Je m’appelle Jack, je n’ai certainement pas plus de trente ans.
Je me suis réveillé un matin dans la chambre de cet enfant, William, sans aucun souvenir.
Il faisait nuit, il m’était impossible de savoir quelle heure approchait.
Il ne m’a pas fallu moins d’une quinzaine de minutes pour comprendre où j’étais et, tentant de me lever, j’entendis cette voix :

- Tu es Jack ! Ils m’avaient dit que tu viendrais.

J’étais Jack, et a priori, j’étais attendu.
J’entendis cette voix. Je me retournai et trouvai dans le lit ce petit être, enfant de, sûrement, moins de huit ans.
Il faut me comprendre, je ne savais pas où aller, je ne savais même pas qui j’étais :

- Oui, je suis Jack, et je suis censé rester ici.

- Oui je sais bien, moi c’est William, ils m’ont dit que tu resterais ici, avec moi.

Mais évidemment, vous savez comment sont les adultes :

- Ils m’ont dit qu’il ne fallait absolument rien dire à tes parents.

Les enfants, de toute façon, ça aime les secrets.
Il me donne une couverture, prise dans son placard, un oreiller et une peluche, demain, nous étions censés jouer, première nouvelle.
Le réveil fut brusque, Will interrompt mon sommeil, quelle idée d’être si pressé. Il me dit que sa maman arrive, direction le placard.
À travers le petit espace entre les deux portes, je vois sa mère entrer, il est l’heure de se lever, mais qu’est-ce qu’il a encore fait, à faire traîner une couverture par terre… Elle verrait ça plus tard, là, il faut prendre son petit déjeuner. Je ne peux m’empêcher d’esquisser un petit sourire.
William ouvre la porte du placard, et me dit qu’il serait là d’ici trente minutes, il faut qu’il mange, et qu’il se lave, et qu’il s’habille. Réveil programmé, actions programmées.
Il faut qu’il s’habille ? C’est une chose à laquelle je n’avais pas fait attention, je suis nu.
Les vêtements de ce placard sont bien trop petits pour moi, je sors en douceur de la chambre, et essaye de rejoindre une chambre d’adulte. Salle de bain, toilettes, chambre.
Je rentre alors, me dirige vers la commode, sur le mur face à la porte.
Première porte, du maquillage, des ceintures de perles (sûrement fausses), des colliers de diamants (purement faux).
Seconde porte, vêtements, enfin. Je trouve une chemisette, assez transparente, ainsi qu’un pantalon, de type jean, qui me colle à la peau, il ne devait y avoir aucun homme à la maison.
Direction, le placard de la chambre du petit.
J’attendais depuis quelques minutes, plus ou moins, quand je l’entendis rentrer dans la chambre.

- Maman est dans le jardin, on va pouvoir jouer, dans ma chambre.

Nous allions pouvoir jouer.
Une question me vint à l’esprit, combien de temps vais-je pouvoir rester caché ici ? Je ne peux pas passer mes nuits dans un placard ou sur le plancher, que vais-je manger ? À croire qu’il lisait dans mes pensés, il me dit :

- Je te ferai dormir dans le grenier, c’est un peu sale, mais il y a de la place, et puis, je te donnerai mes restes, pour que tu manges un peu.

Nous allions pouvoir jouer.
Il me dit ensuite :

- Toi aussi tu aimes te déguiser ? On dirait les vêtements de maman, on peut jouer à ça si tu veux !

Il alla chercher dans sa malle une vieille loque de tissu qu’il se passa autour de la taille, comme il disait, il faisait la ménagère.
Ce gamin m’avait hébergé, je me devais d’être sympa avec lui, mais jouer à qui ressemble le plus à maman…

- Et si on allait faire une cabane, au grenier par exemple ?

Une cabane, ça devait être la seule échappatoire, dans ma tête.

Nous voilà au grenier, en effet, il y avait plus de place, plus de poussière aussi.
Il va chercher des outils, il me dit que ce sont ceux de son père, que sa maman ne les a pas utilisés depuis sa mort.
Je sors un clou, et un marteau. Je lui montre, comment accrocher le drap en l’air, il nous fallait un toit.
Coup de marteau, coup de marteau, coup de marteau, clou dans drap dans poutre.
À lui. Coup de marteau, coup de marteau, AÏE.
Je regarde par le hublot, sa mère, dans le jardin, n’a rien entendu.
Son doigt saigne, son ongle éclaté. Il ne lui fallait rien dire, je passe sous l’eau, lui mets un bandage, et lui promets que tout ira bien.

- Il est l’heure du déjeuner !

Hurle la femme, en bas, la mère.
On descend, moi en douce, allait-elle s’en rendre compte ?

- Je t’ai déjà dit de ne pas fouiller dans la trousse à pharmacie, surtout pour jouer !

Le bandage, quelle mauvaise idée !
À peine trois secondes de passées que maman voit le sang couler, elle se précipite sur son doigt, enlève l’illusoire barrière à sang, et voit cette horreur.
Direction l’hôpital, pour lui et sa maman. Je m’endors, dans la chambre du petit, en attendant leur retour.
Je me réveille, je ne sais comment, dans une nouvelle pièce, je vois William assis sur une chaise, qui me fait un clin d’œil, sa mère à ses côtés. Ils sont face à un bureau, caché dans la penderie, je ne vois pas qui est derrière.

- Le service des urgences m’a envoyée vous voir, Will aurait dit que quelqu’un était avec lui quand il s’est fait ça, à une infirmière, il refuse de m’en parler. Ils m’ont envoyée ici pour que vous puissiez le faire sortir de son mutisme, il faut que je sache qui était cet homme.

Combien de temps était passé ? Bonne question.

- Je ne crois pas que quelqu’un veuille du mal à votre enfant, il se pourrait cependant bien que le petit William ait, comment dire, un ami imaginaire.

Je m’appel Chuck, je n’ai certainement pas plus de trente ans.
Je me suis réveillé un matin dans la chambre de cet enfant, Dylan, sans aucun souvenir.