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Humour/Détente
Alcirion : Les bonnes manières par temps d’épidémie
 Publié le 27/04/20  -  12 commentaires  -  7867 caractères  -  172 lectures    Autres textes du même auteur

Rions un peu en attendant la mort.

Pierre Desproges


Les bonnes manières par temps d’épidémie


Si chacun d’entre nous connaît les règles élémentaires du savoir-vivre en temps de paix ou de guerre, – je ne saurais trop vous conseiller la lecture de l’article de Pierre Desproges dédié à ce sujet, un monument de culture et de raffinement jamais égalé – il est un domaine d’investigation encore peu fréquenté par les scientifiques : la civilité en période d’épidémie. Soucieux de la dignité de mon prochain, je vous livre ici de précieux conseils pour préserver votre bon goût en cette période difficile.


Ne fréquentez pas d’étrangers


C’est là un principe de bon sens que chacun d’entre vous applique déjà en temps normal. Mais une période de crise démontre, s’il en était besoin, les vertus de ce comportement fondamental.


En premier lieu, nos ennemis héréditaires, les Anglais. S’ils ne semblent pas les plus dangereux en ce moment, il ne faut pourtant pas s’y fier. N’oublions jamais que ces gens-là nous ont fait la guerre pendant cent ans et qu’ils n’ont toujours pas reconnu officiellement leur défaite. Il est bien évident qu’ils pourraient profiter de cette période difficile pour contre-attaquer et je ne pense pas que nos défenses soient prêtes. La faute à la mollesse et à l’incurie des gouvernements passés qui n’ont jamais pris la pleine mesure de la situation. Une invasion préventive de ce territoire désespérant serait une très bonne initiative mais je doute qu’il se trouve des hommes responsables ayant le courage de cette ambition nécessaire. En attendant le jour plein de promesses où une charge de cavalerie lourde enfoncera les dernières défenses de Buckingham Palace et nous permettra enfin de mettre la tête de la vieille au bout d’une pique, ne prenez pas de risques et évitez tout contact avec une personne aux yeux bleus ou aux cheveux roux. En cas de doute, préférez la prudence : abattez-la.


À présent, les autres. La science statistique nous fournit ici une aide précieuse. Le nombre d’étrangers restants est en effet très supérieur à la démographie anglaise, Globalement, ils sont plus malades et donc plus menaçants. Cependant, ils ont en général le bon goût d’avoir renoncé à la colonisation de l’Aquitaine depuis longtemps, au contraire de leurs semblables d’outre-Manche.


Vous l’aurez sans doute remarqué, quand ils causent, on comprend rien, ils n’ont donc a priori pas beaucoup d’intérêt. Mais le pire réside sans doute dans les moments où ils tentent de s’exprimer maladroitement dans la langue de Molière, arrachant une souffrance inhumaine à votre cerveau raffiné épris de culture classique.


Mais les étrangers habitent parfois bien plus près que vous ne pensez. Étant bordelais, j’y inclus bien évidemment les Charentais, avec qui aucune discussion n’est possible, et les Basques, qui n’ont pas même le bon goût de parler une langue indo-européenne.


Évitez les rapports sociaux


D’une manière générale, l’autre est un con et il n’y a donc aucun intérêt particulier à rechercher sa présence. Incapable de suivre la subtilité aimable de vos propos, il n’aura de cesse de vouloir vous entretenir de ce qu’il a vu la veille à la télévision ou de ce qu’il ambitionne de manger le week-end prochain. D’ordinaire, un sourire discret, un semblant d’attention et une fuite savamment organisée suffisent à vous extraire de ce genre de turpitude. Mais sachez qu’à l’heure actuelle, les autres ont peur et leur angoisse les pousse à vous interpeller au moyen d’une conversation insipide plus encore que d’ordinaire.


Néanmoins, des solutions existent. Vous prétendrez avantageusement ne pas connaître la langue au moyen de gestes désolés et de borborygmes disgracieux imitant des idiomes étrangers. Désarçonné, l’autre aura tendance à ne pas insister. S’il a l’outrecuidance de persister à vouloir établir un quelconque rapport, saisissez-vous d’un mouchoir en papier et mouchez-vous bruyamment. Vous verrez alors les gouttes d’une mauvaise sueur anxieuse perler au front de l’importun qui ne demandera pas son reste et déguerpira, vous soulageant de sa présence odieuse.


Dans la sphère privée, évitez de serrer des mains et d’embrasser des gens, particulièrement vos enfants qui tenteront de vous amadouer en prétendant vous connaître depuis longtemps. Les enfants, non contents d’être pitoyables dans une discussion sur le matérialisme chez Hegel, sont en plus de puissants vecteurs de maladies. Il convient de les éviter le plus possible. Vous pourrez vous débarrasser des vôtres en les prétendant malades ou en ayant recours aux services d’un vagabond.


Adoptez les bonnes pratiques


Si les embrassades sont à proscrire, la sodomie, par contre, reste une activité de loisir recommandée. Elle respecte en effet la distance de sécurité entre les têtes des deux protagonistes. Enfin, quand je dis deux, c’est une convention de langage visant à rendre mon propos plus limpide et clair encore et je conclue là ces propos s’engageant sur la pente glissante de la digression.


N’hésitez pas à dénoncer les mauvais Français qui vous servent de voisins. Vous avez pu le constater, ils sortent sans motif valable, ne se lavent pas les mains, et prennent un malin plaisir à les laisser traîner sur des endroits stratégiques, comme la poignée de la porte d’entrée de l’immeuble où se trouve votre logis. La République, trop bonne fille, se contente pour l’instant de distribuer des amendes. En espérant que l’État prenne enfin ses responsabilités en enfermant ces ignobles déviants dans des discothèques réquisitionnées où on les obligera à danser sur les plus grands succès de Michel Sardou, n’hésitez pas à disposer dans la cage d’escalier quelques pièges à loups en prenant la peine de les dissimuler habilement.


Faites confiance à votre gouvernement et aidez-le


Nous avons en effet la chance de disposer d’un personnel politique de très haute volée que le monde entier nous envie. Le meilleur d’entre nous, notre président, aime par exemple à déclamer quelques alexandrins précieux de Racine ou Corneille quand l’occasion s’y prête. Il est vrai qu’il avait brillamment réussi le module de première année de l’ENA : Comment impressionner un journaliste en faisant semblant d’être cultivé.


Aidez le gouvernement à tordre le coup aux rumeurs conspirationnistes (à ce sujet, non, le ministre de l’Intérieur n’est pas un ancien danseur de Michel Fugain) qui voudraient répandre des calembredaines sur l’origine de l’épidémie. J’ai moi-même mené l’enquête en appelant le responsable périgourdin des Illimunati qui s’est offusqué :


– C’est pas nous, c’est Raël !


Qu’à cela ne tienne, j’ai contacté derechef le personnage mis en cause. Sa réponse fut édifiante :


– Pour commencer, je n’ai jamais jamais entendu parler du coronavirus, j’ai pas la télé. Et puis là, de toute façon, ça me ferait bien chier, parce qu’au mois de janvier, je participais à un tournoi de jokari sur le quatrième satellite de Jupiter, bisque, bisque, rage !


Après avoir personnellement vérifié ses propos, j’ai bien été obligé de mettre le prophète Éloïm hors de cause.


Je ne doute pas un seul instant que votre moral et votre savoir-vivre se trouveront ragaillardis par ces propos de bon aloi et d’un goût certain. En ces temps difficiles, je me suis bien évidemment attaché à ne froisser la sensibilité de personne.


Et par-delà la grisaille, le printemps revient (comme chaque année, il est tellement prévisible !). Comment ne pas s’émouvoir du retour d’avril, ô moment précieux où la chlorophylle joyeuse retrouve des températures favorables à son épanouissement verdâtre pour mieux réveiller nos âmes engourdies par le chagrin des longs mois sans lumière... Sachons dés à présent tendre l'oreille au folâtrement de la musaraigne espiègle qui désensorcelle nos esprits fatigués, ce n'est certes pas un crime de résister par le sourire, et merci bien !


 
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   cherbiacuespe   
18/3/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Je partage tout à fait cet avis pour ce qui est de la recommandation n°1, mais je rappelle à mon ami bordelais (je suis de Cenon), que lors de la bataille de Castillon et celle de Lormont, nos arrières grand-père se sont (inexplicablement) battus comme des chiens pour éviter de devenir français. L'histoire qui nous raconte le contraire ressemble un peu à de l'intox du coup. Et puis, des gens qui n'aiment pas les cuisses de grenouilles ne peuvent être tout à fait des gens saint d'esprit.

Pour le reste je ne m'étendrais pas. Quoique, en ce qui concerne le conseil n°3, acculer ou être acculé, telle est la question, essentielle me semble-t-il!

J'ai eu beaucoup de mal à arriver au bout de cette énumérations, merveille de bon sens, tant ma frêle anatomie était saisie d'inexplicables compulsions. Depuis, les zygomatiques me torturent douloureusement.

Je réalise, enfin, discuter avec des étrangers, contaminés peut-être. Beurk! Donc, j'en finis vite et je vous méprise... Passionnément!!!

Cherbi Acuespè
En EL

   Selenim   
25/3/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bel exercice de style visant à imiter la verve de maître Desproges. Pas de Raël reproche à faire. C'est fluide, il y a des idées pertinentes et le ton pince sans rire fonctionne. Pourvu que cette bafouille soit contagieuse et qu'elle se transmette avec aisance.

   GillesP   
25/3/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bon pastiche de Desproges, que j'adore! Il aurait pu néanmoins être plus mordant, plus méchant, à mon sens. Mais cela fait du bien de sourire en lisant un texte léger, par les temps qui courent.

Sur le plan du style, rien à dire, on a l'impression de lire du Desproges.

Au plaisir de vous relire.

GillesP

   Corto   
26/3/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
En ces temps crispés, qui fait sourire mérite médaille !

J'ai souri plus d'une fois en lisant ce texte. On sent bien sûr que c'est du vite fait, mais assez réussi.
C'est iconoclaste, mal élevé, décalé.
Desproges aurait sûrement aimé.

Merci à l'auteur.

   thierry   
27/4/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bien joué !
Très belle imitation, je retrouve sans me poseer de question le ton de Pierre D. Le découpage fluide et saugrenu y est très bien rendu, les références de ces temps anciens aussi.
Bravo encore.
Pour autant, je ne suis pas sûr que nos temps hystériques ne l'auraient pas laissé sans voix...
Enfin... il y a toujours une bonne raison pour combattre les Anglais ! En plus, ils adorent ça.
Merci !

   Malitorne   
27/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Excellent ! De l’humour comme j’aime, caustique et intelligent. Sur un ton débonnaire vous envoyez du lourd, il faut savoir lire derrière les phrases. À rapprocher en effet de l’inénarrable Desproges dont vous n’avez rien à envier, franchement. Je craignais une flopée de textes médiocres sur le virus, mais s’ils sont tous de cet acabit on va se régaler.
De plus vous m’avez surpris, je vous croyais sombre gothique à l’âme meurtrie, arpentant des chapelles désertes où gémissent les défunts, et v’là-ti pas que vous nous jouez la déconnade ! J’apprécie quand un auteur sort de son registre de prédilection.

   Pouet   
28/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Slt,

j'avoue ne pas avoir appris grand chose en lisant ces quelques lignes assez compassées, appliquant moi-même avec entrain depuis longtemps toutes les recommandations indiquées ici.

Quel intérêt donc que de proposer cette énumération de truismes?

J'ai vu qu'il était question de sourire... Ah?
Jamais entendu parler de ce Pierre Desproches non plus.

Je précise enfin que je suis charentais, que ma femme est anglaise (et en forme) et que nous sommes des raéliens convaincus.

Merci quand même.

   Catlaine   
29/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,
J’avoue que le titre m’a tout de suite rebuté, mais la catégorie et la citation de Pierre Desproges m’ont permis de passer outre et… je n’ai pas été déçue.
C’est drôle et caustique à souhait, tout ce que j’aime, mais en même temps tellement réaliste, quelle tristesse.
Quant au style, c'est simple, rapide, efficace avec quelques mots et références historiques bien choisies.
J’ai beaucoup ri en lisant ce texte et je porte un toast à nos meilleurs ennemis que j’espère pouvoir revisiter bientôt.

   in-flight   
30/4/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La référence citée dans d'autres commentaires est frappante, j'allais moi-même la citer. Il y en a une plus discrète à Dieudonné (vos enfants qui prétendent vous connaître depuis longtemps).
Bref, on a là une grosse marrade où le plaisir d'écriture se ressent. Vivement la prochaine épidémie !

   EdgarHones   
1/5/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Vous me rappelez "Les étrangers sont nuls" de P. Desproges, ce mauvais esprit français qui se moque de tout. C'est vivifiant mais je mettrais un bémol, je crains que Zemmour vous trouve trop politiquement correcte.

   solo974   
11/5/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Alcirion,
J'aime beaucoup l'humour, surtout quand il est noir, alors tu penses bien que ta nouvelle m'a comblée !
Ce passage sur les "Rosbifs" - que j'apprécie beaucoup au demeurant - m'a beaucoup fait rire :
"En attendant le jour plein de promesses où une charge de cavalerie lourde enfoncera les dernières défenses de Buckingham Palace et nous permettra enfin de mettre la tête de la vieille au bout d’une pique, ne prenez pas de risques et évitez tout contact avec une personne aux yeux bleus ou aux cheveux roux."
Quelle plume et quel sens de la dérision...
Bravo à toi !

   SaulBerenson   
19/10/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Evidemment qu'il faut rentrer dans le lard des rosbifs !
Mais comment faire quand on se prendra l'Amérique sur le dos dès que nos vaillants soldats auront pris pieds à Douvres ou à Portsmouth, si ils ne sont pas noyés avant ?! L'Angleterre rêve d'être le 51éunième état des US depuis qu'elle en a été chassée, et avec notre aide en plus, un comble ! Alors, faute d'être dans l'Europe à reculons, elle s'en détache pour mieux attendre les soubresauts tectoniques qui la rapprochera de la terre promise. Elle en est déjà la plus proche, il y a bien l'Irlande, mais ça ne compte pas.

En vérité je vous le dis, le seul moyen guerrier légal pour leur faire mal est le rugby. Moins depuis que les règles ont changé et que l'on a plus le droit de décoller la tête d'un adversaire, mais bon, il reste encore du grain à moudre et de la viande à remuer.
Malheureusement, là encore, tout n'est pas si simple. Hier encore ils nous ont collé une raclée en final de coupe d'Europe ! Car, au fil des siècles et toujours et encore, les anglais sont d'éternels pragmatiques, quand nous autres, avons bien du mal à nous extirper d'émotions, et autres gesticulations latines qui nous font perdre la boule quand les britiches gardent la leur bien vissée sur leurs larges épaules. Résultat : Ils nous dominent dans un sport dont ils ont inventé les règles et qui demande un self control qu'ils ont acquis en naissant. Ainsi ils n'ont plus qu'à nous contempler nous battre nous mêmes en ricanant.

Je vois que cette nouvelle a été publiée au printemps. Maintenant l'automne est là, et j'aime cette saison de repos aux soirs qui tombent vite car elle est justement propice à rester chez soi, et donc loin des autres.
Je vais donc abondé Alcirion de l'appréciation maximale qu'il mérite, car oui, c'est vrai; les Autres sont vraiment des cons.


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