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Récit poétique
Pouet : Un mot à la noix [Sélection GL]
 Publié le 14/07/23  -  11 commentaires  -  4319 caractères  -  113 lectures    Autres textes du même auteur


Un mot à la noix [Sélection GL]



Je n'apprécie pas moins le soleil que les oranges confites.
Selon l'énoncé de mes journées, je les ponctue d'interrogations ou d'exclamations, le plus souvent d'excès de suspensions…

Je participe à une chorale de sourds-muets n'étant moi-même ni l'un ni l'autre, mais personne ne semble prêter attention à mon handicap.

Je me prénomme Samson et, par une bien curieuse conjonction, tout le monde – c'est-à-dire à peu près personne – m'appelle Sam.

Ma femme m'a quitté pour un défectif éphèbe linguiste qui la couvrait de gemmes tout autant que de lemmes.
Il possédait la parole.
L'invariable dévotion, l'alphabet des passions, les parenthèses suaves, la phraséologie sentimentale.

Sûrement, il lui offrait des bouquets de syllabes rouges, des colliers d'adverbes fougueux, de tendres locutions, un bonheur majuscule, le jargon des louanges, le rébus de l'extase… et autres platitudes.

Depuis, le réel demeure pour moi relatif, peu compréhensible.
Ma construction est basée sur la subordination aux règles, aux syllepses et accords de principe qui ne jouent pourtant qu'un rôle explétif au regard de mon existence.

J'ai la mine pauvre, la rime dissymétrique, l'intonation faible, le désespoir fiable.
Je suis « entre guillemets ».
Je suis diminutif, indéfini, antonymique.

J'aligne les paragraphes de ma vie sans cadence, tout semble comme bien déréglé, pourtant il n'y a guère d'alinéas, fort peu d'anacoluthes.
Mes chroniques journalières sont allitérations.

Le discours du quotidien est prononcé à l'infinitif, je suis comme une incise sans proposition, un article sans sujet.
Un noyé d'une terre de papier.

Je n'ai ni trait d'union ni liaison, car pas de figure de style ni de corpus assez bien proportionné. Je participe aux tirades de l'espoir, j'ai le verbe rêveur et crois encore aux rhèmes du Père Noème.

Un matin emprunté, près des Hospices Syntagme, j'ai trouvé sans rien dire un mot laissé là sur un banc usuel.
Le mot avait à peu près la taille, la forme, la texture d'une noix, et la couleur aussi, mais ce n'était pas une noix puisque c'était un mot.
Sans l'aviser signifiant, je l'ai mis dans ma poche et puis m'en suis allé sans complément de fouille.

Arrivé sur mon lieu de désinence, à l'interjection de la rue Volapuk et du boulevard Trivum, tournant et retournant le mot, j'y découvre une racine ou une dérivation.
J'abrège et puis j'observe l'expression de la noix, en accepte l'acception, déterminant l'infixe en emprunt générique.

C'est alors que mon téléphonétique me surprend en borborygmant de bruyantes et répétitives onomatopées… je ne réponds de rien, je me fous bien consonne, qui peut bien épeler à une heure pareille ?
Je le laisse brailler.

Véritable fausse-amie, ma voyelle du dessus m'apostrophe en gueulant barbarismes et autres logomachies.
J'avais, il faut l'avouer, décliné toutes ses prépositions équivoques.
Polysémiquant de mes terminaisons nerveuses, au bord de l'épanadiplose, de toutes mes cordes vocables je m'écriai alors : ça suffixe !

Sans détours ni circonvolutions, je mis l'accent sur la concentration, un point final aux bavardages.
Et pour décortiquer ce mot, en guise de prédicat, je m'emparai d'un casse-noix.

Par habitude – sémantique – je ne cherchais aucune étymologie particulière, aucun sens révélateur, si ce n'est l'emphatique expression du vide.
Pourtant, d'une mélodique élision au refrain paronyme me parvint en un approximatif patois d'aphorisme : moi.

J'avais, me semble-t-il, percé la négation de la copule de l'être.
Ayant traduit le lexique de la félicité, du mot et de la noix, je n'avais plus besoin d'adjuvants, d'épithètes, de qualificatifs…
J'étais devenu métaphore.

Une ellipse de contraction au présent simple de mes contradictions.

Finalement, un doute.
Je secouai la tête.
Y régnait temps creux.
Un peu comme une coquille, une rature cérébrale.

L'anneau n'était plus là, mais demeurait l'émoi.


___________________________________________
Ce texte a été publié avec des mots protégés par PTS.


 
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   jeanphi   
4/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Dix mots m'étaient totalement inconnus et dix autres ont demandé que je m'assure de leur sens premier.
Je crains de n'entrer dans quelques considérations qu'au risque de donner une illustration de l'inanité linguistique que vous attribuez, semble-t-il, davantage à un manque de créativité qu'à un réel complexe littéraire dans ce "mot".
Je crois bien ne pas devoir prendre l'auteur pour l'objet de son récit, libre à lui de s'y identifier ou non.
Merci pour cette petite leçon d'exigence personnelle.

   Edgard   
6/7/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Un peu pénible à lire sur la longueur. Il faudrait un dictionnaire souvent et le lecteur s'agace assez vite de cette profusion de vocabulaire ...à mon sens c'est un peu forcé, ça se voit et on se perd assez vite. Les traits d'humour sont noyés dans cette jungle , c'est dommage... ce handicap quant au langage pourrait donner lieu à plus de sourires.

   Ornicar   
6/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Poétique de la grammaire. J'éprouve une attirance retorse pour ce tour de force que représente ce texte. Cet écrit s'inscrit parfaitement dans la veine du "récit poétique", puisque "récit" il y a, avec un début, un développement, une fin que l'on peut résumer ainsi : autoportrait, déboires et mutation d'un obsédé du champ lexical puisque on assiste au final à sa métamorphose en "métaphore", soit en l'occurence, la transformation d'un corps de l'état solide à l'état gazeux. Voire nébuleux par endroits. "Poétique" parce que tout le récit n'est qu'une longue métaphore qui emprunte aux domaines linguistiques, sémantiques, réthoriques, voire philosophiques avec ce "Père Noème".

C'est un exercice, sinon même une longue figure de style, un texte cérébral, qui ne se livre, et encore ! - un tout petit peu, qu'au fil de lectures répétées et assidues procédant comme autant de strates géologiques découvrant leurs sédiments. Le jargon des grammairiens est à l'honneur ici. Et l'auteur de ce commentaire confesse humblement avoir eu frequemment besoin du secours d'un bon dictionnaire.

Ce qui fascine ici, c'est les nombreux jeux de mots, certains (les plus accessibles) proches du calembour, le détournement de sens auxquels ils donnent lieu, les associations d'idées qu'ils provoquent dans l'esprit du lecteur, comme si derrière un mot, s'en cachait un autre. A titre d'exemple, en ce qui me concerne, vos "Hospices Syntagme" m'évoquent l'hôpital Saint Anne. C'est fou, non ?
J'y trouve aussi un coté absurde, farfelu, qui tient, avec moins de réussite et de clarté, d'un lointain cousinage avec l'esprit d'un Bobby Lapointe ou d'un Raymond Devos. Il me plaît de les imaginer tous deux se livrer à ces jeux de là où ils nous regardent.

Pour une fois, je ne rentrerai pas dans le détail, exemples à l'appui, de cette longue histoire dont je n'ai pas tout saisi. Mais j'ai aimé, à défaut d'en avoir toutes les clés, cette étrange polyphonie qui résonne à mes oreilles quand mon esprit voudrait tant comprendre et ne sait donc que raisonner.
Des fulgurances ("Une ellipse de contraction au présent simple de mes contradictions") cotoient des opacités ("Pourtant, d'une mélodique élision au refrain paronyme me parvint en un approximatif patois d'aphorisme") où je ne peux m'empêcher de voir le défaut de tout "catalogue" qui par excès de poids fait que votre flèche manque son but.

Beaucoup de travail pour un texte original que je souhaite défendre pour une éventuelle parution.

   Provencao   
14/7/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet,

Vous nous ouvrez cette porte où être dans la poésie ne consiste pas toujours à modeler des mots, des échos flagrants et sublimes à l'auspice de ses desseins.

Vous maniez les ressources de la fulgurance et de la complexité littéraire avec aisance, comme le montrent l'usage des parades, des emphases ou les intensifications : "J'ai la mine pauvre, la rime dissymétrique, l'intonation faible, le désespoir fiable.
Je suis « entre guillemets ».
Je suis diminutif, indéfini, antonymique."comme paradigme du Je.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   papipoete   
14/7/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
bonjour Pouet
Une gymnastique de bon matin, alors que le café ne fait pas encore son effet, une arithmétique grammaticale autour du MOT façon " Stéphane De Groodt ", qu'il m'est bien acrobatique de suivre sans filet !
NB il faut bien du talent pour jongler ainsi avec notre langue française, mais pour le lecteur ( qui reconnait l'effort ) il est bien trop hardi de s'armer du dictionnaire, à tout bout de champ...
Bien sûr que je ne parviendrais pas à mimer de ma plume, la moindre ligne !
bravo pour le numéro de funambule graphique !

   Airjai   
15/7/2023
Combien de talents et de mines donnerai-je pour cette mine qui a du talent ? Sans doute beaucoup .

J'ai cru apercevoir dans ce texte du '' Sol '' ou du ''Devos '' ...

M'attachant à en faire bonne lecture ,mon dictionnaire ne dérougit pas à me livrer tous les mots que mon vocabulaire ignore ...

À n'en pas douter, même s'il m'est quelque peu hermétique, voilà un texte remarquable, qui a demandé beaucoup de travail à l'écriture .

   Eskisse   
15/7/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet,

Le lexique de la linguistique détourné avec aisance pour raconter le destin de de Samson ( sans son ?) un être ( Sam / sans) qui n'est que (ne explétif) manque : quelque chose lui manque ( il est porteur d'un handicap indéfini) et l'auteur fait foisonner les " sans" (vie sans cadence,) les 'guère" (guère d'alinéas,) ou les "peu " ( peu d'anacoluthes.) Il est même "peu" marié vu que la linguistique lui a chipé sa "moitié" ou la moitié de lui-même. Il confine au presque vide linguistique.

Cet homme de peu, il est comme une phrase qui, aurait vite perdu ou n' a jamais eu ses vocables, ses conjonctions, tout ce qui le reliait au réel, se réduit immanquablement à une métaphore, on assisterait à une métamorphose ou à la création de la métaphore ( chère à l'auteur)
L'étymologie du mot "métaphore" renvoie à l'idée de transport, transport de sèmes ou de connotations d'un élément sur un autre. Or ici c'est nous qui sommes transportés de cet homme à une figure de style , de jeux de mots en jeux de mots...
Et si le lexique m'a paru appuyé au début, j'en trouve tout le plaisir à la relecture.
Ce texte est très riche de sens, ( difficile de tout interpréter ) de drôlerie aussi et oui, un mot en cache un autre et Jean Tardieu est convoqué ( Un mot pour un autre)

Merci du partage
(Eskisse de sa désinence d'été)

   Myndie   
16/7/2023
Slt Pouet !
désolée d'arriver si tard car il me semble que tout a été brillamment analysé sur ton texte que je prends moi aussi comme un exercice d'écriture magistral, très érudit et très travaillé.
Bien vu le titre qui annonce avec simplicité, un rien d'ironie et de fausse naïveté, avec élégance et - excusez du peu – émotion, ce que l'on aurait pu titrer « discours de dialectique appliquée » ou encore « comment faire l'apologie de la linguistique ».

J'ai souri :
« je me fous bien consonne, qui peut bien épeler à une heure pareille ? »,
j'ai fait chauffer mes neurones à force de réfléchir mais surtout, j'ai été littéralement fascinée et je reste éblouie par tant de virtuosité.
Quant à la fin :
« L'anneau n'était plus là, mais demeurait l'émoi. »
moi j'ai aimé comprendre ce que je voulais.

Bravo Pouet, c'est remarquable

Myndie

   Anonyme   
19/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Pouet
Tu m'en bouches un coin ! Devenir métaphore en cassant une noix, chapeau ! Au départ, je serai franc, je ne voulais pas lire tes (vos) textes. Il ne m'accrochaient pas. Bon, en fait je n'en ai pas lu beaucoup. Mais celui-ci m'a fasciné... Toutes ces tournures linguistiques en tout genre, huilées à l'humour bio de votre terroir, c'est plus qu'appréciable. Comme quoi il ne faut jamais juger à partir de commentaires qui ne servent qu'à faire avancer... N'est-ce pas? Voilà, ce n'est pas très consistant, mais je tenais à l'écrire ici. Je vais aller lire d'autres textes dont vous êtes l'auteur, Pouet. À plus !
ericboxfrog

   hersen   
19/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Je ne suis pas trop fan des poèmes qui jouent sur une ligne lexicale, cela me donne toujours un peu l'impression que l'auteur a une liste et qu'il s'y tient.
ceci dit est très personnel, et ça ne m'empêche pas de trouver que tu excelles aussi dans ce registre à la noix !
parce que c'est un peu ça, l'écriture : un tas de chemins, on en finit pas d'explorer et de découvrir.
on reconnaît bien ta patte ici, en ce sens que du début à la fin, tu ne lâche pas le morceau des sens, des sous-entendus et des entendus.
Donc, si je fais un bilan de lecture : pas trop fan mais c'est de ma faute !
Merci de la lecture

   Cyrill   
30/8/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Pouet et bon retour par minou. j'arrive très tard sur cet opus mais il m'a fallu tout réviser mes acquis.
« je ne réponds de rien, je me fous bien consonne, qui peut bien épeler à une heure pareille ?
… de toutes mes cordes vocables je m'écriai alors : ça suffixe !  ».
Pour ce passage-là et d’autres du même tonneau, je me re-penche sans grand espoir de me relever sur cet écrit qui m’a valu d’ouvrir le dico une bonne paire de fois.
J’oublierai vite tout ce neuf savoir, ne retenant que l’impression générale d’un amusement à la Devos. À chaque lecture sa découverte, la dernière en date pour moi est l’anagramme fiable/faible. Pas grand chose au regard de la richesse sémantique du pavé.
Les circonvolutions du cerveau sont à l’image de la noix, on peut rester des heures à observer leurs formes, on ne verra jamais tout à fait la même chose. Il en est de même de ce récit plein de subtilités.
Merci pour le partage.


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