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Fantastique/Merveilleux
solidane : Amédée
 Publié le 01/12/08  -  8 commentaires  -  7008 caractères  -  20 lectures    Autres textes du même auteur

Un marchand de frites noue amitié avec une mouette.


Amédée


C’est la saint Amédée. Laissez donc ce calendrier. Inutile de vérifier, j’ai pris le Saint qui me passait par la tête et l’ai collé là. C’est donc la saint Amédée : le Saint Patron du rire.

Amédée vendait des frites, un peu partout, au fil des marchés. Alors qu’il exerçait son art, près d’une plage, il vit des mouettes s’abattre sur la place et sur les quelques frites que les clients laissaient tomber, bien malgré eux, du cornet. Les volatiles faisaient bombance. Amédée souriait, n’hésitant pas à rajouter quelques poignées de temps à autre. Il était généreux et connu comme tel. Et si quelques grincheux venaient à protester, ce n’est pas tant pour le manque, que pour une cuisson trop longue, ou dans une huile à peine à température. Il n’hésitait jamais à remplacer le cornet contesté.


Les mouettes poursuivaient leur incessant ballet, plongeant à tour de rôle, capturant la frite sans défense. Des enfants eurent alors l’idée saugrenue d’attacher une ficelle à une frite, et de fixer à l’autre bout, un petit parachute en papier. Le résultat fut spectaculaire. Sûr de son approche, un des oiseaux se saisit du petit bâton de pomme de terre, l’avalant d’un trait. D’un puissant coup d’aile, il reprit de l’altitude. Et bien évidemment, grande fut sa surprise de sentir une résistance inattendue et tout à fait insupportable. Il peinait, peinait et plus grands se faisaient les battements, plus large s’ouvrait le parachute. L’affaire était sans issue, et la bête vaincue se posa sur l’étal du bon Amédée.


Le commerçant y vit un signe du destin. Les temps étaient durs, la frite marchait mal et une telle attraction serait propre à attirer de nombreuses foules, avides de spectacles aériens. L’affaire fut rondement menée, malgré des négociations âpres avec la mouette. Le cachet, payé en frites fut fixé, des congénères furent embauchées, des tours de passe organisés. Le moindre détail devait être réglé. Imaginons, pensait Amédée, que deux des acteurs se précipitent au même moment sur la même proie. La catastrophe aérienne était alors inévitable. Ou encore qu’une fiente mal larguée atteigne un des nombreux spectateurs. C’en était fini du spectacle, on ferait appel aux autorités. En prison Amédée, au chômage les volailles.


Après quelques jours de répétition, à l’abri des regards, le spectacle semblait parfaitement rôdé. Les figures s’enchaînaient à merveille, boucles, vrilles ; les spectateurs resteraient pantois face à une telle maîtrise. L’heure qui devait récompenser tant de courage et de dévouement avait sonné. Les volatiles avaient fourni de bonne grâce la logistique, allant coller dans les villages alentour des prospectus annonçant le jour et le lieu du splendide carrousel. Gaia, la mouette piégée au parachute, avait même consenti à tirer derrière elle une longue banderole qui annonçait aux touristes, entassés sur les plages, cette féerie aérienne.


Vint le temps du grand jour. Amédée s’était levé tôt, l’huile bouillonnait dans les bacs, déjà les frites frissonnaient. Amédée exultait, l’escadrille des mouettes était rangée sur le rebord du comptoir, des petits casques en cuir recouvraient chaque crâne. Pourtant, le marchand était perplexe, les touristes affluaient et Gaia manquait à l’appel. Amédée s’était entiché du volatile, son trouble devint intense ; sans Gaia, il n’y avait plus de spectacle. Levant les yeux au ciel, il aperçut très haut un cercle de mouettes avides à la vue des frites répandues, mais trop inquiètes de cette foule pour ébaucher le moindre piqué. Il distingua alors le vol de Gaia, il l’aurait reconnu entre mille. C’était bien elle. Les touristes, ayant saisi le mouvement du regard d’Amédée, levèrent également les yeux. Les mouettes tourbillonnaient sans entamer la moindre descente vers le festin.


Les membres de l’escadrille furent les premières à comprendre la situation, on les vit une à une se délester du minuscule casque, puis reprendre leur envol pour retrouver cette liberté, pour un instant délibérément oubliée. Le spectacle virait au fiasco. Amédée était désespéré. Curieusement le public semblait n’en pas vouloir à l’organisateur. Les premiers rangs se disloquèrent, reprirent leur envol. Bientôt la place fut vide. Le brave homme était occis. L’échec d’une relance de son négoce, la perte de somptueux bénéfices accumulés, le laissaient toutefois indifférent. Seule lui manquait Gaia.


Amédée traversa alors une longue période de dépression. Le marché de la frite s’en ressentait, il s’en contrefichait. Il avait touché le bonheur du bout du doigt, après de si longs efforts, librement consentis par tous. Il ne comprenait que difficilement le départ de Gaia, au moment de la réussite. Dans le même temps, il savait que sa liberté n’avait à aucun moment été entravée. Aussi ne lui en voulait-il pas. Il ne comprenait pas, c’était tout.


Tout ceci n’avait-il été qu’un rêve personnel, inutile et dangereux par bien des aspects ? Le spectacle n’avait-il été que sa création, en rien celle des oiseaux. Il n’y avait aucune réponse à cette question. Gaia revenait malgré tout fréquemment, plongeant régulièrement sur les frites mortes qui gisaient au sol. Elle lui lançait parfois de curieux regards, où l’on pouvait lire autant d’indifférence que tendresse. Amédée continuait à lui lancer des poignées de frites. Son rêve ne l’emplissait plus ; il n’avait en fait jamais rêvé de recettes miracles. Ne lui manquait que cette complicité qui les avait unis quelque temps.


La baraque du marchand tombait en ruine, la qualité de l’huile au fond des bacs avait depuis longtemps fait fuir les derniers clients. Dépression menait au désespoir. Gaia poursuivait ses visites pourtant de plus en plus espacées, les frites venaient à manquer. Ses congénères s’étaient depuis longtemps éloignées du triste sire. Seule, elle entretenait ces rares aller-retour. Jusqu’au jour, où lors d’une descente rapide, lorgnant vers le baraquement, elle le découvrit vide. Amédée n’était plus. Une larme de la taille d’un œuf de pigeon, ou de crocodile, perla, roula le long du bec de l’oiseau.


Ce qu’ignorait Gaia, c’était qu’Amédée, loin de s’être anéanti, s’était un matin perché sur le rebord du comptoir. De là, il avait pris son envol, large majestueux, libéré. Il naviguait en de nouveaux cieux. Grisé du souffle de l’air, empli d’une liberté retrouvée. Un merveilleux souvenir le hantait. Une mouette prenait son envol, peinait dans la remontée, un parachute largement ouvert à sa suite. L’oiseau, troublé, jetait alors un regard dans le minuscule rétroviseur qu’elle portait au bout de l’aile gauche. Découvrant l’objet du freinage, elle partait d’un fantastique éclat de rire. Qui ne se serait esclaffé à la vue d’un tel spectacle ! Lui répondait l’écho d’un rire ample, qui provoquait la culbute des nuages, interrompait les averses dans leur labeur quotidien, renvoyait la foudre à ses origines.

Le rire d’Amédée emplissait le ciel. Enfin il avait retrouvé Gaia, quand bien même jamais plus il ne la reverrait.



 
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   widjet   
1/12/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
L'auteur du chapeau creuse à nouveau le sillon de la poésie, mais cette fois-ci avec moins de réussite et surtout moins de grace (enfin pour moi). Difficile de commenter cette histoire aérienne et saugrenue qui laisse un peu perplexe. Je n'ai pas bien saisi le message ou l'intêret de ce texte, navré.

Mais peut-être est ce ma faute, je n'ai pas réussi à me transporter.

Widjet

   Filipo   
1/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Le récit glisse peu à peu du banal au surprenant, puis au merveilleux. Pour ma part, je n'ai pas cherché de sens caché. Je pense que l'auteur s'est amusé à courir à côté de son imagination, à libérer son inspiration du parachute du réel. Pour un résultat surprenant, mais pas inintéressant.

Texte bien écrit, agréable lecture.

   Anonyme   
1/12/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un petit moment de bonheur surréaliste.
On aime ou on n'aime pas.
J'aime.
Je dirais même plus, je suis très friand, il y a dans ce texte tout ce que j'aime, les oiseaux, l'humour, la poésie... et bien entendu les frites.

   victhis0   
1/12/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
c'est un peu bancale : ça commence plausible, ça vire au surréalisme sans prévenir...Du coup, on est un peu décontenancé, on ne sait plus trop où on est, où on va...Reste une peu de poésie un peu de légèreté et d'un certaine forme de sourire sympathique. Ca suffit pas pour déclencher mon enthousiasme mais j'ai lu pire.

   xuanvincent   
1/12/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'ai apprécié l'arrivée du merveilleux dans ce récit et regrette simplement qu'il arrive si tard dans l'histoire, à la fin seulement.

   Leyng   
6/12/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je n'ai pas du tout accroché à l'histoire même si j'ai bien saisi le côté poétique de la chose...Peut-être trop surréaliste pour moi...
La fin bizarrement m' a davantage touchée: elle m'a fait penser à un livre que je lisais enfant: Tistou les Pouces verts.

   Menvussa   
11/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Petit conte philosophique bien agréable à lire.

   Nicolas   
24/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte plein de fraicheur. L'écriture coule bien. On se sent détendu. Un petit air de liberté, dans les airs. Très agréable !


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