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Récit poétique
Pouet : Les êtres-terres
 Publié le 16/02/22  -  19 commentaires  -  2739 caractères  -  294 lectures    Autres textes du même auteur


Les êtres-terres



Les êtres-terres ont d'immenses yeux en forme de pelle dont ils se servent pour respirer, ou bien parfois se souvenir.
Ces larges lames en métal dévorent une grande partie des joues, s'épointent jusqu'au menton.
Les êtres-terres, par phobie de la rouille, pleurent peu.

Ils fouillent et modèlent des ombres, c'est là leur unique occupation ; la supposition du soleil s'est matérialisée ainsi dans leur esprit, les êtres-terres ne sont qu'envers et conséquence.

C'est un labeur systématisé sous-tendant une pointilleuse désorganisation.

Lorsque l'un d'entre eux tombe malade, il peut se mettre à expectorer des étincelles, en longs filaments orange et visqueux. On le laisse, cela peut passer. La culpabilité étant un signe probant de rétablissement.

Bien évidemment, les êtres-terres sont soumis aux règlementations de la société de terrassement, les étages à piétiner sont nombreux et le devoir de nivelage observé avec dilettantisme. Le travail a un coefficient multiplicateur, les heures sont divisibles par deux, sous réserve. Chaque contrat est signé à la naissance et ce jusqu'à terme de, ce qui n'est pas sans créer quelques imbroglios métaphysiques. L'absentéisme présentiel est pris très au sérieux par la hiérarchie, les pauses-rêves sont drastiquement encadrées temporellement.

Le désintérêt général étant consubstantiel à leur nature, les rapports disciplinaires ne sont transmis que par voix interne sous la mention « Écho Libre ». Selon les cas et les individus, on observe un phénomène allant du résonnement au rebond flasque en passant par le reflet de conscience. Quoi qu'il en soit, l'administration demeurant sourde à toute réclamation, il n'est d'autre choix que d'empiler.

En outre, se pose assez régulièrement la question sans fond des trous. Creusés de bas en haut, ils percent la surface et s'éteignent de clarté. L'être-terre qui, par négligence, folie ou provocation, se trouve responsable de cette bévue doit immédiatement en référer au Regard. Ceci peut être considéré comme une faute grave et sanctionné d'un non-licenciement à effet rétroactif. En cas de récidive, le contrevenant se voit alors confier l'ingrate tâche de combleur et déchu de ses droits de modeleur d'ombres.

L'erreur est alors institutionnalisée.

Les êtres-terres sont de constitution friable, psychologiquement. Souvent sombres, il peut leur arriver de rire, mais sans éclats. En proie aux vertiges, ils ne sont pas spécialement sociables tout en souffrant de solitude. La reproduction se déroule sans heurts, les êtres-terres ne se contentent pas d'eux-mêmes. Ils ont un sens aigu du désœuvrement, de la cruauté, du chagrin.


 
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   Anonyme   
7/2/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
En lisant ceci :
Les êtres-terres, par phobie de la rouille, pleurent peu.
je me suis dit que j'allais faire un chouette voyage. Et en effet.

Curieusement, alors que c'est pas du tout le ton, j'ai pensé aux Shadoks ; à cause, je crois, du sens de l'absurde (bien sûr) mais surtout de cette impression d'une tâche sisyphéenne à accomplir. La longueur du texte m'a paru idéale pour ce qui était dit, la dernière phrase parfaite pour clore. Personnellement j'aurais préféré de la poilade mais telle n'était pas votre intention, j'ai bien compris.

   Donaldo75   
9/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L’avantage avec le récit poétique, c’est qu’il permet de raconter mais pas uniquement, le tout en utilisant toute la panoplie des effets propres à la poésie sans avoir à les mettre dans un ordre ou selon des règles édictées depuis des siècles et suivies à la lettre par des gardiens du temple arc-boutés sur leurs certitudes. C’est une parenthèse que j’ouvre car elle éclaire mon commentaire et le rend plus imagé. Pour moi, c'est donc intéressant de considérer ce texte en récit poétique car il en a les caractéristiques et la poésie se déploie, un peu de manière ubuesque. L’interprétation du lecteur est évidemment polymorphe, selon l’angle où il se place ; le style ressemble presque à de la sociologie mais c’est un faux nez, un habit qui permet encore mieux d’exposer le fond et de forcer la réflexion. Ce qui compte, du moins dans ma lecture, c’est de considérer ce décalage entre style sociologique – ou pseudo-scientifique, chacun sa terminologie – avec ce qu’il raconte où le conte et la fable se retrouvent et forment une matière intelligente, ubuesque parfois mais diablement poétique. Certes, ce texte demande de changer de regard, de ne pas se cantonner à sa petite cuisine sur son petit feu à griller de petits vers ; et c’est là que j’applaudis.

   Cyrill   
9/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Qu’est-ce donc que cet objet poétique incroyable ? Je ne sais pas. Ce que je sais c’est qu’il me laissera une impression durable.

Ces êtres-terres je les ai vus sous la plume de l’auteur. Ressentis, même. Il sont décrits avec une imprécision tout à fait convaincante, enveloppés d’un halo de tendresse et de mystère. Leur fragilité est palpable, leur inconsistance aussi, et le milieu dans lequel ils évoluent semble être un agrégat original de contradictions qui font d’eux ce qu’ils sont sans être tout à fait.
Sincèrement, je voudrais bien les rencontrer, yeux dans leurs yeux en forme de pelle, et sentir ce « sens aigu du désœuvrement, de la cruauté, du chagrin. » Mais je suppose qu’ils n’existent qu’avec parcimonie et préfère les protéger d’une présence trop réelle qui pourrait déranger leur irréalité.

C’est un texte superbe, merci.

   EtienneNorvins   
16/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Dans la continuité des commentaires précédents, on nage entre l'hallucination cauchemardesque et le 'banal' et froid compte rendu zoologique, dont on saisit qu'il décrit des créatures qui nous sont 'familières'.

Les termes se télescopent, se contredisent ('une pointilleuse désorganisation' ; ''L'absentéisme présentiel') et pourtant ça avance, à petits pas feutrés et tragiques, vers 'la cruauté' et 'le chagrin'.

Irrésistiblement, cela me semble inscrit dans une filiation avec le Michaux des animaux fantastiques ou le Lovecraft des Rats dans les murs...

J'apprécie tout particulièrement : 'Les êtres-terres, par phobie de la rouille, pleurent peu.'

   Anonyme   
16/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'ai adoré... C'est à la fois déjanté, surréaliste, odieusement poétique tout en étant cynique avec quelques touches qui frôlent la pensée philosophique. Des images que je trouve très belles, les yeux en forme de pelles, ils modèlent des ombres, etc. Rien à redire sur la forme, sachant que j'ai affaire à une plume très exercée.

J'aime ce genre d'écrit qui me sortent un peu des ornières du trop lu-consensuel-gnangnan-veux bien faire-et j'en passe.

Curieusement, je me sens assez proche de ces êtres-terres par certains côté.

Chapeau, l'artiste.

Anna

   Eskisse   
16/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Pouet,

La lectrice que je suis ne peut que s'attendrir devant l'humanité souffrante qu'incarnent ces êtres-terres, depuis leurs "yeux en forme de pelle", leurs expectorations "d'étincelles", à leur " constitution friable". Sur eux pèse une société normée et presque juridique.

Un univers hors-norme et inédit est ici créé ; le ton scientifique adopté met une distance tout en conservant de la bienveillance pour les êtres créés .
A mon tour d'y voir une filiation, dans le ton uniquement, avec (encore ) les Meidosems de Michaux .

Merci

   Marite   
16/2/2022
Complètement étourdie par ce récit que j'aurais plutôt placé dans la catégorique fiction ou fantastique. Au cours de ma lecture, c'est la domination des éléments matériels qui m'ont ramenée sans ménagement à l'impossibilité de concevoir des "êtres" tels que présentés dans ce récit fussent-ils des "être-terres". Mais ce doit être certainement parce que je n'ai pas été "formatée" pour arriver à y percevoir de la poésie. Cela dit, j'admire quand même le délire imaginaire ...

   Ascar   
16/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
J’avais lu ce texte, 3 ou 4 fois, en EL sans pour autant réussir à le commenter. J’ai essayé de le comprendre, voir s’il y a avait un parallèle à faire avec notre monde mais sans y parvenir.
Aujourd’hui, j’y reviens à nouveau avec plaisir car c’est aussi brillamment écrit que pensé.

Ce qui est déroutant, c’est que vous bâtissez un monde surréaliste avec des parpaings de logique et un ciment de poésie.

Au final, je me suis laissé entraîner par le courant des mots pour un voyage au bout de l’Absurde.

   Pepito   
16/2/2022
Très intéressant. Un monde déjanté que ne renierait pas la SF, avec de-ci de-là, une touchette d'humour bien aiguisée. Genre "ne se contentent pas d'eux-mêmes"... "par phobie de la rouille, pleurent peu"...
Je n'ai pas compté les oxymores, mais Lagarde et sa croissance-négative, peuvent aller se rhabiller.
Certes, on en mangerait pas un bouquin entier sans quelques aventures, mais là, c'est pile poil la longueur par raconter ce qu'il se doit.

Pepito

PS : et grand avantage, pas de vers ! ^^

   wancyrs   
16/2/2022
Salut Pouet,

Ton texte n'est pas pour moi un récit poétique, mais une réflexion qui a quelque chose de poétique. On pourrait alors disserter longtemps sur ce qu'est un récit, et d'autres seront d'accord que ç'en est un, mais pour moi non ; ceci étant, cela n'enlève rien à la valeur du texte.

ce texte m'a fait penser à celui d'un musicien de renom au Québec, Pierre Lapointe, Les Calas, de par son intention. Mais si j'aime beaucoup le texte de Pierre Lapointe, je suis moins à l'aise avec celui-ci, peut-être à cause de son effet "charade" qui m'a poussé tout le long de ma lecture à chercher à identifier ces êtres-terres ; et c'est un peu dommage car cette sensation m'a empêché de jouir pleinement de la poésie partout présente dans la récit-réflexion.

Quoi dire donc de ce texte sur son aspect technique ? Je trouve brillant le travail effectué ; on dirait une écriture révolutionnaire(?), entre la réflexion et la poésie. Et même si je n'ai pas vibré (parce que je suis un être émotif avant tout) en lisant ce texte, j'ai sifflé d'admiration ; du coup le système de notation d'oniris m'embête un peu : noter en fonction de l'émotion, ce ne serait pas une juste note ; utiliser un système de notation émotionnel pour exprimer un ressenti technique ? Ce n'est pas juste non plus...
Je suis embêté quant à noter ;

Mais je peux dire que c'est un texte excellent de par la technique d'écriture ;

Merci pour le partage !

Wan

   Perle-Hingaud   
17/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une plongée dans un univers surréaliste et trés précis. J'aime vraiment cette direction dans l'expression poétique. La troisième phrase est une porte d'entrée grande ouverte sur la poésie que je perçois triste et ironique de la suite du récit.
Une réussite, merci pour le partage !

   Myndie   
17/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Pouet,

C'est beau, cynique, dramatique ET poétique. Enfin, les qualificatifs ne font pas défaut pour commenter votre récit qui m'a emballée - et le mot est faible - émerveillée plutôt.
Quelle curieux effet ressenti, cette impression de cauchemar alliée à une sensation de "déjà vécu", sorte de connaissance implicite (ou inconsciente) de ce monde ici décrit!
Par certains cotés, votre univers dystopique, sombre et angoissant, fait penser à celui de Fahrenheit 451.
Sur la forme, comme l'a jusement écrit Pepito, les oxymores foisonnantes et judicieusement savoureuses nourrissent l'étrangeté du récit et le vertige mental qu'il suscite.
J'ai adoré ceci :
"L'absentéisme présentiel est pris très au sérieux par la hiérarchie, les pauses-rêves sont drastiquement encadrées temporellement."
qui m'a bien fait sourire (l'exprérience personnelle^^. Pourtant je vous assure que je ne fréquente pas d'êtres-terres!)

et surtout l'image de ces trous "Creusés de bas en haut, ils percent la surface et s'éteignent de clarté." ; poésie pure et folle (stricto sensu)

Il y a du Breton, du Vian et du Bradbury dans votre texte. Bravo pour l'exploit!

Et merci pour la lecture

myndie

   Vincente   
17/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
J'ai d'abord beaucoup aimé la révélation qu'apporte la coexistence très collaborante d'une forme très descriptive, presque factuelle, et d'un imaginaire envahi de singularités pleines de poésie. Car il ne s'agit pas ici d'une revisitation d'un mode de vie qui méritait d'être réinvesti ou regardé sous un angle original, ou simplement autre, comme il est de "coutume" en poésie, mais bien de la découverte (entre invention et création) d'une civilisation particulière.
Alors bien sûr, l'on reconnaitra quelques points communs, quelques croisements, avec notre monde "connu", mais ils sont autant d'occurrences nous donnant des points d'appui, nous permettant de saisir a minima, ce concept insolite, très déroutant depuis notre paradigme sociétal.

Dans cette posture originale, l'auteur a trouvé une très inspirée déclinaison qui nous propose une rencontre pleine de sympathie avec ces êtres-terre, à la fois très sensibles, et friables (d'une constitution issue de minéralisations avortées semble-t-il…?), mais aussi d'une sérénité sage bien que sujette à la mélancolie, elle semble chez eux presque une respiration… par leurs "immenses yeux en forme de pelle". Voici des individus étranges, étrangers, particulièrement touchants ; un clin d'œil à l'attention à la différence…

Pour ne citer que trois passages, anecdotiques, parmi mes préférés, je ressortirais :
- "les rapports disciplinaires ne sont transmis que par voix interne sous la mention « Écho Libre ». Selon les cas et les individus, on observe un phénomène allant du résonnement au rebond flasque en passant par le reflet de conscience.". Entre autres, j'ai bien aimé les assortiments paradoxaux "rapports disciplinaires / « Écho Libre »" et "résonnement / rebond flasque" puis "reflet de conscience" qui interfère aussi avec le "résonnement"/raisonnement sous-tendu.
- "l'administration demeurant sourde à toute réclamation, il n'est d'autre choix que d'empiler." ; le clin d'œil comme une convergence vers les lourdeurs administratives de notre monde…
- "se pose assez régulièrement la question sans fond des trous." ; une vraie question !...

Oh et puis je trouve ce "l'erreur est alors institutionnalisée" plein "d'ambition" ironique, comme une solution inique bien que l'on la sache aussi pédagogique, "on apprend au travers de ses erreurs".

PS : pourquoi ma flèche vers le bas ? Peut-être pour ce côté encart du récit, comme entre parenthèses, un simple flash qui aurait pu, qui pourrait être le début d'une histoire ; comme si en l'état il demandait à s'accomplir dans une histoire, un événement.

   Luz   
17/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Pouet,

Il n’est pas possible à l’œil nu de définir s’il s’agit ou non de poésie. Il conviendrait pour s’en assurer de pratiquer une série de biopsies ciblée au hasard de quelques dévers d’oxymores. Et bien entendu d’en faire une non-analyse poussée dans un laboratoire aléatoire.
J’ai pensé qu’il s’agissait d’une description du service Urbanisme-Fourrière de la belle ville de Foufnie-les-Oies que j’ai bien connu (le service), mais je me trompe peut-être…
En résumé, très clairement (comme disent les politiques lorsque c’est pas clair), c’est magnifique, mais je ne sais pas pourquoi.
Merci !
Luz

   Anonyme   
17/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut Pouet,

Je viens de relire ce texte pour la énième fois depuis sa parution, et c'est toujours cette même impression qui domine... Oui, je sais, cela peut paraître fou, mais arrivée au point final, c'est un crucial (et relatif, faut pas déc, non plus !) manque de ta poésie qui se fait ressentir.

Certes, les images cultivent un surréalisme à tout-va, mais c'est peut-être ce trop qui gâte mon envolée. Comme si le sujet était trop intellectualisé, trop travaillé vers ce but, pour que la joie d'un lyrisme brut demeure.

Bien sûr, et comme d'habitude chez toi, tu sais ici encore encenser la lumière qui vient du fin fond de l'abîme, mais je crois que c'est le ton imprimé dans ce dernier opus, qui me fait cet effet là.

Pfiou, je ne sais pas développer autrement la portée de ce que je ressens pourtant très fort dans mes tripes.

J'espère que tu ne me tiendras pas rigueur d'être aussi directe, mais sois assuré que c'est seulement parce que je me dis que cette ''interpellation'' amie pourrait bien tirer ta sonnette d'alarme. Si ta sonnette t'a déjà alarmé sur le fait, bien entendu.. Ou alors ce n'est peut-être que moi qui me suis endurcie sur la beauté avec laquelle tu sais courtiser certaines images, et qui reste sourde à certains échos (?)...

Sinon, je peux te dire aussi, et ce n'est pas rien, que j'ai quand même aimé te lire, nous voyageons toujours dans le même univers, c'est certain.

Voilà, cela aurait pu être un passionnément flèche en haut, ce sera un très beaucoup plus. ^^


Cat

EDIT : je viens de prendre connaissance des divers commentaires, et celui de Wancyrs éclaire ma petite loupiote : en fait, c'est toutafé ça, une réflexion plus qu'un récit poétique à proprement parler... d'où mon impression du trop explicite...

   Lariviere   
17/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Pouet,

J'ai beaucoup aimé ce récit des "êtres terres", un peu comme dans "cronopes et fameux" de Julio Cortazar l'absurde se mêle à la poésie brute...

Beau rythme des phrases, belles évocations du double-fond qui fabrique notre univers parallèle...

Merci de la lecture et bonne continuation !

   hersen   
17/2/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
... ou comment la poésie recouvre tout, qu'on la voie, qu'on la sente, qu'on la touche et qu'on en jouisse ou non.
C'est la tournure même de l'idée qui fait mal, qui génère cette impression de déjà vu, qui fait que non, ce serait trop beau, on n'est pas en fiction.
On est en poésie, de celle qui se permet la plus grande franchise.
Celle qui frappe.

L'impression laissée est si prégnante, je suis tout à fait admirative de ce texte, et j'aime le dire.

Un grand merci !

   Louis   
24/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Le poème se présente comme une ethnographie d’un peuple imaginaire, celui des « êtres-terres »
Il peut être qualifié d’« anthropologie rêveuse », ainsi que l’on a pu dire des textes du poète Henri Michaux, car les « êtres-terres » sont des humains, non pas en ce qu’ils seraient "terrestres", ce qui serait une évidente banalité, mais "terreux", êtres dont l’essence ne serait pas « de verre », comme écrivait Shakespeare à propos de leur fragilité, mais de fer, minéralogique et métallique. Ces enfants de Gaïa manifestent un atavisme tellurique.

Les êtres-terres sont décrits dans leur apparence physique et dans leur activité.
Dotés « d’immenses yeux », ils pourraient tant voir, et pourtant ne voient pas, ne recueillent pas la lumière.
« En forme de pelle », dans une déformation des globes oculaires, leurs yeux sont tournés vers la terre, vers le sol et son excavation. Ils ne sont pas des « pelleteurs de nuages », comme on dit au Québec des rêveurs, ils ont le sens pratique et ne caressent pas des yeux les chimères. Non, ils creusent la terre, ils déblayent, ils nivellent, fouissent et enfouissent.

Leurs yeux de pelle, ils s’en servent aussi pour « respirer » ; de souffle tellurique, d’une haleine chtonienne, aspirant un terreux arome, ils ont de la terre plein les yeux.
Sans nature aérienne, ils ne prennent pas l’air, ils inspirent la terre, expirent en elle.
Pas des culs-terreux, ces gens-là, mais des yeux-terreux.

Et c’est avec leurs yeux de pelle encore, que parfois ils se souviennent. Leurs grands yeux ne sont pas tournés vers l’avenir et les temps futurs, mais vers un passé révolu.
Que l’on se rappelle la chanson : les souvenirs se ramassent à la pelle.
Avec leurs yeux de pelleteux et leur face de bulldozer, ils sont donc des êtres principalement métalliques.
De la terre, ils ont la mine du fer.

Solides, endurcis. Non pas insensibles, mais atteints de « phobie de la rouille », raison pour laquelle ils ne pleurent pas, ou peu.
Ils craignent de se rouiller. C’est pourquoi ils sont essentiellement actifs.
De fer, ils sont toujours actifs, toujours dans le faire.
Ils obéissent aux exclusives valeurs de l’efficacité mécanique, de l’énergétique, du dynamisme pratique.
Le travail est leur plus haute valeur.

Ainsi « Ils fouillent et modèlent des ombres ». Ainsi ces êtres toujours affairés, invétérés sculpteurs d’ombres, ne façonnent pas la lumière, et travaillent toujours "au noir". Pour façonner l’inconsistance, ouvrager l’ombre passagère. Apollon assurément n’est pas leur dieu. S’ils sont du sol et de la terre, ils ne sont pas solaires.
Ils travaillent dur, travaillent dans le dur, mais pour produire des objets inconsistants, sans épaisseur, sans profondeur, éphémères et futiles.
Leur activité est un « labeur systématisé ».
Leur tâche n’a aucun sens, elle revient à creuser des trous pour les reboucher.
Leur société du « terrassement » est la société même. Leur vie est vouée au travail : « Chaque contrat est signé à la naissance »
Des êtres terrassés par le travail.
Besogneux, ils sont dans le « désœuvrement », en ce qu’ils ne créent pas d’ "œuvres’’, permanentes et durables.

‘’Regarder le soleil en face’’ est à l’opposé de leur idéal, « ils ne sont qu’envers et conséquence » par « supposition du soleil »
Ils ne vivent pas dans la clarté, dans ce qui s’ouvre à la lumière ; ne vivent pas dans l’immédiateté et la spontanéité, dans la vérité ; mais dans l’envers, et la conséquence d’une lumière inconnue.
Ils ne se dressent pas vers, mais envers la lumière, envers et contre elle.
Non pas des êtres sans ombre, mais des ombres sans soleil et sans "être", au sens métaphysique.
Toute leur vie, ils se terrent.
Leur topique se ramène à une "taupique".
Ainsi vivent-ils dans une sorte de taupinière.
Et l’on croirait entendre Romain Rolland dans L’adolescent :
« Ridicules taupinières ! La vie passe, et tout est balayé »

Cet essai poético-ethnographique ne se limite pas à une description objective : il identifie, décrit et évalue tout en même temps.
Les êtres-terres sont des êtres imaginaires, mais leurs gestes et leur anatomie sont décrits par des comparaisons et des métaphores à partir de scènes qui existent dans la réalité et appartiennent aux traits communs de l’existence humaine.
Cette expérience poético-anthropologique fait apparaître l’insoupçonné des conduites ordinaires à travers des instruments optiques littéraires, des microscopes permettant d'observer de très près, en déformant grotesquement leurs traits, ces infimes et étranges créatures que sont les hommes.
Un monde nous est donné à voir sous l’œil tout à la fois inquisiteur et naïf de l’auteur, rêveur et poète, qui décrie la stupidité, la férocité ou la faiblesse humaine que voilent les conventions, la culture et les habitudes.
Il jette une lumière sur ces êtres anti-lumière, donne à voir aux taupes, aveugles et myopes, un portrait d’elles-mêmes.

   Vert-de-Gris   
29/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ah ! Voilà des sensations comme je les aime !

C'est hermétique à souhait ! On comprend sans comprendre, on comprend proprement rien du premier coup mais il y a des idées, des suggestions et des sensations qui vous fournissent des représentations mentales à la fois si claires et si obscures... J'adore.

Bon et c'est quand même ma came à la base... ça sent le métal rouillé, la patine... le vert-de-gris ;) :P Nan, ça sent le vivant, l'empourissement.
Bref, ça m'a fait goûter des couleurs, ça m'a fait sentir des sentiments. Moi je vais pas au delà en première lecture :) Mais les prochaines me diront autre chose !
Merci à toi et bravo !


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