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Récit poétique
Pouet : Les pêcheurs d'aiguilles
 Publié le 05/03/22  -  10 commentaires  -  2834 caractères  -  145 lectures    Autres textes du même auteur


Les pêcheurs d'aiguilles



Les pêcheurs d'aiguilles ont une longue chevelure en forme de filet. Certains, fervents des bouclettes aériennes, se coiffent à l'épervier ; d'autres plus terre-à-terre se font la raie trémail. Quant aux plus excentriques, un dégradé verveux.

S'ils ont le cœur en nasse ou bien la tête dans les étoiles de mer, les pêcheurs d'aiguilles ne sont que frénésie et opiniâtreté, hardiesse et indolence. Ils exécutent leurs tâches avec un détachement fluide proche de la transe ou de l'absence de conviction.
Sous les ordres impétueux du Passeur d'Iroise, le travail est réparti plus ou moins arbitrairement entre deux équipes.

Les hors-logés sont des êtres fins, généralement calmes et pondérés, d'un perfectionnisme délicat. Apatrides à eux-mêmes, ils hantent par instants les abysses de l'âme et arborent pieusement une fine frange senne.

Concernant la méthodologie, les aiguilles de type marée sont les plus recherchées, de par leur dénomination, leur forme simple, leur rectitude favorable à l'esprit clair.
On affectionne aussi les aiguilles sans contrepoids permettant de flotter, délesté de conscience, sous la surface des choses.
Les aiguilles lancettes détectées sont immédiatement envoyées au département du Harpon d'Ineffable.

Vient ensuite l'épineuse équation des aiguilles – on préférera ici le vocable « arêtes » – rouillées qui sont traitées avec un âpre mélange de dévotion et de répulsion ; elles renvoient à des phénomènes inconcevables, à d'inextricables jungles de varech, à d'indicibles échos d'écume.
Conséquemment et le plus souvent, lorsqu'un hors-logé tombe sur une arête rouillée, il pique un fard et fait mine de n'avoir rien vu.

Les brocs-d'heures sont de nature plus rustique. Solidement charpentés, bravant la voûte aqueuse, c'est en lampes-tempête qu'ils naviguent à vue entre foi tumultueuse et prompt aveuglement. Ils ont l'épi chalut ou le bigoudi drège, le plus souvent joyeux quand ils raclent le fond. Allègres, ils dispersent les barrettes de corail et s'enivrent au ressac de l'insouciance pélagique.

Eux, sont en quête d'aiguilles à tricoter.
Ils s'empêtrent volontiers entre les mailles du mensonge et le nylon de l'espoir, les élans protecteurs et l'ironie statique.
Les brocs-d'heures aiment à s'entrechoquer en déversant à grande eau le rugueux du sensible. Ils ont l'accolade ronde et le regard bruineux.
Les aiguilles à tricoter opérationnelles sont utilisées sans délai par le service « Histoire et Dentelles », le Métier à Tisser de l'Imaginaire étant taxé d'obsolescence.

Les uns tressent la durée, les autres bercent le cycle.
Chacun à sa façon recompose les âges.
Les pêcheurs d'aiguilles naissent dans des œufs et y demeurent, démesurément.


 
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   Eskisse   
24/2/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
L'observation scrupuleuse de ce peuple imaginaire aquatique vous plonge de mailles en sennes, de jeux de mots en métaphores, d'une équipe à l'autre. L'écriture offre des vagues de surprises à tout-va, et un imaginaire foisonnant dont on se délecte " démesurément".
J'aime et je relis.

   Anonyme   
5/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Aaaalors, j'avais démesurément reconnu en Espace Lecture l'auteur de « Les êtres-terres » et m'étais en conséquence abstenue de commenter à ce moment.

Je commence par un semblant de gêne que j'ai éprouvée au long du texte : quand même, pêcheurs d'anguilles / pêcheurs d'aiguilles, c'est un poil facile, voilà ce qui me trottait dans la tête en arrière-plan. Je reconnais que c'est là une réaction de lectrice pourrite-gâtée qu'on se demande pourquoi on se donne la peine, mais voudriez-vous que je vous mentisse sur mes impressions ?
Heureusement, des trouvailles que je trouve charmantes ou intrigantes ou touchantes ou n'importe quelle combinaison de ces termes que vous souhaitez parsèment aussi, pensé-je, votre poème, ainsi par exemple
un dégradé verveux.
(aucune idée de ce que signifie l'adjectif « verveux », mais putain ces trois mots c'est la classe)
et surtout la dernière phrase pour laquelle je me damnerais.

Donc le plaisir réel que j'ai éprouvé à vous lire était quelque peu tempéré par ce rapprochement anguilles/aiguilles. Je me dis que j'aurais sans doute davantage apprécié un texte plus court, sur le schéma « les plaisanteries les plus courtes », etc. Pourrite-gâtée, je vous dis.

   Anonyme   
5/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Plik

Plok

Il faut vraiment que je fasse venir un Mario pour me rafistoler ce robinet qui goutte avant de devenir gogole… Fluushhh une lettre est glissée sous mon huis, elle exhale des senteurs océanes.

Les pêcheurs d’aiguilles

Tiens donc… ça change des factures et des démarcheurs immobiliers !

J’ouvre.

Bonjour Pouet,

Merci pour votre courrier parfumé. Ce qui frappe d’emblée, c’est le style. Vous en avez un. Ce n’est pas donné à tout le monde. Ainsi qu’un vocabulaire riche et choisi. Mais point trop. Dans mon lexique je n’avais ni trémail ni senne ni drège. J’adore apprendre des mots. Quant à votre imagination, j'en aurais le tournis si je n'avais pas encore déjeuné. Concernant le contenu, j’ai songé aux Moires, les tisseuses du destin de la mythologie grecque. J’ai bon ? Il y a trop de belles trouvailles, d’allégories astucieuses et de jeux de mots intelligents pour les extraire. Alors je reste sur la somptueuse dernière sentence.

Les pêcheurs d’aiguilles naissent dans des œufs et y demeurent, démesurément.

Assurément

Anna qui va se faire la raie au milieu

   papipoete   
5/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
bonjour Pouet
Ce que je retiens de ce méli-mélo de mots, c'est que son jonglage se pratique sous l'eau, et le pêcheur de ces aiguilles a fort affaire, entre mailles de filets et autres fils de nylon emmêlés... et d'aiguilles rouillées ( attention tétanos ! )
NB ce put être Devos qui écrivit ce texte ( mais je sais que l'auteur est un " gamin " alors que le jongleur de mots belge avait 83 ans ), d'apparence confus mais au contraire tissé de main de maître !
De fil en aiguilles, ce monde Némo moderne m'embrouille, mais je vois que l'auteur ne fait pas les choses à moitié !
Incapable d'en retracer la trame, je veux louer le travail d'écriture, et je me dis " où va-t-il chercher tout ça ? "

   David   
6/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pouet,

Il m'a bien plu, ce poème, avec son train de métaphores sur la pêche dans un cadre qui questionne le temps qui passe. Les aiguilles, des hors-logés, des brocs d'heures, me semblent décrire deux façons d'attraper son temps, tels : "Les uns tressent la durée, les autres bercent le cycle.". Il y a une autre facette, une autre métaphore du temps que permet les aiguilles vers le tissage, comme ces tapis persan où on peut lire la vie des tisserandes, de l'apprentissage au décès, en passant par les maladies, les couches. L'image de la mer pour l'écoulement du temps ouvre grand l'imaginaire aussi.

Pour le sens, j'ai pensé à la fable du lièvre et de la tortue, mais comme si ça distinguait certains lièvres, et certaines tortues, bref, ça ne serait pas si simple qu'une course à pied, la fontaine en eau trouble en quelque sorte.

   Lariviere   
6/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Pouet,

J'ai trouvé toujours aussi bon, aussi poético-absurde ce deuxième opus... le vers final est très bon mais j'ai aimé aussi :

"Les hors-logés sont des êtres fins, généralement calmes et pondérés, d'un perfectionnisme délicat. Apatrides à eux-mêmes, ils hantent par instants les abysses de l'âme et arborent pieusement une fine frange senne."

Merci pour cette lecture et bonne continuation !

   Vincente   
7/3/2022
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai sensiblement moins aimé ces "pêcheurs d'aiguilles", faut dire que la découverte dans le récit précédent des "êtres-terre" n'était pas facile à surmonter.

Là où les incongruités trouvaient à chaque fois une résonance "sensée", très poétique, tout à fait revisitant notre monde mais tellement insolite et pourtant parlante, dans ce texte-ci les jeux de mots et associations terminologiques sont demeurées le plus souvent pour moi plus joueuses que poétiques. En fait j'ai eu très tôt dans le texte l'impression que l'auteur était en exercice, qu'il étirait le sens et jouait de cela pour provoquer l'éventuelle trouvaille.
Alors il y en a eu tout de même, par exemple je pense à celles-ci :

"Conséquemment et le plus souvent, lorsqu'un hors-logé tombe sur une arête rouillée, il pique un fard et fait mine de n'avoir rien vu."

"Eux, sont en quête d'aiguilles à tricoter.
Ils s'empêtrent volontiers entre les mailles du mensonge et le nylon de l'espoir,
"

Ou ma préférée :
"Les uns tressent la durée, les autres bercent le cycle.
Chacun à sa façon recompose les âges.
"

Reste donc une déclinaison séduisante dans la démarche et le regard, mais où me sont restés en avant-plan les gestes de la composition. Je pourrais presque dire que là où les "êtres-terre" ont trouvé une existence dans le récit précédent, là ces "pêcheurs d'aiguilles" en quête de la saisie du temps n'ont pas pris chair sous les mots, enfin pas suffisamment pour trouver une respiration autonome sortie de la patte généreuse de leur géniteur.

   Cyrill   
7/3/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Hello Pouet
Autant j'ai suivi et me suis pris d’affection pour les êtres-terre, autant je suis passé à côté de ces pêcheurs d'aiguilles. Je veux dire que je ne les ai pas ressenti aussi bien. Peut-être parce que le récit s'éparpille dans un trop plein d'êtres bizarres que je n'arrive pas à distinguer. Je ne sais plus où loger les hors-logés ou les brocs-d'heures, par exemple. Tu me diras que c'est de l'imaginaire complètement débridé, et je suis certes séduit par cette inspiration assez géniale, c'est vrai. Mais le fait est que, de mon ressenti, les ressorts de cet imaginaire sont les mêmes en moins bien, comme érigés en système.
Quoiqu'il en soit j'ai aimé cette poésie où semble très présente les associations d'idées et les associations sonores. Le fond me reste assez mystérieux, mais la qualité de l'écriture est là indéniablement.
Je ne sais pas si j'ai été clair mais ma lecture reste dans un flou poétique loin de me déplaire.

   Pepito   
8/3/2022
Pouet, faut signaler, quand y’a pas d’vers !

Pourquoi pas avec un P, pour prose... A l’arrière, bien sûr.
Bien que… pas d’vers pour un texte sur la mer, c’est un péché.

Un petit bémol pour « la tête dans les étoiles de mer » et plein de surmols dont cet « Apatrides à eux-mêmes » n’est pas le moindre.
On est passé de l’oxymore à l’association opposée genre « transe ou de l'absence de conviction », toujours bon. Et aux jeux de mollets délicats façon Abbé Pierre : hors-logés

« fine frange senne», à prononcer plusieurs fois de suite pour se faire de jolis nœuds z’à la langue.

Perso, pour flotter, j’aurais « ajouté » un contre-poids, mais il est vrai que « délesté de conscience » on grimpe plus facilement au paradis (ou aux rideaux).
« Harpon d'Ineffable »… m’a échappé ??
C'est bien de ne pas avoir cèdé à la facilité de piquer un phare, tu pourrais en rougir.
Minute ANPE : le métier de brocs-d'heures est particulièrement recherché par les maisons de hot-couture. (véridique)

La magie a moins bien fonctionné ce coup-ci, la non-surprise peut-être. Reste le gouleyant le long de la langue et l'odeur d'iode. Très agréable. Un bon petit moment d’apesanteur, merci.

   Anonyme   
12/3/2022
 a aimé ce texte 
Passionnément
Un univers définitivement Pouetique !

Au mariage heureux de tes mots broc-d'heurs, Pouet, tu nous convies, imprimant à tes broderies et à tes bouclettes un surréalisme que l'on peut toucher du bord des mirettes jusqu'à s'y noyer dedans.

Ce tricotage d'encre, de lignes en aiguilles, a tout d'une pêche miraculeuse qui réussit une splendide métamorphose, nous déchirant à sa suite dans ses palpitantes percussions.

Tout vibre à te lire ici. Jusqu'aux non-dits recueillis au bout de l'épuisette et de son éprouve-vie.

Le pire, c'est que tu parviens à nous persuader qu'il n'y a rien de plus facile que d'animer l'écho autour d'un large panel d'images hétéroclites autant que loufoques.

Encore des comme ça, Pouet !


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