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Horreur/Épouvante
Alienor : Vacances
 Publié le 11/08/15  -  8 commentaires  -  48777 caractères  -  202 lectures    Autres textes du même auteur

C'est l'été. On a peut-être un peu plus de temps à s'accorder.
Bonne lecture et surtout bonnes... vacances !


Vacances


Je revois nos visages livides, nos yeux habités par la peur et quand par cette porte, j’entre dans le passé, alors j’entends dans ma poitrine mon cœur cogner à m’en briser les côtes, tout comme ce jour-là, sur la colline.


L’écume du temps a cicatrisé les blessures mais la douleur est toujours aussi vive. Nous ne partagions qu’une amitié de circonstance qui n’exigeait pas de grand sacrifice, la preuve en a été faite, ô combien ! mais un morceau de moi est resté là-haut et chaque jour qui passe, j’entends et me souviens…


***


Nos pieds chaussés de gros godillots de marche s’enfoncent jusqu’aux chevilles dans le tapis de feuilles mortes. Au-dessus de nos têtes la nuit a chassé le soleil et nos muscles, asséchés, épuisés, font tressauter nos bras et trembler nos jambes. Debout, mains sur les hanches, des braises dans les poumons, la langue qui colle au palais, mon regard survole le petit groupe que nous formons.


Assis sous l’ombre d’une fougère, le Gros Jean souffle comme un bœuf en essuyant son visage d’un coup de mouchoir trempé. Quand je l’ai frôlé tout à l’heure mon nez a surpris des relents âcres et acides et maintenant, en posant les yeux sur son pantalon bleu, je sais d’où ils viennent. Marc, plié en deux, les mains en appui sur les genoux, récupère de la course. Le dos rond, la tête creusant les épaules, il crache les goudrons qui, depuis dix ans qu’il fume, encrassent ses poumons. Talia s’est laissée tomber à terre. Dans la position de l’homme de Vitruve, elle fixe d’un œil vide les premières lueurs du couchant. Sa poitrine monte et descend si vite qu’un instant je ne pense plus à rien d’autre qu’à ses seins dont les bourgeons, agacés par la fraîcheur de l’air, tendent le tee-shirt trempé. Alain renifle. Il est à deux secondes d’éclater en sanglots quand, relevant le nez qu’il va moucher d’un revers de manche, il percute mon regard et détourne la tête. C’est le plus jeune d’entre nous – quinze ans à peine – et il est aussi long et musclé qu’une baguette de pain pas assez cuite. Il s’est blessé à la jambe et je n’augure rien de bon de cette plaie profonde qui ne cesse de pisser le sang. Il faudrait désinfecter – mais avec quoi ? – et bander. Bander serré. Quand j’aurai récupéré une respiration moins saccadée, je m’en occuperai. Il y a aussi Fred-le-Borgne qui de son œil valide scrute les environs et bondit dans les fourrés au moindre craquement. Enfin il y a Véronique, la belle Véronique, qui pour l’heure n’a plus grand-chose d’attrayant. Des paquets filandreux de toiles d’araignée collés dans les cheveux hirsutes, les bras et les jambes striés d’égratignures consécutives à sa chute dans un ravin, blessée au bras et à la cheville, mais moins gravement que la Baguette, elle s’est assise à l’écart et, visage posé sur ses genoux relevés, respire comme un soufflet de forge.

Cette fille a du cran et surtout de l’endurance. Tant mieux, parce que tous, on est très mal barrés.

Enfin il y a moi, dans le même état que les six autres, avec dans le ventre une trouille diarrhéique qui ne demande qu’à se répandre.


À cette seconde, je ne sais plus trop quoi penser de ce qui nous arrive. Ce que je sais, et ce que nous savons tous, c’est qu’au départ nous étions douze. Enfin quatorze, en comptant nos deux éducateurs.


Irrité par les reniflements de la Baguette, j’ôte mon tee-shirt, le tords, déchire un pan de tissu dans la largeur, le réenfile, m’approche du gamin et du doigt désigne la longue estafilade qui du genou descend jusqu’à la cheville autour de laquelle tire-bouchonne une chaussette serrée dans une chaussure au lacet défait :


– Serre. Bien fort. Et retends tes lacets au lieu de chialer.

– J’ai soif ! me rétorque-t-il en m’arrachant des mains le bout de tissu.

– Tu boiras quand on aura trouvé de…


Derrière nous, des aboiements. Ils sont proches. Très proches. Un frisson glace mon échine. Ce chien est une erreur de la nature, un animal roux tout droit échappé de l’enfer dont il devait garder les portes. Gros, musculeux et bas sur pattes, je l’ai vu à l’œuvre et sait qu’il est capable de sauter des haies qu’un cheval refuserait, comme de se faufiler dans les crevasses les plus étroites.


J’imagine les babines retroussées sur des crocs puissants et mon cœur tachycarde. Talia bondit sur ses jambes, ses pieds sont pris de sautillements, sa gorge laisse échapper des petits cris d’effroi. Son regard m’effraie. Véronique la secoue violemment et crie :


– COURS !


C’est ce que nous faisons tous.


– SÉPAREZ-VOUS ! crie Marc en filant comme un zèbre entre les buissons.


Notre petit groupe s’éparpille. Je monte à l’assaut de la colline. Les aboiements se rapprochent. Cent mètres. Peut-être moins. Je panique. N’arrive plus à respirer. Où ? Où aller ? Où me terrer ?

J’entends un cri. Un cri aigu, strident et puis plus rien.

Je fonce droit devant. Mes jambes tremblent si fort que j’ai peur pour mes chevilles. Je bute sur une pierre, m’étale, roule dans l’herbe et redescends de trois mètres. Je ne sais pas où sont les autres. Depuis ce matin c’est chacun pour soi et Dieu pour tous. Je me relève et crapahute. Le dos rond. Les doigts agrippés à la terre et aux branches basses des buissons. Mes pieds pédalent dans le vide, les pierres roulent dans un nuage de poussière terreux. Soudain je réalise que je n’entends plus le chien. Et quand de derrière un arbre j’ose me retourner je comprends pourquoi. Le cerbère est là. Juste en-dessous, à même pas cinq mètres du buisson derrière lequel en gémissant, je me cache. Je ne peux pas ne pas le regarder.


J’ai jamais vu une bête comme celle-ci. Le cul en l’air, le bout de queue coupée frémissant, les pattes arrière grosses comme deux gigots de cerf, les épaules et tout le corps tendus de muscles qui font comme des nœuds sous le pelage ras, il grogne. On dirait un lion. Il en a l’épaisseur, la force, les feulements. Quelque chose bouge sous lui. Je reconnais une jambe. Un bras se lève. Celle qui est allongée sous le monstre et dont le corps tressaute comme celui d’une poupée secouée, traînée au sol par une main d’enfant coléreuse a de longs cheveux roux frisés.

Talia.

Je tombe en arrière. Le hurlement ne vient pas. Rien ne vient. Mes yeux sont plus gros que ma tête et de ma bouche s’échappe un flot de bile.


***


La nuit tombe et avec elle la fraîcheur. Épuisés, assoiffés, affamés, nous frissonnons dans nos pantalons et nos tee-shirts trempés de sueur. Ceux qui nous poursuivent finiront par nous avoir, c’est inéluctable. Je n’ai plus envie de courir. J’ai envie que ça s’arrête ici. Où que je pose les yeux je ne vois plus que le visage de Talia. Elle est partout. Elle me regarde.


***


On a trouvé une grotte, ou plutôt un trou dans la terre. Assez vaste pour nous accueillir tous les cinq. Notre groupe diminue d’heure en heure. Il n’y a plus aucun espoir de revoir Talia. Quant à Fred-le-Borgne, aucun de nous ne l’a revu depuis notre fuite éperdue. Il s’est planqué et a perdu notre piste ou bien alors il est tombé.

Pour échapper au chien, Marc et Véronique se sont réfugiés dans les branches hautes d’un gaïac. Le Gros Jean a roulé au fond d’une ravine et s’est aplati dans une crevasse. La Baguette, personne ne sait comment il s’en est sorti. Il est là, avec nous, mais il ne parle plus. Même pas il pleure. Moi je me suis planqué en hauteur, derrière un arbre, et de là, sans rien faire, sans intervenir, j’ai regardé le lion dévorer Blandine.


Je tombe de sommeil, mon cerveau est abruti de fatigue et mes jambes, mes bras, n’arrêtent pas de trembler. Dès que je ferme les yeux je vois La Rousse. J’ai rien dit aux autres quand on s’est retrouvés un peu plus bas, près du banian. Juste que j’avais vu Talia tomber quand une flèche lui avait traversé la gorge.

Personne n’a réagi ou dit quoi que ce soit. On n’était déjà pas faciles à émouvoir avant, mais maintenant, je me demande bien ce qui pourrait encore nous atteindre.


De là où je me tiens – j’ai pris la première veille – je devine, tout en bas, les renflements de la vallée. La nuit tombante rend encore plus glauque ce tapis vert émeraude duquel émergent les ombres fantomatiques des plumeaux des cyathéas. Banians, niaoulis, gaïacs, ficus. Je connais ces forêts. Des jungles épaisses, profondes, dans lesquelles on a vite fait de perdre le nord.


Rien à boire, rien à bouffer et des moustiques à profusion. Heureusement, Marc fume, on dispose donc d’un briquet pour faire un feu, mais on ne s’y risquera pas. La bête et son maître ont planté les crocs dans mes tripes. Je vois leurs yeux rouges briller dans la nuit.


***


Maintenant que j’ai pensé à l’éventualité de faire un feu, je claque des dents. Le froid ou la peur ? De toute façon, de feu, on ne pourrait pas en allumer un dans la grotte – il n’y a pas d’autre évacuation que l’entrée du trou large comme une grosse canalisation dans laquelle on s’est faufilés tels des lapins dans un terrier. Et dehors, on est bien trop exposés. La colline est rase et partout autour, les troncs de niaoulis portent les traces d’un incendie qui a dû éclater l’été dernier ou celui d’avant. Ces arbres sont les phénix de ces bois. Leurs troncs recouverts de plusieurs couches de peau qui s’enlèvent comme on retirerait la fourrure d’un lièvre les protègent des flammes qui de toute façon ont tant à dévorer dans ces forêts sèches et craquantes qu’elles ne prennent pas le temps de s’attarder.


C’est tellement vrai qu’ici, en Calédonie, quand un incendie se déclare on attend qu’il s’essouffle ou rencontre une rivière ou bien la pluie. De toute façon, sous ces latitudes, tout repousse à la vitesse de la lumière alors à quoi bon s’en faire ?


On n’aurait pas dû grimper. Si le chien ne nous avait pas fait fuir, c’est bien dans la forêt, là, juste en bas, que je voulais aller. Là-dessous, on aurait trouvé de l’eau, des fruits. À l’heure qu’il est, on serait assis à cheval sur des branches, en hauteur, le dos calé contre le tronc, hors de portée du gardien des enfers.


Replié dans un renfoncement de rocher, à deux mètres de l’entrée du boyau, les genoux sous le menton, je sens ma tête dodeliner et mes yeux se fermer. Je me pince le bras et du même coup écrase un moustique.


***


Il y a trois jours on est partis du Centre avec deux éducateurs. Quatre filles et huit garçons. On est montés dans le van avec nos sacs et ce qu’il fallait de ravitaillement pour une semaine puis on a quitté Nouméa aux environs de six heures du matin, direction Boulouparis, puis la Foa et enfin Sarraméa. Une balade de cent trente kilomètres qui devait nous mener à notre point de chute : le vieil hôtel d’Évasion 130, fermé depuis bien avant les événements qui ont soulevé l’île dans les années 80 et 90 et failli nous mener vers l’indépendance.


Il y a dix ans, le Centre a racheté l’hôtel et en a fait le point de départ et de ralliement des « promenades de santé » qu’il organise pour les gamins mal intentionnés qu’il récupère à droite et à gauche et auxquels il réapprend les fondamentaux de la vie en société. Bah… le Centre est ce qu’il est mais il vaut toujours mieux que la prison qui à tous, nous pend au nez si on ne redresse pas la barre. C’est en tout cas mon intention. Mais je ne suis pas certain que ce soit celle des copains. Fondamentalement, oui, peut-être. Mais tous on fait avec ce qu’on a et ce qu’on a, et parfois, ce qu’on a, c’est pas grand-chose.


On est arrivés au Centre 2 peu avant huit heures. On a posé nos sacs dans les chambrées – individuelles, toutes – et ensuite on a piqué une tête dans la piscine. L’eau était bleue et froide, la rivière alimentant le bassin sortant directement du ventre de la montagne.

Sitôt après avoir goûté à la fraîcheur de l’eau, chacun s’est préparé deux ou trois sandwiches et on est partis en randonnée rejoindre le plateau de Dogny.


Le premier sentier grimpant jusqu’au plateau a été découvert entre 1956 et 1957 ou peut-être 58. Avant, les gens des tribus de la Côte Est qui souhaitaient faire du troc avec ceux des tribus de la Côte Ouest empruntaient une piste plus ancienne et plus rude. Un jour – dans ces mêmes années – les missionnaires voulurent organiser un grand rassemblement inter-tribus et c’est le vaste plateau de Dogny qui fut choisi, sans doute à cause de sa hauteur – plus près de toi, mon Dieu – et de la vue qu’on y découvrait. La messe eut lieu et rassembla un peu plus de deux mille personnes.


Tout en bas, avant d’aborder la piste, quelqu’un – un curé sans doute – avait placé un bénitier dans le Y d’un arbre pas très vieux et chacun, passant devant, y trempait les doigts et se signait. Il y a quelques années, quand la commune a décidé de construire un parking pour accueillir les voitures des touristes venus effectuer le pèlerinage ou simplement profiter de la vue et remplir leurs albums souvenirs, des arbres ont été bousculés et d’autres déracinés. L’un d’eux en tombant s’est fissuré et dans la déchirure, on a retrouvé le bénitier. En grandissant, l’arbre l’avait enveloppé de sa chair.


Le plateau de Dogny… songeai-je. Cinq heures de marche au travers d’une forêt humide. Étape repos près du spectaculaire banian aux branches-racines effilochées formant comme de la dentelle, puis retour sur le sentier avec pour seule musique nos souffles et le roucoulement des cols blancs, des pigeons verts et parfois, le chant du notou. Mille mètres d’ascension pour enfin déboucher sur le plateau d’où – par beau temps – on a une vue époustouflante sur les Côtes Est et Ouest. À midi on a cassé la croûte et ensuite, au pas gymnastique, on a suivi la boucle nous ramenant à notre point de départ. En milieu d’après-midi on avait atteint le trou Feillet, que les gens du coin appellent la Cuve et on a plongé dans son eau verte fichtrement froide. Il ne nous restait plus que trois ou quatre kilomètres à parcourir avant de rejoindre le van et de retrouver le Centre.


Le lendemain on a consacré toute la journée au nettoyage et défrichage de la propriété. Le surlendemain, une nouvelle randonnée nous attendait.

La même.

Pourquoi varier les plaisirs quand ils sont si bons ?


C’est comme ça qu’on nous avait vendu le séjour et pour y avoir déjà participé, je savais exactement ce qui nous attendait.

Du moins croyais-je le savoir.


***


Les deux premiers jours, tout s’est passé comme j’ai dit. C’est le matin du troisième que ça a merdé.


Le soleil filtrant au travers des persiennes m’a chatouillé les cils. Déjà, rien que ça, c’était pas normal. J’ai demandé conseil à ma montre et elle m’a répondu : magne-toi ! Huit heures du mat et la trompette n’avait pas retenti… ou j’avais si mal dormi que je ne l’avais pas entendue ?


Dans la nuit je m’étais réveillé avec un mal au crâne à me taper la tête contre le mur et j’étais allé frapper à la porte de Maurice qui m’avait emmené dans la cuisine et m’avait préparé une mixture à base d’herbes que j’avais dû avaler très chaude, sinon avait-il dit : « Ça marche moins bien. »


Maurice est un Kanak relativement sympa auquel sa mère a appris les secrets des herbes. Il en fait souvent boire ou fumer à l’un ou l’autre d’entre nous et jamais personne ne s’en est plaint. Je suis retourné dans ma chambre encore plus vaseux qu’au départ et j’ai sombré dans un sommeil sans rêve.


Huit heures ! Comment se faisait-il que Maurice ou bien Pascal ne m’aient pas viré de mon matelas en le renversant comme ils le font toujours en pareil cas ?

Je me suis éjecté du plumard et le temps de le retaper – au carré, bien entendu, sinon on écope d’un rab de cinquante pompes – d’enfiler un pantalon et un tee-shirt, je suis sorti de ma turne.


Le silence.

C’est ça qui m’a frappé. Pas un pépiement d’oiseau. Rien. J’ai ouvert la porte de la chambre où crèche Marc mais elle était vide. Comme celle d’Annie et de Léopold. Il flottait dans l’air un drôle de parfum. Un mélange de sueur et d’autre chose… comme une odeur de rouille. Les copains étaient déjà dehors, occupés à tondre la pelouse ? Sauf que j’entendais pas le ronronnement de la tondeuse pas plus que je ne percevais les braillements des trouducs – trouduc pour rimer avec éduc, rien de péjoratif ni d’agressif là-dedans, c’est pas bien méchant d’autant que les deux dont nous avons écopé ne sont pas les plus vicieux – et puis je me suis rappelé qu’aujourd’hui c’était randonnée, pas nettoyage. Alors quoi ? Ils avaient levé le camp sans moi ? La chance ! Toute la journée à rien faire quand les autres sueraient comme des bœufs !


Je me dirigeai tranquille – enfin, quelque part, pas si tranquille que ça – vers la grande salle quand tout à coup… Y avait du sang par terre. Et pas qu’un peu. J’ai regardé autour de moi et j’ai vu le corps ratatiné dans un coin. Charlie. C’était Charlie. La main autour de la flèche qui l’avait atteint à l’aine, ses yeux grands ouverts me regardaient fixement. Je me suis précipité dehors et lorsque j’ai franchi le seuil donnant directement sur la piscine…


Elle était rouge.


Les yeux écarquillés, j’ai regardé les deux corps qui flottaient à la surface. Le dos de l’un était transpercé d’une flèche. L’autre en avait une fichée dans le bide.

Des flèches, nom de Dieu de bordel de merde !

Juste à ce moment, j’ai entendu siffler quelque chose, ça a frôlé le haut de mon crâne, je me suis jeté à terre, un roulé-boulé m’a expédié, tremblant et effrayé, sous la haie de leucaénas. J’ai plus bougé. Le tir était bien ciblé. J’aurais pas vu le sang par terre, les corps dans la piscine, celui de Charlie, j’aurais rien compris et cette flèche m’aurait troué le front.

Un : le tireur était embusqué en hauteur.

Deux : il savait qu’il m’avait loupé.

Trois : il m’attendait.

L’un des corps qui flottaient dans la piscine appartenait à une fille. J’ai vu les cheveux noirs flotter comme des algues et un instant j’ai pensé que c’était Véro. L’autre c’était un mec. Mais où étaient les autres ? Les trois chambres que j’avais visitées étaient vides.

Ils avaient réussi à se sauver ?


Je réfléchissais à toute vitesse sans parvenir à relier les événements entre eux. J’étais incapable de comprendre comment tout ce chambard, ces cris ne m’avaient pas réveillé. Le Centre fonctionnait comme une horloge. Les éducs se levaient bien avant nous alors à quel moment les Indiens étaient-ils passés à l’attaque ? Et pourquoi ? Pourquoi nous ? Qu’est-ce qu’ils nous voulaient ? J’allais mourir. J’y pensais, la terreur qui m’habitait me l’affirmait mais j’arrivais pas à y croire.


– Psssss ! Psssss !


Je sursautai puis reconnus le polo vert et les cheveux bouclés de Marc. À quatre pattes, ses mouvements aussi félins que ceux d’un tigre sur les traces d’une gazelle, il approcha, leva vers moi un visage d’un blanc lunaire :


– Chhhtttt ! fit-il, un doigt vertical sur les lèvres.


D’un mouvement d’yeux et du menton il me désigna quelque chose du côté de la montagne et chuchota :


– Je crois qu’ils sont partis.


Alors ils étaient nombreux ? Combien ? Et partis où ? En laissant des survivants au carnage ? Pourquoi ?


– Putain mais c’est quoi ce b… ? chuchotai-je.

– Chut !


Des pas approchaient. Entre les branches feuillues piquetées de pompons jaunâtres, je vis passer ce qui ressemblait à des robes, ou des soutanes d’un marron boueux, les ourlets des plus longues frottant sur des pieds chaussés de mocassins comme ceux que devaient porter les sioux, là-bas, en Amérique.


Je n’étais pas certain de mon compte mais ils devaient bien être une vingtaine. Ils se postèrent juste en face de la haie où l’un d’eux – celui qui m’avait loupé – savait que je me cachais.


Marc et moi n’osions même plus respirer. Mon pote profita de ce que les autres se mettaient en rang devant la haie d’arbustes pour se faufiler jusqu’à moi, si près que son épaule heurta mon genou. Doucement, il écarta une branche.


Ils n’étaient pas beaux à voir. Longs cheveux emmêlés, uniformément roux, ils portaient de longues barbes fournies et pointues de la même couleur que leurs cheveux. Au-dessus, des masques – comme des loups – sauf que les nez pointaient, énormes, grotesques. Je frémis quand par le trou de la haie je repérai, dépassant du haut des épaules, les empennages des flèches vraisemblablement rangées dans des carquois. Arc à l’épaule ou fixé dans le dos, ils se tenaient tous parfaitement immobiles.


– Vous étiez quatorze ! tonna soudain une voix rendue nasillarde par le port du masque : maintenant vous n’êtes plus que sept et dans deux jours, vous serez tous morts. Voici les règles du jeu, elles sont très simples.


Impossible de savoir qui des vingt personnes alignées devant nous parlait. Nous étions trop loin, aucun d’eux ne bougeait et ils étaient tous parfaitement semblables. Grands, minces, pareillement baraqués.

– Nous allons compter jusqu’à cent. Si vous ne fuyez pas maintenant, vous serez tirés comme des lapins. Vous savez courir, on vous a vus à l’œuvre. Alors COUREZ ! COUREZ ! Si dans deux jours, au coucher du soleil, l’un d’entre vous est encore vivant, alors celui-là sera libre.


À peine la voix eut-elle fini de prononcer la sentence que tous, dans un ensemble parfait entamèrent le décompte.


Marc me dévisagea. Était-ce un piège ? Avaient-ils peur de quelque chose – l’arrivée des flics par exemple – et voulaient-ils tuer tout le monde afin de ne laisser aucun témoin ? Devions-nous jouer le temps et demeurer cachés ? Pourquoi une telle tuerie ? Étions-nous vraiment sept ou seulement les deux derniers ? Et d’où sortaient-ils ? Qui étaient-ils ?


– DOUZE… TREIZE…


Je tremblais de la tête aux pieds quand Marc m’administra une tape sur l’épaule :


– Vieux… dit-il dans un sourire grimaçant, celui qui va mourir te salue.

– MARC !


En un rien de temps il s’éjecta de la haie et debout devant moi, resta un moment immobile. Puis il fit un pas en avant.


– SEIZE… DIX-SEPT…


Il avança encore. En face personne ne fit le moindre geste. Ils comptaient, c’est tout et dans leur voix je commençais à sentir des frémissements d’excitation. Je sortis à mon tour et demeurai prudemment un pas derrière Marc. Il avança encore, je fis de même. Soudain il se tourna vers la haie et cria par-dessus les autres voix :


– SORTEZ ! SORTEZ TOUS !


Moi aussi je gueulais. Seulement je ne m’en rendais pas compte. Le Gros Jean émergea d’un rocher, Talia de derrière un arbre, la Baguette, Fred et Véronique suivirent.

Ils n’avaient pas menti. Nous étions bien sept.

Pour la première fois de la matinée je regardais autour de moi. Deux corps étaient couchés dans l’herbe, le troisième semblait vouloir repousser le rocher sur lequel il était affalé. Tous les trois avaient été touchés au même endroit, pile entre les omoplates.


– Espèce d’enfoirés de lâches ! criai-je.


Je n'en suis pas certain, mais je crois bien que celui que je fixais m’a souri.


– VINGT-HUIT… VINGT-NEUF… TRENTE…


Marc me tira par la manche et tous les sept nous serrâmes les uns contre les autres avant de nous mettre à courir.


***


J’en étais là de mes pensées lorsque des petits cailloux dégringolèrent sur ma gauche.


– C’est moi, Luc, chuchota une voix féminine.

– Véro ?

– Ouais.


Véro, c’est le genre de fille qui a la rage. Jamais un mot gentil, jamais un sourire et avec ça, des yeux qui flamboient. Je ne sais pas trop ce qui lui a valu de faire étape au Centre et je ne me risquerai pas à le lui demander. Certains ragots disent qu’elle se camait et se vendait pour financer ses doses. J’en doute. C’est bien trop stupide pour une fille aussi futée.


– Demain, au coucher du soleil, dit-elle en s’asseyant dans l’herbe.

– C’est étonnant qu’ils nous laissent dormir, je réponds, pas sûr de savoir où elle veut en venir.

– Ouais, je trouve ça bizarre moi aussi, fait Marc, surgissant de l’ombre.


Il me flanque une tape sur la tête et ajoute :


– Comme sentinelle t’es naze. Ça fait dix minutes que je t’observe et t’as même pas reniflé ma présence.


Je hausse les épaules.


– Écoute, fait Marc. On a pas mal discuté tous et on est tombés d’accord. On va laisser la Baguette et le Gros, ici, à l’abri dans le trou. Y a rien qu’une journée à tenir, c’est pas bien long. Ensuite, tous les trois, on redescend et on retrouve le Centre. De là on pique le van et on file droit chez les flics. Ils ont des chiens eux aussi, ils auront vite fait de retrouver les deux qu’on aura laissés derrière. Qu’est-ce que t’en penses ?

– Ils sont d’accord ?

– Ils ont pas le choix. Alain peut à peine marcher, sa plaie a l’air de s’être infectée et le Gros va nous retarder. C’est le premier que ces salopards vont atteindre avec leurs flèches. Il le sait. On le sait tous.


En attendant, pensai-je, il était encore là alors que Talia et Fred…


– Faut profiter de la nuit, déclare Véro. Mate la lune, elle est presque ronde. Faut qu’on fasse le maximum de chemin maintenant.

– Ouais mais…

– Mais quoi ?

– Ben… je trouve vraiment bizarre qu’ils perdent toutes ces heures. Soit ils sont très sûrs d’eux, soit ils sont là quelque part et nous épient, ou bien alors…

– Sont pas là, fait Marc en mâchonnant un brin d’herbe, peut-être pour apaiser sa faim : j’entends pas le clebs.

– Il est dressé, je réponds.

– Dressé à poursuivre le gibier et aujourd’hui le gibier c’est nous. Alors si eux et leur chien étaient dans les parages, on serait déjà morts.

– Ouais… D’accord et pas d’accord, je fais.

– Qu’est-ce que tu veux dire ? demande Véronique.

– Je sais pas mais tout ça… Je le sens pas. Et s’ils nous attendaient au Centre ?

– Écoute, y peuvent pas être à deux endroits en même temps. Ils nous collent aux basques, point barre.

– Ben pourquoi ils nous ont pas chopés alors ? Ça fait plus de trois heures qu’on est là.

– C’est parce qu’on court pas, dit Véronique. C’est pas cool de descendre un cerf quand il fuit pas.

– Et toi t’as envie de leur faire plaisir ?

– Écoute Luc, je t’aime bien mais si tu nous suis pas, Marc et moi, je m’en fous. Après tout, si tu préfères attendre ici avec les deux autres…

– Ça va… C’est bon. Juste une chose : qu’est-ce qui s’est passé ce matin, comment ça a commencé ? Pourquoi j’ai rien entendu ?

– Tu veux dire que t’as pas entendu l’alarme incendie ? se récrie Véronique.


Je pense à la potion que Maurice m’a fait ingurgiter. Ça ne peut être que ça. Quoi d’autre ?


– Non.

– Tout ce que je sais, intervient Marc, c’est que je me suis levé dix minutes plus tôt que tout le monde. J’ai jeté un œil par la fenêtre et j’ai vu Pascal, couché sur l’herbe une flèche plantée dans le dos. J’ai pas cherché à comprendre, je suis sorti dans le couloir, j’ai déclenché l’alarme incendie et tout le monde a sauté dans ses vêtements et bondi hors des chambres. Ensuite, j’ai réalisé que j’avais pas vu Maurice alors je suis allé dans sa chambre et lui, ben… je l’ai trouvé à moitié habillé, cloué sur le matelas. La flèche a dû traverser la vitre, elle était éclatée. Le temps que je réalise, que j’essaie de comprendre, tout le monde était déjà dehors.


C’est sûr, niveau alerte incendie on était vachement bien entraînés. Pour les anciens, ça relevait même du réflexe pavlovien tant les trouducs s’amusaient à la déclencher, n’importe quand, à toute heure du jour ou de la nuit.

Sans la potion de Maurice je serais sorti, comme les autres, et peut-être bien qu’à l’heure qu’il est je serais mort.

Marc arrache un autre brin d’herbe et conclut, comme si ça ne le touchait pas plus que ça :


– J’ai vu Charlie. J’étais juste derrière lui. J’allais même le bousculer quand la flèche l’a cueilli. Je l’ai poussé… Tiré dans le coin du mur. Il est mort dans mes bras…

– Et ensuite, t’as fait quoi ? je demande, me revoyant immobile, planqué derrière un arbre alors que Talia…


Le chien l’avait-il rattrapée alors qu’elle courait ou bien était-ce une flèche qui l’avait atteinte et couchée dans l’herbe ? Je préférais la savoir morte d’une flèche que sous la morsure des crocs de cette bête immonde.

Pitié, je vous en prie, je ne veux plus jamais revoir ces images !


– Pourquoi t’es pas resté planqué à l’intérieur ? je demande, pour m’aveugler.

– C’est ce que j’ai fait, soupire Marc. Je suis sorti bien après tout le monde.

– Et alors ?

– Comment ça s’est passé pour toi ? me répond-il. Où est-ce qu’on s’est retrouvés ?


Évidemment… J’en ai conclu que la bande nous observait depuis le jour de notre arrivée au Centre 2. Ils savaient exactement combien nous étions, comment étaient organisées nos journées et la configuration des lieux n’avait pas de secret pour eux. Restait à savoir qui ils étaient et ce qu’ils nous voulaient. Des blancs, tous, ça j’en étais certain. Dans les vingt alignés devant moi, j’avais pas repéré une seule main noire.


***


Le nez dans les herbes, allongés de tout notre long, Véronique, Marc et moi on a quitté la grotte en rampant comme des serpents. La colline descendait en pente douce et même si, depuis, les herbes avaient repoussé, l’incendie avait bien déblayé le terrain. On a dû ramper comme ça une bonne petite heure et puis enfin on a atteint les premiers arbres de la vallée et là, on s’est arrêtés et prudemment redressés sur nos jambes.


– Et maintenant ? demande Véronique.

– Il faut trouver un bras de rivière et le suivre, répond Marc. Il nous conduira tout droit au Centre.

– Pas question de se séparer cette fois-ci, je dis. Maintenant, c’est tous pour un et…

– Chut ! fait Marc.


On tend tous les trois l’oreille. La nuit démultiplie toutes sortes de petits bruits. Un animal file dans les herbes, une chouette hulule et son cri, lugubre, me glace les veines. Des froissements un peu partout. Des craquements de brindilles. Et puis soudain, autre chose. Un glougloutement, léger, imperceptible mais néanmoins certain.


– À droite… je dis, chuchotant.


Si la lune avait éclairé notre descente, sa lueur était bien trop faible pour traverser la canopée. Une encre épaisse nous enveloppait.


– Tant pis, marmonne Marc.


Il ramasse une branche, nous demande de déchirer le bas de nos jeans et ceci fait, entortille un bout de tissu autour du bâton avant de l’enflammer. Une lumière rassurante fait scintiller les feuilles et réveille les fantômes cachés entre les troncs.

J’entends un clic et sursaute. Dans la flamme de la torche, je vois briller une lame d’à peu près vingt centimètres étincelant au bout d’un manche en corne :


– Je ne m’en sépare jamais, dit Véronique.


Surprenante cette fille ! Marc émet une sorte de gloussement et tous les trois, à la queue leu leu, nous mettons en route.


Mon estomac gargouille. J’ai faim comme jamais encore je n’ai eu faim. La morsure, dans mon ventre, me rend bileux. Aussi silencieusement que possible, les sens aux aguets, nous traversons toute une forêt de fougères. Nos pieds buttent contre des cailloux, dérapent sur des pierres plates tapissées de mousse ; nous tombons deux fois dans les filets d’une toile d’araignée, les moustiques nous dévorent les bras, les jambes et la figure. Enfin, nous l’entendons glouglouter avec plus de force et finissons par la découvrir derrière un bouquet de langues de belle-mère.

Large de deux ou trois mètres, profonde d’une dizaine de centimètres, la rivière sinue entre roches, rochers et pieds de ficus que des fougères phagocytent. Des lianes tombent des branches et partout ça craque, bruisse, crisse. Détale.


Accroupis, nous tendons les mains et buvons si avidement que je sens l’eau tomber dans mon estomac vide. Ça fait floc floc, j’ai l’impression que mon ventre n’est plus qu’une outre.

Marc recharge la torche d’un autre bout de tissu et pieds dans l’eau, dans le but d’égarer le chien s’il venait à relever notre piste, serrés les uns près des autres, nous marchons, atteignons un trou énorme que nous traversons à la nage, reprenons pied sur la berge, bifurquons et de nouveau les pieds dans l’eau, marchons encore.


***


La nuit s’éclaircit à peine lorsque nous atteignons le parc ceinturant le Centre 2. Dans les arbres, au-dessus de nos têtes, les oiseaux saluent le jour naissant.

Marc éteint la torche et tout en marchant, lui et moi cherchons de gros et lourds bâtons. Véronique a son cran d’arrêt, nous voulons nous aussi avoir quelque chose pour nous défendre.

Je suis persuadé qu’ils nous attendent. Si j’avais été eux, j’en aurais envoyé dix à nos trousses, si pas plus, et aurais laissé quelques hommes sur place, au cas où.


Je pense au van. Je n’ai pas le permis mais je sais conduire. Il va falloir qu’on pénètre dans la maison, que l’un de nous se faufile jusqu’à la chambre de Pascal et s’empare des clés.


S’ils étaient là, comme je le supposais, nous allions devoir nous battre. Et tuer. Je n’avais encore jamais tué personne. Je pense au couteau de Véronique et me demande si à elle, ça lui est déjà arrivé. Peut-être pas de tuer, mais de blesser. Quel effet cela fait d’enfoncer son arme dans le gras de quelqu’un ?


– Pssssst !


D’un geste ample du bras, Marc nous désigne la rangée de palmiers ceinturant les abords de la propriété.

On y est. On a réussi. Mais jusqu’à quel point ?


– Qu’est-ce qu’on fait ? chuchote Véronique sortant l’arme de la poche de son jean.

– Comment t’as fait pour pas te faire gauler avec ça ? je lui demande.


J’aime pas l’idée que cette fille ait pu se balader chaque jour avec ça planqué dans sa poche :


– Nos placards sont régulièrement fouillés, comment t’as fait ?

– Ouais, me répond-elle. Nos placards. Comme tu dis.

– Chhhtttt ! s’énerve Marc.


Rien ne bouge au Centre. C’est effroyablement silencieux. J’essaie d’apercevoir le van. Je ne pense plus qu’à lui et à nous sur la route, filant loin d’ici, très loin de ce cauchemar. Je ne le vois pas mais c’est parce que nous sommes mal placés.

Sous la véranda, près de la piscine, derrière les vitres du réfectoire, près des dépendances en face et plus loin, au niveau de la salle de sport, rien ne bouge.

Le terrain qui entoure le Centre est soigneusement dégagé, la pelouse d’un vert bien entretenu piquetée de palmiers nains et de ficus ne recèle pas beaucoup de cachettes, en tout cas, rien d’assez épais ou de volumineux derrière lequel se jeter.


– Les poubelles, tranche Marc. On suit la lisière jusqu’aux dépendances. Du local on court et on rejoint la cuisine.


La cuisine. Excellente idée. On y trouvera des couteaux, voire même un tranchoir.


– C’est calme. Trop calme, je dis, de plus en plus inquiet.

– Ben déjà, y a pas le chien.

– Désolé mec, mais je ne trouve pas ça normal.

– Quoi ? Tu te dégonfles ? crache Marc.

– Non ! Non… Je dis juste que…

– Ça suffit ! chuchote Véronique. On y va oui ou merde ?


Passée la lisière, Marc et moi restons en retrait. Véronique avance vers le local à poubelles en rampant. Rien. Pas un mouvement. Pas un bruit. Nulle part. À croupetons, prête à bondir à la moindre alerte, elle traverse l’espace recouvert de graviers séparant les dépendances de la cuisine. L’arme brandie droit devant elle, elle pousse la porte et disparaît à l’intérieur.

J’attends des cris, des bruits de bagarre, des éclats de voix ou de verre.

Mais il n’y a rien de tel.


– À toi, souffle Marc en me poussant dans le dos.


Je retrouve la cuisine telle qu’elle a toujours été. Ordonnée, rutilante et sans personne devant la grosse cuisinière ni devant l’évier. Le réfrigérateur ronronne paisiblement. Pas de trace de Véronique. Je m’avance dans le couloir, jette un œil au fil du téléphone pendu au mur. Les fils n’ont pas l’air d’avoir été coupés. Je coule un regard dans le réfectoire. J’avais vu des traces de sang par terre, devant la grande porte à double battant. Elles n’y sont plus. Le sol rutile. Je regarde dans le coin mais Charlie a disparu. Les chaises et les tables bousculées sont à leur place. Dans le couloir menant aux chambres, tout est lisse et propre. Véronique sort de celle de Maurice le visage blanc comme un suaire.

J’entre à mon tour. Marc a dit avoir découvert le corps de l’éducateur cloué par une flèche sur le lit et la vitre éclatée.

Le lit est vide, draps et couvertures tirés au cordeau. Pas le moindre éclat de verre. Je passe le doigt sur le mastic maintenant la nouvelle vitre en place. Il est sec. Et blanc. Trop blanc.

Je regarde par la fenêtre, fixe l’endroit où les vingt se sont tenus, bien alignés. Je les vois, comme s’ils étaient encore là.

Il n’y a plus un seul corps dehors.


– La piscine a été nettoyée, lance Marc, la voix rauque. Elle est en train de se remplir. Ces salopards ont fait le ménage.

– Et le van ?

– Il est là, les clés sur le contact.

– Nom de Dieu ! Mais qu’est-ce que ça veut dire ?

– Ça veut dire qu’on est sacrément dans la merde ! me renvoie Marc, cinglant.

– Pourquoi ?

– Tu comprends pas ? gueule-t-il, les yeux écarquillés. On peut même pas raconter notre histoire aux flics ! Y A PAS DE CORPS !!! Pas de flèches, rien, que dalle !


Je n’ose pas comprendre. Adossée au mur du couloir, devant la chambre, Véronique se ronge le bout des doigts.


– Ils diront que c’est nous… souffle-t-elle.

– Mais… mais NON ! Enfin, on… on… Le Gros Jean ! La Baguette ! Ils sont blessés, on a été poursuivis par des chiens et puis il y a Talia !


Et soudain je me rappelle que Talia n’existe plus. Le chien… Le chien ! Il n’a pas pu bouffer dix fois soixante kilos de barbaque, c’est pas possible. Sauf qu’il n’y a pas que le chien, il y a aussi les renards, les oiseaux, les sangliers… Des os et des cheveux, c’est à peu près tout ce qu’il doit rester des copains à l’heure qu’il est.


Ici, pas de traces, pas de preuves, sauf notre parole. Et elle ne vaudra pas grand-chose. Mais là-haut sur la colline… des preuves et des témoins, il y en a au moins deux !


– Qu’est-ce qu’on va faire ?

– Il faut tout raconter aux flics, on n’a pas le choix ! dit Véronique.

– J’ai un casier, lui répond Marc, la voix blanche. J’ai… j’ai tué un mec. Cette histoire va m’envoyer direct au trou ! Les flics ne me croiront pas. Ils diront qu’on est tous dans le coup, qu’on se couvre mutuellement.

– Je les appelle, tranche Véronique. On n’a rien fait ! C’est pas nous !


Je regarde Marc. Son désarroi me touche. C’est un type bien dans lequel dès la première seconde j’ai misé toute ma confiance. S’il a tué un mec, c’est qu’il avait de bonnes raisons.

Et puis dans le cas contraire, ce n’est pas le Centre qui l’aurait hébergé.


– Non, je dis : t’appelle personne, Véro. Il faut qu’on réfléchisse.


***


On est tous les trois attablés dans le réfectoire devant des assiettes qu’on a remplies de tout ce qu’on a pu arracher au Frigidaire. Ça fait déjà un moment qu’on ne parle plus. On a retourné le problème dans tous les sens. On n’a pas le choix : il nous faut de l’aide. Soudain Véronique et Marc, dans un parfait ensemble, lèvent le nez. Je fais pareil avec un temps de retard et tous les trois on bondit dehors.

Là-bas, à l’Ouest, une fumée noire, épaisse, barre le ciel d’une ligne verticale.


– Le Gros Jean… la Baguette… soufflé-je, effaré.


Nul doute que la colline qui crame est celle où nous nous trouvions encore hier soir et où nous avons laissé nos deux camarades ainsi que Talia et Fred-le-Borgne disparu alors que nous fuyions pour échapper au mastiff.

Soudain, je comprends que ce n’est pas aux survivants que nous avons abandonnés derrière nous que ces types en veulent.


– Ils effacent les traces… Là-haut, si nous les y avions conduits, les gendarmes auraient pu retrouver des indices… et les restes de Talia.

– Où est passée Véronique ? me demande Marc, défait.


Son visage est gris de poussière, d’un coup, il a l’air d’avoir pris vingt ans. Ses yeux sont enfoncés, ses traits gravés comme ceux d’un masque. Il me bouscule, entre dans la maison et deux minutes plus tard j’entends les éclats d’une dispute. Je reviens sur mes pas, comprends que Véronique a appelé la cavalerie.


***


Les gendarmes nous embarquent tous les trois et une fois au poste, appellent le directeur du Centre. En attendant, ils nous interrogent chacun à notre tour et il est plus que vraisemblable que nous leur racontons la même histoire.

Le directeur du Centre nous récupère en début de soirée et nous explique que la police de Nouméa va nous réinterroger et que c’est elle qui va se charger de l’enquête.


Quand les flics de l’identité judiciaire et ceux de la police scientifique en eurent terminé, le Centre 2 ferma ses portes pour ne plus jamais les rouvrir.


Le dossier contenait une moisson d’indices et de preuves irréfutables.

Les draps de Maurice avaient été brûlés – les gens de la police scientifique en avaient découvert des petits morceaux dans le bidon dans lequel nous entassions les mauvaises herbes. Le matelas sur lequel Marc affirmait l’avoir vu couché avait été retourné et la surface ainsi cachée portait la marque d’une entaille et celle d’une grosse flaque de sang : « entaille faite par un objet pointu genre poignard ou flèche ».

Le couteau de Véronique lui avait été confisqué mais la lame ne correspondait pas au trou laissé dans le matelas. Ils passèrent en revue tous les couteaux de cuisine, certains de ceux qui correspondaient à l’empreinte relevée ne portaient pas de trace de sang ou s’ils en portaient, c’était du sang de bœuf. Le mastic de la fenêtre avait été qualifié de trop récent ; ils avaient mis à sac le Centre, avaient fouillé les dépendances, la salle de sport, mais n’avaient pas trouvé de boîte correspondant à la marque du mastic employé. Le luminol avait révélé des traces de sang dans la salle de réfectoire correspondant bien à celui de Charlie. Un bout du tee-shirt vert de Marc avait été retrouvé accroché à une branche de faux mimosa, près de l’entrée principale et quelques jours plus tard, quand nous conduisîmes les gendarmes et les chiens de la police de Nouméa sur la colline, on retrouva des os. Ceux de Talia. Et d’autres, plus haut encore. Quelques-uns devant un trou à l’embouchure grosse comme une canalisation et d’autres, au pied d’un gaïac.


Les flics retirèrent de toutes ces bribes éparses leurs conclusions.

Rien de probant, rien qui ne nous épargnait vraiment. Mais pas non plus de preuves à charge.

L’affaire fut enterrée et le dossier rangé dans une armoire où s’empilaient les doutes et d’autres questions sans réponse.


Véronique, Marc et moi fûmes vivement encouragés à raconter notre aventure à un psychiatre.

Ce que nous fîmes.

Puis les années passèrent.

Le temps, la vie nous séparèrent.


Jusqu’au jour où par le biais d’un site de discussion regroupant des chasseurs de cerfs – j’aimais toujours autant la chasse, la pratiquait de préférence seul et à l’arc ; désormais je savais très exactement ce que ressentait le gibier que je poursuivais et l’abattre, quand j’y parvenais, provoquait en moi une sorte… d’extase – je renouais le contact avec Marc.


Nous nous rencontrâmes dans un café de la place des Cocotiers au sol rougi des fleurs de flamboyants tombées et durant une petite heure échangeâmes des nouvelles très ordinaires.

Je le laissais parler, il avait plus de choses à raconter que moi qui m’étais enfermé dans le silence et avais tout mis en œuvre pour instaurer le plus de distance possible entre le Centre et moi, entre cet Avant et cet Après sur lequel, les années s’écoulant, il m’était de plus en plus difficile de faire l’impasse.

C’était comme s’il me manquait quelque chose. J’avais besoin de ressasser, d’en cauchemarder, quand une journée ou une nuit passait sans que j’y aie pensé, je me sentais fautif.


Marc m’annonça qu’il s’était marié avec une institutrice et qu’ils vivaient avec leurs deux enfants à Houaïlou, où elle enseignait le français aux gosses du collège. Lui était devenu plombier et sa petite boîte fonctionnait cahin-caha. Il chassait beaucoup, passait la plupart de son temps libre dans les forêts.


– J’ai deux pitbulls, m’annonça-t-il de sa voix traînante. Castor et Pollux, ils s’appellent. Quand j’ai dit que je voulais les dresser pour la chasse aux cerfs, les copains se sont foutus de ma gueule. Ben tu vois… je leur ai donné le goût du sang. Faut les voir courir après les cerfs, crois-moi, y font pas semblant.


Des sons, des images me sautèrent à la figure. Je l’observai et compris que s’il avait choisi ce genre de chiens et les avait si bien dressés, ce n’était pas uniquement pour la chasse au cerf. Sans doute y pensait-il lui aussi parfois et la présence de ces chiens à ses côtés devait… le rassurer ?

Mes pensées s’égarèrent vers des récifs que je connaissais bien et l’une d’elles tossa avec une telle force contre un affleurement que son fracas nous fit tous les deux sursauter :


– Tu as des nouvelles de Véronique ?


Il détourna les yeux, avala une gorgée de sa bière :


– Je l’ai rencontrée il y a quoi… cinq ans ? Elle partait pour la Métropole avec son mec. Des fois, il arrive qu’on se croise sur FB. Elle va bien, des gosses, du travail, tout ça quoi… La vie… Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens ?

– J’enseigne aussi. Au Lycée technique.


Il ne me demanda pas quoi et cette absence de curiosité me fit comprendre que nous nous étions perdus et qu’il n’avait pas plus que moi envie de revenir sur nos traces.


– Marié ? demanda-t-il encore.

– Non. Plus maintenant.

– Des enfants ?

– Trois. Ils vivent avec leur mère.


On a réglé nos consommations, échangé nos adresses e-mails et puis on s’est séparés sur la vague promesse d’une partie de chasse, là-haut, à Houaïlou.


***


Ce matin, en ouvrant ma boîte mail, j’ai découvert un message d’Alain. Aucun mot n’accompagnait l’article de France-Soir qu’il me faisait parvenir et qui relatait l’aventure de deux couples et de trois amis qui avaient choisi de passer quelques jours dans un gîte d’une forêt française du côté des Hautes-Alpes.


L’unique survivante de ce séjour cauchemardesque racontait que cinq d’entre eux se promenaient sur le sentier balisé menant à une cascade lorsqu’une flèche avait atteint son mari en pleine poitrine. D’autres flèches avaient fusé depuis les branches des arbres et les amis avec lesquels elle se promenait avaient tous été touchés. Elle devait d’avoir la vie sauve à un ravin dans lequel elle s’était jetée. De là, elle s’était enfuie dans la forêt où des chiens s’étaient lancés à ses trousses. La femme avait galopé toute la nuit, s’était réfugiée dans une grotte et quand le jour s’était levé, avait tenté sa chance et décidé de rejoindre le gîte. Quand elle y était arrivée, celui-ci était désert. Les deux couples et les trois amis étaient arrivés avec trois voitures mais celles-ci n’étaient plus là. De même que les bagages… Il n’y avait personne et hormis ce qui manquait, le gîte était tel qu’ils l’avaient laissé.

Elle avait rejoint la route principale, fait du stop et appelé la police.


Les flics ne découvrirent que des traces de sang, disséminées dans les herbes aux alentours de la maisonnette. Quand ils remontèrent le sentier afin d’examiner les lieux et récupérer les corps du mari et des autres, ils ne trouvèrent rien.


L’article ne s’arrêtait pas là.


L’un des flics, interrogé par la journaliste qui avait signé l’article précédent, avait révélé qu’en Bretagne – où il était en poste avant d’être muté à Paris – « certaines personnes racontent qu’un groupe d’illuminés barbus, portant de longs cheveux roux se réunissent autour des pierres levées de Carnac et y festoient de chair humaine. »

« Ces mêmes personnes soupçonnent ces gens d’appartenir à une communauté de SDF dirigée par un dénommé Gerfeun. Celui-ci, dont personne n’a jamais vu le visage, est toujours accompagné d’un mastiff au pelage aussi roux que sa barbe. Des rumeurs – persistantes – racontent que cet homme, ce Gerfeun, rêve de bâtir une Communauté Mondiale constituée de tous les hommes de bonne volonté rejetés par le capitalisme. »

« De nombreux SDF, que ce soit à Paris, Bruxelles, Londres et autres grandes et petites villes américaines évoquent eux aussi cette Communauté dont ils disent que des agents recruteurs se promènent partout en certifiant que tout nouvel adepte la rejoignant ne manquera plus jamais de rien. »


L’article concluait :


« Mythe ? Légende urbaine ? Quoi qu’il en soit, la Compagnie de Gerfeun – ou Communauté de Gerfeun – semble avoir étendu ses tentacules dans le monde entier. Si comme le rapporte les personnes que nous avons interrogées, elle existe vraiment, celle-ci pourrait à l’heure actuelle avoisiner les vingt ou trente mille membres ou plutôt « Soldats » puisque c’est ainsi qu’ils se sont baptisés. »


J’allais refermer ma boîte aux lettres quand un autre message me parvint.


Je cliquai dessus :


Un petit voyage en Bretagne… Ça te dit ?

Castor et Pollux te font une léchouille.


 
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   Bidis   
12/8/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une histoire qui tient en haleine de bout en bout. Mais je n’ai pas été très touchée par les personnages, c’est dommage. Et la chute me laisse un peu sur ma faim.
En tout cas, l’auteur a un sacré talent pour écrire les scènes d’action.

Edit : J'avais lu ce texte en Espace Lecture. Je le relis ici et je trouve que l'écriture en est vraiment percutante et imagée.
Et j'ai beaucoup aimé l’histoire, très jolie et très joliment racontée, du bénitier dans l’arbre.

   Pepito   
11/8/2015
Bonjour Alienor,

Forme: diable que c'est bien écrit ! A tel point que l'on sursaute sur de menus détails.
"il crache les goudrons qui, depuis dix ans qu’il fume, encrassent ses poumons. " un "qui" facilement évitable à mon avis.
"Un frisson glace mon échine" "me glace l'échine" suffit amplement
"Même pas il pleure. " ? Ziva, un coup de d'jeun, gratuit, en plein milieu ? ;=)
"Les copains étaient déjà dehors à tondre ?" m'a manqué le "ou" en début de phrase

Le début annonçant que ça va être terrrrrible, ne me parait pas une bonne idée. Je préfère m’enfoncer, mine de rien, dans l’horreur. Juste une question de gout.

"j’ai regardé le lion dévorer Blandine." "plus près de toi, mon Dieu" tss, tss, l'éducation, quand même, c'est terrrrible ;=)

"des flammes qui de toute façon ont tant à dévorer dans ces forêts sèches et craquantes qu’elles ne prennent pas le temps de
s’attarder." ça c'est bon de bon

Fond : un départ façon Club des cinq... en plus hard. Tout du long je me suis dis "Pourvu que ce ne soit pas un rêve provoqué par les herbes !"... bien joué ;-)
C'est haletant, en plus de bien écrit, donc on suit la galopade à fond les ballons. S'en suit quelques gamelles sans gravité :
"Chacun pour soi" plus loin "on" a trouvé une grotte... ??
"cinquante pompes" si on y a goûté, on sait que 20 suffisent amplement ;=)
"jette un œil au fil du téléphone pendu au mur" mais n’essaie de voir s'il fonctionne ?!
"la colline qui crame" elle a pas déjà cramé ? Détail en trop en amont.

Le coup du "on va porter le chapeau" même si déjà vu est très bien amené. Ouf, pas de "rêve" ! ;=)

Vient le moment ou les ex-poursuivis se mettent à goûter à la chasse. Difficile à gober tel quel. Une ou deux phrases pour expliquer, faire passer une position qui serait normalement aux antipodes du commun, ne serait pas un mal.
Mais l'idée, elle, est excellente.

Puis vient la cata : "les hommes de bonne volonté rejetés par le capitalisme." "Gerfeun and Co" > "C'est la chaaaaasse finaaaaale, tous aux arcs et demaiiiiiin... la chaaaaasse finale sera notre gagne paiiiiin !" mais quel dommage !

De petites chasses de bon ton, entre comtes Zaroff ... bien discrètes, pépères... cela m'aurait amplement suffit... et beaucoup plus fiché la trouille ! ;-()

En attendant merci pour la lecture, j'ai dévoré... oups !

Pepito

   AlexC   
12/8/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour Alienor,

Vous n’avez peur de rien avec vos 48 000 caractères ! Mais force est de constater que je ne me suis pas ennuyé. Félicitations.

La traque (ou la fuite) est bien mise en scène, haletante. Les flashbacks et dialogues cassent bien le rythme, apaisant le suspens avant de mieux repartir.

Cependant, certains passages ne me semblent pas essentiels comme tout le paragraphe sur le but du centre, le détail des randonnées, des activités, etc… La recherche de la rivière… Nombre de descriptions… Vous pourriez condenser tout ça et garder si ce n’est augmenter la tension et le suspens que vous avez plutôt bien construit.
Par ailleurs, le narrateur, qui écrit a posteriori de plusieurs décennies, pourrait épargner le lecteur d’un langage “adolescent”, inutile en dehors des dialogues.

Quelques remarques :
-On ne meurt pas sur le coup d’une flèche dans l’aine… Il est en fait assez difficile de mourir sur le coup d’une flèche si celle-ci n’a pas touché un point vital (crâne, gorge, cœur…)
-S’ils partent dans toutes les directions comment les cinq survivants se retrouvent-ils ?
-Etrange tout de même que les chasseurs n’en finissent pas avec leur chasse, alors qu’ils ont clairement énoncé la condition de survie du gibier…
-L’ouverture sur la communauté de SDF ne me paraît pas apporter grand chose à la nouvelle (en tant que telle).
-J’aime bien l’idée que le traumatisme ait transformé les chassés en chasseur et que le texte se concluent sur une l’hypothèse d’une inévitable vengeance.

Merci pour cette escapade bucolique !

Alex

   Thorgal   
14/8/2015
j'ai lu d'une traite, c'est prenant... mais les personnages ne sont pas assez approfondit, enfin c'est mon avis. On ne ressent pas assez le côté voyous des jeunes.
Je trouve que la date de la découverte du sentier ainsi que ce qui suit n'apporte rien à l'histoire.
Une autre chose : je trouve bizarre que l'espèce de monstre chien qui se tient à 5 mètres du personnage principal ne sent pas sa présence.
Sinon belle écriture qui tient en haleine... Merci pour cette lecture

   Anonyme   
15/8/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Le sujet n'est pas vraiment original. Nombreux sont les films ou romans qui ont abordé la chasse à l'homme sous toutes ses formes. Mais ici elle est particulièrement bien traitée, avec ce qu'il faut de suspens pour maintenir l'intérêt. L'écriture y joue pour beaucoup tant elle est agréable à parcourir, assurément de grande qualité. Le déroulement de l'action, les dialogues, la description minutieuse des plantes et paysages de Nouvelle-Calédonie, tout est finement travaillé. Hélas - car sinon j'aurais trouvé ce texte remarquable - la fin vient tout gâcher ! Et pas qu'un peu, c'est la grosse déception. Nous étions au summum de la tension dramatique quand tout retombe comme un soufflet, à partir du moment où trois des rescapés reviennent au centre de vacances. L'action s'arrête brutalement, viennent des explications farfelues, totalement improbables, puis s'ensuit cette surprenante transformation des proies en chasseurs passionnés ! J'aurais plutôt imaginé que, traumatisés, ils fuiraient des rappels de ce souvenir douloureux. Bref, la fin n'est pas du tout à la hauteur des promesses du récit et c'est bien dommage.

   Donaldo75   
5/9/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Alienor,

Cette histoire est terrifiante parce qu'elle sonne vraie, juste, et que la fin quand des cas similaires apparaissent au lecteur via l'article de presse, rajoute de la terreur à l'effroi.

J'ai bien aimé la première partie, conduite rapidement, avec des allers-retours dans le temps, où tu mets en lumière les personnages principaux. La suite est également bien vue, parce qu'elle laisse des questions en suspens.

Bref, ça se lit tout seul, malgré parfois des phrases très longues, et le climat d'horreur ne met pas longtemps à s'installer.

Bravo et au plaisir de te lire de nouveau.

Donald

   nemson   
20/10/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bien écrit, c'est fluide et efficace, bon rythme, mais déçu par la dernière partie : Le retour à la vie avec son lot de retrouvailles et de nouvelles des un et des autres, ça ne sert le récit en rien. l'explication de l'existence des chasseurs est peu crédible, j aurais préféré voir l'action s'allonger quitte à finir dans le mystère de l'identité des chasseurs. je pense qu'à vouloir tout expliquer tu désamorces la tension du récit.
Cordialement.

   BCharpentier   
8/8/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Premier texte lu, première bonne surprise. J'ai passé un bon moment à te lire, merci :)


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