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2 Utilisateur(s) anonymes
Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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6320 caractères, pour ma part...
![]() J'ai dû traduire la nouvelle, intégalement, en français, pour y parvenir, d'après le 'lui même'. Je parle les deux langues. ![]()
Contribution du : 25/04/2021 12:19
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Fichtre !
Vous me faites peur, un peu, parce que c'est pas tout ça, mais une fois écrit, posté, il reste à tout lire et tout commenter ... Placébo C'est demain soir le grand jour ! Capry où êtes-vous ? Vicomte_bidon (tiret du 8) vous compterons-nous parmi nous ? Comment, ma phrase interrogative est tordue ? normal... Don. Le suspens intégral. J'ai hâte de savoir si tu es passé pour faire avancer le schmilblick ou pour chercher l'inspiration. Hersen je suis pote avec la lune, elle te fera doucement basculer devant ton écran aux alentours de 23 h au plus tard. Lulu, je crois deviner que tu n'auras pas le temps de participer, merci déjà de t'être chargée de la mise en ligne. Luz, j'aimerai bien avoir la nouvelle en vo, avec sous-titres, c'est possible ? Dugenou, pour moi ce sera la version lui, sans même.
Contribution du : 25/04/2021 12:41
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Maître Onirien
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Eclaircie, quand j'écris "c'est pas mal" je parle du nombre de caractères car déjà pour que j'arrive à 3000, j'ai eu fort à faire.
![]() Quant à une éventuelle consécration...heu...c'est déjà moins sûr ![]() Un petit smiley ? ![]() ![]() ![]()
Contribution du : 25/04/2021 13:11
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Lol, Cristale, figure-toi que j'ai bloqué à 1800 caractères, j'étais loin du compte, alors p'tits tours dans la maison, comme un lion en cage et .. miracle, non seulement les 1200 suivants sont arrivés mais il "s'en est suivi un bloc de 1000 de plus".
Quand on vient de la poésie, je trouve vraiment dur de passer à 3000 caractères dans une nouvelle. On sera deux sur le podium des jeunes espoirs, Cristale et moi. Et merci d'avoir répondu, Cristale, j'ai oublié Alfin et Gulysse qui devaient être de cette 4ème fête de la nouvelle.
Contribution du : 25/04/2021 13:21
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Oui, un petit smiley, Cristale :
![]() J'ai hâte de vous lire tous dans ce défi informel. (ne l'oublions pas) Et que les poètes passent la barrière, voilà qui renforce, s'il en était besoin, la pertinence des défis. J'espère ne rien plomber côté lecture avec mes 10 000... ![]() Je ne sais plus si c'est précisé quelque part, mais il me semblait que pour plus de clarté pour retrouver les nouvelles, les commentateurs ne pourront intervenir sur le fil qu'après 23 h 59, une fois toutes les nouvelles postées à la queue-leu-leu. Comme un recueil, en fait. C'est bô.
Contribution du : 25/04/2021 13:22
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Personne n'est Étranger sur Terre. |
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Maître Onirien
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24/01/2014 08:35 De A côté de la forêt de Saint Germain
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Je ne voyais plus ce fil.
![]() Trop bavards sur ce site. ![]()
Contribution du : 26/04/2021 12:08
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Nous sommes les acteurs Témoins d'un nouvel idéalisme Dans le théâtre extrémiste (Dirk Polak) |
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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J'ai autant le trac que si je participais à une élection de Miss
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Contribution du : 26/04/2021 18:07
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Maître Onirien
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L’adieu à Cutigliano
Maria pleurait face à la montagne encore enneigée, bébé Roberto dans ses bras. Le mois d’avril fleurissait les vallons tout autour de Cutigliano ; les odeurs de la vie, les odeurs du bonheur. Elle était née en 1907 dans une petite ferme, non loin du bourg. Elle avait vécu les peines et les joies de sa jeunesse dans cette belle nature, puis avait rencontré Giuseppe Zanieri, son amour au regard si tendre, mais dont les yeux se fendaient de lames étincelantes devant toute injustice — Giuseppe, son amour aux larges épaules, au trop fort, trop franc-parler pour les « Chemises noires » qui faisaient la loi désormais dans toute l’Italie et jusque dans les montagnes du nord de la Toscane. – Ma… piangi, mamma ? (1) – No, tesuro, no Roberto, è il freddo… (2) Cutigliano, accroché à flanc de coteau, resplendissait au soleil frais du matin. Les hirondelles de cheminée virevoltaient dans le ciel clair, lançant leurs petits cris aigus. Maria pressentait qu’elle ne reverrait jamais le village de son enfance, contrairement aux gais oiseaux bleus ; dans une heure, ils partiraient pour la France. La mule et sa charrette les attendaient devant la barrière du jardinet ; leur pauvre maisonnette de location paraissait bien triste à l’arrière des platanes de la route. Un cousin de Maria, Léandro, allait les conduire à Pistoia d’où ils débuteraient leur très long voyage en train. Dans trois jours, sauf imprévu, ils embrasseraient Emilio Galardi, ami d’enfance de Giuseppe, à la gare de Guéret, en Creuse. Ils habiteraient dans une baraque en planches goudronnées. « C’est petit, mais confortable, avec un poêle et un peu de terrain tout autour pour les légumes », avait assuré Emilio. Dès le lendemain de leur arrivée, Giuseppe monterait à pied vers la carrière de granite de Maupuy — « le Mauvais mont » —, à huit kilomètres du coron de bois. Le dernier courrier d’Emilio les avait encouragés à le rejoindre. Dans cette usine à ciel ouvert, plus de cent Italiens extrayaient la pierre bleue, la taillaient, la transportaient. Le travail était harassant, mais le salaire assuré. « Si les rues de Paris sont belles, vous savez, c’est grâce à nos tonnes de pavés et de bordures de trottoir ! », avait souligné deux fois Emilio dans sa lettre. Une grande solidarité existait entre les ouvriers qui s’entraidaient du mieux qu’ils le pouvaient, quelles que soient les nationalités. En plus, le patois des Creusois s’apparentait un peu au dialecte pratiqué dans les environs de Cutigliano, ce qui facilitait énormément les contacts au bout de quelques jours d’apprentissage. Quitte à partir, à fuir le fascisme, autant aller rejoindre Emilio, avait décidé le couple. Giuseppe louait ses bras, pour un salaire de misère, dans les fermes de la vallée ou, par intermittence, intégrait une équipe de production de charbon de bois. Lorsqu’il ne trouvait pas de travail, il fabriquait des sabots et des chaises au fond de leur hangar. Maria lavait le linge de quelques bourgeois à la fontaine aux jasmins ; le petit Roberto sur son dos ou confié aux bons soins de sa grand-mère. Souvent, l’hiver, elle devait casser la glace du bassin au rebord en pierres noires et glissantes ; ses mains demeuraient crevassées jusqu’au début de l’été. Maria et Giuseppe savaient que les conditions de travail ne pouvaient pas être plus pénibles en France, sinon Emilio les aurait avertis. Ils n’emportaient que trois valises en carton sanglées à l’aide d’un ceinturon : principalement des habits, quelques petits jouets de Roberto, la cafetière de Maria, des broderies et, pour Emilio, des gâteaux et une bouteille de Chianti. Mais ils garderaient, tout au fond de leur cœur, les souvenirs, l’empreinte de leur terre natale ; et c’était bien cela qui pèserait le plus lourd durant le voyage. Ils avaient donné, à qui voulaient, les quelques biens de la maison : de pauvres meubles, des affaires de cuisine, du linge… ; ces choses qu’ils avaient eux-mêmes reçues en cadeau ou fabriquées ; ces riens, pourtant essentiels, qui allaient et venaient dans la famille ou entre amis, au gré de la vie. Le besoin ou la simple fraternité appelait le partage, jusqu’aux quartiers de l’orange de Noël. Un autre partage les attendait au Maupuy ; Emilio n’en avait même pas parlé, tant cela semblait évident. Le plus déchirant avait été la séparation d’avec leur chien, le brave Icaro. Léandro l’avait accueilli au prétexte qu’il pourrait surveiller sa douzaine de chèvres ; et puis, il avait été dressé à flairer de loin les « Chemises noires »… Toute la famille s’est rassemblée pour l’au revoir — pour l’adieu peut-être — à Maria, Giuseppe et Roberto ; des embrassades interminables, des pleurs, mais aussi cet espoir d’une vie meilleure pour ces trois-là. Maria et Giuseppe se sont retournés pour un dernier geste de la main vers leurs parents, leurs proches et Cutigliano. Les bois de hêtres et de châtaigniers semblaient les accompagner en penchant leurs ombres vers eux. Ils longeaient la rivière au bord de laquelle ils s’étaient déclaré leur amour, un autre avril en fleurs que le temps n’effacerait jamais. Des eaux semblables les accueilleraient au cours de leur voyage, puis en Limousin, mais, pour eux deux, ce ne serait plus jamais la même eau. Leur petit garçon, assis sur un coussin à l’avant de la charrette, retrouvait peu à peu son éternel sourire, puis son rire à chaque grosse secousse dans une ornière, provoquant un juron proféré sur un ton comique par Léandro. Pour Roberto, qui n’avait que deux ans, la vie ne faisait que commencer ; il partait vers son pays. (1) – Ma… pleures, maman ? (2) – Non, mon bébé, non Roberto, c’est le froid…
Contribution du : 26/04/2021 20:15
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Chevalier d'Oniris
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19/02/2021 09:01 De La Terre
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LA VAGUE
La plage. Lamia aime venir s'y promener le matin tôt. Elle s'échappe de la maison quand tout le monde dort, et elle court jusqu'à l'eau. De là, elle contemple la mer, mais surtout la ligne de séparation entre le ciel et la mer. Ses yeux sondent l'horizon, et parfois elle est certaine d'apercevoir, là-bas, dans le lointain, les terres d'Espagne. C'est la première chose à laquelle elle pense, au réveil. C'est peut-être même cela qui la réveille si tôt. L'Espagne. Marta, sa jeune voisine, lui en a tellement parlé, de son pays, et de sa ville, Grenade, qu'elle peut se les représenter. Pourtant, Lamia a entendu qu'il y avait la guerre maintenant, une guerre civile. Ce pays dont elle a tant rêvé est à feu et à sang. Mais quand elle sera grande, la guerre sera terminée et elle pourra aller vivre là-bas. Ici, il n'y a rien à faire. Et les garçons sont bêtes. Alors que Marco, le garçon qui habite en bas de la rue, il est si beau et intelligent. Parfois, quand ils se croisent dans la rue, il lui fait un clin d'oeil. Personne ne le remarque, sauf elle. Mais il est très grand, beaucoup plus grand qu'elle, et il a une fiancée. Alors elle se dit qu'il y a peut-être d'autres garçons comme Marco, là-bas. Les vagues se posent avec délicatesse sur le sable doux, comme pour le recouvrir. On dirait un vêtement qui viendrait l'habiller. Le bruit lui ressemble d'ailleurs, un froissement de tissu... Les pieds nus de la jeune fille caressent le sol ; elle approche lentement de l'eau, pas à pas... pose le droit en premier sur la marque plus sombre laissée par l'eau. Une vague vient le chatouiller. C'est agréable. Le pied gauche rejoint son compère : pas de jaloux ! L'eau vient abreuver les pieds secs de Lamia. Elle a la sensation de boire par les orteils. Comme un arbre dont les racines vont chercher l'eau dans la terre... Mais voilà qu'un vent fort se met à souffler. L'eau s'agite, les vagues deviennent plus hautes et le ciel se couvre. Lamia fait quelques pas en arrière, mais l'eau monte plus vite qu'elle ne recule. Maintenant elle a de l'eau jusqu'aux genoux. Le vent lui fouette le visage ; partout des éclairs illuminent le ciel sombre. C'est fascinant, malgré tout. Malgré la peur et la certitude qu'elle va être emportée. En Espagne ? Ou au fond de la mer ? Et la voilà, la grande vague. De loin, elle n'a pas l'air si effrayante, mais à mesure qu'elle approche, elle semble monter de plus en plus haut. Toujours plus haut. Et la voilà qui touche le ciel, prête à engloutir la jeune fille. Lamia pense à ses parents et à son pays avant de disparaître. Ne fait-elle pas une erreur ? Mais elle n'a plus vraiment le choix... Les draps moites lui collent à la peau, dans la pénombre de l'aube. A côté d'elle, Marcel ronfle tout son soûl, tourné vers le mur. Elle se redresse sans bruit. Sa hanche droite émet un souvenir lancinant. Hier soir ? Ah, oui… la pommette brûle, également. Un nouveau coup d'œil inquiet à Marcel. Va-t-il se réveiller ? Elle écarte prudemment les draps et se lève. Dans la rue qui passe sous la fenêtre, une voix féminine : - Hé, peuchère, on va encore mourir de chaud aujourd'hui ! Une odeur de moisi lui pique les narines lorsqu'elle pénètre dans la salle d'eau. Quelques blattes courent se cacher. Dans le miroir, elle observe son visage, où les rides commencent à s'installer… les caresse de ses doigts longs… frôle la contusion sur la pommette rougie… esquisse un sourire, mais la femme dans la glace ne le lui rend pas… Le robinet grince, et l'eau se met à couler par à-coups. Elle ôte sa chemise de nuit, pose un pied sur le sol froid de la douche… entre entièrement, puis ferme les yeux… L’eau recouvre son visage d'un voile fin. L'image de la vague immense lui revient. Qu'y a-t-il au fond de la mer ?
Contribution du : 26/04/2021 20:40
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Sur le plus haut trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul. Montaigne |
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Re : Défi de nouvelles n°4 : Le partage... |
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Organiris
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NAKATA
J’ai attendu longtemps sur un quai, perdant la notion de tout sauf de la soif. Le train enfin est arrivé et la foule s’y est engouffrée. J’ai joué des coudes autant que j’ai pu, mon mètre quatre-vingt-dix m’ayant aidé à produire un effet dissuasif. J’ai trouvé ma place, un peu par hasard je dois dire, et me suis installé, mon sac à dos à mes pieds. J’étais placé côté vitre, ce qui me convenait car je savais que nous allions traverser des contrées éblouissantes. Il est arrivé, sautillant, si frêle qu’on aurait pu le prendre pour un enfant. Il s’est installé à côté de moi. Il m’a regardé, puis m’a parlé longuement. Un langage dont je ne comprenais pas un traître mot. Ce n’était pas de l’espagnol, mais il ne me semblait pas non plus que ce fût du quechua ou de l’aymara. Je pensais à un dialecte de tribu vivant dans la forêt profonde. Il continuait de babiller quand arriva un couple, petits chapeaux sur les têtes, jupes larges et châle pour la femme, poncho de laine tissée pour l’homme. Et, surtout, l’air pas content du tout. Ils voulaient expulser le petit homme bavard. Ils devenaient assez agressifs et commencèrent à le bousculer pour qu’il libère la place. Assez agacé, je leur demandai en espagnol si c’était leur place, puisqu’ils étaient deux et qu’il n’y en avait qu’une. Ils m’ignorèrent et continuèrent à insulter mon voisin de siège et à lui infliger des petites claques sur les épaules et le torse. Je me levai pour tenter de parlementer, un peu choqué de leur attitude. Le petit homme en profita pour se faufiler immédiatement à ma place, à l’abri entre ma stature et la vitre. Je m’assis sur le siège vacant côté couloir, ce qui sembla dissuader le couple de continuer leur harcèlement. Ils s’installèrent sur leurs ballots qu’ils avaient posés sur le sol, me tournant le dos. Le train éructa, souffla, bougea un peu. Puis fit une pause, souffla, éructa encore, et doucement sembla quitter la gare. Mon voisin babillait, et je commençai à regretter de l’avoir protégé, surtout qu’il avait une odeur plutôt forte. Le voyage serait long, sans doute. Je sortis le livre qui m’accompagnait quasiment à chaque voyage, Kafka sur le rivage, et m’y plongeai. Mon voisin maintenant se taisait, peut-être même était-il endormi. Le contrôleur, on le devinait à une casquette qui s’efforçait de paraître officielle, se planta à ma hauteur. Machinalement, je sortis mon titre de transport, un morceau de papier un peu froissé. L’homme fit son travail, il contrôla. Tout était en ordre et, me rendant mon billet, s’adressa à l’occupant du siège voisin. Avant que je n’aie pu réagir, celui-ci s’empara de mon livre, en arracha vivement une page qu’il tendit au contrôleur. J’en fus sidéré. L’abruti avait déchiré une page de mon livre ! Le contrôleur se fâcha, et jeta la feuille par terre. De mieux en mieux ! Le voyageur de nature si loquace ne disait plus rien. L’évidence se lisait sur son visage. Soupirant, je demandai au contrôleur, Combien ? Il se mit alors à additionner tout un tas de raisons, des grosses et des petites, pour enfin lâcher son prix, qui sûrement n’avait rien de commun avec celui de la compagnie ferroviaire. Je payai cependant, en dollars à son grand contentement, un peu fatigué de tout ce pataquès, et peut-être aussi parce que je m’étais pris non pas d’une affection pour mon compagnon, mais d’une curiosité. D’ailleurs, il se pencha pour ramasser la feuille. Je pensais qu’il allait me la rendre. Mais il la plia soigneusement en quatre et la mit dans la ceinture de son pantalon. Le train poursuivait sa route de fer découpée dans la montagne et la forêt. Le temps passait, lentement, et mon protégé avait posé sa tête contre moi. Il dormait. Il était si fluet ! Il semblait ne rien peser, n’être qu’un souffle dans ce train, étranger à tout ce qui se passait. Ses cheveux un peu longs, noirs et lisses, lui cachaient une partie des yeux, ses mains étaient sales. Son pantalon, une pièce de tissu grossièrement rapiécée, était ficelée à sa taille par une fine cordelette végétale (d’où dépassait maintenant ma page) ; il n’avait aucun bagage. Plongé dans ma lecture, je n’ai pas senti tout de suite que le train ralentissait. Il souffla, éructa de nouveau, puis dans un long gémissement décida que ça suffisait pour le moment : il s’arrêta. Aussitôt, ce fut l’effervescence dans le wagon, les voyageurs se précipitèrent vers les portes, et portant leurs ballots, beaucoup se fondirent dans la selva. Cela m’étonna, avaient-ils où aller , étaient-ils proches de leur destination ? Les pannes étaient-elles si courantes ? Il restait encore malgré tout un nombre de personnes important ; ils commençaient à gravir un talus, au sommet duquel je découvris une route, peu large et sinueuse. Mon nouvel ami était collé à moi, toujours aussi bavard, alors que j’avais au contraire le souffle coupé de ma grimpette de ce talus très raide. Des petits groupes s’installaient, par famille ou affinité, et je fis équipe avec mon compagnon, le plus naturellement du monde. J’avais faim, la nuit allait bientôt tomber. Je pense qu’il a compris mon embarras de se retrouver ainsi au bord de la route. Avec force gestes, il pointa son doigt sur le soleil occupé pour l’heure à se coucher, puis fit un grand demi-cercle avec son bras, le dirigeant vers l’est, pour enfin empoigner un volant imaginaire qu’il se mit à secouer dans un sens, puis dans l’autre, le tout accompagné d’explications volubiles inopérantes : demain matin passerait un autobus. Il me fallait donc, comme eux tous, m’installer pour la nuit. Il commençait à faire diablement froid et je me réjouis d’avoir un bon duvet. Je sortis du fond de mon sac un paquet de bananes séchées, intendance d’urgence incontournable à tous mes voyages. J’en mangeai deux, après en avoir offert autant à mon compagnon, qui n’en fit que deux bouchées. Je déroulai mon sac de couchage, en me demandant ce que je pouvais prêter à ce voyageur quasi-nu qui allait devoir affronter le froid. J’avais peu de choses, voyageant léger, mais il enfila deux de mes tee-shirts qui lui arrivèrent presque aux pieds ; puis je dépliai une couverture de survie et je lui expliquai comment s’enrouler dedans. Je me rappelai que dans une des Pataugas dansant au bout de leurs lacets à l’arrière du sac à dos, je mettais toujours en boule une paire de chaussettes. Il enfila avec application ces protections rouges tissées pour du 46. Elles lui arrivaient aux genoux. La nuit était noire. Nous nous endormîmes. Il me réveilla au petit jour, me désignant ses oreilles. Un bruit enflait. Le bus ! Tous les voyageurs avaient empaqueté leurs richesses à la hâte et s’étaient massés au bord de la route. Le véhicule arriva enfin en haut de la côte, peinant de tous ses boulons. Il était déjà plein. Les gens alors se mirent au milieu de la route, dans un vacarme vociférant, pour forcer le bus à s’arrêter ; et c’est quand il fut obligé de ralentir suffisamment que mon compagnon, de nous deux devenu le décideur, attrapa mon sac dans lequel j’avais rangé notre matériel de nuit et courut non pas à l’avant, vers la porte, mais à l’arrière. Il escalada en un éclair l’échelle menant au toit, où s’empilaient les bagages. Il me cria quelque chose, et je me précipitai à mon tour. Hélas, après avoir empoigné les montants de l’échelle, et escaladé trois degrés, le quatrième, vaincu par la rouille et mon poids, cassa net. Je tombais durement sur la route tandis que le bus s’enfuyait, emportant les voyageurs tassés à l’intérieur. Un instant, je me suis vu là, sans sac à dos, sans personne. Le nuage de poussière me mettait les larmes aux yeux, pensais-je ; je réalisai la nudité qu’un voyage pouvait revêtir, je réalisai le mot « seul ». Je fixais toujours le nuage ; j’y vis soudain un remous, puis un autre. Quand la poussière se déposa, il était là, devant moi, portant un sac bien trop lourd pour lui. Ça m’est venu tout seul, je l’ai pris dans mes bras et on a dansé, ses pieds ne touchaient pas le sol, il riait, je riais. Il était le Nakata de mon histoire, mon Nakata à moi. On a attendu encore, on a fini les bananes séchées, il est allé chercher de l’eau à une source, puis il a tendu l’oreille. Un camion approchait. On a crié, fait de grands gestes, et le Dodge antédiluvien s’est arrêté. Nous sommes montés dans la benne, après négociations. Tous les deux assis dans ce véhicule cahotant, il m’a raconté sa vie, il m’a raconté Nakata. J’ai tout compris sauf les mots. À un moment, il a tapé sur le toit de la cabine et le chauffeur s’est arrêté. Il est descendu, m’a fait signe et a tourné le dos, allant vers son chemin de sa démarche sautillante. Ce fut un coup de massue. Je n’étais pas prêt à le quitter, mais surtout, je n’étais pas prêt à ce qu’il me quitte. Je l’ai appelé, j’ai dit au chauffeur d’attendre un peu, avec quelques dollars bien verts il a accepté, et j’ai fouillé dans mon sac. Je l’ai appelé, n’osant quitter le camion de peur qu’il s’en aille. Mon appel devait sonner douloureusement, car il est revenu ; il m’a souri. J’avais à la main la paire de chaussettes rouges. Je la lui ai offerte. Il l’a prise, m’a parlé, me remerciant ai-je supposé. Il a porté ce cadeau jusqu’à son cœur. Puis il a fait un geste, sa main qui allait de lui, de sa poitrine, à moi, à la mienne. Il voulait me faire un cadeau. Il a séparé la paire et à son tour, il m’a offert un cadeau. Une chaussette rouge. Puis il s’est enfoncé dans sa maison, dans sa forêt, avec à la main une chaussette rouge et à la ceinture la page 135-136 de Kafka sur le rivage, tandis que le camion redémarrait. <center>***</center> Je relis de temps en temps Kafka sur le rivage. La page sur laquelle je m’arrête le plus est blanc cassé, vierge, collée avec du scotch au débris resté attaché à la reliure tout du long. J’ai mis beaucoup de persévérance pour trouver le même papier et beaucoup d’application pour le joindre à l’ouvrage. Je n’en finis pas de lire « sa » page.
Contribution du : 26/04/2021 20:52
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