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Poésie en prose
wancyrs : Paria - L'éveil
 Publié le 06/08/10  -  13 commentaires  -  3687 caractères  -  172 lectures    Autres textes du même auteur

Entre cime et gouffre, est-ce là mon village ?


Paria - L'éveil



Je suis un homme sans visage...

d'apparence et de mânes. Les miens me regardent de travers, les autres, de haut ; ta science pourtant disait que ne comptaient
ni l'aspect,
ni l'esprit...

Je suis
la roussette perplexe qui étouffe ses cris.
N'oser montrer sa face qu'avec le noir complice, balafré de sa duplicité.
Aux abois en silence.

Tu étais si gracile, et j'ai convoité ta beauté. Sur ta barque je me suis enrôlé, en route vers le panthéon.
Avec l'exégèse, convoler.

Onyx, saphir, chrysalide... tout ce qui brille est-il or ?


Je suis un homme sans image...

des relents d'actes
dans ma mémoire élaguée
s'empoignent.


Quand la survie efface la vie, tel un forçat brouille sa fuite, l'âme barricadée à double tour, le souvenir s'enlise dans l'oubli.


Le regard sévère de la probité, je l'ai fixé, je l'ai défié. Je n'ai pas tendu l'autre joue lorsque l'on m'a frappé. Je n'ai pas baissé mes culottes lorsque montaient les enchères. J'ai meurtri ma chair du péché de l'orgueil et j'ai muselé la sacro-sainte vertu.


Qu'est-ce qui absout la souillure du plaisir pris au détriment de la vierge ?
Des heures et des heures campée dans la salle de bain à frotter, frotter les images impavides ?
Et même si des envies de meurtres viennent en tête, brûler la colère au lance-flamme, éviter les revers de la justice.


Justice...


la mienne c'est de voir encenser mes droits. Écouter sangloter mes mots lorsque l'artère du mal innerve ma pensée.


Justice...


c'est de tenir en laisse mes joies, renflouer ma haine, frigorifier la compassion.


Et puis, parlez-moi d'amour ! L'arme sur ma tempe, trois choix échus : obéir... obéir... obéir.



Je suis un homme sans village...

tu m'as pris par la main, tu as clamé l'absurdité de mon existence. Tu as bandé mes yeux du halo de tes « connaissances » et j'ai renié
mes pères
mon âme
mes évidences.


Je t'ai suivi, j'ai brisé les jambes de ma pérennité, et les moignons de ma culture se dessèchent, privés de leur sève nourricière.


J'ai grimpé avec toi aux cimes de la vanité, accroché à tes ailes virtuelles. J'ai savouré la folle mégalomanie, idiotement calfeutré dans le confort de tes chimères. Et tu m'as laissé là, en planque, dans une navette en apesanteur entre cime et gouffre ; et je t'ai vu assassiner mes racines, égorger mes tabous, brûler mes rites.

Entre cime et gouffre, est-ce là mon village ?


Dans le vaisseau de l'illusion, à vitesse constante, j'avance, guetté par les miens, les survivants de l'hécatombe, aiguisant leur haine en me regardant sur mon promontoire.

Les dieux bientôt me livreront...


Qui es-tu, ô étranger, pour me demander d'où je viens ?
Que connais-tu de ces espaces stériles que tu hantes ?
Ne sais-tu que jadis j'alimentais du sang de la bêtise le béton de ton opulence ?

Tu me construis une niche. Ma place est avec les chiens. Et je me frappe la poitrine, embroché par le dard de ma traîtrise. Et...


Entre cime et gouffre, je cherche
mon visage,
mon image,
mon village...

Les dieux bientôt me livreront.


 
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   jaimme   
17/7/2010
 a aimé ce texte 
Bien
Ce "paria" a de multiples visages et se prête donc à de multiples interprétations. C'est la richesse et peut-être la faiblesse de ce poème.
Certaines images sont fortes, d'autres recherchent trop du côté du mot érudit, d'autres souffrent de simplicité. Mais ce mélange est celui de l'homme au désespoir, qui se confie, qui parle, qui raconte et qui se raccroche à son vécu tout en se gardant, je pense, de le renier. Ce mélange je l'accepte, je le prends, mais il ne m'offre pas un ressenti très fort, c'est dommage pour un thème aussi poignant.
Merci pour lecture, elle fut belle, elle fut parfois terrible.

   brabant   
22/7/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Curieux, la place du "Paria" ne se situe pas "Entre cime et gouffre", mais à l'une ou l'autre de ces extrémités. Choisissez quel paria vous voulez être.
La suite de l'étude de votre texte démontrera que vous voulez être LE Paria.


"homme sans visage" "...sans image" "...sans village":

"sans visage", vous cachez votre face telle la pipistrelle;
"sans image", vous vous en prenez à la justice, qui veut montrer votre image, image qui n'est pas belle à vos yeux, vous êtes vraiment un homme de la nuit;
"sans village", vous reniez vos pères et votre culture.

Bref, vous vous complaisez à cultiver votre différence, mais pourquoi les dieux vous livreraient-ils ?


J'ai bien l'impression que vous voulez jouer les prophètes pour accéder au sacrifice suprême; en expiant pour vous, vous voulez expier pour les autres.


Au vu de ce que j'ai lu, il ne reste qu'à espérer que vous ne soyez pas un faux-prophète et que tous les crimes que vous édictez soient ceux de l'humanité et non pas les vôtres.

Ce dont je doute au vu de votre esprit tourmenté, mais non... je plaisante.

Soit ! Expiez pour nous !...

Mais par pitié, élaguez, élaguez, élaguez, ce texte est trois fois trop long.
Trop d'effets, trop sentencieux, trop grandiloquent.

Trop tout.


Malgré de belles choses, essayez de ne conserver que les belles choses.

   Lunastrelle   
24/7/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Et bien... Je me pose doucement, le temps de "digérer" ce que je viens de lire, parce que j'en ai pris plein la figure, dans le sens positif du terme... J'avais peur que le sujet soit à peine survolé, qu'il se cantonne qu'à certaines limites, à savoir "le paria=l'étranger"... Et en fait, il y a plusieurs facettes qui sont exposées, et qui "s'affrontent", et j'ai énormément apprécié cela... Même si on échappe pas à certains clichés, mais cependant... Ils sont nécessaires vu la manière dont le sujet a été abordé!
Ce texte est torturé, "haché", il ne s'étale pas cependant... C'est un vrai cri!
Merci pour cette lecture...

   LEVENARD   
25/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un souffle épique dans ce poème-récit.

Les tenants et aboutissants ne sont certes pas éclairés, mais le texte ne manque pas de richesses, de chatoiements, d'exaltations.

Il ne faut sans doute pas essayer de situer cet épisode... Bribes livrées à notre sens esthétique plus qu'à notre sens historique.

   Marite   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quel souffle Wancrys pour exprimer un mal-être. Ce texte me rappelle cette longue épopée "Chant funèbre pour Haïti"! Tu ne pourras pas taire en toi le griot qui sommeille, on le perçoit au travers de tes mots qui se bousculent.
"Je t'ai suivi, j'ai brisé les jambes de ma pérennité, et les moignons de ma culture se dessèchent, privés de leur sève nourricière." Rien ne peut survivre à une culture dessèchée Wancrys. Il est des chemins, non balisés, qui peuvent reconstruirent mais ils sont autres que ceux qui sous le couvert de l'amour annihilent et détruisent.

   Anonyme   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Onyx, saphir, chrysalide... tout ce qui brille est-il or ?
La chrysalide m'a tout d'abord semblé étrange, associée à cette pierre d'enracinement -l'onyx- et au saphir. Puis, une fois la réflexion lancée, j'ai trouvé cette phrase lourde de sens, là, au milieu de tout. L'enracinement, la chose la plus belle et le passage de la larve à l'insecte, de l'enfant à l'adulte.
Plusieurs réflexions dans ce poème, une richesse qui nécessite plusieurs degrés de lecture.

Un texte sur le déracinement, le don de soi, et l'abandon de soi, surtout. De tout ce qui fait l'unicité du "soi" et à quel point on peut vouloir se défaire de soi, aux lueurs d'un "être" paraissant plus "brillant".

J'm beaucoup les forces évocatrices, la multiplicité des sens, et la violence désabusée, presqu'enfantine, qui ponctuent ce poème. Le tout allié à un rythme assez interpellant, entre cime et gouffre.

   Flupke   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Wancyrs,

Très joli et très bien écrit.
Titre bien trouvé, ou plutôt, non, disons que le texte colle bien au titre.
Des phrases finement ciselées et diablement efficaces, ma favorite (la très « citable ») :

Quand la survie efface la vie, tel un forçat brouille sa fuite, l'âme barricadée à double tour, le souvenir s'enlise dans l'oubli. (vraiment sublime).

Bien aimé également :

des relents d'actes
dans ma mémoire élaguée
s'empoignent.

Le regard sévère de la probité, je l'ai fixé, je l'ai défié.

Qu'est-ce qui absout la souillure du plaisir pris au détriment de la vierge ?
Des heures et des heures campée dans la salle de bain à frotter, frotter les images impavides ? (Ici c'est davantage ce qui est exprimé que la manière de l'exprimer qui me plait, peut-être un petit coup de polissoir car l'idée est très bonne ?).

et dans une moindre mesure (car un peu flou de mon point de vue subjectif, mais joli quand même): Dans le vaisseau de l'illusion, à vitesse constante, j'avance, guetté par les miens, les survivants de l'hécatombe, aiguisant leur haine en me regardant sur mon promontoire.

Bref, une révolte très émouvante et bien réussie. J'ai beaucoup aimé.
Bravo.
Amicalement,

Flupke

   framato   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une écriture vive, portée par un souffle de force, des images parfois somptueuses, c'est un très beau texte que celui-là... sur un sujet difficile délicat, l'exercice est mené quasi sans faille de bout en bout...
Une lecture intéressante, qui m'a fait penser au courrant littéraire de la négritude cher à Césaire. Bravo

   Leo   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Passionnément
Ce doit être en tout et pour tout le deuxième ou troisième "exceptionnel" que je mets sur un texte. Et je l'ai bien pesé.

Ce texte m'a fait irrésistiblement penser à des pages de "Cahier d'un retour au pays natal" et au cri du même Césaire : "Je suis de la race de ceux qu'on opprime". C'est dire la qualité de ce texte, remarquablement servi par une expression et une mise en forme maîtrisées.

Mais au-delà des accents tirés du mouvement de la Négritude et de l'antillisme, et malgré les apparences, il y a de l'espoir dans ce texte. Malgré les apparences, il n'y a pas de révolte, à proprement parler. C'est juste un cri, une souffrance qui explose, un avertissement lancé dans une sorte de vide, celui de la société moderne, blanche, nantie, sûre de ses valeurs et de leur universalité. Et aussi une profonde résignation...

Défaitiste ? Non, malheureusement. Réaliste, plutôt. Et c'est bien ce qui me semble le plus dramatique, cette résignation sous-jacente, presque acceptée : "Justice, c'est tenir en laisse mes joies, renflouer ma haine, frigorifier la compassion". Il y a comme une fatalité dans cette condition, comme si l'auteur voulait nous faire comprendre que les révoltes isolées ne servent finalement pas à grand-chose, si ce n'est à remettre l'individu déraciné à sa place, "avec les chiens".

Trois "cris" ressortent de ce très beau texte, qui décrivent en négatif la condition du paria, un homme "sans visage", "sans image" et "sans village". Un être sans personnalité, sans apparence et sans racines. Un être à qui l'on a retiré tout ce qui fait l'être humain : les caractéristiques personnelles qui identifient l'individu, le regard des autres qui le fait exister, et son histoire, son passé, ses racines, qui l'assoient dans le monde et lui donnent sa place, lui tracent sa voie.

Que reste-t-il à cet être dématérialisé, dépossédé de son essence ? L'espoir qu'on lui rende justice ? La justice, pour lui, n'est qu'un espoir, une chimère, celle de "voir encenser [ses] droits". L'amour ? "L'arme sur ma tempe, trois choix échus : obéir... obéir... obéir." Il ne reste rien.

Et pourtant, il continue de chercher "entre cime et gouffre" son image, son visage et son village. "Les dieux bientôt me livreront", répété deux fois, la première suivie de trois points de suspension, comme une interrogation, et la seconde terminée par un point. Comme une certitude. Mais que livreront ces dieux ? L'auteur ne fournit aucune clé, ne donne aucune indication précise. Si tout le texte semble montrer que la révolte est latente, la résignation apparente peut aussi être un appel à la coexistence, au pardon et à l'harmonie. Pascal affirmait que "tous les hommes recherchent d'être heureux", même si les voies que chacun emprunte pour y parvenir peuvent être très différentes.

Je préfère voir dans ce dernier appel aux dieux, à tous les dieux, une note d'espoir, un dernier élan vers ce bonheur universellement souhaité, plutôt que celui de la vengeance et de la punition. Mais je suis un indécrottable optimiste...

   irisdenuit   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Wan,

Ce texte est magnifique d'intensité et de vécu....

Je peux entendre ton cri à travers tes mots, je peux ressentir de la douleur également.

Certes comme québécoise issue d'un pays qui n'a pas une longue histoire et dont le seul problème de culture est la langue, je ne peux prétendre comprendre entièrement tout ce qui se dégage de ton texte.

Merci.


Iris

   Anonyme   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
retrouver son identité, retrouver son véritable "moi", sa culture, son histoire, les siens, tout ce qui a été renié, refoulé.
l'apparence pour plaire à l'étranger, à l'autre, au détriment de ce que tu es véritablement.
c'est comme cela que j'ai compris ton poème.

j'adore ce passage, je le trouve poignant:

"Je suis un homme sans village...

tu m'as pris par la main, tu as clamé l'absurdité de mon existence. Tu as bandé mes yeux du halo de tes « connaissances » et j'ai renié
mes pères
mon âme
mes évidences.

Je t'ai suivi, j'ai brisé les jambes de ma pérennité, et les moignons de ma culture se dessèchent, privés de leur sève nourricière."

j'aime le ton, le message, un très fort ressenti. beaucoup d'intensité et de profondeur, tu m'a emmené dans ton monde intérieur, brûlant et déterminé.

   Anonyme   
6/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour wan ! On ne peut lire ce texte sans songer à Senghor et plus encore à Césaire... Le même déchirement, les mêmes interrogations auxquelles nul ne peut répondre... Un mal-être à fleur de peau qui transpire d'un bout à l'autre ! Difficile de sortir indemne de cette lecture, difficile aussi de se mettre totalement dans la peau de l'auteur, exilé volontaire mais exilé tout de même, avec en plus les différences de cultures, de couleur d'épiderme et ce que ça implique, dans un pays d'accueil bien loin de ses bases ! Pour en parler et l'écrire comme tu l'as fait il faut le vivre au quotidien... Merci pour ce cri du coeur ! Amicalement. Alex

   shanne   
9/8/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,
Très fort, un sujet délicat bien exprimé, qui nous fait réfléchir sur l'exil, qui nous parle de la souffrance avec, je dirais cette perte d'identité: Je suis un homme sans visage ...
Exil volontaire ? n'est-il pas la survie ? en tout cas au moment de ce "choix"...Se reconstruire dans un pays d'accueil n'est pas simple, faire marche arrière semble impossible, la seule solution, essayer d'avancer sans faire de bruit, je dirais , de nouveau essayer de survivre.
La seule question que l'on doit se poser: ai je fait le bon choix ? ici, je pense que grâce à ce choix, j'ai pu lire votre poème ( je me trouve un peu égoïste en notant ça )
En tout cas bravo et merci pour cette lecture


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