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Poésie en prose
Pussicat : Les météores
 Publié le 23/10/14  -  13 commentaires  -  2579 caractères  -  369 lectures    Autres textes du même auteur

Ce texte s'est présenté sous différentes formes. En prose, d'un seul bloc, vertical.
Je n'étais pas satisfaite. Sa lecture était fastidieuse.
Il me fallait l'aérer.
Je l'ai donc découpé, j'ai coupé ses branches pour en faire des strophes et des vers libres, avec un cœur refrain.
"Les météores" est un cri, une douleur, une plaie.


Les météores



La bruyère est un feu de paille.
Un crissement frais de la torche, un chatoiement,
une bleuté,
l'amorce d'une fin à vivre.
La bruyère est un feu de paille d'or et de sang réunis.
Passés les météores les nuits sont longues.

J'écris parce que je ne sais pas quoi faire d'autre pour me sauver des peurs qui m'anéantissent.

Quand les plis de la Tour étouffent cran à cran ta jeunesse et sous les crissures s'essouffle la vigueur.
Quand le vide est plaisir, désir absolu, glisse alors sous l'ardoise l'arborescence éclatée des mils morts.

Pétale parmi tant flétri à son tour.

Que le sang rejoigne le miel et s'ouvre la plaie.
Que ton corps sombre et dans la faille, là je serai l'entaille du couteau portée sur le fil de tes lèvres.

La bruyère est un feu de paille.
Une chimère entretenue par une armée de conspirateurs n'aspirant qu'à la grande Victoire gardée par-devers eux.
L'oiseau aux ailes déployées danse et plane l'ombre de sa ronde.

Quand la soif d'aventure devance le pas.
Quand la biche rend compte au regard.
Quand le cri ne suffit pas à éblouir l'aurore sous les brindilles en croix du feu nourri, j'écris pour me sauver des peurs qui m'anéantissent.

J'ai mangé le feu qui me brûlait.
J'ai griffé la roche, et dans le souffle des cendres laissé l'empreinte d'une absence.
Au creux s'échappe une fumée.

Assise sur l'angle de la montagne, j'ai attendu…

Aucune humeur mélancolique n'est venue distraire le ciel monochrome et désespérant tant,

longtemps, longtemps, longtemps.

Affamée ventre creux, j'ai gardé l'épine sous la plante énervée, que suis-je devenue ?

Qu'est le fleuve retenu dans l'oblique de tes mains jointes ?

Serpent sous le sable des déserts de voilure que nous partagions au devoir.




Je fonds, genoux à terre, tête écorchée, tête inclinée, et telle je vais et j'embrasse la nuit de mes souvenirs.
Sous mes doigts, fibres soyeuses, palpite la joie.
Sur ma langue amoureuse encore s'aiguise à plaisir la douce amertume.
L'enfant roule dans les blés, dans les champs d'herbes d'or mouchetés de grenades
coquelicot mon amour.
Ô chant des longues épées caressées.
Chant des lents vols des bourdons.
Chant de l'enfant encore roulant sur les cailloux, genoux râpés sang.
Enfant assis perdu. Pleurant.
Chant du souffle sous la cendre.


 
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   margueritec   
27/9/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bel envol que ce poème où les images fécondent en moi d'autres images, résonnent comme un paysage intime. Je ne peux pas toutes les citer :
"Un crissement frais de la torche, "
"Quand les plis de la Tour étouffent cran à cran ta jeunesse"
"là je serai l'entaille du couteau portée sur le fil de tes lèvres."
"J'ai mangé le feu qui me brûlait."etc.

Merci pour ce déferlement d'images puissantes.

   Anonyme   
3/10/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Ce qui m'a très vite frappé c'est cette émotion qui vient me souffler en plein visage. Et aussi c'est tellement coloré ce qui est rare pour un poème écorché, au sentiment ambiguë, doux-amère. Rien que la 1ère strophe est lumineuse. Et la dernière strophe est d'une intensité! d'une beauté! c'est celle que je préfère, celle qui m'a le plus emportée.

J'adore ce vers:

"glisse alors sous l'ardoise l'arborescence éclatée des mils morts"

Petit bémol c'est que à un moment vous passez de "je" à "tu" et "nous":

"Affamée ventre creux, j'ai gardé l'épine sous la plante énervée, que SUIS-JE devenue ?
Qu'est le fleuve retenu dans l'oblique de TES mains jointes ?
Serpent sous le sable des déserts de voilure que NOUS partagions au devoir."

Donc je n'arrive pas à voir à quoi leur apparition soudaine est-elle liée.

Une petite dernière:

"J'ai mangé le feu qui me brûlait."

Simplement beau et très fort dans son évocation.

   Anonyme   
5/10/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
Poème ou prose intense. Le ciel de ce texte n'est pas monochrome, loin de là. Il boule-verse, dans tous les sens, de tous les sens.

"Quand le vide est plaisir", pour quelle raison ?
Parce que le vide place hors désespoir, hors blessure, hors tout.
Je le lis comme cela, je le vis comme cela.

Des phrases très belles, très puissantes, je n'en cite que quelques unes, certaines pour ce qu'elles évoquent, d'autres pour leur musicalité en parfaite concordance avec l'errance des mots réunis en un tout.

Et cela avec une cohérence qui dépasse l'entendement naïf du simple sens des mots et de leur assemblage et rejoint des espaces où l'on se parle autrement.

A relire encore et encore.
A continuer à écrire ... si possible, si assez de forces....

"et sous les crissures s'essouffle la vigueur."
"Pétale parmi tant flétri à son tour."
"là je serai l'entaille du couteau portée sur le fil de tes lèvres."

"j'ai gardé l'épine sous la plante énervée, que suis-je devenue ?

Qu'est le fleuve retenu dans l'oblique de tes mains jointes ?"

..........

   Anonyme   
23/10/2014
Salut Poussicat

Tu ne fais pas dans la demi-teinte, dés les premiers vers tu annonces les couleurs. Celles du feu.

"La bruyère est un feu de paille.
Un crissement frais de la torche, un chatoiement,
une bleuté,
l'amorce d'une fin à vivre.
La bruyère est un feu de paille d'or et de sang réunis."

Cette strophe est une des plus belles que j'ai pu lire sur Oniris.
Pourquoi la bruyère, cette modeste éricacée, que l'on retrouve un peu plus loin, inspiratrice d'images oniriques ?

"La bruyère est un feu de paille.
Une chimère entretenue par une armée de conspirateurs n'aspirant qu'à la grande Victoire gardée par-devers eux.
L'oiseau aux ailes déployées danse et plane l'ombre de sa ronde."

C'est le mystère de la création poétique. Et c'est un coup de génie.

Nous avons en commun d'aimer la bruyère et le coquelicot qui pointe sa corolle dans les derniers vers.

'L'enfant roule dans les blés, dans les champs d'herbes d'or mouchetés de grenades
coquelicot mon amour.
Ô chant des longues épées caressées.
Chant des lents vols des bourdons.
Chant de l'enfant encore roulant sur les cailloux, genoux râpés sang.
Enfant assis perdu. Pleurant.
Chant du souffle sous la cendre.'

Que c'est beau !!!

Merci Poussicat, de ce texte je n'ai souligné que la splendeur des images faute de trouver les mots pour dire l'émotion qu'il m'a procuré. Un très grand coup de chapeau.

   Robot   
23/10/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Si j'ai moins apprécié le dernier paragraphe dont certains vers me paraissent superflu et alourdissent la fin, je trouve à ce texte à une grande vigueur expressionniste. (Voilà pour le très bien.)
Je pense que le vers "Je fonds, genoux à terre, tête écorchée, tête inclinée, et telle je vais et j'embrasse la nuit de mes souvenirs." assurait une bonne conclusion.
La fin me semble tomber dans le mélodramatique heureusement évité jusque là. (La justification du -)

   LeopoldPartisan   
23/10/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
Un jean-louis murat féminin nous a rejoint. Une pureté lexicale, un souffle et une vision vraiment contemporaine de la nature au service de l'émotion et du caractère humain : "coquelicot, mon amour".

whaa!! quel voyage, quelle intensité. Il y a aussi du "tendre violette" dans cette beauté féminine. Bluffé certainement, voici donc une nouvelle écrivaine qui je l'espère va nous emmener bien loin...

bis, bis et bravo

   deep   
23/10/2014
 a aimé ce texte 
Passionnément
A n'en pas douter ta découpe a ajouté de la puissance au souffle de ce poème.
Les images sont fortes et l'écho qu'elles trouvent chez le lecteur résonnera longtemps.
Il est difficile de choisir des vers en particulier mais pour le plaisir,
Les plis de la Tour étouffant cran à cran ta jeunesse
Que le sang rejoigne le miel et s'ouvre la plaie
J'ai mangé le feu qui me brûlait

Merci Pussicat pour ce chant du souffle ....décoiffant

   Pimpette   
23/10/2014
 a aimé ce texte 
Bien
Presque trop soigné pour moi...qualité pour toi et défaut pour moi...

J'éprouve à te lire ce que j'éprouve en écoutant certaines chanteuses à textes....elle font un sort à chaque note et l'émotion a du mal à être là...

OQue ton corps sombre et dans la faille, là je serai l'entaille du couteau portée sur le fil de tes lèvres.
Pas moyen de faire plus simple??

des fautes de frappes malades dont je demannde pardon dans le com Pimpette

   Francis   
24/10/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai vu l'apocalypse dans l'or et le rouge, le feu et le sang. J'ai vu le regard de la biche, le serpent du désert.J'ai vu la cendre et le feu, l'enfant et la peur.J'ai vu sur la pierre, les traces de ceux qui allaient mourir.J'ai vu holocauste.

   Louis   
24/10/2014
Un poème en rouge et or, les deux teintes dominantes dans ce texte, qui sont aussi deux colorations d'une vie en sa pointe la plus vive.

Rouge d'abord de la flamme, rouge feu.

L'image prégnante de la première strophe est celle du « feu de paille ».
Un tel feu est vif, passager, il ne dure pas ; le « feu » et la flamme sont les images des sentiments, en particulier de l'amour, de l'amour passion, «coquelicot mon amour ».
Ce qui est vif, brûlant n'est qu'éphémère, manque de durée.
Le «feu de paille » se consume rapidement, il est à rapprocher des « météores », ces étoiles filantes, ces feux passagers dans le ciel d'une vie, ces fulgurances qui le traversent dans un court instant.
Les météores ne sont pas des étoiles fixes et durables, qui illuminent la vie en permanence, mais des moments intenses, des incandescences brèves et fugitives.
Ces moments d'extrême existence, moments d'incandescence, moments d'exaltation, sont associés à « la bruyère ».
La bruyère, plante des landes solitaires.
Le feu brûle d'un amour, un feu de paille, un feu follet, puis s'éteint, et ne reste que la froide solitude.

« Bruyère » : le mot s'entend dans une nostalgie : il s'entend « bruits d'hier ». Éclats sonores, éclats
lumineux ne sont plus d'aujourd'hui, ils ne sont qu'au passé. Ils sont passés. Fulgurances. Météores.
Dans cette strophe, lumière vive et effet sonore sont associés ; des sensations à la fois visuelles et auditives.
Association que l'on retrouve dans : « Un crissement frais de la torche ». à la lueur vive de la torche est adjoint le « crissement », qui évoque le cri, éclat sonore aussi bref que la lueur fulgurante d'un météore, mais « frais » en opposition à la flamme brûlante de la torche.
Crissement frais de la torche : fraîcheur nouvelle, vite consumée, vite « torchée ».
C'est « l'amorce d'une fin à vivre ». Amorce et fin sont en opposition, ce qui commence déjà se termine ; le début déjà est une fin; ce qui est à vivre ne dure pas, ne dure plus.
Bruits et lueurs d'hier, bruyère, aujourd'hui est une longue nuit que rien n'illumine : « Passés les météores les nuits sont longues ». Au « passé » sont les météores.

Rouge. Rouge sang

« La bruyère est un feu de paille d'or et de sang réunis ». Le rouge du feu est aussi celui du sang.
Le rouge vif des incandescences, celui des passions, c'est aussi une violence, une douleur.

D'or

L'or, symbole de perfection, brille, son éclat est resplendissant ; il est un feu aussi. L'or : le plus heureux d'une vie, le meilleur, le plus brillant, le plus éclatant.
« Or » rime avec ces moments si beaux que l'on adore, il rime aussi avec « météore ».
Dans ce mot, « météore », on entend encore : "météo", le temps qu'il fait, et pas seulement celui qui passe ; et s'entend l'or. Météores : météo des beaux jours, les jours en or. Ils constituent l'âge d'or de la vie.

Rouge et or réunis

Rouge et d'or sont les pailles qui se consument sous les flammes ; rouge et or sont les météores.
D'or aussi la couleur apparente du miel, et « Que le sang rejoigne le miel et s'ouvre la plaie ».
Les passions, brûlantes et douloureuses, belles exaltations, belles amours, d'or et de sang, passent
dans le ciel d'une vie, comme des étoiles filantes, comme des météores.

Quand disparaissent les deux teintes, le ciel est « monochrome ».
Pas même de mélancolie. Ciel « désespérant »

Refrain :
« j'écris » : les cris d'hier, associés aux lueurs vives, sont passés ; les retrouver dans les cris de « l'écrit ». L'écriture cherche à faire renaître la vivacité d'hier. À faire renaître les incandescences dans le flamboiement des mots. Dans l'or des mots, retrouver la flamme.
Elle conjure « les peurs » : ces peurs de la « longue nuit », ces peurs qui « anéantissent ». La vie éteinte, sans passion, sans lueur est un « néant ».

Se dresse une Tour.
« Quand les plis de la Tour... » : quelle est cette Tour ?
Une vers plus loin permet une interprétation : « Pétale parmi tant flétri à son tour ». Le pétale de la jeunesse en fleur flétrit « à son tour », et tout ainsi s'en va, tour à tour. Ainsi la Tour est cet étagement, cette stratification des « tour à tour ». Ce qui s'en va ne s'évanouit pas, mais se conserve, là, dans cette Tour, édifice immense d'un passé révolu, en surplomb du présent.
Ses « plis », on le comprend alors, «étouffent cran à cran ta jeunesse», et « s'essouffle la vigueur ».
Une allitération en « s », « jeunesse ; crissure ; essouffle ; glisse » accentue l'idée de glissement, mais non un doux glissement, mais un passage qui est fuite dans des grincements, des craquements ; en effet, le son « s » s'accompagne du son « i » strident dans le cri de « crissure », de « glisse », et d'un son dur, « u » de « crissure ». Tout glisse ainsi douloureusement vers le passé.

Reste un « vide », en cette place même où filaient les météores. Et l'on finit par se complaire dans ce vide, « quand le vide est plaisir, désir absolu ». Et « glisse alors sous l'ardoise l'arborescence éclatée des mils morts ». Les « mils », probablement toutes les années « mil » déjà vécues. Mort en « arborescence » ; en toutes directions, une mort ; comme une plante elle se « glisse » sous « l'ardoise », celle qui couvre probablement la Tour, l'immense édifice du passé.
Le vide est une mort. Passent les météores, restent la mort, et ce « plaisir » des temps morts. Plaisir et douleur. Les désir avide a laissé place au désir à vide.

Enfance

Dans le dernier paragraphe, la méditation poétique fait retour à l'enfance. Les blessures présentes renvoient à celles-là, celles de l'enfance. On y retrouve les couleurs, or et rouge, «  dans les champs d'herbes d'or mouchetés de grenades / coquelicot mon amour. »

Mais dans cette enfance, on y trouve aussi un chant, le chant d'un « souffle sous la cendre ». Ce chant de l'enfance peut constituer un souffle qui ravive les braises sous la cendre, qui redonne le feu et l'or, l'incandescence d'une vie, les passions nouvelles, de nouvelles météores.

Un retour à l'enfance ; à l'enfant qui construit, qui élabore des châteaux et des « tours ».

Un beau poème, Pussicat.
J'ai conscience que j'ai fait une lecture de ce poème parmi d'autres possibles ; j'ai conscience aussi d'avoir laissé sous silence certains vers et certaines images pour ne pas donner une dimension trop longue à ce commentaire.

   jfmoods   
25/10/2014
Un penchant affirmé pour les inversions du sujet n'est sans doute pas tout à fait étranger au charme singulier qui émane de ce poème. Façon de maintenir en éveil la curiosité du lecteur, de faire éclater, surtout, la tension portée par les passages concernés.

Prendre le pouls de ton texte, c'est aller en quelque sorte de l'incendie qui ravage (métaphore : "La bruyère est un feu de paille", champ lexical : "d'or et de sang", "torche", "météores" x 2, "éblouir", "feu nourri", "feu", "brûlait") aux résultantes d'une combustion ("cendres", "fumée", "cendre"). Façon de filer la métaphore de la vie amoureuse qui s'évanouit à la vitesse d'une étoile filante ?

Au travers du jeu des pronoms personnels et des adjectifs possessifs ("je", "ta", "ton", "tes", "nous") se profile l'image d'un couple. Le mot "devoir" confirme l'hypothèse d'une conjugalité. La menace qui va fondre est d'abord cachée ("Serpent sous le sable"). L'imparfait ("partagions") signale ailleurs un passé commun révolu. La périphrase ("Une chimère entretenue par une armée de conspirateurs") désigne l'amour et sa charge d'idéal, désormais consumée. La majuscule sur le mot "Victoire" apparaît au lecteur comme la figuration grinçante d'une défaite. Plusieurs métaphores à connotations déceptives marquent la lecture. Ce sont, d'abord, "les plis de la Tour". La majuscule pourrait symboliser l'image de la toute-puissance du lieu, le point d'ancrage de la vie d'un couple ; les plis, eux, entérinent l'écrasement par les côtés et par le haut, comme si cette initiale construction de pierre, solide, pérenne, s'était muée en un vulgaire baraquement de tôle exposé à présent à tous les aléas météorologiques. Ainsi, "jeunesse" et "vigueur", synonymes de positivité et d'élan, se trouvent-elles prises comme dans un formidable étau, comme sous les coups d'un gigantesque marteau. Les "déserts de voilure" suggèrent l'échouage d'un bateau sur le sable ou, plus métaphoriquement, l'image d'un encalminage du couple sur une mer étale. Deux verbes ("étouffent", "s'essoufflent") appuient sur le sentiment d'oppression physique. Deux paradoxes ("j'ai mangé le feu qui me brûlait", "laissé l'empreinte d'une absence") matérialisent le dépassement – au prix de quel effort ? - d'un douloureux travail de deuil. Les subordonnées de temps ("Quand... " x 5) scandent les étapes de l'histoire en un balancier obsessionnel. Les deux subordonnées au subjonctif ("Que le sang... ", "Que ton corps... ") appellent, comme par provocation au destin, le voeu suprême d'un écroulement, d'une dévastation totale. Incapable de se projeter dans un avenir, figée dans un présent dépourvu de perspectives ("ciel monochrome"), la locutrice se fond dans l'avant, se laisse "distraire" par la "mélancolie", par "la douce amertume". Cependant, ce pôle-là n'est détenteur que d'une clarté mortifère comme le manifeste ailleurs on ne peut plus clairement la métaphore "la nuit de mes souvenirs". Une autre métaphore, où semblent se rencontrer les ombres de Michaux et de Saint-John Perse ("Assise sur l'angle de la montagne"), définit un positionnement intenable et néanmoins interminable (anaphore : "longtemps, longtemps, longtemps") sur ce tranchant du temps que symbolise le présent, positionnement élevé à partir duquel s'envisagerait un utopique double regard permettant l'impossible jonction entre passé heureux et avenir introuvable.

La dernière partie du texte, séparée du reste du propos par un blanc, manifeste suffisamment l'étirement douloureux du temps. L'intertextualité pussicatienne ("coquelicot mon amour") matérialise l'essence première du rapport amoureux, socle fondateur, efflorescence dont les italiques figurent le caractère intime et dont le "pétale... flétri" signale, ailleurs, la déchéance. L'apostrophe ("Ô") et l'anaphore du mot "Chant" mettent en évidence ce qu'en termes militaires on mentionne sous le glacial euphémisme de "dommages collatéraux". Entièrement composée de nominales, cette fin de poème, bouleversante, impuissante à prendre en charge une verbalisation, fixe les couches stratifiées, superposées, sédimentées de la conscience enfantine du monde, des émerveillements premiers de la vie (adjectifs qualificatifs "longues" et "lents" porteurs de connotations mélioratives) à la désespérance du déchirement parental et, par extension, filial. Le lecteur pressent alors que, derrière l'image de cet abandon, se joue "l'arborescence éclatée des mils morts", un phénomène de dispersion des liens, de pulvérisation du sens de la transmission.

Ce texte, sans nul doute le plus fort que j'aie lu de toi jusqu'à présent, répond pleinement à une problématique spécifique à l'univers poétique : "Chanter sa peine pour l'enchanter". Ce "fleuve retenu dans l'oblique de tes mains jointes" ne serait-il pas, justement, la représentation fantasmée de ce livre-baume dont on lit les chapitres tout en l'écrivant ?

"J'écris parce que je ne sais pas quoi faire d'autre pour me sauver des peurs qui m'anéantissent."

"Quand le cri ne suffit pas à éblouir l'aurore sous les brindilles en croix du feu nourri, j'écris pour me sauver des peurs qui m'anéantissent."

Merci pour ce partage !

   Edgard   
25/10/2014
Bonjour Pussicat
Il y a des fulgurances dans votre poème, des illuminations. Les instants se concentrent dans les éclats douloureux ou étincelles vite éteintes du souvenir.
On a l’impression de progresser dans une jungle d’épines qui vous arrachent la peau à chaque pas.
Cependant, beaucoup de vers m’échappent. C’est sans doute cette profusion, cette confusion d’images qui s’entrechoquent. J’imagine aisément combien il est difficile d’élaguer, une fois le premier jet écrit.
Chacun lit ou relit les poèmes à sa manière. Instinctivement, voilà comment j’ai relu les premiers vers.
« Bruyère, feu de paille.
Crissement frais de la torche, chatoiement,
une bleuté,
l’amorce d’une fin à vivre.
Bruyère, feu de paille d’or et de sang.
Passés les météores les nuits sont longues.
J’écris pour me sauver des peurs qui m’anéantissent. »
Comprenez bien qu’il ne s’agit que de ma lecture et pas du tout un conseil ou une suggestion. C’est seulement pour montrer que je me suis surpris à simplifier en lisant…
Certaines phrases me gênent un peu pour leur construction…
(Quand les plis de la tour étouffent cran à cran ta jeunesse et sous les crissures s’essouffle la vigueur.)
Les vers qui m’échappent quant à leur sens (mais peut-être quelqu’un m’en donnera une interprétation) : « Une chimère entretenue par une armée de conspirateurs n’aspirant qu’à la grande Victoire gardée par devers eux… »
Les vers que je préfère : mais il y en a d’autres.
« J’ai mangé le feu qui me brûlai »
« L’enfant roule dans les blés, dans les champs d’herbes d’or mouchetées de grenade
coquelicot mon amour
Ô chant des longues épées caressées… »
Là encore je me suis surpris à simplifier (« prés » au lieu de « champs d’herbes » ou même rien à la place). Je dois être un vieux pinailleur ! (Est-ce que les autres lecteurs réécrivent aussi dans leur imagination les poèmes ? Ce serait une bonne question pour le blog ?)
Magnifico, ce coquelicot !
J’ai hâte de lire vos futures créations, parce que c’est très fort et très beau .

   Dyonisos   
27/12/2014
Commentaire modéré

   Anonyme   
20/1/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
C'est beau, c'est fort. Ça explose en une myriade d'images et bien que texte torturé ne se complaît pas dans la souffrance ou le larmoiement.

Après je n'ai pas le niveau pour vraiment critiquer, ne voit sûrement pas toutes les qualités ou les défauts comme je ne fais pas de poésie mais j'apprécie beaucoup ce genre de poésie en prose qui évoque des images et couleurs avec force et beauté comme certains textes de Bradbury ou Damasio.


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