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Poésie libre
Claus : Burton, Derbyshire.2
 Publié le 20/04/12  -  8 commentaires  -  2275 caractères  -  126 lectures    Autres textes du même auteur

Deuxième phase.


Burton, Derbyshire.2



Cette fois-là il y avait Mehdi et Sam. Centre commercial. Nous y allons, sans trop savoir pourquoi.
Deux tours de chaque étage, pour finir toujours dans le même bar. Tout le monde a l'air de faire pareil.
Chocolats chauds, beaucoup de sucre. Tout le monde a l'air d'avoir peur. Nous regardons beaucoup.
Les filles, la publicité, le sol. Tout le monde a l'air étonné, ou hésitant. Les haut-parleurs me parlent, en vain.
Moi je me surprends à fixer Mehdi. Il est gêné. Mousse de lait dans sa moustache duveteuse. Sam va fumer.
Mehdi ne dit rien, moi je me donne un air pensif.

Les murs sont faits de panneaux de bois laqués, recouverts partiellement de velours vert, qui à cette distance a l'air rêche et poussiéreux.
Au pied des murs attendent des banquettes, au cuir usé et à l'assise rebondie. La serveuse, noire et trop grande, boite.
La moquette s'abandonne à des arabesques bleu et or sur fond bordeaux. Sam revient.

Il s'assied, moi je m'attends à une odeur de tabac qui ne vient pas, lui refuse un regard.
J'hésite à me lever, et à me dire, l'air calme, de partir marcher. De jouir d'avoir l'air seul, de supporter ne pas savoir ce qu'ils en disent.
Déambuler, préparant répliques, regards, grimaces, sourires, pour discussions, rencontres, regards, qui n'existent pas, que je ne me provoque même pas.
Autant aller pisser. Moi je me lève en espérant qu'ils me regardent, et je me suis sans dire un mot.

Les toilettes, blanches et trop grandes, sentent beaucoup. Première porte, lunette propre, murs vierges. Dans cette boîte moi je me bloque. Au-dessus, au-dessous, j'entends la masse.
Des pieds retournent devant la télévision, d'autres pieds arrivent dans la télévision.

La route n'est plus que la surface de verre qui sépare les piétons du tube cathodique.

Quatre pieds entrent, puis entrent dans la chiotte voisine. Tout le monde est au centre commercial.
Course d'escargots, vieux et vieilles à l'ouverture, encore là à la fermeture. Courses de chars. Course à l'ennui, gamins buvant au litre.
Moi je me demande si je suis certain d'avoir dix orteils, et si je ne me force pas à détester ce monde. À côté, j'entends Sam sucer Mehdi.


 
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Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Pattie   
11/4/2012
 a aimé ce texte 
Pas
Ce texte me laisse perplexe : je ne le trouve pas assez poétique pour un poème. Mais il est étrange. Il interpelle. Il comporte des éléments qui sont maladroits à mon goût mais qui, dans l'ambiance glauque, par leur maladresse même, font un certain effet. Par exemple la répétition - que je trouve abominable - de "Quatre pieds entrent puis entrent", par exemple. Je trouve ça maladroit, mais intrigant.

   Meleagre   
13/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ce texte est pour le moins intrigant.
Je l'ai lu à haute voix, et il y a indéniablement quelque chose qui fonctionne.
- Un rythme haché, avec des phrases courtes, souvent nominales, ponctuées de nombreuses virgules, ou une succession de phrases très courtes ("Cette fois là il y avait Mehdi et Sam. Centre commercial. Nous y allons, sans trop savoir pourquoi. / Deux tours de chaque étage, pour finir toujours dans le même bar. Tout le monde a l'air de faire pareil.") : ça expose le contexte, sans détail, sans fioritures, comme si rien n'était important. Dans le genre, j'aime beaucoup "La serveuse, noire et trop grande, boîte" et "Les toilettes, blanches et trop grandes, sentent beaucoup", construites sur le même schéma rythmique (sujet, deux adjectifs apposés, verbe ; avec un jeu d'écho entre les deux : noire / blanches, trop grande, la serveuse "boîte" et les toilettes seront une "boîte.")
- Des effets de suspension qui retiennent l'attention du lecteur, mais ne tiennent pas leur promesse ("Les hauts-parleurs me parlent, en vain", "Déambuler, préparant répliques, regards, grimaces, sourires, pour discussions, rencontres, regards, qui n'existent pas, que je ne me provoque même pas.")
- Des jeux d'échos renforcés par le rythme : "Sam va fumer" / "Sam revient" ; "Tout le monde a l'air de faire pareil" / "Tout le monde a l'air d'avoir peur" / "Tout le monde est au centre commercial", "Course d'escargots.... Courses de chars. Course à l'ennui".

L'ensemble installe une réelle atmosphère, glauque et banale. Ce phrasé particulier installe une ambiance, un constat d'ennui. Il y a de la recherche dans l'évocation de la banalité, qu'on sent à plein nez, comme les "toilettes". Les lieux sont décrits par petites touches, les objets du quotidien sont vieillots, démodés, en mauvais état, ce qu'on apprend en fin de phrase : le velours des murs est "rêche et poussiéreux", les banquettes "au cuir usé et à l'assise rebondie".
Et dans ce décor banal et glauque, se déroule une action banale, et un peu glauque aussi. Des foules, non identifiées, vont et viennent, parfois désignées seulement par leurs "pieds", par "la masse". De cette foule se détache des personnages, Mehdi et Sam ; mais il n'y a pas de rencontre, pas de dialogue. Un jeu sur les regards, les non-regards, les départs, les arrivées, le trouble, comme si ces potes devenaient des étrangers, comme s'il n'y avait plus rien à dire. La seule solution est alors la fuite, la solitude...

L'attitude du narrateur est intéressante.
Les "je" sont souvent sujets de verbes de perception : "Nous regardons beaucoup", "j'entends la masse", ainsi que le "j'entends..." final. Ce je est spectateur, mais ce qu'il voit ne débouche sur aucune réaction, aucune envie d'agir sur le monde.
Le narrateur peut être spectateur de soi-même, comme s'il se dédoublait, comme s'il se mettait à distance de lui-même pour se considérer comme un être étranger, avec des verbes bizarrement pronominaux : "je me surprends à fixer Mehdi", "je me suis sans dire un mot". Cela culmine dans la saisissante formulation finale : "Moi je me demande si je suis certain d'avoir dix orteils, et si je ne me force pas à détester ce monde."
Les seuls verbes d'action à la 1e personne sont des verbes de mouvement : "Je me lève", "Je me bloque", "Je me suis", ainsi que le "Nous y allons, sans trop savoir pourquoi" initial. Comme si la seule action que le narrateur pouvait avoir sur l'extérieur, c'était de le parcourir, de déambuler sans but, sans raison, sans conséquence.
Le narrateur reste sans cesse dans la passivité, l'observation ou la fuite.


Bon, tout ça, ça fonctionne. Mais il y a quelques petites choses qui, pour moi, cassent tout.
- Des expressions incongrues : "De jouir d'avoir l'air seul, de supporter ne pas savoir ce qu'ils en disent" (beaucoup de "de", à la limite de la correction grammaticale) "je me suis sans dire un mot", "Des pieds retournent devant la télévision, d'autres pieds arrivent dans la télévision" (pourquoi "dans" ?), "Quatre pieds entrent, puis entrent dans la chiotte voisine" (ce singulier de chiotte, cette répétition de entrent, ce dans : c'est étrange).
- Et surtout, la phrase finale. Cette vulgarité, dans l'expression et l'évocation, qui est pour moi vraiment rédhibitoire. Tout ça pour ça... Avoir installé cette atmosphère glauque, pesante, pour que le dénouement soit ça... Vraiment, cette fin casse tout le reste, c'est dommage.

Et puis, ce texte est intrigant sur l'écriture même. On est ici à cheval entre plusieurs genres. Ce n'est pas de la poésie libre, à mon avis. Ça pourrait être de la poésie en prose, mais je trouve que c'est trop narratif pour être vraiment de la poésie. Ce n'est pas vraiment non plus une nouvelle : c'est trop court, il y a peu d'action, et la progression vers la chute finale est peu perceptible.
Bref, un texte vraiment atypique.

   Lunar-K   
12/4/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

J'aime vraiment beaucoup ! Un texte peu avare en descriptions et en détails, qui parvient à installer une véritable ambiance, plutôt malsaine, ainsi qu'une certaine tension psychologique. Le tout est assez étrange, dérangeant même. Déjà parce qu'on ne sait pas trop si on est là face à un poème ou à une espèce de nouvelle bizarre. On retrouve des éléments des deux : une écriture très rythmée et très imagée, ainsi qu'un vrai sens de la narration et de la description. Un texte hybride, mais pas un bâtard pour autant, qui reprend des différents genres littéraires pour donner quelque chose de tout à fait atypique et original. Déjà rien que pour ça, ce "poème" vaut le détour.

Mais ce n'est évidemment pas tout. Et si la forme est déjà en elle-même tout à fait fascinante, le fond n'est pas en reste lui non plus ! Une ambiance riche, disais-je, mais finalement assez indéfinissable. A cet égard, il y a vraiment deux éléments qui m'ont marqué.

D'abord, le silence, le détachement... Les différents protagonistes ne se parlent pas. Ils s'observent, certes, mais il n'y a aucune véritable interaction entre eux (sinon une fellation à la toute fin, mais justement... c'est la seule exception, ce qui en renforce certainement l'impact). Cela contribue beaucoup, je crois, au glauque et au malsain de cette scène. Une atmosphère pesante, une tension psychologique, qui est d'autant plus prenante qu'elle est tout à fait indéterminée. La narrateur parle bien de la peur, de l'hésitation ou de l'étonnement qui les saisit tous. Mais on ne sait pas à quoi cela est dû, à aucun moment cela n'est dit. Et c'est sans doute ce qui fait la force de cette tension : n'avoir aucun objet. Ça a quelque chose d'assez mystérieux, d'intriguant. Ça rend vraiment bien !

Le deuxième élément qui m'a vraiment marqué dans ce texte, dans la continuité du premier, c'est le détachement du narrateur par rapport à lui-même également. Ce qui donne l'une ou l'autre phrase dans ce genre : "je me suis sans dire un mot". Je trouve ça terrible ! Et puis, peut-être mieux encore, à la toute fin : "Moi je me demande si je suis certain d'avoir dix orteils, et si je ne me force pas à détester ce monde".

Narrateur détaché, non seulement du monde et d'autrui, mais aussi, en un sens, de lui-même. Mais un narrateur attachant néanmoins, très présent. Et c'est ici que fond et forme se rejoignent pour servir un but commun. Cette union n'est pas sans me rappeler, par bien des aspects, certains auteurs américains gravitant autour de la beat generation. Cette écriture très frontale, très directe, usant d'un minimum d'artifice afin de retranscrire au plus proche le courant de pensée du narrateur. Personnellement, j'aime beaucoup ce type d'écriture, ce rythme très particulier. D'autant qu'elle participe pleinement à l'installation de toute cette ambiance, cet univers lourd et froid.

Bref, j'aime beaucoup ! Un texte incroyablement riche, prenant, original, intriguant... Une grande réussite, selon moi.

Bravo, et bonne continuation !

   Marite   
20/4/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
" La moquette s'abandonne à des arabesques bleu et or sur fond bordeaux. " J'aime cette phrase, la seule qui me donne une impression de poésie. Pour le reste, l' ensemble du texte se lit aisément et les mots permettent, sans difficulté, de visualiser la scène. Rien de superflu, juste une description bien précise et un constat assez désespérant des relations humaines entre les personnages. En fait, il apparaît que chacun d'entre eux est enfermé dans une solitude criante qu'il tente de masquer par une désinvolture affichée dans le regard, la démarche ... Je suis curieuse de lire d'autres textes de cet auteur.

   Anonyme   
20/4/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Concernant l'option "poésie" je me contenterai de copier/coller un autre de mes commentaires :
"Il n'y a pas dans votre texte de travail sur le langage, dans le sens où il n'y a pas "codification" du langage. Le sens des mots apparaît au premier niveau, sans qu'il soit nécessaire de les tordre pour reconstituer ce sens. Donc pour moi, ce n'est pas de la poésie...même si c'est bien écrit."
Si votre poème faisait cinq pages ou plus, on appellerait ça une nouvelle, ni plus ni moins. Je comprends donc la difficulté de classer ce texte.

Mais après tout, je me fiche pas mal de la catégorie.
J'avais noté votre premier opus "exceptionnel" car je trouvais une certaine poésie extravagante à ces deux pigeons qui "s'enculaient".
Ici le réalisme, la crudité et l'obscénité de la scène finale débouchent forcément sur une image pornographique, même si vous ne vous y attardez pas.
Je ne suis pas choqué par ça, je suis déçu.
Parce que vous écrivez bien, même si le style sacrifie à une sorte de désespérance ambiante, à la mode des phrases choc, au rythme du reportage.
Mais c'est la deuxième fois que vous utilisez de fortes connotations sexuelles pour évoquer la violence et l'indifférence de notre société. Je suppose que dans le prochain texte , le narrateur finira par une pitoyable branlette sur la tombe d'un cimetière.

Et puis pour tout vous dire, je suis un peu gêné de mon ignorance du narrateur. Qui est-il vraiment? Comment ressent-il la scène de la sucette?
Parce que, s'il s'agit d'un copain des deux autres, qui se lamente comme eux du vide de l'existence, passe encore... Mais ce n'est pas ce que je ressens à coup sûr dans la forme. J'ai comme un malaise en vous lisant, parce que je ne peux pas m'empêcher de déceler chez le narrateur quelques traces d'une certaine perversion. Et là ça devient glauque et je n'y trouve plus aucun intérêt.

Cordialement
Ludi

   Pimpette   
23/4/2012
 a aimé ce texte 
Pas
C'est un texte très conformiste comme on peut en trouver mille sur le Net...on ne peut même plus dire qu'il cherche à choquer le bourgeois qui en a vu d'autres et se marre... c'est une sorte de mode qui passera!

   brabant   
27/4/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Bonjour Claus,


C'est bizarre, je me serais plutôt attendu à ce que ce fût Mehdi qui suçât Sam... "Mousse de lait dans sa moustache laiteuse" ; et puis Sam, le fumeur de cigarettes, semble être le chef qui décide de sortir, de rentrer. L'attitude du narrateur est ambiguë : quelle place occupe-t-il dans ce trio ? Comment peut-il savoir que c'est Sam qui suce ?

Le centre commercial m'a l'air très bien, avec cafeteria et toilettes bien tenues.

C'est probablement voulu, mais si j'ai les tenants de ce texte, il m'en manque les aboutissants. D'où mon évaluation sous la moyenne.

   Anonyme   
6/10/2016
 a aimé ce texte 
Vraiment pas ↑
Je suis pratiquement arrivé au bout de mes lectures vous concernant, ce dernier confirme encore plus le fait, que vous écrivez pour vous-même, vous vous gargarisez avec votre style, vous êtes un peu comme un exhibitionniste, "À côté, j'entends Sam sucer Mehdi.", je ne sais pas pourquoi mais je ne suis nullement étonné de lire cette phrase finale.

Encore une fois, pour moi un texte qui n'a rien de poétique, c'est plus une nouvelle, du vécu peut-être qui vous concerne comme à votre ordinaire, et qui présente aucun intérêt, car il manque totalement de profondeur, c'est juste un texte "aguicheur" du fait, de son descriptif qui cherche à tout prix à faire du lecteur, un voyeur.


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