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L'histoire de Brigitte et celle de Jean-Luc
NICOLE : L'histoire de Brigitte et celle de Jean-Luc  -  L'histoire de Brigitte - Chapitre 12
 Publié le 07/10/09  -  7 commentaires  -  7443 caractères  -  75 lectures    Autres publications du même auteur

Un soir où j’étais seule à la maison, Isa et Alice ont appelé, totalement surexcitées toutes les deux. Elles venaient enfin de signer le compromis de vente pour la maison, et Alice allait pouvoir donner son congé pour son appartement et emménager avec Isa.


- Alice s’il te plaît, garde cet appartement, je vais l’occuper et te le sous-louer, si tu veux bien.


J’ai dit ça spontanément, sans avoir eu le temps d’y penser avant. J’ai pris ma décision quasiment en m’entendant lui demander l’appartement. Mon projet, on l’a construit à trois pendant les deux heures qu’a duré la communication.


Le déménagement d’Alice étant prévu pour dans quinze jours, mon arrivée a été fixée à la semaine d’après. Dans trois semaines, je m’en irai donc, je ne sais pas pour combien de temps. Je ne sais pas si je pourrai revenir par la suite, ni si je le souhaiterai encore, mais la décision que j’ai prise me semble être la bonne.

Après avoir raccroché, je suis restée longtemps assise dans la nuit qui commençait à tomber, à regarder ce salon comme si je le voyais pour la première fois. Je sais depuis le jour où j’ai décidé d’avoir ce bébé qu’il faudra partir, mais ça n’en est pas plus facile pour autant.


Jean-Luc m’a trouvée assise là en rentrant.


- J’ai essayé d’appeler pour te dire que j’étais en retard mais le téléphone doit être mal raccroché. Qu’est-ce que tu fais dans le noir ? Tu es fatiguée ma chérie ?


Sa gentillesse et sa sollicitude, infatigables, qui me font tellement mal, précisément ce soir.


J’ai beau me répéter que ça n’est peut-être qu’une séparation temporaire, je n’en suis pas si sûre. Si je dois le perdre, ça sera très cher payé, moi seule peut savoir à quel point, mais malgré toute ma peine, je suis certaine de ne pas regretter mon choix, pour la bonne raison je n’aurais pas pu en faire un autre.


Financièrement, il n’y aura pas de problème. J’ai suffisamment d’argent de côté pour faire face aux frais liés à la naissance du bébé. Par la suite, Isa me fournira des missions d’intérim aussi longtemps que ça sera nécessaire.


Des cinq lettres qu’il m’a fallu écrire durant cette période, celle destinée à mon employeur a été la plus facile à écrire : une banale lettre de démission, assortie d’excuses concernant la période de préavis que je n’effectuerai pas.

J’en ai écrit une à Isa, pour qu’elle puisse la présenter à Jean-Luc s’il venait à lui poser des questions gênantes.

Celle que j’ai faite pour mes parents ressemble à celle destinée à ma sœur et à sa famille. J’essaie surtout de les rassurer autant qu’il est possible de le faire. Sans dire où je vais, pour combien de temps, ni pourquoi je pars, ça reste quand même un exercice assez compliqué.


Je m’applique surtout à les convaincre que c’est ma décision, que je l’ai prise après y avoir mûrement réfléchi, et que j’attends d’eux qu’ils respectent mon choix.

Je leur dis que je vais bien, que je donnerai des nouvelles de temps en temps, et qu’il s’agit seulement d’une séparation de quelques mois.


De la lettre destinée à Jean-Luc, il existe quantité de versions différentes. J’en ai écrit une chaque jour, certains jours davantage. Qu’est-ce qu’on écrit à un homme qu’on quitte quand on a rien à lui reprocher d’autre que d’être resté égal à lui même ?

Je m’en vais parce que moi j’ai changé, parce que je ne suis plus celle qu’il a rencontrée il y a onze ans. Je m’en vais parce que ce que je veux aujourd’hui, il ne peut pas me le donner. Je m’en vais parce qu’on n’a qu’une vie et que les sacrifices qu’on fait pour les autres, on finit toujours par les leur faire payer.

Je m’en vais enfin, parce que je ne peux plus imaginer me glisser à nouveau dans ma vie d’avant le bébé.


J’ai jeté toutes les lettres que je lui ai écrites avant celle que j’ai postée avec les quatre autres avant de quitter Paris. La version de la lettre que j’ai finalement retenue n’est pas meilleure que les autres : rien de ce que j’aurais pu dire ou écrire ne pourra faire qu’il me comprenne.

Il me faudra m’accommoder de ça aussi.


Auparavant, lorsqu’il était question dans les médias de gens qui décidaient de disparaître volontairement, j’éprouvais une forme de fascination un peu morbide.

C’est un peu comme entretenir un fantasme, c’est excitant de jouer avec l’idée, mais vous ne souhaitez pas pour autant que ça vous arrive un jour.

Je pensais que ces gens qui passaient à l’acte avaient besoin pour le faire d’un immense courage, allié à une forme d’égoïsme dont je ne me pensais pas capable. Tirer un trait sur toute leur vie d’avant, jeter la feuille, et tout recommencer sur une page complètement blanche, voilà qui forçait l’imagination.

Je me trompais, ça n’a aucun rapport avec le courage ou l’égocentrisme. Ça se produit seulement lorsque votre vie vous conduit dans une impasse, et que vous n’avez plus d’autre choix que de sauter à pieds joints dans une autre vie.


Le jour du départ, je dis au revoir à Jean-Luc comme tous les jours, sauf que lorsqu’il part à la clinique, je fais ma valise en attendant qu’Isa vienne me chercher. Le siège de la société de travail temporaire qui l’emploie est à Paris, et hier soir elle dînait encore chez nous comme elle le fait chaque fois qu’elle s’y rend. À la seule différence que cette fois-ci, elle ne repartira pas seule.

Ce matin, j’ai appelé le bureau en disant que j’étais malade et que j’attendais le médecin, ils recevront ma lettre avant d’avoir eu le temps de s’inquiéter.

Ce soir, Jean-Luc quitte la clinique pour partir directement à Tours où il a obtenu d’assister à une opération pratiquée sur un homme qui a eu la mauvaise fortune de survivre à l’incendie de son pavillon. En rentrant, il trouvera dans la boîte ma lettre postée depuis Paris. Je sais que c’est lui qui la trouvera, puisqu’il est le seul avec moi à avoir la clef de la boîte aux lettres sur son trousseau.

Gérôme a décidé de revendre sa toute récente expérience professionnelle à une autre régie publicitaire. Il s’est rendu ce matin à une session de recrutement qui s’étale sur deux jours. Il sera de retour à la maison pour être auprès de son père lorsqu’il lira ma lettre. Moi je serai déjà arrivée à destination.


Tout est prêt, j’attends Isa assise dans ce canapé où je me suis installée tant de fois, avec mes deux valises à mes pieds. Mes yeux sont secs, j’ai tellement pleuré ces derniers jours que j’ai l’impression que je ne serai jamais plus capable de verser une larme. Je regarde mon portable éteint, abandonné sur la table du salon, et je me dis qu’il faudra en acheter un autre lorsque je serai à Genève.

Mon regard glisse sur les objets sans les voir, je ne suis déjà plus là.

À midi, je mange quelque chose que je trouve dans le réfrigérateur, sans y penser, parce que c’est l’heure de déjeuner. Ensuite je retourne m’asseoir à côté de mes valises pour attendre Isa, et puis j’ai dû perdre la notion du temps.


La sonnerie de la porte d’entrée me tire de ma torpeur.


- Tu sais, tu peux changer d’avis, personne n’est au courant pour le moment, il n’est pas encore trop tard.


Je ne prends pas la peine de répondre à Isa, je lui adresse juste un sourire las en lui tendant l’une des valises.


J’ai refermé doucement la porte derrière moi, mon trousseau de clefs est resté à côté du portable. Je n’ai même pas jeté un regard sur l’appartement en le quittant, je n’ai jamais été attachée aux lieux. Seuls les gens ne peuvent pas être remplacés.


 
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   Myriam   
7/10/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ça s'accélère pour Brigitte...
Décision radicale s'il en est... Et là, pour le coup, terminé le jeu de l'anticipation... Tout est ouvert, la cage est brisée, la liberté et ses possibles s'offre à elle...
Choix difficile, que tu nous fais comprendre et partager avec beaucoup de sensibilité.
Je l'aime cette femme, décidément...
Bizz!
Myriam.

   jaimme   
7/10/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Épisode particulièrement fort.
Et particulièrement bien écrit. Bien pensé, pesé.
On ne tombe pas dans le mièvre. On a l'impression d'être, durement, dans la réalité. Et on compatit... On comprend. On accompagne. On s'identifie même.

Chapeau Nicole!

   Anonyme   
7/10/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bon, j'ai l'impression d'arriver comme la cinquième roue de la charrette avec mon commentaire tardif mais bon...Je lis avec un immense plaisir chaque jour l'histoire de brigitte attendant d'avoir assez à dire pour me lancer dans un commentaire donc voilà, cette fois c'est la bonne:

Ce chapitre est, comme tous les autres particulièrement bien écrit. Il s'ajoute, cette fois, une force, une intensité dans la narration que les autres n'avaient pas encore forcément. On avance d'en l'histoire, c'est normal. Bravo pour cette belle montée en puissance.

Fluidité, rythme, scénario bien ficelé, tous les ingrédients semblent réunis dans ce récit qui me tient en haleine...j'attends, comme chaque jour, la suite avec beaucoup d'impatience.

   nico84   
7/10/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
En effet tout s'accélère, le ton devient plus grave et Brigitte plus impulsive.

Réfléchie dans la mise en oeuvre de sa décision mais impulsive dans son choix. Aurait elle pu laisser une chance à Luc d'accepter cet enfant ?

Surement, on le verra plus tard, cette partie est l'une des meilleurs que j'ai lu, bravo !

   Filipo   
3/11/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le coup de théâtre arrive dans le style classique d'une tragédie grecque. Tel l'a voulu l'auteur. La réalité pouvant être largement plus incroyable que la fiction, cela n'est pas rédhibitoire. Cela donne une nouvelle intensité dramatique au roman, qui sort brutalement d'une narration de petits soucis et autres méprises...

J'aime bien - même si je ne me projette pas du tout dans cette réaction...

   Anonyme   
10/11/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
De loin le meilleur chapitre pour l'instant.

Celui ci est sincère, mélancolique, un peu tragique aussi. J'ai particulièrement aimé le style qui est bien plus subtil que dans les autres parties, cette écrite de lettres ressemble un peu à un suicide.

Franchement bien!

   carbona   
8/8/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un tournant dans l'histoire. J'aime la décision que prend Brigitte, j'ai la sensation qu'elle suit sa voie et que c'est la bonne.

Je commence à présent à imaginer la partie "Jean-Luc", je devine, le début de leur rencontre, les anecdotes de son point de vue puis l'incompréhension du départ de Brigitte...

Ce chapitre est sérieux, grave sans tomber dans le pathétique. Il est écrit avec justesse.


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