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Poésie néo-classique
Curwwod : Le Palais-Royal, hiver 1941
 Publié le 23/07/23  -  9 commentaires  -  1276 caractères  -  132 lectures    Autres textes du même auteur

Écrire, écrire malgré tout.


Le Palais-Royal, hiver 1941



Les arbres rougissants ont jeté leur vêture ;
Sous le ciel cérusé d'où tombent des brouillards,
Ils émergent transis comme d'affreux vieillards,
Dressant les bras noircis de leurs pauvres ramures.

Droite dans son fauteuil, assise à la fenêtre,
Une femme indomptable observe avec chagrin
Passer les soldats verts, arrivés d'outre-Rhin
Dans les rues de Paris, qui agissent en maîtres.

Quelques passants furtifs se pressent dans le soir
Vers leur logis sans feu où la faim les accable :
En ces temps de malheur, ils vivent pitoyables
Puisqu'il ne reste rien qui suscite l'espoir.

Plus rien que cet hiver et sa rude froidure
Et la honte et la peur qui étreignent les cœurs ;
Abandonnés, soumis à la loi des vainqueurs
Ils ne méritent pas l'épreuve qu'ils endurent.

Elle voudrait agir, soulager les tourments
Mais n'a d'autre moyen que la plume et la lettre,
Ne sait que regarder Paris de sa fenêtre
Et craindre pour sa ville aux mains des Allemands.

Alors elle écrira… Et, relevant la tête,
Puise tout son courage aux plus doux souvenirs
De sa folle jeunesse, où peuvent revenir
Sa Bourgogne et Sido, ses amours et ses bêtes.


 
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   embellie   
9/7/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
A cause de l’incipit, du titre, et de ces quelques mots « Droite dans son fauteuil, assise à sa fenêtre, une femme indomptable... » j’ai tout de suite pensé à Colette ( soupçons confirmés par le dernier vers) dans les années où elle s’était installée au Palais Royal, recevant quelquefois en voisins les deux Jean, Marais et Cocteau, et où, ne cessant jamais d’écrire, elle utilisait du papier bleu...
Le premier quatrain paraît dicté par Colette elle-même, tant il fait penser à son style de prose, si poétique.
Mais ce poème est le témoignage d’une époque difficile à vivre, l’occupation allemande, faite de restrictions de toutes sortes, d’incertitudes, de peurs pour l’avenir :
« Quelques passants furtifs se pressent dans le soir
Vers leur logis sans feu où la faim les accable :
En ces temps de malheur, ils vivent pitoyables
Puisqu'il ne reste rien qui suscite l'espoir. »
On ne peut qu’acquiescer tant c’est véridique.
« Elle voudrait agir, soulager les tourments
Mais n'a d'autre moyen que la plume et la lettre,
Ne sait que regarder Paris de sa fenêtre
Et craindre pour sa ville aux mains des Allemands. »
Dans le passé, Colette avait été sollicitée pour écrire dans des journaux. Ce temps est bien révolu.
J’aime beaucoup cette évocation de Colette, grande écrivaine qui a marqué son époque et qui, j’espère, sera lue encore dans les dizaines d’années à venir.

   Edgard   
14/7/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Ce poème ne contient pas les aiguillons de l'émotion. La description des soldats verts dans Paris n'a pas d'impact, car l'histoire est lointaine, tant de fois racontée et l'héroïne, Colette, qui n'en n'est justement pas une, ne peut pas apporter grand chose.
Quelques détails:
"Les arbres rougissants ont jeté leur vêture ;" rougissant voulant dire qui commencent à rougir, on a du mal à imaginer la description qui suit:"comme d'affreux vieillards,
Dressant les bras noircis de leurs pauvres ramures." (Hiver 41)
"Elle voudrait agir, soulager les tourments
Mais n'a d'autre moyen que la plume et la lettre,
Ne sait que regarder Paris de sa fenêtre
Et craindre pour sa ville aux mains des Allemands." Eh oui... mais "elle voudrait agir" n'est pas propre à générer l'enthousiasme du lecteur.
On reste un peu sur sa faim...
"Puise tout son courage aux plus doux souvenirs"... Quel courage?
Sans doute allusion à l'attende, et à l'angoisse, son mari juif ayant été arrêté au milieu de décembre 41...mais vous n'y faites pas allusion, et le lecteur ne sais peut-être pas. Dommage. Cela aurait donné plus de force à votre texte.

   Mokhtar   
14/7/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Je pense que la vie de Colette sous l’occupation aurait pu donner matière à des développements plus poussés. On nous présente l’écrivaine « chagrinée » par la présence de l’occupant et le sort des Parisiens, et se contentant de se réfugier dans l’écriture pour oublier la triste situation.

Or sa vie fut beaucoup plus complexe. En dehors de celui de manger, son principal souci concernait son mari juif, raflé (en 41 justement), qu’elle réussit à faire libérer grâce à ses relations.

Par ailleurs, elle manqua de clairvoyance dans le choix des journaux qui la publièrent (le petit journal, Gringoire), ce qui lui valut quelques ennuis à la libération. Surtout quand quelques écrivains pas très nets (Guitry, Brazillac, Montherlant…) tentèrent de l’amalgamer à leur déboires. Heureusement, elle put compter sur la ferme défense d’Aragon, à l’aura incontestable, qui mit fin aux calomnies.

On aurait pu aussi évoquer les anticonformismes qui, bien qu’elle fût très populaire, la faisaient peu apprécier des milieux conservateurs (Vichy par ex). Son expression très libre…le fait qu’elle soit une femme…qu’elle ait écrit longuement sur les animaux…sa bisexualité affichée par ses écrits saphiques…

Je reste donc un peu sur ma faim à la lecture de ce poème. Le premier quatrain est d’une belle écriture, mais je le trouve un peu polyvalent, comme hors sujet.

Le choix du thème est une excellente idée, que j’aurais souhaité plus exploité. Car il y avait matière.

Merci pour cette lecture

Mokhtar en EL

   Ornicar   
15/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une évocation de Colette au temps des années noires de l'occupation allemande.
Ce que je retiens ici, c'est la construction de ce poème en alexandrins qui révèle progressivement l'identité de l'autrice du Blé en herbe. Pas moins de six strophes. On apprend ainsi qu'il s'agit d'une femme déterminée,"indomptable," nous dit la strophe 2 ; que cette femme est écrivaine dans la strophe 5 ; enfin dans la chute au tout dernier vers de la strophe 6 faisant référence à Sido et à la Bourgogne natale, le lecteur comprend enfin qu'il s'agit de la romancière Colette. Poème mystère, en forme de puzzle premier âge, mais pour adulte. Trois pièces en tout qui s'emboîtent parfaitement.

Autre procédé intéressant, à des années-lumière du style télégraphique, la narration adopte un style cinématographique assez proche de la technique du champ-contrechamp ( intérieur / extérieur)
- strophe 1 : la caméra filme le décor extérieur. C'est l'hiver. Belle entrée en matière.
- strophe 2 : Colette à sa fenêtre
- strophe 3 et 4 : nouvel extérieur. Les passants attardés se pressent dans le froid à l'approche du couvre-feu.
- strophe 5 et 6 : retour à Colette figée derrière sa fenêtre
Ces allers-retours sont plus qu'un parti pris esthétique. Ils reflètent pour moi l'état intérieur, le tourment de l'écrivaine qui aimerait agir mais ne le peut. Agir d'une façon ou l'autre plutôt que ne pas agir, mais comment ? Tel est le dilemne.
Ce n'est pas un film d'action. C'est un film psychologique, intimiste.
La dernière strophe est ma préférée. Sans doute parce qu'elle est la clé du poème et que son héroïne finit par "relever" la tête jetant une lueur d'espoir. Si faible soit-elle à ce moment de l'Histoire.

Concernant l'écriture, à la strophe 5, l'expression "la plume et la lettre" ne me paraît pas idéale. Sans changer le sens de ce vers, pourquoi pas : "Mais n'a d'autre moyen que son amour des lettres" ?
Enfin, pour le titre, je supprimerai l'article : Palais Royal, hiver 1941. Plus factuel, froid, clinique.

   papipoete   
23/7/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Curwwod
Les " verts de gris " sont entrés dans Paris, et paradent sur la grande avenue, frappant de leurs bottes ferrées le pavé de la capitale, à deux pas de l'Arc de Triomphe... ils triomphent !
On se hâte sur les trottoirs, quand derrière ses rideaux, cette femme observe résignée face à l'inacceptable ; elle voudrait effacer cette page mais...l'encre tient !
NB l'atmosphère est bien rendue, avec d'un côté le noir de la réalité, le flou de l'incroyable et seule la saison du moment, l'Hiver tient ses promesses, ne surprend pas avec son froid...
je dois m'absenter ; reprendrai mon avis plus tard !
me re-voici !
je ne sais pas la vie de Colette ( bien qu'elle passa des vacances chez nous, à Lons le Saunier ) mais je crois deviner que Sidonie n'avait pour arme ( comme Malala Yousafzaï ) qu'une plume...
Il fait froid cet Hiver, sur les trottoirs, dans les humbles logis et dans ces coeurs transis par l'humiliation des envahisseurs.
L'auteur nous livre un vibrant hommage, à travers ce portrait de française pas anonyme...
le premier quatrain qui pose le décor, nous donne envie de souffler sur les doigts engourdis, du pauvre parisien et cette main appliquée qui note tout.
dodécasyllabes au néo-classique sans anicroche

   Provencao   
23/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Curwwod,

"Quelques passants furtifs se pressent dans le soir
Vers leur logis sans feu où la faim les accable :
En ces temps de malheur, ils vivent pitoyables
Puisqu'il ne reste rien qui suscite l'espoir."

Il ne va plus loin, le mot « espoir» ne se colorie plus pour eux.
Seulement, cette rude froidure n’a pas de consistance. Elle est faite de tout et de riens.
La honte, la peur et le malheur désespèrent. La face de l'horreur revêt un écho sans fin...
Et cette femme indomptable qui ne vit pas, qui survit et qui écrit avec cette haute plume qui ensorcelle et soulage constamment.

Merci appuyé pour Colette.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   jfmoods   
26/7/2023
1. Un paysage état d'âme apocalyptique (vers 1 à 4)

L'entame présente un univers grisâtre ("Sous le ciel cérusé d'où tombent des brouillards"), où l'image subliminale du sang ("rougissants") suggère l'idée de la violence subie, de la torture exercée. Le jeu des personnifications ("Les arbres ont jeté leur vêture", "Ils émergent transis", "dressant les bras noircis") consacre l'évidence de la privation, de la dénutrition, le dépouillement de toute forme d'humanité. La déliquescence (comparaison : "comme d'affreux vieillards") et la misère ("leurs pauvres ramures") apparaissent comme les seuls points d'ancrage de la perspective.

2. La présentation du personnage central du poème (vers 5 à 8)

Le rejet du sujet au vers 6 et le recours à une périphrase génèrent en effet d'attente bienvenu (en tout cas pour ceux qui, comme moi, ne connaîtraient pas le contexte particulier évoqué par le titre). Les adjectifs qualificatifs ("Droite", "indomptable") mettent en avant le caractère bien trempé d'une femme âgée ("dans son fauteuil, assise à la fenêtre") qui traverse une période douloureuse ("observe avec chagrin"), subissant les affres de l'Occupation allemande (titre : "Le Palais-Royal, hiver 1941", "les soldats verts, arrivés d'outre-Rhin/ Dans les rues de Paris, qui agissent en maîtres").

3. Une capitale asservie (vers 9 à 16)

Le regard de la femme se focalise sur la ville où le couvre-feu est proche ("Quelques passants furtifs se pressent dans le soir"), où la vie de tous les jours est devenue un exercice de survie ("leur logis sans feu où la faim les accable :/En ces temps de malheur, ils vivent pitoyables"). La gradation hyperbolique ("il ne reste rien qui suscite l'espoir/Plus rien que cet hiver et sa rude froidure") fixe les termes d'une agonie : tous les idéaux sont désormais lettre morte. La figure d'accumulation ("Et la honte et la peur qui étreignent les cœurs") rappelle les conditions ignominieuses d'une capitulation, d'une reddition humiliante de la France devant un ennemi dont la barbarie suscite l'effroi. Le citoyen lambda doit ainsi payer au prix fort l'incurie de ses dirigeants ("Abandonnés, soumis à la loi des vainqueurs/Ils ne méritent pas l'épreuve qu'ils endurent").

4. Un seul recours : le ruban de l'écriture (vers 17 à 24)

Dans ce contexte, l'écrivaine ("la plume et la lettre") mesure les limites de son pouvoir (négations restrictives : "n'a d'autre moyen que", "Ne sait que", antithèse significative : "voudrait agir, soulager les tourments"/ "regarder Paris de sa fenêtre"). Réduite à la fonction de spectatrice impuissante du malheur ("craindre pour sa ville aux mains des Allemands"), la célèbre Colette (allusions transparentes à sa vie : "aux plus doux souvenirs/De sa folle jeunesse, où peuvent revenir/Sa Bourgogne et Sido, ses amours et ses bêtes"), femme résolue ("relevant la tête,/Puise tout son courage"), va se battre avec ses propres armes ("Alors elle écrira…").

Merci pour ce partage !

   Curwwod   
26/7/2023

   poldutor   
7/8/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Curwwod
En regardant les poèmes déjà publiés depuis quelques jours, et qui m'avaient échappé, je tombe sur une pépite : votre poème "le Palais Royal, hiver 1941". Voila une œuvre magnifique décrivant avec vigueur et simplicité l'humiliation vécue par les Français en général et les Parisiens en particulier de voir leur pays envahi par une armée étrangère...et la rage, sans doute de très nombreux patriotes qui du fait de leur condition sont obligés d'en accepter la honte, et parmi eux la grande Colette qui à cette époque avait près de soixante dix ans et dont la meilleure arme était l'écriture...
Tout est bien raconté : la froide humidité de l'air, les passants le ventre creux qui rasent les murs, leur honte, leur peur...
Merci pour ce très beau poème.
Cordialement.
poldutor


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