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Laboniris
Lariviere : Fragment delta morceau 2
 Publié le 29/08/22  -  9 commentaires  -  8431 caractères  -  138 lectures    Autres textes du même auteur


Fragment delta morceau 2



Dieu est un comique ringard aigri de ne pas avoir réussi le tour de la grande fantaisie. Le clou du spectacle est planté dans la chair des passions, malgré le coussin péteur, le dernier souffle expiré reste solennel. Sa fleur qui fait pouêt-pouêt est en réparation et sur les parterres des artifices et des canaux lacrymaux obturés par le flot calcifié de nos rires, des sentiers d'étoiles là-haut, nous plongent dans le néant. Séparés accrochés à des ilots illusoires de bonté, nous sommes perdus par nos intérêts de puits noirs, meurtrières rouges, au fond l'homme en équilibre a une poitrine étrange. Sa posture est celle des grands primates mais pas seulement. Il tient à ses doigts une cage de perroquets ou une lanterne. Boucles d'oreilles. Baves d'escargots. Coquilles, œufs et fossiles sur des espoirs fragiles. Parjures. D'autres lèchent les chaînes qui les lacèrent ; elles sont en métal précieux.

Homme-ours qui loues ton corps et ses fluides aux cerbères mécanisées de nos enfers modernes, tu te méprends. Les poussières d'étoiles enfermées dans ton cœur ne seront pas moins brûlantes si tu les presses d'abord dans tes paumes rougies par la métallurgie du monde, pourtant les bougies de la gloriole, elles, tu les éteins une à une. Écrin. Écran. Ballet immobile. Boule de souvenirs parfumés de chair rouge agitant sanguinolente ses grelots de doutes et de rancœurs. Le vent n'est plus là, pour apaiser les brûlures du haut souverain. C'est devenu le placard des entomologistes où les collectionneurs piquent des souvenirs comme des papillons rares exotiques sur le plateau fiévreux de nos respirations ; les chaînes ont rompu, les chiens sont lâchés. Les fauves en cage n'aboient plus dans le vent casanier qui poussait nos pas dans l'audace stérile mais vivifiante d'agrandir hardiment les traces déjà présentes sur les chemins en croix des énigmes. Nos cheveux, comme nos yeux, sont indomptables ; ils ne se laissent plus caresser, images, par les gouttes de l'espoir perlant sur la nuit qui s'achève ; ses dilutions éthérisées sont des lèvres suspendues aux illusions dérisoires des jours à venir. Madame et Mélodrame. Maldonne. Mélasse. Un ciel entier s'est soulevé, révolte imminente des évanescences vaines et de l'obsolescence programmée de l'humanité, un simple hoquet de voix percuté sur l'entrain du silence, le loquet des absences a sauté.

Essor. Fièvre de l'or. Nos doigts tripotent le vide sans savoir, tapotent ton buste, c'est une sorte de tombeau de chair immobile, car nos doigts ne tremblent plus au tempo du malheur. L'infini nous a pris dans ses lassos véridiques, suaves saillies, ce sont des anses auréolées d'ennui mais bariolées d'avalanche et parcourues d'arc électrique qui rendent le parcours fastidieux du grand saut exaltant. Des rêves de méduses sont nos joies de passages. Perfides filaments. Fil de cuivre et électricité… Parterre d'étoiles.

Notre Dieu s'appelle mouvement. Notre foi se nomme quintessence. Flammes animales. Les larmes humaines sont resservies à chaque plat indéfiniment, sur des tables tournantes infestées de fourmis rouges et de langages soutenus, ornées d'algues vertes et de folles espérances. Désir d'ailleurs. Désert de vivre. Mais quelle couleur naturelle encore contenue dans nos immenses poitrines ? Mornes plaines étendues sous nos paupières, des halos d'astres morts scintillent et se consument, vivent et s'éteignent ; étreintes ultimes des satellites de chairs, accolade visqueuse des nouvelles conciliations. Nos doigts fiévreux sur la nuit fraîche sont le tamis véritable des étoiles. Vestibule. Révolution. Bâton de pluie et nombre d'or. Sérénade des brosses à dents, c'est l'amorce d'un réveil trop brutal sur chaque thème astral ; comme une clef dans une serrure. L'éternité s'ouvre. Les boutiquiers des mondes sortent leurs livres de comptes et de décomptes, hallali leurs mauvaises mœurs féerie leurs doutes et leurs fanfares. Leurs rires gras sont des casseroles remplies de graisse d'oie. Leurs doigts et leurs jambes sont des combinaisons. Leurs battements de cœur, le cliquetis pudique des coffres-forts. Leurs destinations favorites pour les vacances : la Suisse. Errance. Convulsions. Grand frisson. Des ventres d'hippocampes repus de plaisirs et de billets verts sont leurs conquêtes faciles et le fruit pourri de leur amour illusoire, déjà irisé de mille désirs farouches… Sous le signe du cancer, leur langue jaillit les flammes de mille fourneaux et leurs visages ne passent pas le filtre du dé à coudre. Tempête. Clochettes, tintements, dernières tentations ; agitations, coups de feu, de becs, de gaz, de folie douce…

Alors, l'horreur est de mise ; osmose. Voile noir. Névrose enluminée. C'est la vue de la mort qui nous sert d'élection. Des fuites, des luttes, des cris de hiboux… Un liquide visqueux s'écoule des conjonctives terrestres. La foudre et le sang, éclair rouge de nos machinations. Échelons de rage de dents, barreau d'argent céleste, gencives tordues d'amertumes solides tenaces nos haines nos amours garrotent les galaxies et cadenassent l'entrée du paradis. Amertume, ce sont les hampes et les baudriers émérites de nos apparats hérissés de mérites et d'épouvantes. Une étincelle, une caresse, suffisent à raviver les passions que l'on croyait tuées dans l'œuf. Avec un peu d'éther et des gazes de coton, nos convictions sont flamboyantes. Chancelantes missions décompositions des compresses tissées dans les casernes aux murs rouges de nos cœurs ; on se prépare aux manœuvres de printemps… L'oisiveté est mère de tous les vices et des sévices mais aussi fille du vent et des abandons ; cela annonce des visites imprévues, des instants de grâces… Des milliers de fleurs en éclosion, nid de vipères, horde de harpies ou de chimères, lilas blancs, furies et sorcières, flaques d'eaux et souvenirs troubles se préparent à mourir avant d'avoir pu envenimer la lumière du jour et connaître le doux baiser initiatique du scorpion, comme l'ultime lucidité après avoir gouté l'espace d'un cillement à la déglutition du multimonde, âge d'or, délivrance, les fruits du renouveau aux rayons du soleil demeurant. Pour éviter l'empoisonnement des puits communs aux lieux-dits des parcours personnels, l'herboriste vend des élixirs et des eaux de jouvences, le poète des vers, et le pharmacien, des lavements…

L'homme est le seul animal à vaincre ses illusions par des visions impropres, à transformer l'éther en réalité tangible, à être toxicomane du sublime. Mais seul un numéro de trapéziste peut laisser entrevoir les placides enluminures de nos obsessions. Éviter de nos jours l'époque du grand suicide. Une liqueur jaune or, ainsi qu'un sourire précieux, flotte dans les eaux usées du dégout. Pour les rats, c'est la rumeur des horreurs feintes qui gonfle au cœur de la plèbe, pour les solitaires, c'est un simple reflet vermeil exposé au fond du précipice. Le bruit souvenir, le toucher exalté de l'éclair, nous rappellent les humeurs rouges rideaux brûlants rugueux pendus velus vendus in extrémis aux prémices rudes rires secs de l'orage, se pliant humblement sous les regards narquois c'est l'arbre calciné sentant ta venue proche, sa verve s'est éteinte, la foudre par contumace a frappé sans crier gare. Sous ton regard de braise, tout un hall des pas perdus s'est retrouvé en flammes, les soupirs cramoisis. Moisissure. Grange rouge.

À l'ombre des grands chênes, l'ogre des échéances. Regards zébrés de drôles d'oiseaux fabuleux, tarasques, soleil couchant, pourpre et hermine, casque doré des premières civilisations, horizon barré du vert jauni des académies, des visions primitives et des écluses mal faites. Vallée et porte close de la perception. Sous nos mains trempées, nos crépuscules dégondent les émotions, fragmentent les turpitudes humaines, décortiquent les amours contrariées, décollent les plèvres et recollent les cœurs sur de nouvelles couleurs, louve-mangouste et gueule ouverte aux quatre vents se nourrissant filtre d'os et de chairs de nos oripeaux de conscience, de nos instants volés, de nos nombreuses absences. Confiance et déraison, nous n'osons plus porter à nos lèvres fatiguées la charge ployant parole lourde masse électrique sous le poids des mots et de la noirceur originelle ; ce sont nos vieilles lunes, étranglées, lavées, lessivées, les airs vibrant pourtant plaisants portant hôte féerie remplie de nouveaux refrains…


 
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   Anonyme   
29/8/2022
Bonjour Lari,

Que retirer de ce magmas éruptif éjaculé d’une cervelle en fusion ? Je suis arrivée au bout, miraculée, exténuée et légèrement migraineuse. On pourrait éventuellement retirer chaque phrase ou groupe des mots pour essayer de les commenter mais on y serait encore à la Noël. Il y a des choses éparses qui me plaisent bien, certaines un peu prosaïques et d’autres qui semblent sortir d’une machine automatique qui crache a l’envi des mots et des associations parfois interlopes, d’autres fois assez avenantes. Mais c’est au-delà de mes capacités intellectuelles d’en faire une exégèse ou de noter ce fragment mais je suis assez fière de moi d’être allée jusqu’à la fin sans piquer une crise de nerfs.

A remettre dans les mains d’un lectorat pointu et intello.

Anna défragmentée

   senglar   
29/8/2022
Bonjour Lari,


Et pan ! Prends-toi ça dans la gamelle !

Je voulais te dire que je suis passé et que j'ai vu, au travers des étoiles...

Veni Vidi...

pas Vici !

Je me suis dit que le seul commentateur possible pour toi devait être Monsieur Littré ressuscité qui aurait l'entièreté d'une nouvelle vie à donner.
Je me suis dit aussi que le seul commentateur que tu mérites sur Oniris : C'est Louis. Ah ! Que j'aimerais lire Louis sous ton texte. Je pense que c'est le seul qui n'y laisserait pas sa tête.


Bien, méritons ce com. :

"L'homme est le seul animal à... transformer l'éther en réalité tangible". C'est très pascalien ça, tu ne dois pas aimer c'est un demi curé, en substance : "La différence entre l'univers et moi c'est que je sais qu'il existe, tandis que lui oh le gros nigaud je peux l'écraser comme un mégot si je l'ignore. " On a bien ici un apprenti sorcier n'est-ce pas ?

"Notre Dieu s'appelle mouvement". J'ai bien aimé aussi, il est vrai qu'on a tué l'ancien en le parant de toutes nos tares (Ô vois le beau collier d'andouillettes que je t'offre !), d'où celui-là, nouveau-né qu'on appelle "mouvement". C'est en fait une vision très romantique dans ce fouillis de chair, de tripe, de sang et de ferraille; l'Homme pour s'y vautrer - y échapper ? - devient son propre Dieu avec ou sans ses objets consuméristes, possibles vassaux. Mais Hugo ne l'avait-il pas déjà dit avant : "Je suis une force qui va" avec tout ce que cela implique ?

Bon, on met Passionnément + ou Vraiment pas (-) selon que l'on est un alpiniste confirmé ou sujet au vertige.
Tu me dis ce que je dois choisir...

Mais je crois que tu as dépassé la vanité de l'évaluation, Ô Toi ! l'anti Homme-ours.

   JohanSchneider   
30/8/2022
C'est très voisin du courant de conscience et bien que l'approche soit exigeante je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'être pourvu d'un intellect haut de gamme pour y accéder.

Pourtant je suis resté complètement hermétique à cette courageuse démarche qui a dû vous coûter un sacré boulot et une bonne pinte de jus de crâne. Et je m'incline devant la richesse d'expression et la virtuosité langagière. Respect.

   Eskisse   
30/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Larivière,

Ce qui ressort pour moi de la lecture de ce poème, c'est le désenchantement: un maelström de désenchantement.

Comme le dit bien la question : "Désert de vivre. Mais quelle couleur naturelle encore contenue dans nos immenses poitrines ? "
ou encore
"Nos cheveux, comme nos yeux, sont indomptables ; ils ne se laissent plus caresser, images, par les gouttes de l'espoir perlant sur la nuit qui s'achève ;"

Un constat pessimiste sur le monde mêlé à une aspiration à l'idéal ( il y a beaucoup d'étoiles ). "Les poussières d'étoiles enfermées dans ton cœur "
J'aime bien l'alternance de phrases longues avec les énumérations de mots isolés.
Je suis sensible au côté "extraordinaire" de ce texte qui associe les vocables riches de manière singulière.
(Suis moins fan du "coussin péteur." et de Dieu en "comique ringard aigri")

Le profond désenchantement du poème me touche et son langage hors convention ( qui est pour moi poétique ) me plaît.

   Anonyme   
30/8/2022
J'ai lu les explications dans le forum et ça ne m'a pas aidée.
Je n'ai rien compris je ne suis pas allée au bout de ma lecture
Trop compliqué pour ma petite cervelle qui aime comprendre ce qu'elle lit.

   Vincente   
31/8/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ça déchante fort sous le tropisme sombre de cet état des lieux. Sous les yeux de cette déprime puissance, le monde actuel se révèle sous tous ses angles délétère, surfait, trompeur, …
De nombreuses trouvailles et formules portent fière leur hargne vis-à-vis de ce déclin à l'exécution très entamée. La colère, assez froide cependant, sourdant à la fois en idéalisme et défaitisme, fonde cette paradoxale opposition qui produit l'explosion textuelle ; une logorrhée nait ainsi où les évocations surnagent dans un magma d'occurrences terribles.
Sur ce plan, l'écriture est assumée, elle assone et assomme de ses lourdes conjonctions. Sur celui plus large de la correspondance avec la subjective réalité, il sera plus difficile de suivre c'est vision pessimiste.
Me vient une question : est-ce que le négativisme peut porter un propos à ce point d'incandescence littéraire sans se mettre une balle dans le pied ?

Voilà pour ce qui me parvient d'une sensation globale, alors que je me relève assez sonné par cette lecture lourde, presque indigeste par son afflux hyper fourni. Une intention d'écriture se révèlerait donc là, une saturation de l'expressivité non sans rapport avec celle de l'agressivité moderniste envahissante qu'elle subit et dénonce.

Retrouvant mes esprits, j'entreprends donc un nouveau parcours. Et je vois chaque première phrase de chaque paragraphe annoncer un thème de cette problématique, un angle de perception qui à chaque fois en offre une saisie importante.

" Dieu est un comique ringard aigri de ne pas avoir réussi le tour de la grande fantaisie.

Homme-ours qui loues ton corps et ses fluides aux cerbères mécanisées de nos enfers modernes, tu te méprends.

Essor. Fièvre de l'or.

Notre Dieu s'appelle mouvement. Notre foi se nomme quintessence.

Alors, l'horreur est de mise ; osmose.

L'homme est le seul animal à vaincre ses illusions par des visions impropres, à transformer l'éther en réalité tangible, à être toxicomane du sublime.

À l'ombre des grands chênes, l'ogre des échéances.
"

***
Nb : J'avais fait les trois-quarts de ce commentaire quand sont apparues les "explications" de l'auteur (manque de temps…), je les ai donc exceptionnellement lues avant de le terminer.

La démarche me plaît beaucoup, de même que la qualité de l'écriture, la force des convocations en tant que matières mise en synergies pour porter le propos ; tout ça ne manque pas de puissance –j'ai bien retrouvé les ingrédients de l'écriture voulus, sur ce plan la cohérence entre intention et production s'est révélée pertinente. Par contre, je reprocherais une certaine complaisance, le terme est certes trop fort, dans la saturation de l'expression, mais je veux souligner que le geste s'appuie par trop non sur la justesse de ses constations mais sur la performance émotionnelle que tente le phrasé et ses occurrences évoquées.
Oui, l'écriture très habitée, le rythme soutenu, la conviction affichée et appliquée, oui à la démarche, oui à la nécessité, oui à tout ceci qui flambe l'écriture… Mais d'expression de ce flux de conscience, lui, me semble bien loin d'une écriture automatique, trop riche, trop élaborée, trop tenue… Il y a justement une distorsion problématique sur plan que pourtant l'auteur, si je l'ai bien lu, revendique ici.

Et puis, mais là c'est plus gênant pour moi dans l'adoption du propos, c'est que je n'y crois pas en sa narration. Enfin je ne crois pas à sa façon de voir dans sa globalité. Et pourtant, je suis intéressé, séduit par nombre de ses propositions, assertions, persuasions ; par exemples ces têtes de paragraphe percutantes. J'aime ainsi beaucoup l'homme "ce toxicomane du sublime" pour n'en citer qu'une.

Mais cependant, je n'arrive pas à trouver convaincant ce qui s'y dit. C'est fort, inspiré, mais paradoxalement pour moi les choses sont plus complexes que la complexité qui veut ici se monter.
Je me demande si l'auteur ne s'est pas enfermé autant par conviction que par expérimentation (je vois que le texte est publié en Laboniris) dans cette écriture saignante, et du coup appuie son geste et appuie encore au point de faire mal jusqu'à son propre lecteur. Me vient la question, vers quel mal un individu va-t-il décider d'aller pour un bien qu'il ne connait pas ?
La gageure de ce genre de texte est donc d'accueillir son lecteur, et petit à petit le rendre réceptif, puis plus sensible, puis plus irrité/énervé, puis en ténue souffrance, puis… Je ne sais pas mais j'ai un doute quant à la pertinence de cette forme, non quant son efficacité en elle-même, elle est certes performante scripturalement , mais quant à sa justesse pour atteindre son but, si celui-ci est bien de persuader de la justesse de sa cause défendue.

   Donaldo75   
2/9/2022
Allez, allez, je vais rédiger un commentaire décomposé – et donc différent de ce qu’on apprend au lycée en classe de seconde et de première – parce que l’auteur m’a donné son accord pour partir dans les sens que je veux. Alléluia !

Le premier paragraphe, avec son coussin péteur, m’a fait penser à une analogie où ce texte serait du Bobby Lapointe dans un monde de danse de salon. Le suivant rentre plus dans un champ lexical fouillé et placé au milieu d’images quand même pas mal décalées. L’argument commence à prendre forme au troisième paragraphe, du moins tel que je le sens – le verbe comprendre serait bien prétentieux de ma part – au plus profond de mes neurones. Et là, ça part ailleurs, sur une autre planète où même la poésie en forme libre ou la prose paraissent classiques. Ce n’est pas désagréable mais pas forcément ma tasse de thé sur la longueur, surtout quand les paragraphes suivants mélangent les images fantastiques et la philosophie politique à la mode caribou.

Bon, j’ai fini et quand je relis mon commentaire, je me dis qu’il est bien sage comparé à ce texte ; en même temps, le but était quand même de commenter, d’expliquer mon ressenti de lecteur et non de partir dans un délire.

   Anonyme   
7/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
En parallèle avec les fragments (à la première personne, IL se culpabilise, IL se regarde de l'extérieur et commente ses pensées, ses observations, ses regrets), les Delta continuent sur le même ton désabusé, à observer l'Humanité par ses joutes assassines contre le reflet de ce que l'Homme prend comme modèle, comme idoles, comme dieux.

Le regard du poète est moins dans l'inclusion, on sent un glissement vers une forme de ferveur qui change du tumulte des FdC. Comme si ses constatations premières le poussaient vers une forme de catharsis, au précipice de la folie, et tellement proche de la Vérité pourtant.

Je retrouve le côté prêche que j'aimais dans les FdC longs, prédicateur.

Merci pour le partage, curieuse de lire les Delta suivants.

   Louis   
9/10/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ce fragment 2 revient, dans un premier temps, sur le sacré, évoqué dans le fragment précédent.
Il le tourne en dérision, en vue d’une désacralisation.
Le monde est présenté à l’image d’un grand spectacle, d’un grand théâtre. Une « fantaisie divine » se joue, dans la "création’’, censée faire rire les humains spectateurs, mais piteusement ne fait rire personne.
Se joue une "divine comédie’’.
Dieu apparaît comme un grand comique. Il se donne en spectacle, cherche le succès et les applaudissements, de vénération. Mais il n’est même plus "risible’’.
Il voudrait être une "idole’’, une vedette, dans le spectacle généralisé du monde tenir le haut de l’affiche.
Ses « tours », ses miracles, ses pitreries pourtant ne fonctionnent plus. Il n’y a même plus de quoi rire.
Même plus de rire railleur sur ces bouffonneries divines, de rire ironique, de rire de combat.

Nous sommes au-delà du rire, et au-delà des pleurs.
Les rires se sont figés, « calcifiés » dans leur flot même, et « les canaux lacrymaux obturés ».
Mais dans cet au-delà, nous n’avons pas trouvé de sens à l’existence humaine, et « des sentiers d’étoiles là-haut, nous plongent dans le néant »

Et même quand Dieu ne se met pas en scène, l’enfer demeure.
C’est que les hommes créent leur propre enfer, et la divine comédie laisse place à la comédie humaine.
Mais il faut, à Orphée, descendre au plus profond de l’enfer, le traverser, et trouver la voie pour en sortir.

Si ce fragment revient sur le sacré, il reprend aussi le thème de l’individualisme pour insister, cette fois, sur ses méfaits :
« Nous sommes perdus par nos intérêts de puits noirs »
L’individualisme mène à l’égoïsme et à l’égocentrisme. Chacun agit selon ses intérêts, chacun fait graviter le monde autour de soi, tente de produire un champ de gravitation qui absorbe tous les objets de convoitise et de consommation.
Le mal, au sens moral, naît de l’égoïsme.
Il y a bien pourtant quelques « îlots de bonté », mais au milieu d’un océan de cupidité.

L’homme perd figure humaine, dans cet enfer, et prend plutôt figure animale, en particulier celle de « l’ours ».
L’homme-ours devient solitaire et peu sociable. Malgré les foules, malgré la multitude des grandes cités. Il fuit toute véritable relation avec autrui ; et l’authentique rencontre avec l’autre, la relation authentique à l’autre ne se réalise plus. Les hommes se côtoient sans se rencontrer vraiment.
Il n’y a plus désormais qu’un « désert de vivre ». Un vide de vivre. Une vie sans vie. Une solitude.
Les "hommes’’ disparaissent, ne restent que des ‘’individus’’.
Diogène le Cynique, dans l’antiquité, brandissait une lanterne allumée en plein jour qu'il approchait du visage des passants, et leur lançait cette phrase restée célèbre : « Je cherche un homme ». Cette image est reprise dans l’individu qui « tient à ses doigts une cage de perroquet ou une lanterne ».
L’humain a déserté le monde, et le monde en plein jour s’est obscurci : difficile de trouver un « homme », un homme vrai, un homme humain. Bien que l’on continue par psittacisme ( « cage de perroquet ») à répéter le mot « homme ».

De moins en moins d’ "hommes’’, dans ce monde, même sous une figure animale : on ne croise que « boule de chair » ; « boule de souvenirs parfumés de chair rouge » ; « « tombeau de chair immobile ».
Une « chair » informe se substitue à la dignité des corps.
Les hommes sont donc en voie de disparition, par « obsolescence programmée de l’humanité ».
Cet effacement de l’humain s’accompagne de la perte corrélative du monde, non comme réalité, mais comme ordre total et ordre commun. L’enfer moderne signe la fin du "monde’’ comme espace commun, pour laisser place au chaos de l’enfer.

Dans le fragment précédent, Catabase, les propos tenus étaient très rationnels, presque scientifiques ; désormais, au cours de ce fragment, l’irrationalité prend le dessus. Une poésie surréaliste se met en place.
La raison aussi est en enfer. Le sens se perd. Les mots s’emportent, se heurtent, se cognent, se font écho, distribuent leur consonance. La lyre d’Orphée se fait grinçante.
Des images surgissent, non pas descriptives, mais traduisant les effets affectifs produits sur le poète par l’enfer, dont l’action délétère est rendue présente à sa perception de plus en plus aiguë et pénétrante.
Elles ne sont pas des copies du monde, ni même des métaphores, mais les effets de diffractions irradiantes des eaux noires du Styx dans l’épaisseur subjective du poète, jusqu’en ses profondeurs inconscientes.
Le poète ne se fait pas le miroir fidèle de l’enfer, il en rend compte de façon expressive, par des images oniriques et surréalistes, dans une intrication du monde extérieur et de son monde intérieur.
Un lyrisme nouveau se manifeste. Non pas un lyrisme romantique, comme exaltation du sentiment personnel, mais choc d’une sensibilité au contact de la réalité. Ce lyrisme naît d’une rencontre entre le moi, le monde et les mots, au terme de laquelle ils ressortent métamorphosés.
Se détournant d’une analyse objective, le poète exprime sa subjectivité confrontée à l’invivable de notre époque, avec des images très personnelles, très individuelles, au risque de contribuer à son tour à la décomposition du monde en brisant l’ordre commun de l’interlocution, plus particulièrement ce monde commun de la compréhension et du sens, entre le poète et ses auditeurs, entre l’auteur et le lecteur.

Quelle sorte de subjectivité est ici celle du poète ?
Elle ne se ramène pas au seul regard lucide sur le monde devenu terre des damnés.
On peut remarquer que dans aucun passage du texte, le locuteur ne dit « Je » ; c’est toujours le « nous » qui est utilisé, et les possessifs : « nos », « notre »
Le poète s’inclut donc dans l’humanité moderne, il ne prétend pas à une extériorité de surplomb, transcendante. Il parle de l’intérieur du monde dominé par l’individualisme. Mais comment en parler pour le refuser sans déjà s’en différencier, sans s’en extraire, sans se positionner hors de lui ?
L’horizon « poéthique » lié à une nouvelle construction subjective n’est pas encore dégagé, car la contestation de l’individualisme ne se fait pas au nom de la dissolution du « Moi » individuel dans une totalité collective.
La suite des « fragments » tracera peut-être les pistes qui montrent les interactions où le moi, le monde et les mots peuvent se métamorphoser.

Dans le flot surréaliste des images, des îlots de rationalité néanmoins surgissent.
S’y repèrent en particulier des « horreurs feintes ».
Notre monde en perdition se donne le spectacle de l’horreur : «Alors, l’horreur est de mise »
Horreur apparente qui masque l’horreur réelle.
L’horreur est elle-aussi affaire de « vision », d’apparence spectaculaire ; elle se donne à voir. On pare le monde d’un voile noir, on l’apprête pour la tristesse ; et le désespoir : « nos apparats hérissés de mérites et d’épouvantes » et la « rumeur des horreurs feintes gonfle au cœur de la plèbe. » Une halloween permanente. C’est que la "tristesse’’ a toujours été, sous ses différents aspects comme catégorie de la "passion’’, un instrument de pouvoir conservateur.

Prolifèrent aussi les êtres fantastiques et les chimères : « horde de harpies ou de chimères… furies et sorcières… »
Au grand spectacle du divin qui se prétendait risible, succède le grand spectacle, humain, qui se veut horrible.
« L’homme est le seul animal à vaincre ses illusions par des visions impropres » : est-il déclaré. Aux visions impropres, le poète oppose ses propres visions, quand manquent des perceptions claires et distinctes d’un monde au-delà du spectaculaire, la vision commune claire d’un avenir humain à construire.


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