Ferme tes yeux,
Prends-moi dans tes songes.

L'injonction me vint
Comme si je l'avais entendue réellement,
Alors que dans mon jardin
Je m'étais arrêté auprès du dieu,
Vieille statue antique
Arrachée à sa Grèce natale
Où elle gisait enfouie au pied d'un temple.

Un simple réduit
Aménagé dans un mur du verger
Lui sert aujourd'hui de niche,
Un pommier rabougri
Lui tient lieu de berceau.

Prends-moi dans tes songes,
Imagine-moi dans ton rêve avec insistance,
Et je renaîtrai,
Et je serai en toi
Unie à la flamme qui brûle
Dans les profondeurs de ton être.
J'exalterai ta vie,
Je te prêterai mon ineffable puissance.

Le personnage est debout,
Le corps bien fait, robuste,
Son modelé finement visible
Sous le mince chiton.
Un bras lui a été retranché,
Et il a le menton brisé.
Mais son nez est droit, intact,
Sa bouche sardonique,
Son regard appuyé.
Oh quel est ce dieu ?

Je te prêterai mon ineffable puissance,
Me dit-il,
Donne-moi la joie d'exister,
Et je serai ton allié.

Je ressentis son esprit
Remuer dans ma poitrine,
Cherchant à s'accrocher
Au moindre soupçon de croyance,
Mais j'éprouvai subitement une peur terrible,
Et je m'enfuis.