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Poésie libre
Cyrill : Camée d’albâtre
 Publié le 13/12/21  -  9 commentaires  -  2546 caractères  -  190 lectures    Autres textes du même auteur

J’espérais tout de sa conquête !


Camée d’albâtre



À cette ville imaginaire – à jamais mon âme y demeure –
et sertie d’éphémère.
Mégalopole extravagante
ma sœur…

À son effloraison galante et son amble adultère
aux sombres braises de son âtre
à son ombre imbibée d’alcool où surgit l’envers d’un théâtre.

À ma Dame camée d’albâtre
qui chaque jour chaque nuit jusqu’à satiété s’éveille aux éclairages d’artifice au désordre des variétés tandis que glissent les secondes et fondent des soleils factices.

À ma Dame qui vient en songe soulève les draps et prolonge en paysage de béton son visage hallucination.
Qui nuit après jour réitère
si jolie flamme sanguinaire aux corolles épanouies sur son macadam lapidaire
l’assiduité de ses poursuites,

je dédie ma sourde colère ma fuite mon dernier mensonge en brassées de fleurs citadines.



Et mon cœur casse cogne éperdu dans sa poitrine chavirée son ventricule déchiré par un pacemaker épuisé.
Ville-libellule voilée de velléité visionnaire où se bouscule exténuée, inhumaine marée, la foule engloutie sur vaine avenue dont le noir ruban se déroule à rendre soûle la lumière.

Cité-vitrine dépolie dont le reflet désarticule en vive rafale au laser
balafre azurée sur le verre
nombre inouï de silhouettes.

Où le désespoir déambule…
J’espérais tout de sa conquête !



Fourmilière tant acharnée où ruent mes amantes artères
des voies ornées d’abécédaires aux luminaires ajournés sur un crépuscule arbitraire.
Qui véhicule familière une écriture écervelée couleur tag sur les murs sans lierre
un balbutiement de prière des rêves avides d’amour de grève et de rides glamour.

Belle-de-nuit sans commentaire
lorsque les hautes grues en larmes baissent enfin leurs bras de fer rendent enfin les armes couchent leur front sur les cratères laissent couler sur les varices le goudron de vies ordinaires
pleurent des parpaings en rivière sur la ligne des cicatrices.

Cité-rapace un rien vorace.
Sa grande classe ses chimères ses vitamines expulsées.
Trébuche – cloche – un fond de poche révulsé – bouche dégoût – mauvaise mine – couche debout – dort la misère – tapis de ruine
… Je la devinais clandestine.



J’eus l’illusion de son obole.
Ville décolle hisse la voile en un déploiement fou d’étoiles
regard tourné vers le Far Ouest et l’intense océan
cependant que je reste à me noyer céans.


 
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   Robot   
5/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai trouvé beaucoup de poésie dans l'évocation de cette ville-femme qui m'a rappelé une BD déjà ancienne "La ville-fleur" un peu sur le même thème.
Cette ville surréaliste nous offre de superbes images mentales qui demeure après la lecture.

   papipoete   
13/12/2021
bonjour Cyrill
je lis toute poésie ; celle que je pus écrire, très ordinaire.
je lis celle des autres, où je me sens riquiqui !
je lis la vôtre comme ici, que je verrais bien écrite par Giacometti, devant laquelle ses amateurs s'extasieraient, et n'auraient pas assez de mots pour le dire...
je ne peux pas dire que je n'aime pas, ni dire le contraire face à la richesse du vocabulaire, devant l'imagination de l'auteur...
NB je pus versifier sur " Camée d'albâtre " façon papipoète
- Je rêvais de lui faire plaisir, quand je t'aperçus dans la vitrine, semblant me dire " prends-moi, je suis sûr qu'à ta Douce je plairai !
- en es-tu certain petit camée ? "
Et je broderais...
Votre texte est encore résolument du " Cyrill ", et ne ressemble dans ces colonnes, à nul autre !

   Vincente   
15/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je constate que ma lecture m'a mené sur deux routes parallèles, mais dont l'une, la circonstancielle, laisse la secondaire, la métaphorique, aller en retrait, presque en sourdine, dans ses dédales elliptiques, excessifs, amoureux, émulsifs, vaporeux…

Je vois la première nécessaire à la seconde en ce qu'elle lui donne un cadre, des mots, une existence, une tension, un surplus extatique d'émotion. Pour autant, je ne suis absolument pas convaincu que l'auteur a délibérément invité à son expression ; mais il m'en a permis l'imagination, sa probabilité et donc sa parallèle évocation. Car bonne part de ce qui ici est ville, de ce qui la constitue, la caractérise, peut être aussi femme, ou homme, en tous les cas passion amoureuse envers un être cher.
J'ai bien aimé ce double-jeu possible de lecture, intéressant, agréable, troublant, assez révélateur de notions qui sortent de leur champ premier, qui s'exportent, s'extrapolent, se "conquièrent" pour reprendre la phrase initiatrice du poème, "J'espérais tout de sa conquête !".

"Conquête" effectivement il y a dans cette poésie, elle investit, "circonvolute", s'emporte, se cherche. Mais elle sera déçue de tant d'espérance qui in fine l'avèrera "cité-rapace", "tapis de ruine", "clandestine", "illusion" ; ce qui fera conclure au narrateur ceci : "cependant que je reste à me noyer céans.".

Ainsi le poème s'avère surtout parcours d'une ambition se rétrécissant en une déception profonde, inversement proportionnelle aux attentes exaltées qu'elle nourrissait. Ce parcours tout d'abord allégorique puis ambivalent dans les trois strophes centrales, où s'annoncent alors le basculement, "Où le désespoir déambule… / J'espérais tout de sa conquête !", s'achève dans un désœuvrement affligeant.
Et voici le rêve devenu cauchemar, avec en plus la perte du projet de vie en amour tant porteur d'envie.

J'ai vraiment bien aimé l'intention très "matièrée" dans le style et la formulation non seulement très imagée, mais aussi abondante, si fournie qu'elle en paraît débordante, d'affect et de volubilité du regard. Par exemple dans ce passage parmi mes préférés : "… les cratères laissent couler sur les varices le goudron de vies ordinaires
pleurent des parpaings en rivière sur la ligne des cicatrices.
" (très bien vues ces "varices"… ! entre autres).

Je regrette que cette "ville imaginaire" (annoncée ainsi virtuelle par le narrateur) ait déclenché une telle passion "quasi gratuite" d'une part, et d'autre part je ne comprends pas ce choix qui à la fois chante l'allégorie d'une espérance et avoue en final ne pas y croire ou constater son impossibilité "congénitale". Ce serait perdu mais on le tenterait en fait sans y croire ?
Voilà qui me gêne par rapport à une ville, sur la première ligne narrative.
Par contre sur la deuxième que je suggérais plus haut, une relation amoureuse humaine qui suivrait ce chemin décevant en final mais ayant permis la rencontre formidable bien que non durable, là j'adhèrerais à la tentative d'amour puissant bien que sans certitude pérenne.

   Lariviere   
13/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut Cyrill,

J'ai beaucoup aimé ce poème qui n'est pas facile à commenter tant la déraison sur fond et surtout sur forme éloigne la raison au point qu'elle ne peut plus argumenter sur ce je ne sais quoi émotionnel qui émerge de toutes ces lignes au grandes libertés sémantiques :

"Et mon cœur casse cogne éperdu dans sa poitrine chavirée son ventricule déchiré par un pacemaker épuisé"

"Cité-rapace un rien vorace.
Sa grande classe ses chimères ses vitamines expulsées.
Trébuche – cloche – un fond de poche révulsé – bouche dégoût – mauvaise mine – couche debout – dort la misère – tapis de ruine
… Je la devinais clandestine."


Un texte presque créole et rempli de poésie pour décrire cette ville-être, "cette cité rapace un rien vorace" avec beaucoup d'impact.

Merci pour cette lecture et bonne continuation !

   Eskisse   
13/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Cyrill,

Je suis très sensible au travail extrême sur les effets de sonorités dans ce poème.
Floraison du Verbe, litanie au sens religieux tracent cette évocation de la ville toute de minéral, de végétal et d'animal.
Mais l'expression " son amble adultère" me demeure très mystérieuse.
Il semble que les sentiments du narrateur soient contrastés et la ville devient ambivalente.
Merci du partage

   Pouet   
15/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut,

une écriture à la ponctuation minimaliste qui, je trouve, rend ses saccades au souffle, ses échappements, ses fumées ou ses écumes.
Les images se font sons. Aussi. Comme une esquisse de silence par delà l'indescriptible brouhaha, le tam-tam carcéral de l'esprit perforé.

Ils sont effectivement captivants ces profils de femmes aux chevelures compliquées comme prisonnières d'un "cadre". De la désuétude en supposition de liberté: si ce visage bondissait du pendentif que nous resterait-il. La chaîne. En tout cas ces camées semblent propices à une immersion, à un engloutissement dans l'imaginaire. Du moins pour moi. Pourquoi ne pas tenter la confrontation avec une boule à neige ? Au fond rien de plus bête que de créer un Monde

On est ici sur le fil de l'océan, le bord d'une mère ou d'une amante amère. La grande ville, pas forcément la grande vie, plutôt une multitude de petites îles en formes de vide, de petites ailes collées au bitume de l'habitude et de l'amertume.
Peut-être ici le Ponant.
Des embruns demeurent les ans bruns, cette mélasse du quotidien où gît la rêverie. Cet ambre mou du recommencement, l'éternité poisseuse, la fumigation d'un paquebot d'ardoise, le brouillard clandestin de l'évasion fortuite.

Il y a quelque chose du sentiment et de la dé-construction, du hasard et des racines.

La Dame percée d'une flèche qui n'indique plus de direction.

Il y'a ce ventre. Il y a cette maternité. Ce cœur de goudron aux artères palpitantes. Cette voracité. Cette extirpation visqueuse. Il y a toutes les immondices. Il y a surtout la beauté. Malgré rien.

   Louis   
17/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
« Regarde là, ma ville, elle s’appelle Bidon, Bidonville » : chantait Nougaro. De même, cette libre poésie demande implicitement à son lecteur : « regarde là, ma ville », mais elle n’est pas une ville réelle, elle est une ville bidon.
Fictive, imaginaire : telle est la ville, née d’un « songe », d’une «hallucination ».
Toute la première strophe s’adresse à cette cité hallucinée, pour une dédicace, pour lui déclarer ce que le narrateur voudrait lui consacrer.

La ville y est présentée comme une « demeure », en un double sens de ce terme polysémique : en ce lieu de séjour : « à jamais mon âme y demeure », pour toujours elle y réside, y trouve un foyer ; et pour toujours, elle s’y tient, y subsiste, trouve en elle une permanence.
Pourtant, paradoxalement, la ville associe à la constance la brièveté de l’éphémère : cité « sertie d’éphémère »
Changeante, la ville, variable dans l’imaginaire ; mais permanente et durable dans l’âme, comme une obsession, une fixation de l’esprit.

Cette ville possède un genre, elle est féminine :
Elle se présente comme une proche, elle apparaît familière : une «sœur ».
Une figure maternelle aussi, par la double entente signifiante de l’«éphémère » : cette ville-femme produit des "effets mère’’ ou porte, dans ce qui l’habille, des "effets"- mère.
Mère et sœur : ville familière, familiale.
Mère et sœur : ville d’ampleur : « Mégalopole extravagante ». Pas une petite ville, pas un village : une cité immense, écrasante. Elle prend beaucoup de place, la ville "mégalo’’," la ville-femme-mégalopole, dans l’espace de l’imaginaire, et aussi dans la dimension sensible.
Mère et sœur, et aussi une « amante », d’où son « amble adultère ».
Le narrateur se reconnaît donc implicitement enfant de la ville, citadin d’un imaginaire, sous la férule d’une femme.
C’est une Dame, pas une femme anodine, c’est « ma Dame », une Dame blanche :
« ma Dame camée d’albâtre »

La ville est Dame, une dame en fleur, « son effloraison galante », une Dame aux Camélias.
Par son côté effloraison blancheur d’albâtre, comme le personnage d’Alexandre Dumas, elle semble disponible pour ses amants.

Camée comme un bijou, la femme-ville n’est pas vile.
D’albâtre, quelque chose bat en elle.
La ville n’aurait-elle pas aussi un côté masculin ? Ne serait-elle pas, pour le narrateur, un grand dam ?
Son visage avenant, et d’avenues, « se prolonge » pourtant « en paysage de béton », belle apparence qui masque et révèle une dureté, une solidité, une rugosité.

Le rapport du narrateur à la ville-femme s’avère complexe.
Dans une « assiduité de ses poursuites », amante, la cité cherche les faveurs du narrateur. Et puisqu’il la voit en rêve, et puisque le rêve exprime un désir inassouvi, le narrateur rêve d’être séduit par la ville-femme, la ville-mère, et de parvenir ainsi à l’aimer. Il désire la désirer.
Il désire la désirer, devenue aimable et désirante.
Il désire être aimé par elle. Pour pouvoir l’aimer.

« J’espérais tout de sa conquête » : déclare-t-il. Ce n’est pas le narrateur qui cherche à conquérir la ville, mais l’inverse : un espoir est manifesté d’être conquis par elle.
À travers elle, il y a la multitude, « nombre inouï de silhouettes », il y a une foule par laquelle on voudrait être conquis, aimé, reconnu dans la réciprocité.
Dans la ville bidon, il y a aussi des « camarades », avec lesquels «on peut se croire égaux » ( Nougaro).

Mais la ville dépersonnalise les individus dans « la foule engloutie », en une « inhumaine marée ».
Les considérations personnelles du narrateur touchent au social.

Echec et déception : à cette ville-femme obsessionnelle, le narrateur adresse une « sourde colère », lui consacre cette colère et cette révolte qui l’animent.

Le texte se poursuit par la justification de cette dédicace.
La ville, en effet, « désarticule » « les silhouettes » dans le reflet de ses « vitrines dépolies ». Elle rend chacun anonyme dans une «marée inhumaine », elle offre les images déformées de ceux qu’elle abrite, on s’y noie dans l’anonymat, la dépersonnalisation, l’aliénation, chacun s’y fond dans un ensemble indistinct.
Elle transforme ceux qui se laissent prendre par elle, ceux qui se laissent séduire par son charme de camée., qui ne rêvent alors que de s'en déprendre.
En elle « déambule le désespoir » alors que le narrateur « espérait tout de sa conquête ».
Vient en conscience que la conquête ne pourrait provoquer une satisfaction, aboutissement dans lequel s’efface le désir d’être conquis, mais un désespoir, distinct du non-espoir serein, parce que tout d’amertume, de mer et de bitume.
Derrière l’apparence séductrice de la ville, en effet, derrière son côté apollinien, se cache le dionysiaque : chaos et misère, zones sombres, zones d’ombres, ventre vorace, bouche dégoût. Ville dévorante. « Cité-rapace un rien vorace ». Elle engloutit, avale les personnes dans son ventre de bitume.

Une parole circule dans la ville, cité « qui véhicule familière une écriture écervelée couleur tag sur les murs sans lierre »
Des paroles folles, incohérentes, délirantes, paroles de camée.
Et paroles des « rêves avides d’amour de grève de rides glamour »
La ville-océan-mère recèle paradoxalement un désir de la quitter, pour ses marges, ses grèves, ses plages « glamour ».
La ville, amante d’apparence, manque d’amour, et les paroles des murs expriment ce désir d’amour introuvable dans la ville.
La ville séduit, mais n’aime pas vraiment. Déception. Colère.

La vile ambivalente attire et repousse.
Et tout se termine dans la fuite.
La ville-demeure fuit, renonçant donc à ses « poursuites assidues » et le narrateur la fuit : double fuite, l’un semble fuir l’autre.
Pour finir, la ville prend le large, la ville-mère prend la mer ; elle, désirée en demeure, se retrouve en errance. Et le fils-narrateur se noie dans l’eau « céans » d’une eau trouble.
Son départ n’est pas, pour lui, libératoire ; il le « noie ».
Le narrateur n’est pas sorti de la ville, mais la ville le quitte, ne le hante plus, et le laisse à ses désirs inassouvis, d’amour, de reconnaissance.

Un texte personnel, mais qui révèle comment se crée une "dialectique" entre le personnel et le social.

   Cyrill   
3/1/2022

   Eki   
15/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
La ville humanisée, personnalisée, personnifiée, animée...Jungle urbaine à l'âme qui vibre !

Le titre est déjà un poème...

Et tout le reste, la plume y trône en majesté...

J'ai adoré, Cyrill.

Bravo pour ce texte !


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