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Poésie contemporaine
EtienneNorvins : Profondeur de l’abîme
 Publié le 26/01/22  -  5 commentaires  -  3002 caractères  -  106 lectures    Autres textes du même auteur

Le titre est emprunté à Jaccottet (Taches de soleil, ou d’ombre). L’argument : un jour d’automne, de soleil pâle et de grand vent, un peut-être poète et sa possible muse profitaient de leur temps libre pour chérir les étendues marines, à l'une des extrémités de la presqu’île de Rhuys, Morbihan.


Profondeur de l’abîme



« Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer immense,
D’observer du rivage… »
Lucrèce (II, 1-2 – trad. José Kany-Turpin)


Sans fin dis-tu, mon ange, empoigné sur les flots
l’air invisible gire en l’aveugle lumière
là-bas comme
un Sisyphe ébranleur de fracas, gifle ici
dont se gonfle un moi de peau sans ailes
pour retarder sa mort ; et tout ainsi mouvant
d’un seul tenant d’étreinte immense,
ainsi Réel absurdement,
ce tant de bruit et de silence, chair
s’en fût-il fait le fil,
par évolution
et bipède et langagière
– depuis que Galilée superbe
a mis un cou coupé au Verbe.

Pourtant, et c’est encore toi qui parles,
déjà tu as senti par tous tes yeux ses flots
prendre place et aventure
au gré d’un dépôt de culture,
là-haut, dans le cerveau
pour électrochimiquement
devenir univers, où
dans cet azur d’un ciel brille un soleil
en état d’équilibre hydrostatique
et souffle dans cette caresse un vent frais
ouest-sud-ouest dont s’enchevêtrent les parfums
iodés à la rumeur semblablement chaloupée
gris-bleu, brun-vert, gris-vert, et scintillante
de la houle et des arbres,
sur et sous la blancheur,
telle une lente écume au ciel dans la pluie de lumière,
des nuages qu’un trait noir –
(c’était un oiseau)

et ce,
parfois,
jusqu’à connaître
– hors aigre rumination, délectation morne ou brusque télescopage avec le cuivré pulpeux d’un corps femelle, qui d’un regard ou d’un sourire ferait bifurquer l’ensemble dans de mâles enchaînements…

une plus
palpitante
émotion

qu’il faut bien se résigner ici à désigner du terme général de « sentiment de Beauté »
doublée de l’intuition quelque peu pathétique
que CELA hormis,
la viande humaine, minuscule et temporaire maillon dans l’œuvre physique en cours depuis bientôt quatorze millions de millénaires
(à ce jour et environ – Source : Wikipédia),
ne peut à cette énigme in progress ajouter

RIEN

suscitant soudain le désir que
dans l’air maintenant expiré vibre
pour une oreille humaine
l'appareil phonatoire

– mais le cerveau se ravise : pour une raison qui m’échappe, il a toujours répugné à ce que maintenant on t’entende en ma voix ; et c’est vrai de toute façon qu’un chant à notre époque, ben…

alors la main
esquisse des notes qu’elle annote et retravaille encore de tout ce corps que travaille,
épuisante et jubilatoire,
enrageante et libératoire,
inquiétante et incantatoire,
l’exigence, mettons : un peu folle, que
(serait-ce la maladie qu'au moins depuis Homère, se refilent les « Poiètes » ?)
que des mots jaillissent
Quoi ?
comme un cambré de baleine sur le fil d’une araignée
– l’Éternité ?

Oui, quelque chose
d’un peu cosmique comme ça.


 
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   Anonyme   
16/1/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Je suis partagée. J'ai fait plus d'efforts que d'ordinaire pour aller à la rencontre de votre poème, tâcher d'écouter ce qu'il me dit même si la manière peut m'agacer ; je suis une lectrice facilement impatiente. La raison qui m'a fait m'accrocher ? Elle est cocasse : j'adore la citation de Lucrèce que vous présentez en début de texte, dont je n'arrive d'ailleurs jamais à retenir l'auteur. Ah, "Suave mari magno" ! (Soit dit en passant, ce qu'exprime Lucrèce c'est "Comme il est doux, quand sur la vaste mer un navire risque le naufrage, d'être bien à l'abri sur le rivage à contempler le spectacle !". Sympa, le mec.)

Donc : j'ai accepté de sortir de ma zone de confort, et j'en ai été récompensée. Moi qui préfère en général reconnaître une structure, une progression dans ce que je lis, une trajectoire, je me suis laissé prendre par le charme bousculant de cette balade sous-marine. Faut dire que le chapeau m'a beaucoup aidée, sans lui il est certain que je n'aurais rien pigé et que cela m'aurait contrariée. Mais, dans ces conditions particulières de lecture, j'ai eu la sensation de regarder par en-dessous la surface mouvante de la mer et des vagues, de me faire ballotter plaisamment par les mouvements de l'eau, et j'ai aimé cela. Une mention pour la deuxième strophe, surtout à partir de
dans le cerveau
Pour moi c'est pile ça, cet ébahissement devant un spectacle qui dépasse l'entendement et que pourtant, possesseur d'un "gros cerveau" toujours sur la brèche, on s'efforce d'appréhender.

Mais ensuite je suis nettement plus réservée. J'ai l'impression d'entendre dans la tête du narrateur ou de la narratrice cette petite voix du "moi social" en mode paon préparant sa roue : "Purée c'est trop bien, je vais en faire des vers qui vont déchirer, ça va les bluffer." Attention, je ne prétends pas du tout être exempte de ce genre de sentiment de vanité ! Simplement, en retrouver l'écho en tant que lectrice m'indispose, car je n'aime que ma propre vanité à moi, la plus belle. Alors quand je lis
épuisante et jubilatoire,
enrageante et libératoire,
inquiétante et incantatoire,
je soupire devant la volonté appuyée que je crois percevoir de "faire le beau" en étalant une virtuosité pour faire beau. Et les deux derniers vers me paraissent relever du même genre d'affectation, philosophique cette fois. Alors je suis partagée, mais je retiens avoir été agréablement bousculée par les mouvements de l'eau. C'était bien.

   Anonyme   
27/1/2022
Modéré : Commentaire hors charte. (Se référer au point 6 de la charte).

   Pouet   
27/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

tout d'abord j'ai bien aimé le découpage des vers, dès la première strophe je trouve de l'écho au rythme, du coulant dans le heurté.

Concernant le propos, l'illustrer par exemple par le titre "La vie est un songe" de Pedro Calderón de la Barca, ne me semble pas non sensique.

Il y a bien sûr la création de nos émotions et le Monde, le Réel peut-être immuable en socle commun d'humanité et pourtant divisé en autant de visions individuelles. Qu'est-ce qui nous appartient vraiment ?

La mer par-dessus terre.

J'ai aussi envie d'illustrer mon ressenti par cette assertion commune, "L'amour est un mirage". Et la question du "jeu".

J'ai bien apprécié l'écriture se promenant sur un fil tendu entre grandiloquence et ironie.

   Donaldo75   
29/1/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour EtienneNorvins

J’ai bien aimé ce poème ; je l’ai trouvé carrément « too much » à la limite de la philosophie postée en poésie mais c’est également ce qui m’a attiré. Et puis, ça change de la poésie que j’ai l’habitude de lire sur Oniris – nulle critique à cet égard, juste un élément de contexte – et je me suis demandé comment cet océan de références, de verbe, avec un flux aussi chaotique – attention, ici le chaos signifie l’absence d’uniformité, pas le bazar car je suppose la quantité de travail et de composition qu’il t’a fallu pour écrire ce poème – qui n’est pas sans rappeler l’élément marin évoqué dans l’exergue. Je souhaite bonne chance à qui voudrait rédiger un commentaire composé sur ce poème – je ne me risque pas à l’exercice – tellement il est riche, foisonnant, saoulant comme l’est le vent marin, sujet à tellement d’interprétations que mon cerveau va exploser. Je l’ai lu – et je le relis encore sous ce prisme – en couleurs, c’est-à-dire sans chercher à réconcilier grammaire, signifiant, étymologie et symbolique avec un thème précis mais en me laissant embarquer par ce que mon intuition me montre, un chemin différent à chaque lecture même si je ne vais pas du nord au sud en ayant d’abord tenté l’ouest.

Bravo !

Don

   EtienneNorvins   
30/1/2022


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