Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Réalisme/Historique
plumette : Une bonne fois pour toutes
 Publié le 03/09/22  -  12 commentaires  -  9896 caractères  -  81 lectures    Autres textes du même auteur

La peur d'une grand-mère pour sa petite-fille ravive un souvenir brûlant de sa propre enfance.


Une bonne fois pour toutes


Hélène a préparé les radis et la salade.

Elle montre à Lilou comment se servir de l’essoreuse. La petite tourne la manivelle, ravie de faire du bruit.


– C’est bon Lilou on va mettre la salade dans le saladier.

– On fait quoi maintenant ?

– On va préparer l’apéro.


Hélène sort un paquet de chips et des olives. Lilou remplit les ramequins. La grand-mère observe sa petite-fille avec tendresse. Elle ne marche pas, elle court, fière et affairée, de la cuisine au jardin, elle veut tout faire à la fois.

Sous le tilleul, la table est pimpante, il manque peut-être un bouquet, Hélène entraîne Lilou dans le haut du jardin, lui fait choisir quelques fleurs et associer les couleurs, la petite veut se servir du sécateur, la mamie hésite, la petite insiste, pour les bleuets à la tige tendre c’est facile, mais pour les roses, il faut un petit coup de main.


– On va le faire toutes les deux, là, tu vois, en faisant attention aux épines…


Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre les invités, Lilou bout d’impatience. Comme souvent, la grand-mère se parle à elle-même, je vais tourner le rôti dit-elle, la fillette se faufile, arrive tambour battant dans la cuisine, ouvre en grand la porte du four, hurle. Hélène qui voit le four grand ouvert attrape l’enfant et la tire en arrière violemment, la secoue et crie :


– Mais qu’est-ce que tu as fait !


La petite pleure très fort, cherche à se dégager, Hélène la tient fermement.


– Fais voir tes mains !


Ça a l’air d’aller, elle n’a pas dû toucher la vitre, mais elle a le visage rouge, heureusement la vapeur brûlante s’est dissipée très vite.


– Tu as mal ? demande Hélène qui s’est reprise.


Lilou sanglote, sa grand-mère l’emmène doucement à la salle de bains.


– On va mettre de l’eau, dit-elle.


Elle mouille un gant, l’applique longuement sur les joues de l’enfant, sans frotter. La rougeur s’atténue peu à peu et la petite se calme.


– Ça va mieux on dirait ? Tu veux te voir dans la glace ?


Hélène prend le miroir, Lilou se regarde et semble se rassurer.


– On a eu peur toutes les deux, c’est pour ça que j’ai crié.

– Tu m’as fait mal Mamilène, gémit la petite.

– Je te demande pardon ma puce, je t’ai tirée très fort pour éviter que tu te brûles. Tu as vu comme c’est dangereux d’ouvrir d’un seul coup la porte du four lorsqu’il est allumé ?


Lilou se remet à pleurer.


– Je ne te gronde pas ma chérie, je veux juste te faire comprendre. Tu aurais pu te brûler très fort.


Terreur rétrospective, Hélène coupe court à d’affreuses pensées.


– On fait un câlin ?


La mamie sent le petit corps qui s’abandonne contre elle, elle fredonne un air qu’elle invente, c’est la sonnette qui interrompt ce doux moment.


***


Très vite, Lilou a retrouvé son sourire et sa bonne humeur. Elle a joué avec Zoé pendant qu’Hélène et Françoise, sous le tilleul, se confiaient leurs émotions de grand-mères.

Pas de sieste pour les mignonnes qui n’ont cessé d’aller et venir avec entrain.

Après le départ des amies, il y a eu le bain, un dîner expédié avec les restes, et puis l’histoire du soir, le dernier verre d’eau, l’installation des doudous. Quand Hélène a fermé la porte de la chambre, elle a eu un soupir de soulagement.


***


C’est une silhouette dans l’ombre, une silhouette de dos, frêle et chancelante avec un chignon gris. Elle s’approche, la silhouette reste immobile, la distance ne rétrécit pas. Elle prend une loupe pour rapprocher la silhouette. La peau est flétrie, le chignon se répand en cheveux longs et filasse. Les vêtements sont gris poussière, la femme se retourne, visage flou, tremblé, les traits se dessinent vaguement, elle reconnaît sa vieille nounou dont le visage se creuse à vue d’œil, les yeux enfoncés dans les orbites diffusent une lueur, on dirait deux flammes. Elle s’entend crier : Mina !


Il lui faut un petit temps pour réaliser qu’elle est dans son lit. La présence de Mina s’estompe doucement. Le cœur d’Hélène bat très fort, elle est au bord du malaise.

Elle allume la lampe de chevet. Depuis combien de temps Mina n’était-elle pas venue la visiter en rêves ? Elle est troublée par cette image entre spectre et sorcière. Mina est morte depuis bien longtemps, Hélène réalise qu’elle a désormais l’âge qu’avait sa nounou lorsqu’elle arrivée dans la famille.

Il y avait eu l’arrivée d’un bébé surgi de nulle part, et sa maman devenue lointaine et toujours pressée. Et puis il y avait eu Mina, comme une maman remplaçante en bien plus vieille. Ç’avait été un choc.

Doucement, elle s’était habituée à ce que ce soit Mina qui l’habille, la coiffe, prépare ses repas et réponde à ses appels du soir lorsqu’elle ne trouvait pas le sommeil ou applique un gant mouillé sur son front lorsqu’elle avait la fièvre.


Cette femme vivait à la maison. Son travail c’était de s’occuper des enfants, pas du ménage ni de la cuisine. On ne disait pas la bonne, mais la gouvernante. Elle avait une chambre à côté du garage, avec un cabinet de toilette.

Si elle avait l’âge d’être grand-mère, elle devait encore travailler pour assurer sa subsistance.


Elle occupait son temps libre à faire des vêtements pour la petite troupe dont elle avait la charge. Des robes pour les deux filles et des culottes courtes à bretelles pour les trois garçons, dans un tissu identique. Hélène se souvient des séances photos, il fallait se tenir alignés, bien sages, par ordre de taille, et regarder vers l’appareil, pour voir le petit oiseau sortir.

Hélène était sûre d’être la préférée de Mina, ça se devinait à de petites faveurs, comme un rab de chocolat au goûter, ou la permission de fouiller dans son sac pour en sortir le poudrier. Lorsqu’il y avait des disputes entre les enfants, elle prenait souvent sa défense.


Il y avait eu le carnaval à l’école. Quel âge avait-elle ? Entre 5 et 6 ans, puisqu’elle était encore au « jardin d’enfants »… Mina avait fabriqué un déguisement pour chacun des cinq petits. Hélène voulait une tenue de danseuse étoile. Le costume était magnifique : un corsage blanc qui se nouait aux épaules avec des rubans puis s’évasait en un jupon de tulle à plusieurs rangs. Avec un bout du tulle la nounou avait fabriqué une fleur qu’elle lui avait fixée dans les cheveux. Et pour les chaussons, on s’était débrouillé avec les kroumirs et le reste des rubans. Quelle fierté ! Hélène avait passé sa journée à danser et faire la révérence. Elle a gardé dans un tiroir une photo qui lui met encore les larmes aux yeux : la petite Hélène en tutu qui sourit aux anges.


L’accident était arrivé après le carnaval.

Ce jour-là, Hélène n’avait pas été à l’école. Peut-être avait-elle un peu de fièvre ? Elle s’ennuyait. Mina repassait dans la lingerie, la petite la regardait faire en silence. Elle suivait le va-et-vient du fer sur les vêtements. Il y avait un repose-fer en bout de planche, elle entend encore le choc de la semelle du fer sur la plaque de métal, se souvient des avertissements de ne pas s’approcher de cet endroit.

Mina dressait de temps en temps la jeannette sur la table à repasser et s’en servait pour lisser les manches ballon des robes et le col des chemisettes. Hélène, fascinée par le glissement du fer sur le tissu et les gestes rapides et précis de Mina, voulait voir de plus près. La table était un peu haute, alors Hélène s’était mise sur la pointe des pieds en se stabilisant avec les mains à plat sur la planche. Et le fer s’était retrouvé posé sur le dos de la main gauche d’Hélène ! Douleur fulgurante, cris, sanglots, après tout devient confus dans sa mémoire. Qui a donné les premiers soins ? À quel moment a-t-elle retrouvé ses parents ? Elle se souvient des suites : les pansements quotidiens, les pommades, la gaze qui collait à la plaie suintante, la main immobilisée, il avait fallu apprendre à écrire de la main droite alors qu’elle était gauchère, elle se souvient des paroles du père « finalement cette brûlure, c’est un mal pour un bien ».


La version officielle est que la main d’Hélène était posée sur le repose-fer, qu’elle n’avait rien à faire là et que ce n’était pas faute d’avoir été avertie… Tout avait été présenté comme si la brûlure était devenue punition pour n’avoir pas obéi… Le rôle de Mina était passé au second plan.

Hélène repense à Lilou devant le four, sa réaction de frayeur et sa conscience quasi immédiate que la fillette avait besoin d’être rassurée, elle repense à ce câlin consolateur, aux mots qu’elle a su trouver.

Dans sa mémoire, pour elle, ni mots, ni tendresse. Un immense blanc, une opacité.

La visite nocturne de Mina continue de la perturber avec ces flammes qui lui sortent des yeux !

Hélène sent au fond d’elle une protestation qui monte, c’est pas vrai ! C’est pas vrai ! Elle s’entend le dire à voix haute avec sa petite voix flûtée d’enfant. C’est pas vrai ! j’ai pas posé ma main sur le repose-fer !

Mina repassait depuis longtemps, alors elle sait bien qu’elle n’aurait pas pu mettre sa main là sans se brûler la paume.

Pourquoi Mina avait-elle menti ?

La protestation intérieure d’Hélène enfle comme un ballon sur le point d’éclater.


– Elle l’a fait exprès ! Elle l’a fait exprès !


Elle a soudain très chaud au visage, la joue lui brûle encore de la gifle reçue pour avoir accusé sa nounou.


Tout lui revient ! le récit de l’accident par Mina, son obstination à elle pour rétablir sa vérité, c’est même pas vrai ! ma main était sur la planche, pas sur le repose-fer ! Et sa fureur de ne pas être entendue, c’est pas vrai ! Et l’accusation désespérée, comme quand on se dispute entre enfants, et la gifle de sa mère qui lui avait cloué le bec une bonne fois pour toutes !

Le mensonge avait brouillé les perceptions d’Hélène qui ne pouvait plus s’y fier. Il avait altéré à jamais sa confiance dans les paroles des adultes.

Il avait infecté la brûlure qui avait mis un temps fou à cicatriser.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   senglar   
8/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,


La peur que Lilou ne se brûle suffit donc à renvoyer Hélène à un souvenir douloureux mais Lilou ne s'est pas vraiment brûlée alors qu'Hélène l'avait été sévèrement. C'est la brûlure qui est le point commun, preuve du traumatisme d'Hélène : presque brûlure de Lilou, brûlure sévère d'Hélène.
"Un mal pour un bien" : on reconnaît bien là les formules lapidaires du passé. Comme cela tu t'en souviendras ! Que cela te serve de leçon ! Pas d'apitoiement.
Mais cette presque brûlure de Lilou renvoie d'abord à une injustice. La gouvernante l'a brûlée volontairement et ses parents ne l'ont pas crue quand elle l'a dit.
On reconnaît encore là la toute puissance des adultes dans le passé. La parole des enfants n'est pas crue. Tais-toi !
J'ai cru comprendre qu'Hélène avait seulement posé sa main sur la planche à repasser. Il y a une faute d'Hélène. La punition est venue très vite, disproportionnée, la gouvernante lui a brûlé la main. "Comme ça tu comprendras" Les punition tombaient dru, tout de suite, c'était aussi comme ça à l'époque. (Quand je pense à mes neveux qui "négocient" avec leurs enfants. Ils sont morts de fatigue les pauvres, lessivés) Aux grands maux les grands remèdes. Les enfants avaient tort, par essence. C'était tacitement accepté. On ne cherchait pas à comprendre.
Hélène est restée traumatisée, je ne crois pas que ce soit à cause de la brûlure, même douloureuse, c'est parce que ses parents ne l'ont pas crue et c'est aussi pour ça que sa brûlure a tardé à guérir.
Si la brûlure physique a fini par guérir la brûlure morale est restée. La déception d'Hélène a dû être immense. Je crois qu'Hélène était une enfant très sensible car pour autant que je m'en souvienne (et je m'en souviens très bien) mes parents dans ce genre de situation croyaient l'adulte, pas l'enfant, pas moi. ça 'est arrivé plus d'une fois, j'ai toujours pris ça pour une fatalité, c'était comme ça c'était tout. Je ne pense pas en avoir gardé un traumatisme quelconque. Les temps ont changé c'est tout.
Ceci dit le traumatisme d'Hélène est lié à une brûlure importante, c'est d'un autre niveau. On le lui a fait comprendre. D'une manière expéditive. C'est injuste bien sûr. L'époque fermait les yeux sur ce genre de maltraitance.

L'histoire est bien racontée et provoque une réflexion a posteriori. Autres temps Autres moeurs. Nous étions aimés bien sûr mais nous étions aussi élevés à la dure.

Senglar en EL
Qui a bobo de ne pas avoir su qu'il avait ou aurait dû avoir bobo.

   Vilmon   
9/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
Un beau récit qui amène le lecteur à retrouver lui-même quelques souvenirs semblables ayant marqués son enfance. L’introduction pose bien le décor pour le récit du souvenir et l’angoisse pour la gravité de la blessure est bien exposée. La lecture s’écoule bien, sans accroc, le déroulement du récit se fait d’un rythme assez égale avec une légère accélération aux deux incidents. Un peu de répétition vers la fin pour expliquer les deux versions, sans doute pour y mettre de l’emphase qu’il y a des événements qui marquent autant qu’une brûlure sur la peau. J’ai bien apprécié ce récit.

   Anonyme   
3/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Il y a comme une odeur de naphtaline dans cette nouvelle, celle des souvenirs anciens. C'est le côté gouvernante qui donne cette impression, rajoutée au langage sage et appliqué.
C'est mignon, mais l'histoire est trop racontée, pas assez vécue. On se croirait dans un inventaire. Il arrive ceci, puis cela, puis encore ceci, etc, etc.
Ah, la confiance dans les adultes. Tout un programme !

   hersen   
3/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
La froideur des parents d'Hélène envers elle est retransmise de main de maître par ce simple mot du père : un mal pour un bien. Sous-entendu, ainsi elle devient droitière, ce qui à l'époque était important pour ne pas passer pour taré, ou peu s'en faut.
Je prends cet exemple ici parce que je trouve que c'est là que je touche réellement la nouvelle du doigt.
je regrette alors (ça y est, se dit Plumette, hersen va encore se répandre ! :) que la nouvelle ne soit pas menée plus tambour battant, que la préparation du repas Hélène avec sa petite fille prenne tant de place, et qu'ensuite nous ayons force détails sur les événements dont elle va se remémorer, le soir dans son lit.
Le traumatisme de ne pas avoir été crue, mais surtout que Mina ait menti contre elle, resurgit.
Parce que ce qui m'intéressait plus, c'est la position de Mina. gouvernante âgée qui, comme dit dans la nouvelle, doit travailler, malgré son âge.
Alors, et c'est précisément ce point que peut-être je ne trouve pas suffisamment bien amené, Mina va mentir pour sauver son boulot et les parents vont la croire parce que ça les arrange, parce qu'ils n'envisagent pas qu'elle parte les laissant avec les enfants sur les bras.
Le mensonge de Mina hante encore Hélène alors qu'elle-même est déjà âgée. Elle sait l'injustice profonde qu'elle a subi. Mais a-t-elle perçu pourquoi Mina a réagi ainsi, a-t-elle perçu la distance entre elle-même et ses parents ?
J'aime beaucoup le sujet, mais je trouve qu'il est un peu perdu dans ce qui n'apporte rien, notamment la longueur du début, le trop explicatif.
Après, tu connais mon amour de la concision et de la force de frappe d'une nouvelle. Et je pense qu'ici c'est trop "gentil", il aurait fallu instiller plus de réflexions comme celle du père, sur le fait d'être droitier comme étant une non-tare.

Donc, je te fais part de mes réflexions sur cette lecture, dont naturellement tu fais ce que tu veux, ce que tu savais dès le début :) :)

merci de la lecture

   Angieblue   
4/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il y a un petit côté Rousseau "Les confessions" avec l'incident du fer à repasser et la fausse accusation.
C'est très bien écrit avec beaucoup de délicatesse et de tendresse.
J'ai bien aimé la narration avec le retour en arrière sur le souvenir d'enfance dont se rappelle Hélène suite à l'incident du four. Et très réussie la description du fantôme de la nounou qui vient hanter la narratrice avec des flammes qui lui sortent des yeux.
Après, Hélène aurait pu comprendre le mensonge de la gouvernante au lieu de la diaboliser et de se souvenir d'elle comme d'une sorcière. Elle n'aurait pas dû poser ses mains sur la table à repasser et respecter l'interdiction. De ce fait, elle n'est pas entièrement victime d'une injustice car elle a sa part de responsabilité qu'elle ne veut pas admettre...

   Cyrill   
4/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Plumette,

J’ai lu cette nouvelle en EL. La première partie m’a d’emblée convaincu et donné envie de poursuivre. Elle me montre une relation toute en délicatesses et attentions de la part de la grand-mère envers sa petite-fille. Tout me paraît très naturel et dit simplement, avec justesse, notamment dans les dialogues.
Puis voilà l’incident, à l’origine des réminiscences d’Hélène qui font l’objet de la dernière partie.
Les émotions ressenties à l’époque, dont ce puissant sentiment d’injustice, sont toujours aussi vivaces. Elles s’associent à un contexte plus large d’abandon – du moins vécu comme tel - lorsque les parents délèguent à Mina le soin de s’occuper de la petite, et le temps qu’ils n’ont pas de l’aimer. Ces émotions sont finement relatées et faites d’une certaine ambivalence qu’on peut lire entre les lignes. La colère vécue alors paraît toujours aussi puissante, la gifle estimée imméritée toujours aussi douloureuse. On croirait réellement entendre les dénégations répétées d’Hélène : « C’est pas vrai ! C’est pas vrai ! ».
Pas facile de restituer la pensée d’un enfant, on se fourvoie souvent. Ici c’est particulièrement réussi.
L’évènement est revécu de manière toujous aussi violente. Il est resté en l’état, non résolu et prêt à ressurgir lors d’un nouvel évènement déclencheur.
Cette nouvelle m’a beaucoup ému parce que l’histoire est sobrement et efficacement racontée, sans effet tire-larmes, ce que j’apprécie beaucoup. J’ai trouvé les différentes parties bien équilibrées.
Notre personnalité se façonne sur la forge de tels moments de l’enfance, et ce récit met très bien cela en scène.
J’aurais cependant aimé finir ma lecture sur « une bonne fois pour toutes ! ». L’analyse assez théorique qui sert de conclusion ne m’a pas semblé vraiment nécessaire.

Merci et bravo !

   SQUEEN   
4/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour plumette,
cette punition démesurée est moins grave que le mensonge pour Hélène qui a vécu sa vie avec ce "traumatisme". Il y a beaucoup de belles choses, de bonnes idées mais j'ai eu l'impression de lire une nouvelle non aboutie, déséquilibrée dans ces parties. Et puis moi la naphtaline c'est vraiment pas mon truc! J'aime beaucoup les trois dernières phrases, mais elles arrivent un peu trop tard pour moi.
Après c'est évidemment toujours une écriture efficace, qui ne se met pas en avant. Merci

   papipoete   
4/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour plumette
A vouloir s'approcher trop près du chaud, on se brûle ; la porte du four où l'on voit à travers le soufflé grossir, ou bien la peau du poulet faire des bulles...et mamie Hélène veille " attention Lilou, tu vas te faire mal ! " La nuit venue, Hélène redevient enfant à toujours revoir cet accident il y a longtemps, où la gouvernante par son imprudence la blessa avec ce fer brûlant, la rendit " gauchère " sa main droite comme morte, mais surtout ne jamais rien dire de la vérité... le temps gommerait ce mensonge !
NB on se revoit gamin, avec ces dangers quotidiens que nos parents surveillaient comme " lait sur le feu " ; ainsi nous passâmes une enfance avec des bobos certes, mais non point des drames causés par autrui que nous dûmes taire à perpétuité !
Des Hélène hélas, il y en eut, il y en a encore hélas qui, si la plaie du corps se referme, celle de la conscience humiliée viendra toujours occuper un mauvais rêve, ou empêcher de trouver le sommeil...
Une narration qui se lit avec plaisir, mais on a mal pour la petite victime, devenue adulte si protectrice, pour que jamais cela ne se reproduise sous son toit, tout près de son coeur !

   Ingles   
6/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Plumette,

Un récit intriguant et à la construction emboîtée, on suit bien le fil de la petite-fille, entre le jardin et la maison, aux réflexions enfouies dans la mémoire d'Hélène. Une peur qui ressurgit à l'occasion d'un évènement, de l'âge peut-être.

Un souvenir écran ? Qu'a donc fait Mina ? Qui est coupable ?

Au plaisir
Inglès

   Louis   
6/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
La première partie de cette nouvelle, celle au présent, si elle peut sembler un peu longue, paraît pourtant nécessaire.
Elle constitue plus que le "prétexte’’ du texte important, celui au passé. Non seulement, le récit au présent réveille une histoire douloureuse du passé, passé qui n’est pas "passé’’, encore et toujours présent, empreinte persistante dans le psychisme inconscient d’Hélène, mais il l’éclaire, et rétablit une cohérence qui manquait.

Hélène prend conscience dans le présent du comportement aimant, dont elle a fait preuve. Celui-ci s’est fait spontanément, sans réflexion, mais elle y revient, de façon réflexive : « Hélène repense à Lilou devant le four… »
Elle a écarté, avec une certaine brusquerie affolée, sa petite fille du four brûlant, puis l’a soignée, l’a consolée, a trouvé les mots qu’il fallait, l’a prise dans ses bras affectueusement pour un « câlin ».

Ainsi « Très vite Lilou a retrouvé son sourire et sa bonne humeur ». Hélène n’a donc pas provoqué de traumatisme chez sa petite fille qui oublie rapidement l’évènement, alors que celui qu’elle a vécu dans son enfance continue, après tant d’années, de le hanter.

Rien de cette conduite authentiquement aimante ne se retrouve dans sa mémoire de l’événement "brûlant’’ de son enfance. « Dans sa mémoire, pour elle, ni mots, ni tendresse. Un immense blanc. Une opacité »

Il devient clair alors que Mina, la « nounou », ne s’est pas montrée aimante, qu’elle ne l’était pas.
Voilà qui résout la contradiction avec les impressions qu’elle avait, celles d’être la « préférée » :
« Hélène était sûre d’être la préférée de Mina, ça se devinait à de petites faveurs, comme un rab de chocolat au goûter… Lorsqu’il y avait des disputes entre les enfants, elle prenait souvent sa défense».
Elle se trompait, Mina ne l’aimait pas vraiment.
La nounou n’a pas eu le comportement qu’elle aurait dû avoir, si elle avait été aimante, et confirme par là cette vérité que l’on n’a pas voulu entendre : Mina avait une part de responsabilité dans «l’accident », elle était même coupable : « Elle l’a fait exprès ».
Dans ce langage enfantin, cela signifie que le geste de Mina était voulu, et non pas purement "accidentel’’.
Elle avait eu une mauvaise intention. Un mauvais geste. Qu’elle n’a pas voulu reconnaître.
Sa seule parole a été de se disculper. Elle a « menti ».


Hélène s’est senti une victime, que l’on culpabilise à tort.
Victime d’une injustice ; innocente et pourtant déclarée coupable.

Elle subi une double punition :
D’une part, une « punition pour n’avoir pas obéi », qui est la brûlure elle-même. Comme s’il y avait un juste ordre des choses, et que par lui la punition suive immédiatement la faute, avec un arrière-plan de croyances superstitieuses qui associent feu, brûlure et châtiments dans les Enfers.
Hélène n’est pas alors à plaindre, elle n’a pas à être consolée, "elle a eu ce qu’elle mérite’’.
D’autre part, sa mère lui inflige une seconde punition en la giflant, pour avoir voulu se défendre, pour avoir osé dire ce qui contredit la parole des adultes.

Si l’enfant est loué par son père d’avoir déclaré : « Le roi est nu » dans le conte d’Andersen : Les habits neufs de l’empereur, Hélène au contraire est réprimandée par sa mère, qui la fait taire : « la joue lui brûle encore de la gifle reçue pour avoir accusé sa nounou ».
La punition est une nouvelle brûlure, sur la joue cette fois.
Elle impose un silence, une interdiction de se justifier, de se défendre : « la gifle de sa mère qui lui avait cloué le bec une bonne fois pour toutes ».

Hélène a été mise d’emblée dans la position de coupable, sans chercher à la comprendre et à entendre sa version des faits.
Tout le contraire de l’attitude d’Hélène à l’égard de Lilou : « Je ne te gronde pas, ma chérie, je veux juste te faire comprendre » lui dit-elle. Elle ne la punit pas, elle lui fait comprendre.
Mais pour Hélène enfant, on n’a pas été compréhensif. On n’a voulu ni comprendre ni lui faire comprendre. On l’a jugée.
Et la brûlure de la punition devait suffire à corriger le mal en elle, ce double mal en tant qu’elle était aussi gauchère, puis la contraignant à devenir droitière : « un mal pour un bien » avait-dit le père. Et ainsi le "droit’’ était respecté.

Hélène y repense. Quelle raison aurait-elle eu d’accuser à tort sa «nounou » ?
Le déroulement des évènements tel que conté montre une interrogation qui se veut honnête et juste.
En voulait-elle à sa nounou d’avoir pris la place de la mère, voulait-elle l’évincer ? :
« Il y a avait eu l’arrivée d’un bébé surgi de nulle part, et sa maman devenue lointaine et toujours pressée. Et puis il y avait eu Mina, comme une maman remplaçante et bien plus vieille. Ç’avait été un choc »
Mais Mina avait semblé affectueuse à l’égard d’Hélène, et l’événement avait été précédé par le carnaval, à l’occasion duquel Mina lui avait confectionné un « costume magnifique » de danseuse, qui l’avait ravie. Comment pouvait-elle, dans ces conditions, vouloir injustement accuser Mina ?

Il lui paraissait clair, enfin, qu’elle n’était pas coupable. Et que Mina avait un côté sombre et mauvais.

L’évènement l’a blessée. Pas seulement physiquement, mais affectivement. Et une blessure affective met beaucoup de temps à cicatriser, parfois toute une vie.
Mais ce qui vient d’arriver avec Lilou semble fermer une boucle, une boucle de feu. Elle semble pouvoir la guérir de sa blessure, parce que tout enfin s’éclaircit pour elle, parce qu’elle a trouvé les mots pour désigner ce qui s’est passé.
Le présent vécu semble être une catharsis, et un révélateur.
On a voulu la faire taire « une fois pour toutes », mais les mots de sa révolte et de son indignation sont revenus : « La protestation intérieure d’Hélène enfle comme un ballon sur le point d’éclater.
Elle l’a fait exprès ! Elle l’a fait exprès !»
Ce passé était comme un « blanc » dans son histoire, un « immense blanc. Une opacité ». C’est précisément par ce terme « blanc » que Freud désigne cette part d’une histoire personnelle refoulée, devenue inconsciente. Hélène ramène à la conscience cet évènement douloureux : « Tout lui revient ». Une sorte de psychanalyse spontanée s’est effectuée à la faveur de l’incident du four avec Lilou.

Le refoulé fait retour nous apprend la psychanalyse, tant qu’il n’est pas compris et rendu conscient dans le langage, il fait retour en effet dans les cauchemars d’Hélène.
Sans doute, on peut le supposer, a-t-il fait retour aussi dans sa vie éveillée.
L’évènement a dû probablement marquer cette vie "au fer rouge’’. Peut-être a-t-elle cherché toute son existence à défendre les innocents, ou la présomption d’innocence ; peut-être a-t-elle soutenu le droit pour tous à une défense, pour tous le droit à une parole pour dire ce qu'ils croient vrais ?

Merci Plumette pour cette intéressante nouvelle.

   Malitorne   
11/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Comme à ton habitude un récit propre dans l’écriture et bien construit, cette fois-ci autour d’un trauma de l’enfance. La réaction de la gouvernante semble excessive mais sans doute le fruit d’un agacement, suivi sans doute d’un regret du genre « Mince, qu’est-ce que j’ai fait ? ». Malheureusement c’est la pauvre petite qui en fait les frais.
L’injustice qu’on subit enfant peut nous poursuivre de longues années, je suis d’accord avec la démonstration. On dirait presque du vécu, j’espère que ce n’est pas le cas !

   plumette   
16/9/2022
quelques explications et remerciements

http://www.oniris.be/forum/brulant-souvenir-t30525s0.html


Oniris Copyright © 2007-2023