Bonsoir Cat, je suis ennuyée il me semble comprendre dans votre réponse à Pepito que vous n'êtes pas directement l'héroïne de cette histoire:

Citation :

Là n'est pas l'idée de ce fil. Peut-être pourriez-vous relire le post 1 qui en donne l'esprit.

Merci :)

@ Ora : une histoire vraie vécue par soit même... pour de vrai ?! Peut-il exister keke chose de plus ennuyant ?
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne crois pas en Dieu. Qui serait assez sadique pour infliger à une entité (même imaginaire) le supplice d'observer tous les jours la morne vie de 7 milliards de péquins ?


@ Cat : ça c'est pas bien, faut raconter une histoire vécue par toi même... m'enfin, quoi, quoi quoi !!!

Allez, pour me faire pardonner d'Ora, de Cat et même de Perle-Hingaut :

Sortie du samedi soir

Emmitouflés jusqu’aux narines, les quidams s’étirent en deux queues parallèles à travers le trottoir de la place Wilson. Au bout d’une file, avec mon pote Zog, nous patientons en profitant du spectacle que nous offre Jojo le S’dèfe.

Jojo a trouvé, dans ces deux lignes de péquins, le plan idéal pour se faire du blé. En train de se geler dans l’attente de gagner notre place au cinoche, nous ne pouvons ni nous échapper, ni feindre de ne pas avoir une petite pièce ou deux. C’est réglé comme du papier à tube de l’été.

- B’soir m’ssieurs dames ! Fait pas chaud, hein, un temps à pas mettre un s’dèfe dehors… Z’auriez pas une petite pièce ou deux pour m’dépanner ?

Seuls les plus bégueules osent résister à la demande de cette tronche burinée, cette voix de basse rocailleuse et ce sourire malicieux. Les plus bégueules ou les plus jolies. Dans l’autre file, un peu en amont, deux mignonnes ronchonnent en s’encourageant mutuellement à ne pas céder au racket du clodo. Toutes mimies dans leurs habits de sortie, les deux pin-ups attendent leur tour de taxe en regardant fixement ailleurs… Mais Jojo en a vu bien d’autres. Il s’approche des deux filles et, toujours sur le même ton, démarre son laïus.

- B’soir mes d’moiselles ! Ça vous direz pas… ce soir… de coucher toutes les deux avec moi ?

Fraction de seconde, puis éclat de rire général dans les deux files d’attente. Le temps pour Jojo de contourner les deux nanas rouges comme des cerises, et de continuer sa quête initiatique.

- B’soir m’ssieurs dames ! Fait pas chaud, hein, un temps à pas mettre un s’dèfe dehors… Z’auriez pas une petite pièce ou deux pour m’dépanner ?

Inutile de dire que les portemonnaies s’ouvrent plus spontanément que jamais…

(la suite au prochain N° (si vous voulez bien ;=) sinon j'vais exploser le compteur de signes dans un post...

Citation :

Pour moi, dans cet extrait, le personnage principal, c'est Jojo...

@ Pépito. Of Corse la suite! Je suis à fond :)
Je te vois tour à tour dans le S'dèfe, la blonde (lol!) ou le gars qui observe tout ça de la file d'à côté!
J'ai hâte de connaître la suite :)

Ralala, je suis vraiment désolée de te savoir ennuyée à cause de moi, Ora.

Mais faut pas, tu sais !

D’abord parce que nous sommes sur un forum cool, où rien de ce qui peut arriver n’est vraiment dramatique, ensuite, et ce certainement parce que je lis couramment depuis l’âge de cinq ans, j’ai une fâcheuse tendance à penser que tout le monde arrive à saisir la subtilité qui se glisse souvent entre mes mots.

Mais oui, Ora, bien sûr que je respecte toujours les règles d’usage ! Elsa, mon amie, ma copine, c’est seulement un nom d’emprunt pour ma fiction.

Dis, tu ne serais pas un peu instit dans la vraie vie, toi ?


Alors comme ça, c’était toi Jojo le s’dèfe, Pepito ?

C'est vrai qu'elles existent toujours les files d’attente place Wilson ?

Bon, allez, lâches-toi ! Il me tarde trop de connaître la suite de ton histoire.

L'inspection.

Lorsque j'étais pensionnaire dans un collège d'une petite ville de province, de temps à autre, nos professeurs recevaient la visite d'un inspecteur qui était censé évaluer leur pédagogie, leurs compétences, leur capacité à gérer une classe.

Ce jour-là, j'ai bien senti que notre prof de sciences naturelles semblait nerveuse, concentrée, presque fébrile, ajustant pour la énième fois l'objectif du microscope, parcourant d'un regard oblique les pages du cahier de texte de la classe, noircies de toutes les activités : leçons, exercices, expériences...

Il est entré, ce monsieur sec et noueux comme un sarment de vigne, le torse vissé aux jambes par un invisible clou qui le rendait rigide, caparaçonné. Sa démarche saccadée faisait de lui une sorte d'être désincarné. Il m'a semblé, quand il est monté sur l'estrade, entendre le cliquetis des articulations de ses membres inférieurs.
Je m'attendais à ce qu'il nous dise bonjour en séparant les syllabes comme le ferait une voix venue d'outre-tombe : bon-jour, as-se-yez-vous ! Rien de tout cela ! Il était pire que ce que je croyais ! Il est resté muet, impassible, scrutant de son œil de saurien la classe tétanisée. La prof l'était tout autant que nous et je me souviens n'avoir rien écouté du cours tant j'étais préoccupée de devoir aller chercher du secours pour la réanimer d'un évanouissement subit.

Tout à coup, d'une main comme offerte au sacrifice, notre professeur a invité l'inspecteur à observer, à travers l'objectif du microscope, la préparation composée de spores de boletus satanas. Le scrutateur a approché son œil vert d'huître près de l'appareil. Le geste rapide, un peu trop peut-être, m'a rappelé celui d'un amphibien dont la langue avide happe mouches, coléoptères et autres insectes vulnérables.
C'est alors que le prédateur, pardon, l'inspecteur, s'est pris la lunette en plein dans son oeil rond et fixe. Clac ! Le microscope a basculé des épaules, terrassé par cette attaque inopinée, brisé en deux sur les pavés de la salle du laboratoire.

Les élèves n'ont pipé mot. Le silence était à couper au couteau. Seul Dieu pouvait entendre de l'intérieur des crânes, ce gigantesque éclat de rire dont le silence assourdissant fait encore trembler les murs de l'antique pensionnat.

@ Cat : des siècles que j'ai pas mis les pieds place Wilson. J'espère pour les descendants de Jojo, que les files existent toujours. ;=)

@ Ora : en fait... je suis la place Wilson !!!!

Allez, c'est (re)parti :

Sortie du samedi soir (suite)

...
Tout en se marrant, Zog pose la question rituelle.

- Au fait, qu’est-ce qu’on va voir ?
- Ah ouais, c’est vrai. Qu’est-ce qu’y a ce soir ?
- Ben, j’sais pas, moi.
- Continue de faire la queue, j’vais voir.

Je remonte entre les deux files jusqu’au tableau d’affichage. Cela peut paraitre curieux, mais nous allons si souvent au cinoche, que la plupart du temps nous choisissions le film au dernier moment et, aussi, un poil au hasard. Cela nous a permis de voir quelques merveilles venues d’ailleurs… et une quantité phé-no-mé-nale de navets !

Je suis plongé dans les dernières sorties, concentré sur les synopsis, quand retentit derrière moi un long et puissant grondement. Pour la musique, cela ressemble à peu près au cri de Tarzan poussé par un Pavarotti gargarisé au gravier. Pour les paroles, c’est sans contexte, mon prénom et mon nom :

- Pepitoaooo Reeeeshkkkkk !

Je fais un tel bond de surprise, accompagné d’un demi-tour si éloquent, que plus personne dans les deux files n’ignore que c’est moi qui vient d’être ainsi apostrophé. Le temps de capter les dizaines de faces hilares en train de me dévisager et j’aperçois, en plein milieu du trottoir, mains sur les hanches et banane aux lèvres, mon Jojo tout content de son effet. A son coté, tellement secoué de rire qu’il a du mal à garder l’équilibre, le Zog se marre comme une baleine.

Pendant que j’avais le dos tourné, Jojo le clodo est venu le taxer. L’autre infâme, sans se démonter, lui a répondu.

- Moi j’ai rien, mais mon pote là-bas, il est plein aux as.
- Haaa, et comment ki s’appelle, ton pote ?

Vous connaissez la suite…

On a donné, mais moins que le prix de deux places de cinéma. Pourtant, Jojo avait été bien meilleur que le film que nous sommes allé voir ensuite…

@Pépito !

Un régal ce récit Pépito! Tu excelles également dans l'écriture des textes humoristiques. Sans te forcer. Tu mêles avec naturel des mots de niveaux de langue contrastés : familiers ou soutenus, comme une hésitation perpétuelle entre le bon français des beaux quartiers et les expressions imagées plus "banlieusardes" ! Le narrateur est aussi attachant que Jojo le claudo !
J'ai adoré !
Au fait, pourquoi le pronom personnel si impersonnel "on" puisque c'est toi et toi seul qui es concerné dans "On a donné"...
Comme dirait Ora et elle me comprendra : "On" ! Qui ça ?

@ Cat: ah ok! Non non je ne sus pas institutrice :)

@ Annick: en parlant d'inscrit justement. Terrible ce passage de l'inspecteur-prédateur dans la classe! merci

@ Pépito: finalement l'ambiance était autant devant le cinoche de dedans! :)

LA MAISON


"Cette maison, tu l'as choisie pour toi, uniquement pour toi." J'ai haussé les épaules. Qu'aurais-je pu répondre ? Tu avais raison bien sûr.

Nous nous sommes séparés juste avant l'emménagement. Je me sentais soudain si libre ! Je ne pensais plus à toi, l'esprit occupé par l'avancée des travaux, le choix du carrelage de la cuisine, les peintures dans les chambres...

J'ai adopté ce chiot dont tu ne voulais pas. "J'adore les chiens, tu le sais, mais qu'en ferons-nous en voyage ?" Nous voyagions si peu... J'ai choisi les fleurs du jardin, taillé les massifs, planté ce pied de lilas bleu qui me venait de ma mère, arraché la rhubarbe que j'ai toujours détestée. Et le temps a passé. J'ai changé de voiture, de métier, d'amis aussi, j'ai fait quelques rencontres qui ne sont pas restées. Et le temps a passé...

Couché contre mes pieds, Malone gémit brièvement, perdu dans je ne sais quel rêve héroïque. Je lui murmure quelques mots sans suite. Par la fenêtre du salon, j'observe un rouge-gorge qui sautille sur les bras nus du lilas. Tout est si calme, si paisible en ce début d'automne. Je souris machinalement. Soudain, le plancher craque à l'étage. Un mulot peut-être ? Je lève les yeux vers la cage d'escalier, mon regard s'arrête sur la reproduction d'un tableau de Hopper que tu m'avais offerte et que j'ai conservée. J'ai toujours aimé cette femme seule et songeuse devant sa tasse de café. Malgré moi, je pense à toi dans cette maison où tu n'as jamais vécu mais qui pourtant, au fil des années, s'est tout emplie de ton absence.