourquoi? peut-être parce c'est un tout petit coin qui est décrit, on ne sait pas bien où nous sommes, désert, campagne, montagne? Je visualise mal les personnages, également.

Par contre, les mécanismes du conte sont bien mis en place, le rêve, la personnification, les problèmes à régler qui ont un petit accent pédagogique, cette scène (le dialogue) qui permet d'appréhender les choses de la vie... mais là on est plus dans le conte pour enfant et j'en reviens à ce que je disais : on ne sais pas sur quel pied danser.

très belle écriture, tout de même.
un bon moment de lecture

   Anonyme   
1/5/2012
Commentaire modéré

   zenobi   
1/5/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Un mythe. Une histoire à conter le soir.
Peut-être aurais-je aimé sentir encore plus cette chaude sécheresse évoquée dans les premières lignes et noyée dans les dernières.

   caillouq   
2/5/2012
J'aime bien le ton du dialogue, mais pendant toute la lecture de celui-ci, je me suis demandé pourquoi Ishtar insistait tant ... Qu'est-ce qu'elle lui trouve au serpent, quoi. Je n'ai pas trop vu le lien entre le fait que le déclencheur du désir (de possession ?) d'Ishtar est la "danse exquise" du serpent (pourquoi pas), et le fait qu'ensuite, elle semble plutôt craquer pour son côté "chasseur de folie", ce qui n'est plus du tout dans le même registre. Du coup, j'avais du mal à me positionner en lisant ce qui est manifestement une allégorie. Et puis je jep pas pourquoi finalement ils se retrouvent à chasser ensemble alors qu'il l'a tej l'Ishtar, le serpent ... Pas clair, c't'histoire. En saurons-nous plus en lisant Ici-Niris ?

   Anonyme   
3/5/2012
Commentaire modéré


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