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Poésie libre
Meaban : Routes de nuit (col de la Chavade)
 Publié le 13/02/15  -  11 commentaires  -  3010 caractères  -  190 lectures    Autres textes du même auteur

Itinéraire ancien.


Routes de nuit (col de la Chavade)



C’était autrefois, ce récent moyen âge où l’on allait encore sans se soucier de rien. Un camion ferraillant pour routes incertaines, mécanique saxonne conçue pour le travail, flegmatique bétail. Des heures, des jours, des nuits passées dans un vieil Henschel au tableau de bord en tôle.
Souvent ma route c’était la nationale 102 qui va du Puy à la vallée du Rhône par Aubenas. Une route dure et inquiétante l’hiver sur le plateau de Peyrbeille, peuplé de rumeurs d’assassinats.
Au départ avant d’atteindre la Chavade une longue épreuve commence. Partant de la Haute-Loire et courant vers le sud, une rampe continue sur son versant atlantique monte les paliers de ce paysage d’Altiplano constellé de tourbières. Il est gravi péniblement parce que ses rampes sont traîtresses à en disjoindre l’effort de la machine.
Le paysage est vite mélancolique, les rangées d’arbres qui bordent par moment le chemin attendent longtemps le printemps. Des villages linéaires muraillés de basalte aux fenêtres minimes, Costaros, Landos, offrent de furtifs panoramas roulants comme des congères.
Et puis le désert du plateau ardéchois, plus rien avant Lanarce si ce n’est l’Auberge rouge rapetassée dans la burle quand l’hiver le passage est impossible. L’ennui d’une toundra rallonge les minutes et l’asphalte résonne dans la cabine en tôle. Le diesel alors se met à ondoyer ronronnant sous le couple.
Vers la fin, la mécanique se remet en ligne pour tout à l’heure : l’impitoyable descente de la Chavade qui portera au rouge le ventre des tambours geignant sous l’effort de freinages continus.
Avant le col, il y a Lanarce, le gardien de la pluie qu’il arrête sur ses pentes. Outre ce village tout change, une sorte de lime saisissable entre deux mondes. Le vert, celui de l’Atlantique où les rivières vont puissantes et chargées de limons. Le blanc, celui de la Méditerranée aux sublimes vallées où parfois l’eau se perd.

C’est la nuit, les routes sont toujours longues et je n’ai que vingt ans, une colère d’inculte me taraude déjà. Mais parfois des fenêtres s’entrouvrent sous la lune…


Une lune ahurie qu’adoucit ma colère roule sur les étoiles de journées endormies
L’asphalte resplendit en cette nuit déserte, escaladant les côtes de vallons raisonnables

Mon silence s’éblouit

Cadrans de la machine qui laisse par derrière
Un soupir qu’ensommeillent
Les ruisseaux désertés en d’étroites ravines

Je bascule doucement vers les Sud grandioses
La chanson des tambours au royaume du frein
Une attente insoluble, prisonnier de la charge

Un destin solitaire

Au-delà des plateaux sur les routes nocturnes
La neige amoncelée en des congères sales enlumine le froid
Une torpeur glaçante, le temps comme arrêté

Et ces étranges songes qui hâtent nos réveils
Brisures d’une vie aux âpres pertinences
Qu’on voudrait fuir encor

Parce qu’ils nous offensent.


 
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   Curwwod   
14/1/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Beaucoup de poésie, un climat, une atmosphère savamment créés, l'évocation d'un paysage farouche où la peur, peut-être la mort, est au tournant de la route, (j'ai pensé au Salaire de la peur), sentiment renforcé par l'évocation de l'auberge rouge, la nuit, le paysage tourmenté et hostile, la menace permanente d'une machine défaillante. Pour moi, la partie en prose est excellente et je me serais volontiers passé du poème en vers libres qui me semble un peu affaiblir l'ensemble. Une très belle écriture.

   papipoete   
13/2/2015
 a aimé ce texte 
Un peu
bonjour Maeban;j'aurais plutôt publié ce texte en catégorie "nouvelles" que "poésie", même si la seconde partie s'orne de quelques vers?
Ce voyage rappelle le "quotidien" des routiers colombiens sur des pistes crevées d'ornières, où le bitume n'est réservé qu'à la métropole! Votre héros même s'il en bave, roule sur du "dur" dans ce "Henschel" increvable qui le mènera bon gré, mal gré au bout de ses rêves!

   Michel64   
13/2/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ce texte (la prose du début) m'a fait penser à "Vol de nuit" de Saint-Exupéry. L'ambiance de la nuit et du bruit du moteur sûrement.
Les deux parties (prose et vers) ont du charme mais contiennent aussi des imperfections dommageables à mon goût, comme :

"Souvent ma route c’était la nationale 102" avec ce "c' " inutile,

Pourquoi ne pas avoir gardé l'imparfait qui me paraissait plus adéquat à la narration d'une époque révolue ?

"Une lune ahurie qu’adoucit ma colère roule sur les étoiles de journées endormies" cette phrase est à mon avis assez mal construite, de plus j'aurai préféré que ce soit la lune qui adoucisse la colère plutôt que l'inverse.

"Cadrans de la machine qui laisse par derrière" pourquoi ce "par" inutile?

Mis à part cela, j'ai bien aimé l'ensemble pour son ambiance de voyage solitaire et nocturne
(j'ai moi-même commencé un écrit autour de ce thème).

Merci Meaban pour cet écrit, peut-être lâché un poil trop tôt.

   Edgard   
13/2/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Un peu de Saint Ex, un peu de Giono, un petit air par moment de Georges Arnaud , mais sans la nitroglycérine : ces influences sont me semble-t-il présentes, en tout cas pour moi, à la lecture. (C’est loin d’être un défaut !) L’homme seul, à l’écoute de sa machine, le paysage qui défile, framilier changeant…parfois inquiétant. Toute la première partie semble le début de quelque chose…comme une entrée en matière de roman.
La forme de la seconde m’a surpris. Je m’accommodais bien de l’écriture sensible et imagée du début. C’est que je ne vois pas vraiment la raison du changement : ça détruit un peu l’unité du texte, d’autant qu’elle répète en gros le début, dans l’esprit. On part dans des émotions moins spontanées, offertes de manière plus ampoulée, moins fortes, pour tout dire…bien que la forme soit plus adaptée à un poème.
C’est bien écrit, au début, vous créez avec force l’atmosphère, mais avec les livres (et les styles) auxquels le texte fait forcément penser, on attend une tension dramatique plus intense…on attend quelque chose… d’autre que la poésie du paysage.
Vous faites bien partager l’amour de ces paysages et la crainte qu’ils inspirent parfois. Mais on reste un peu sur sa faim. On ne sait pas grand-chose du personnage ni des risques encourus.

   Gemini   
13/2/2015
Meaban, on le sait c'est Zola. Et là encore je ne vois pas en quoi ce n'est pas du Zola. La documentation fournie, le lyrisme à peine exagéré, le détail soigné, et le souffle omniprésent, des "Lanarce" des "Chavade" des "burle" des "lime" et "ratepassée" "fenêtres minimes" des "lune" ahurie" qui m'emportent, moi en tout cas, dans des régions lointaines et incertaines (bon, j'avoue que je connais un peu l'austérité du coin), avec cette humanité qui baigne tout et qui me chavire.
Le tout dans une forme si peu convenue.
Bref, y'a bon.

   Cyrill   
14/2/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
J'ai beaucoup aimé cette balade.
Le vocabulaire m'a enchanté, les métaphores créent l'atmosphère.
Je connais un peu la région et j'ai trouvé ces choix tout à fait appropriés.
Je me suis imaginé, surtout à partir de :

"C’est la nuit, les routes sont toujours longues et je n’ai que vingt ans"

un autostoppeur en la personne du narrateur, vu son jeune âge, et peut-être à cause de "ce récent moyen âge où l’on allait encore sans se soucier de rien."

J'aurais aimé continué à lire en prose la deuxième partie pour laquelle tu as choisi des vers libres. On aurait tout aussi bien senti la poésie il me semble.

Le titre m'avait de suite séduit, le texte tient sa promesse.

Le final est de toute beauté :

"Et ces étranges songes qui hâtent nos réveils
Brisures d’une vie aux âpres pertinences
Qu’on voudrait fuir encor

Parce qu’ils nous offensent."

Merci !

   Robot   
17/2/2015
Je suis très circonspect sur ce texte hybride. J'ai comme l'impression que la partie versifiée qui ne m'emballe pas vraiment est là pour faire accepter en poésie la version prose qui si elle est bien écrite pour ce qui serait une nouvelle est loin d'être pourvue de poésie. Le récit, d'une belle rédaction, l'emporte sur l'imaginatif ou le sensible. Où sont les images, où sont les métaphores. Je vois dans cette partie prose principalement une description géographique non dénuée de qualité littéraire qui en ferait le départ d'une excellente nouvelle. Je m'abstiens d'apprécier ne parvenant pas à faire la part entre le texte en prose qui m'a beaucoup plu et la poésie en vers décevante.

   Coline-Dé   
21/2/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Meaban
Quand on suit vos textes comme je le fais depuis quelques années, une carte tout à fait singulière se dessine, qui me fait penser aux anciennes cartes établies par des navigateurs qui les ornaient volontiers d'images d'animaux ou de plantes, leur donnant ainsi le charme en sus de l'indication.
C'est exactement ce que je ressens à vous lire : chaque fois, je redécouvre avec vos mots des lieux que je connais et qui sont magnifiés par ces descriptions poétiques.
Quel amour de la terre il faut pour savoir si bien en parler !
Les vers de la fin du texte ne sont qu'une façon différente de typographier votre écrit : même dans votre prose, l'alexandrin n'est jamais loin !
Dès la première phrase j'ai été happée :
C’était autrefois, ce récent moyen âge où l’on allait encore sans se soucier de rien.
Sans presque jamais décrire autre chose que le paysage ou les gens, vous parvenez à faire vivre en creux un portrait d'homme cabossé qui touche infiniment.

   Anonyme   
22/2/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'aime beaucoup, vraiment, votre texte.
Les métaphores dans la partie en prose sont magnifiques.
Je ne cite que ces deux-là : " ... Lanarce, le gardien de la pluie..."
et " ... une sorte de lime saisissable entre deux mondes...".
Vous décrivez admirablement bien ces instants où l'on ressent intensément l'effet que la route et les paysages qui changent font à celui qui conduit dans la nuit et la solitude ...
Meri de ce très beau texte, ce "road poem" dans un choix de forme prose-poésie, qui, au bout du compte, apporte beaucoup au lecteur.
La prose pour le regard vers ce qui entoure, la poésie pour, ensuite, le regard intérieur qu'il engendre.

   Pussicat   
3/3/2015
Bonjour Meaban,
Désolée mais cette balade nocturne ne m'a pas emballée.
La première partie écrite en prose est longue et ennuyeuse.
Rien pour m'accrocher : ni couleurs, ni images ou métaphores, effets de style, je ne sais pas, un petit quelque chose qui signe une route, une écriture... vous relater un voyage... c'est peu.

Et puis ces passages :

"Une route dure et inquiétante l’hiver sur le plateau de Peyrbeille, peuplé de rumeurs d’assassinats."

Comme si il manquait un bout de phrase entre "inquiétante" et "l'hiver", elle va sans ponctuation... étrange, non ?

ou celle-ci :

"Et puis le désert du plateau ardéchois, plus rien avant Lanarce si ce n’est l’Auberge rouge rapetassée dans la burle quand l’hiver le passage est impossible."

Je ne sais pas, ça ne coule pas... enfin ce n'est qu'une impression.

Quand j'écris "ennuyeuse" c'est parce que rien dans ce passage en prose ne m'a touchée, je ne voudrais pas être mal comprise ou vous blesser.

Le passage en vers ne me touche pas plus. J'ai l'impression de lire des bouts de vers empilés sans vraiment de liaison :

"Au-delà des plateaux sur les routes nocturnes
La neige amoncelée en des congères sales enlumine le froid
Une torpeur glaçante, le temps comme arrêté"

Désolée Meaban, je n'ai pas accroché.
à bientôt de vous lire,

   jfmoods   
2/12/2015
I) Un récit épique

1) Les forces en présence

D'un côté, dans un contexte général précisément mentionné par l'auteur (« la nationale 102 qui va du Puy à la vallée du Rhône par Aubenas »), un panorama grandiose et revêche se dresse (« une rampe continue sur son versant atlantique monte les paliers de ce paysage d’Altiplano constellé de tourbières »). De l'autre, un véhicule nous est décrit, solide sans le moindre doute, mais empreint, aussi, d'une certaine bonhomie (« Un camion ferraillant pour routes incertaines, mécanique saxonne conçue pour le travail, flegmatique bétail », « un vieil Henschel au tableau de bord en tôle »).

1) La description d'un combat

Le col est semblable à une forteresse que l'on prend d'assaut. La montée, féroce d'intensité (« Il est gravi péniblement parce que ses rampes sont traîtresses à en disjoindre l’effort de la machine »), n'est que l'envers du basculement sur l'autre versant (recours à la prolepse : « l’impitoyable descente de la Chavade qui portera au rouge le ventre des tambours geignant sous l’effort de freinages continus »). Concentration et volonté s'imposent pour venir à bout de l'obstacle (métaphores : « La chanson des tambours au royaume du frein », « Une attente insoluble, prisonnier de la charge »).

II) Un récit autobiographique

1) Un retour sur soi

L'entête (« Itinéraire ancien ») enserre les strates d'une préhistoire intime. Le présent de narration (« je n'ai que vingt ans ») plonge le locuteur, qui a atteint l'âge mûr, dans l'état d'esprit du jeune adulte. Des sentiments contradictoires se dessinent : une certaine frustration (« une colère d'inculte me taraude », « Et ces étranges songes qui hâtent nos réveils... / Qu’on voudrait fuir encor / Parce qu’ils nous offensent »), en même temps que l'espoir (« Mais parfois des fenêtres s’entrouvrent sous la lune... ») et, aussi, une forme d'apaisement (« L'asphalte resplendit », « Mon silence s'éblouit »).

2) Un point d'équilibre

Cependant, l'élément le plus marquant, le plus prégnant du texte demeure ce partage saisissant des perspectives visuelles dont le col opère la jonction (parallélisme : « Le vert, celui de l’Atlantique où les rivières vont puissantes et chargées de limons. Le blanc, celui de la Méditerranée aux sublimes vallées où parfois l’eau se perd ») et à travers lequel se mesure la perception d'un point d'équilibre entre promesse de fertilité et menace d'aridité. On pense, par analogie, à la formidable image de Michaux dans « Souvenirs » : « À une aile de condor quand l’autre aile est déjà au versant opposé de la montagne ».

Merci pour ce partage !


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