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Récit poétique
Donaldo75 : Les oiseaux crient et le soleil pleure
 Publié le 14/01/24  -  4 commentaires  -  2700 caractères  -  84 lectures    Autres textes du même auteur

"You'll see the horrors of a faraway place
Meet the architects of law face to face
See mass murder on a scale you've never seen
And all the ones who try hard to succeed.

This is the way, step inside"

(Joy Division)


Les oiseaux crient et le soleil pleure



Le son strident des volatiles déchire le ciel matinal. Je sens le macadam craquer. Les piétons passent sans émotion, comme si tout restait dans la norme de leurs équations personnelles. Des affiches scandent en quatre par trois un slogan de conformisme où nous devons marcher tous ensemble sur le même chemin. Personne ne voit le soleil pleurer et les oiseaux crier.

Je m’arrête un instant. Les vitrines débordent de bocaux roses enrobés dans du papier rouge et doré. Une sylphide en plastique tend une boîte de chocolats en direction de la rue, invitant monsieur et madame Tout-le-monde à déguster les poussières sucrées du moment. Je me vois, un clown triste au regard usé, aux yeux rougis par le froid hivernal. Mes habits taillent trop grand, mes chaussures tiennent avec des élastiques et mon dos se courbe sans vergogne. Je ressemble à une tache de vin sur une nappe de fête. La magie de décembre n’agit plus sur ma silhouette fatiguée. La citrouille ne se transforme pas en carrosse. Crapaud un jour, crapaud toujours me répètent en silence les autres, celles et ceux dont les pieds vont tous dans une seule direction, pas la mienne semblent-ils me dire.

Aujourd’hui, je n’ai pas la force de tendre la main ni de quémander un morceau d’humanité, un simple sourire ou des mots d’encouragement. Je ne suis pas un réfugié venu de Tripoli, de Damas ou de Bucarest, juste quelqu’un du cru tombé par malchance sur la route pavée de bonnes intentions. J’ai maintes fois tenté de me relever. Ils ne m’ont pas répondu ou alors à voix basse sans me regarder de leurs yeux de cendre. Pour eux, je ne suis qu’un parmi tant de malheureux abonnés au lit de carton, à la mauvaise vinasse plein les dents et aux bouches de métro. Je n’ai pas envie de leur jeter la pierre, elle tacherait leur beau jardin.

Le soleil pleure mais personne ne le sait. Les oiseaux crient pourtant aucun ne les entend. L’année se termine comme elle a commencé, dans le froid et sur le bitume, loin de la chaleur du foyer, des rires d’enfants et des mots d’amour. Je vais reprendre mon périple à travers la ville, abandonner les promesses muettes d’une beauté de vitrine dont les papillotes me restent étrangères. Ils ne le savent pas mais je vois la fin, la leur, la mienne, celle du temps et de la volupté, de la luxure et des faux-semblants. Je la sens dans le ciel dont le roi est en larmes. Je la ressens au plus profond de mes écoutilles comme une craie crissant sur le tableau noir. Des becs pointus sertis de plumes sombres me la hurlent pour que je ne l’oublie pas. Je regarde mon reflet dans la lucarne du monde puis pars sans me retourner. Ce n’est plus pour moi. Depuis trop longtemps.


 
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   jeanphi   
6/1/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Comme vous dans ce poème j'occulte toute réflexion politisée dans mon commentaire (j'essaye du moins).

L'ambiance, l'argumentaire, la poésie, l'esprit, les idées, un certain militantisme et bien plus, beaucoup d'éléments donc dans ce très beau texte. L'individualisme marginal pour dénoncer l'individualisme consumériste, c'est justement une part du malaise que décrit votre texte.
Ici la clarté d'un esprit capable d'élever en permanence son niveau de jugement se heurte au nombre avachi par incapacité inhérente d'en faire autant, amenant le constat de désespérance provocatrice et indignée que nous pouvons lire.
Je trouve une douceur vivace, des formulations empreintes de dynamisme et beaucoup d'esthétisme. Le troisième paragraphe adopte judicieusement un ton plus parlé dans un soucis de pertinence qui permet de boucler cette démonstration. Il y a de l'empathie dans ce tableau, envers les uns et les autres, sauf du narrateur envers lui-même.
Vous rendez que le nombre n'est pas l'individualité, mais également que l'effet de masse peut renforcer l'individualisme, je crois percer ces éléments qui à moi sont très parlant. Peu de place pour la nuance dans les opinions très marquées, ce qui lui confère selon moi encore plus de puissance mais peu de dualité idéologique, je me trompe peut-être, comme je le disais, il y a vraiment beaucoup de choses dans ce récit.

   fanny   
14/1/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Le regard d'un exclu pour une juste dénonciation de la situation actuelle, de la société de consommation à double vitesse et à sens unique.
Ce texte aborde, sans être agressif ni vindicatif, les méfaits et les conséquences des politiques consumiéristes qui laissent sur le bas côté de plus en plus d'individus, en vertu de modèles économiques qui peinent à convaincre.
Un récit effectivement poétique de par son écriture mais qui décrit sans hésitation les mirages que constituent les emballages brillants et reluisants de nos papillotes.

   Eskisse   
14/1/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Don,

Un texte nécessaire, portant une vision sans concession sur nos sociétés occidentales.
J'ai regretté que tu n'aies pas développé l'évocation de ce soleil qui pleure et de ces cris d'oiseau. Telle quelle la mention répétée ne suffit pas pour moi. Mais peut-être n'y avait-il pas de place ici pour la beauté même malheureuse...?
Le monologue de ce nécessiteux amer mais sans agressivité permet bien de créer un contraste avec les passants. Mais là encore, j'aurais aimé un discours plus rythmé peut-être avec quelques structures anaphoriques afin que le côté poétique soit encore plus marqué.

   Ornicar   
14/1/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bonjour Don,

Joli titre, poétique, pour cette prose qui me laisse un sentiment mitigé.

Sur le fond, il me semble que la critique du consumérisme débridé, ostentatoire, obscène et quasi-obligatoire en ces périodes de fêtes pourrait être encore plus féroce, tourner au véritable jeu de massacre mais de façon jubilatoire. Ici, ça reste relativement "sage".

Sur la forme, j'ai un peu de mal à voir la poésie émerger du texte. De façon générale, je vois peu d'images propres à donner une couleur poétique. Dans les deux premiers paragraphes, certaines formules où je sens pointer l'ironie, me plaisent bien et me semblent intéressantes comme par exemple "la norme de leurs équations personnelles", cette "sylphide en plastique", ou encore ces "poussières sucrées du moment".
Les deux derniers paragraphes me paraissent en revanche plus convenus et sans surprise sémantique.

Au final, tout ce passe comme si ce texte ne cochait pas la bonne case, hésitant entre deux genres : trop court et pas assez étoffé pour une nouvelle, pas assez imagé et original dans l'expression pour la catégorie poésie. Est-ce pour cela qu'il recueille peu de commentaires ?


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