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Fantastique/Merveilleux
Asrya : Jérôme
 Publié le 23/01/18  -  12 commentaires  -  13063 caractères  -  100 lectures    Autres textes du même auteur

Un nouveau souffle de vie – enfin... si on a des poumons.


Jérôme


Lorsque je suis revenu à moi, je n'étais plus le même.

En même temps, comment aurais-je pu l'être ?

J'avais cinquante-sept ans, le front dégarni, quelques lambeaux de cheveux grisonnaient à l'approche de mes oreilles, je portais une veste brune cousue par les mains d'un Asiatique, une mallette noire vieillie – tout comme moi ; et cette voiture… à vive allure.

D'un trait net elle m'a fauché, et je me suis retrouvé ici, sans avoir eu le temps de faire le tour de ma vie.

Je n'y avais jamais cru, du temps de mon… vivant. Je pensais qu'une fois que la fossoyeuse conversait avec le palpitant, c'était cuit, et pour de bon.

Et finalement, je m'étais retrouvé là : en face de Willy. Will Of Lydegard, de son vrai nom.

La vingtaine, tout juste passée, mal coiffé, mal rasé, habillé d'une robe rougeâtre parsemée de symboles dorés, un pyjama j'ai pensé – de quoi m'enchanter.

Ses mains étaient toutes rougies d'une flamme évanescente qui s'atténuait au fur et à mesure que je les observais. Il me regardait, scotché, l'air ahuri et enjoué, jusqu'à ce qu'il se mette à sautiller sur place, joyeux comme pas deux, un sourire qui inondait le ciel et un rire qui devait déranger les entités qui y logeaient.

Après avoir fermé le poing et l'avoir brandi d'un air victorieux, comme un boxeur ou un ado après son premier baiser, il est venu vers moi, a épousseté ses vêtements d'un battement vif de la main et m'a demandé :


« Tu es de quel niveau ? »


Je n'ai pas compris.

Je l'ai regardé, probablement l'air hébété. Aucun son ne sortait de ma bouche. Et… alors que je tentais vainement de sentir mes lèvres pour en dégager quelque chose, je me suis rendu compte que… je n'en avais plus.

Une sensation étrange, dure, très dure, robuste, comme un mur au toucher ; plus simple en réalité : un os, de mandibule humaine.

Surpris, étonné, plutôt anxieux à vrai dire, je me suis mis à décrypter non plus celui qui me faisait face, mais mon corps, mes bras, mes jambes, mes pieds, mon bassin, mon buste : plus de peau, que des os.

Pas de pot…

J'ai dégagé un cri strident, j'ai levé les bras en l'air affolé comme un cochon avant sa saignée, hurlant à tout-va en faisant des tours et des détours afin de comprendre ce qu'il m'arrivait : d'un homme, mal bâti, bien en chair et riche de rides, j'étais devenu squelette, animé : mort-vivant.

Willy avait l'air un peu dépité…


« Je m'attendais à quoi en même temps… c'est la première fois que j'en convoque un, je pouvais pas tomber sur un squelette expérimenté… »


Si j'avais encore eu une pression artérielle, elle aurait chuté si rapidement qu'il aurait fallu plus de temps à Gaston pour faire une gaffe.


– Bon… comment tu t'appelles ?

– Je… je… Jérôme.

– Très bien Jérôme. Tu pourras me nommer Lord Lydegard si tu désires t'adresser à moi. Ou Lord tout court, cela me convient. Ou Willy…


C'est comme ça qu'elle a commencé, ma nouvelle vie.

Avant j'étais Jérôme, comptable dans une entreprise de cosmétiques pour adolescentes délurées ; et je suis devenu Jérôme, squelette de compagnie d'un nécromancien au doux sobriquet de Willy.

Avec Willy, ça a commencé petit, il voulait me tester.

Il n'avait pas confiance. Je le comprenais. Alors il m'a emmené dans les égouts, pour voir ce que je valais. Comme ça, sans rien m'expliquer. On a avancé, un peu, et puis des rats nous sont tombés dessus.

Enfin… je dis des rats… il fallait voir les rats !

Vu la taille, j'aurais plutôt dit des ragondins, ou des castors ; mais j'ai trop de respect pour les castors pour les y comparer. Des pattes qui faisaient la moitié des miennes, et des cuisses… à faire rôtir il y avait de quoi se nourrir !

Willy était allé se planquer dans un recoin et m'avait laissé là, comme une merde, face à ces rongeurs énormes qui a priori n'avaient pas becté depuis quelques semaines.

Ils se sont jetés sur moi à une vitesse…

L'un d'entre eux s'est agrippé à mon radius – le squelette humain n'a plus de secret – et c'est là que j'ai réagi.

Je n'avais pas mal.

Heureux de cette surprise, je me suis levé et les ai regardés l'air un peu penaud. Ils ne comprenaient pas ma stupéfaction.

J'ai rigolé – enfin, comme un squelette, en faisant trembloter ma mâchoire sans le moindre son ; et je leur ai envoyé un bon coup de métatarses dans les roupettes. Ils n'ont rien compris et sont partis sans réclamer leur reste.


« En voilà une surprenante technique mon bon Jérôme ! Je suis stupéfait ! Tu feras parfaitement l'affaire ! Avec un peu d'entraînement et d'expérience, nous formerons une sacrée équipe, j'en suis sûr ! »


C'est con, mais je me sentais vivant. J'étais mort, bien mort, mais pour la première fois, je m'étais senti vivant.

J'avais passé toute ma vie derrière un bureau, au téléphone, entre les comptes des uns et des autres, sans jamais avoir de passion pour ce qu'on m'offrait.

À une époque je m'étais satisfait de la famille que j'avais eue, ma femme, mes enfants ; et puis ils ont grandi, mûri, et plus ils grandissaient, plus je dépérissais.

Mes articulations me faisaient mal quand je me levais le matin, chaque courbure était un supplice, un effort incommensurable qu'il me tenait à cœur de repousser ; j'avais pris du bide, une petite brioche, malgré une alimentation équilibrée que jamais je n'avais réussi à malmener ; je ne bandais plus que par-ci, par-là, malgré les avances lubriques de ma compagne – c'est pour ça que j'ai compris quand elle est partie, on a tous des besoins ; et depuis des années, je n'avais plus rien : ni besoins, ni envies, ni projets, ni avenir.

J'étais devenu triste à en faire mouiller une statue.

Je n'y avais jamais fait attention. J'étais là, tous les matins, avec mon bol de café et mes tartines grillées, le mec conventionnel dans la société : mon portable sur la table, les infos à portée de main, la radio en fond, bien derrière, qui gicle l'humeur des grosses têtes ; le regard sur le cadran de ma montre, les clefs dans la poche, l'appartement, la voiture, le bureau, les collègues, le café, les discussions, les embrouilles, les potins, le canapé, la télé, ma main droite et l'oreiller.

Tout ça en cycle régulier sans jamais me rendre compte que j'étais enfermé, que je m'étais enfermé dans le fléau de la vie civile : la routine.

Ce qui est intéressant, c'est que depuis que je suis un squelette, je me pose beaucoup de questions par rapport à la vie. À celle que j'avais eue et celle que j'aurais voulu avoir. Adolescent je voulais être coiffeur ; mais ça faisait un peu tache dans la famille.

Ça ne nourrit pas d'ambition et ça ne fait pas racoleur dans les conversations. Ma passion s'enflammait dans les cheveux ; peut-être pour ça que les miens ont péri.

Alors j'ai fini comptable. Une logique imparable.

Mais dorénavant… dans ce corps complètement décharné, sans ces entrailles, sans ces organes obsolescents, j'étais devenu « aventurier ».

Ah ça… on a en a eu des aventures.

Là où j'avais atterri, avec Willy, il ne fallait pas prêter attention à l'étrange : tout l'était.

Je l'ai vite compris après avoir exterminé deux lucanes de la taille d'un monospace.

Et puis tout s'est enchaîné : on a labouré un champ d'orties carnivores, détroussé une fouine enchanteresse, incendié les réserves de potions d'une bande de gnomes, malmené le photophore d'un léviathan ; on a tout fait.

Presque tout. On est jamais vraiment allés dans la forêt des bois filés, Willy avait peur des araignées.

À chaque fois c'était pareil, mais au moins ça me faisait marrer. Dès que j'en voyais une, petite, velue, avec de longues pattes, des yeux bien globuleux, je la prenais entre mes phalanges et je lui amenais discrètement au-dessus de ses épaules.

Si j'avais pu me pisser dessus à chacune de ses réactions, je l'aurais fait.

Il arrêtait pas de geindre comme un enfant vexé par une broutille.


« Putain Jérôme ! Déconne pas Jérôme ! Déconne pas ! Un jour tu verras, je te laisserai dans ta tombe et tu remettras plus ce qu'il te reste de pieds ici ! »


Du coup j'arrêtais… Ce que je n'avais pas compris au début, c'est que… j'avais beau être un squelette : je pouvais clamser ; autant que n'importe qui.

Je ne saurais pas l'expliquer. Je ne sentais rien, jamais rien, aucune douleur, aucune souffrance et… d'un coup : pouf ! Je me réveillais. Debout, comme ça ! J'apparaissais aux côtés de Willy, l'air rêveur, toujours ses flammèches entre les mains, parfois en plein combat, le voyant déguerpir le plus rapidement possible en me sommant de retenir ses assaillants. Et au bout d'un moment… rebelote.

En fait, tant que Willy restait en vie, il pouvait me réanimer ; et aucun autre.

Pourquoi ? Alors là… la magie… moi… je ne suis qu'un squelette.

Ce qui est marrant avec les squelettes réanimés, c'est qu'ils n'ont aucun libre arbitre. Je pouvais penser, parler, échanger autant que je voulais avec Willy, mais dès qu'il avait besoin ou envie de quelque chose, il n'avait qu'à en faire la demande et je m'exécutais ; sans pouvoir rechigner.


« Prends mon sac Jérôme »,

« Va me chercher à boire Jérôme »,

« Mets-toi à quatre pattes Jérôme »,

« Fais le mec bourré Jérôme »,

« Envoie-lui de la caillasse Jérôme ».


Encore plus marrant, mes membres avaient beau être contrôlés par lui, ça ne m'empêchait pas de penser autrement.

C'est fort la pensée, plus fort qu'un nécromancien. C'était ma seule liberté.

Un jour, j'ai essayé d'entamer la conversation. De… m'étendre un peu plus sur moi : mon ancienne vie, ce qu'on faisait à présent, que ça me plaisait, que je me sentais vivant, comme jamais !

Qu'au final, je n'avais pas eu la vie qui me convenait et que j'aurais dû faire autrement ; vivre plus intensément chaque seconde, chaque jour.

Ne rien laisser passer, tout essayer, à partir du moment où je le souhaitais sur l'instant ; y réfléchir au moins et ne pas balayer ça comme ça, d'un grand revers de la main.

Il n'était pas trop dans la parlote, pas trop dans l'échange ; pour lui j'étais un squelette, son squelette, un objet qui lui servirait à encaisser des coups qui ne lui seraient pas portés. Alors point de vue conversation… c'était assez restreint.

Du coup, il me lançait un sort de confusion, ou de mutisme. Ça me calmait.

Je ne sais pas ce que j'essayais de lui faire comprendre, ou me faire comprendre à moi-même. Peut-être avais-je essayé de le sensibiliser à la façon dont il me traitait. J'avais eu une vie, tout comme lui. Et il n'y prêtait aucun intérêt.

La seule chose qui le passionnait, c'était son bouquin, ses sortilèges : faire en sorte que je sois de plus en plus compétent.

Au fur et à mesure, j'ai acquis une armure, un casque, des jambières et des bottes ; et puis il s'est pris d'une lubie pour les armes, j'ai tout eu : couteau, épée, hallebarde, arc ; je ne vais pas tout lister, il prenait tout ce qu'il trouvait.

Il était fier de me voir dans ses apparats.

Une vraie gondole de Venise en plein carnaval de Rio.

À la taverne, j'étais censé le protéger et faire en sorte qu'on l'acclame pour son intelligence. Il buvait, comme tous, trop, et s'amusait à attirer la foule sur lui. Enfin sur moi. Je gesticulais, sans la moindre volonté, comme un pantin torturé par son marionnettiste. Je dansais les traditionnelles du coin, un bras par-ci, une jambe par-là, les doigts devant, derrière, en rond, quelques sauts : pour qu'ils se raillent et s'abreuvent comme des porcs. C'est à cela que ça mène ? La dominance ?

Moi… je croyais avoir revécu.

Qu'est-ce qu'une vie d'esclave…

Un soir à la taverne, on nous a confié une mission : récupérer un grimoire.

Quand ça paraît simple, c'est souvent compliqué. Hazut le barde avait échappé à une embuscade survenue à l'orée de la forêt des bois filés : des trolls d'après lui.

Les trolls… c'est pas les plus tendres, mais les armes ensorcelées de poison que Willy réussissaient à invoquer suffiraient à les faire déguerpir – surtout pour un grimoire…

Ses peurs aux trousses ne l'emballaient pas. Le barde nous avait certifié qu'il n'y avait que quelques pas à franchir à partir de la rivière des reines-des-près ; et il ne nous avait pas menti.

Nous avions trouvé le chariot qui les avait transportés, lui et sa compagnie, à quelques mètres à peine du coin d'eau. Le grimoire s'y trouvait : il n'avait pas été déplacé par les trolls – étonnant…

Willy s'en saisit, se retourna et se satisfit d'une quête réussie lorsque je lui criai, le doigt pointé :


« Attention ! Une araignée dernière toi ! »


Il ne put me répondre que :


« Déconne pas Jérôme putain ! Déconne p… »


Les chélicères de cette merveilleuse et gigantesque épeire se faufilèrent brusquement entre les omoplates de Willy.

Il aurait fallu le sauver.

Plusieurs choix s'offraient alors à moi :

– le venger et me jeter os et âme afin de terrasser l'ardent meurtrier de mon maître nécromancien,

– attendre qu'elle se décide à me poursuivre ou non,

– filer loin, et réfléchir à mes vies.


À Verduria, une campagne elfique, un commerce recherchait un employé.

Le brushing était à deux pièces d'or ; maintenant trois.


 
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   hersen   
2/1/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Eh ben voilà, Jérôme va enfin pouvoir être coiffeur ! Comme quoi plusieurs vies, c'est pas du luxe;
C'est une histoire marrante, qui déstabilise un peu au début mais je me suis vite prise au jeu de sa nouvelle vie, de ses réflexions, le petit côté troll dans la forêt et le Bois filé apporte ce qu'il faut de légèreté.

Bref, j'ai bien aimé ce texte parce qu'il fait pas mal sourire, qu'on ne voit pas le temps passer à le lire et que l'écriture ne flemmarde pas, elle colle très bien à la vie de squelette, je trouve. :)

Merci de cette lecture

   Louison   
23/1/2018
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Les quelques traits d'humour n'ont pas suffit à me faire entrer dans ce monde où tout me paraît tiré par les cheveux.

D'étranges formules comme: "J'ai dégagé un cri strident", "J'étais devenu triste à en faire mouiller une statue", oui, bon...

Le fait d'être dans un monde étrange et en même temps d'avoir des références à Gaston Lagaffe, m'a laissée hors de votre monde.

Une prochaine fois sans doute.

   SQUEEN   
23/1/2018
 a aimé ce texte 
Bien
Cette lecture m'a plutôt plu, j'ai bien aimé le ton cette espèce de distance humoristique qui est plaisante tout du long. Aucune tentative d'explication, on est dans le loufoque morbide et on y reste, une constance agréable jusqu'à la chute. Merci.

   Anonyme   
23/1/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Asrya,

Du temps m'a été nécessaire pour me laisser vraiment captiver par l'histoire, notamment à cause de quelques lourdeurs dans l'expression « quelques lambeaux de cheveux grisonnaient à l'approche de mes oreilles », «J'ai dégagé un cri strident »..

Au final la loufoquerie et l'imagination débridée de l'auteur m'ont quand même fait passer un agréable moment, surtout à partir du moment où la machine à délires s'emballe avec « des lucanes de la taille d'un monospace », etc...

Le thème est original et ma lecture a été très imagée le « coup de métatarse dans les roupettes » entre autres... Même si parfois j'ai trouvé l'humour tiré par les cheveux. Je suis bonne cliente habituellement, les grosses ficelles ne me dérangent pas, mais j'aime moins que l'on me prenne d'autorité par la main pour m'amener pile là où il faut s'esclaffer « Pas de pot ! » « Gondoler à Venise au carnaval de Rio »... .

Quant à la réflexion que ce texte doit susciter, je ne l'ai pas bien saisie. Avant, le narrateur était à fond dans la routine, une fois squelette, il devient esclave... Que faut-il comprendre ? A condition toutefois qu'il y ait quelque chose à comprendre, bien entendu...

Et puis aussi, je n'arrive pas à poser les yeux sur l'explication qui me dirait pourquoi on le retrouve coiffeur, alors que j'avais cru comprendre que seul Willy le maintenait « en vie », et Willy, bah, Willy, il est kapout, non ?

Le bien +, c'est pour le scénario original, mais surtout pour la deuxième partie, bien déjantée comme j'aime, où l'imagination s'en donne à cœur joie. Cela me donne d'ailleurs l'impression que cette nouvelle a été écrite en deux fois. Oui ? Non ? Autres ? ^^

Je te remercie pour ce partage, et espère lire très vite les explications que tu ne manqueras pas de me donner.


Cat

   Shepard   
23/1/2018
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Asrya!

Ce texte me rappelle typiquement le genre de délire qui peut se dérouler autour d’une table de JdR, partant d’une blague et prenant des proportions de plus en plus ridicules. L’histoire m’a fait sourire (ça m’a rappelé quelques souvenirs… car ça fait malheureusement un moment que je n’ai pas eu l’occasion de roleplay…).

Bon il y a quand même le ‘but’ (si je puis m’exprimer ainsi) de l’histoire qui m’a semblé plutôt confus. Finalement j’ai eu l’impression que l’auteur est allé un peu au hasard, en lisant je ne savais pas non plus où on m’emmenait, pour aboutir sur une conclusion assez expéditive (et je pensais que si le nécro crevait, ses serviteurs suivaient ? =)) Okay, détail). Donc j’ai été un peu déçu par le récit manquant un peu de substance, on a les états d’âme de Jérome, mais peut-être que plus de situations actives entre lui et son maître auraient pu générer une trame plus solide (avec plus de rebondissements) ainsi que plus d’attachement aux personnages.

L’écriture est un peu lourde par moment (ex : comme un cochon avant sa saignée, hurlant à tout va….) redondant, l’image suffit à elle même. Ou alors en fait trop à mon goût (ex : Gaston, c’est cherché un peu loin ; ‘mouiller une statue’ ??? pleurer, pourquoi changer pour mouiller…? ; ‘un sourire qui inondait le ciel...’ je ne suis pas sûr de l’image… et d’autres). Dans l’ensemble je n’ai pas étais emporté par le style.

Bref, une histoire qui me parle, mais qui à mon avis aurait méritée plus d’attention ? (peut-être que l’auteur y à passé du temps.. ce n’est que mon ressenti).

   Jean-Claude   
26/1/2018
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Asrya,

Au début, j'ai eu une réserve à l'emploi du "je" mais il se justifie par le final.
Final qui me pose toutefois un problème : Jérôme n'est pas censé survivre au nécromancien (et, sauf problème de lunettes, je n'ai pas lu que cette affirmation était fausse).

J'ai une autre réserve pour le ton semi-oral (je ne suis pas fan du passé composé) et le nécromancien qu'on imaginerait plutôt devant une console de jeux.

Malgré ces réserves qui ont freiné mon immersion, j'ai passé un bon moment, même si je n'ai pas tout-à-fait compris le brushing.

Au plaisir de vous (re)lire
JC

   Louis   
26/1/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L’apparence fantaisiste de cette nouvelle est en réalité sous-tendue par des interrogations profondes et fondamentales : à quelles conditions une vie vaut-elle d’être vécue ? Qu’est-ce que vivre authentiquement ?

Le narrateur et principal personnage du récit, Jérôme, se trouve pris dans une quête initiatique, dans l’imaginaire et le symbolique, qui lui permettra de répondre aux interrogations qui le préoccupent.

Jérôme meurt, et pourtant, par la magie d’un « nécromancien », il revit, plus très bien en chair, mais bien calé sur ses os.
Jérôme, en réalité, ne meurt pas totalement. Ce qui périt en lui, c’est sa vie sociale, c’est la dimension sociale de son existence, avec ses conventions et ses contraintes ; c’est sa vie professionnelle, celle d’un comptable dans une entreprise de cosmétiques.

Mais, avec la mort, c’est aussi la part temporelle de Jérôme qui s’efface, les marques de l’âge et le poids des années :
« j’avais cinquante-sept ans, le front dégarni, quelques lambeaux de cheveux grisonnaient… » ;
« j’avais pris du bide, une petite brioche » ;
« Mes articulations me faisaient mal quand je me levais le matin ».
Cette mort laisse subsister un corps dépouillé, sans chair, sans peau, juste une ossature qui résiste au temps, et ne subit pas les marques et inconvénients du vieillissement.

La mort de Jérôme signifie donc le dépouillement de son être social et temporel.
Elle annule cette part insatisfaisante de sa vie : « Qu’au final, je n’avais pas eu la vie qui me convenait ».

La vie sociale, routinière et professionnelle, la vie de travail ne semblent pas, pour Jérôme, une vie idéale, une vie qui s’accomplit authentiquement, à l’exclusion de la vie familiale : « à une époque, je m’étais satisfait de la famille que j’avais eue, ma femme, mes enfants ; et puis ils ont grandi, mûri, et plus ils grandissaient, plus je dépérissais »

Avec le décès accidentel de Jérôme, meurt sa vie déjà devenue une mort lorsqu’elle s’est réduite au « temps mort », à la routine, à l’ennui : « J’étais là tous les matins, avec mon bol de café et mes tartines grillées, le mec conventionnel dans la société (…) Tout ça en cycle régulier sans jamais me rendre compte que j’étais enfermé, que je m’étais enfermé dans le fléau de la société civile : la routine »

La mort de la mort, de même qu’une double négation donne du positif ( - (-1) = +1 ), donne une vie plus vivante que la vie soumise au « temps mort » : « C’est con, mais je me sentais vivant. J’étais mort, bien mort, mais pour la première fois, je m’étais senti vivant ».

Délivré de tout ce qui fait obstacle à la vie authentique, Jérôme se sent plus vivant que jamais.
La « mort » s’avère ainsi la condition de la vraie vie, la mort au sens de la négation de la non-vie, de l’abolition des obstacles à la vie.
Mais la vie authentique trouvée dans la « mort » n’est pas une vie dans un au-delà, dans un paradis céleste, mais elle se situe ici-bas, dans cette vie et non dans une autre, dans ce monde, mais ce même monde ré-enchanté.

Ainsi délivré des contraintes sociales, Jérôme cherche à être lui-même, à réaliser ses aspirations, à satisfaire tous les désirs que la non-vie empêchait.

À la non-vie routinière, il oppose maintenant, condition du ré-enchantement, l’aventure, avec sa part de risque, de nouveauté, de surprise (l’ « étrange »), quand la routine se tenait entière dans la répétition.

L’aventure devient d’autant plus facile, qu’avec la mort, Jérôme n’éprouve plus la douleur, et donc ne la craint plus.
Il quitte la non-vie triste, prosaïque, ennuyeuse pour l’étrange et le rire : « ça me faisait marrer »

La vraie vie s’accomplit dans le jeu et les « passions ». Vivre authentiquement, c’est vivre passionnément. Dans la passion, on se sent pleinement exister ; par elle, on peut « vivre plus intensément chaque seconde, chaque jour »

Jérôme s’aperçoit néanmoins qu’en se délivrant des contraintes de la non-vie sociale, de son carcan de règles et de convenances, il n’a pas trouvé un libre arbitre, et se retrouve esclave de Willy, le nécromancien : « Ce qui est marrant avec les squelettes réanimés, c’est qu’ils n’ont aucun libre arbitre »
Willy est le maître du jeu et des passions, Jérôme prend donc conscience que, dans sa vie nouvelle, plus authentique que sa non-vie passée, il se trouve esclave de ses passions, de ses désirs fantaisistes, de ses caprices.

La vie sous la domination des désirs et des passions ne semble donc pas si satisfaisante.

Il découvre aussi, comme un philosophe stoïcien, que sa part de liberté se trouve dans sa pensée.
Une pensée qui n’approuve pas tout ce vers quoi emportent les désirs et les passions ; qui n’approuve pas le narcissisme (« à la taverne, j’étais censé le protéger et faire en sorte qu’on l’acclame pour son intelligence ») l’égoïsme, les excès («buvait come tous, trop, et s’amusait à attirer la foule sur lui. Enfin sur moi. ») que les passions supposent.

Dans une dernière étape d’une quête de la vie authentique, Jérôme se délivre de Willy, se délivre de la maîtrise qu’exerce sur lui les désirs et les passions, mais pour réaliser l’un de ses désirs, l’une de ses aspirations les plus profondes, venue de son enfance, qui n’est pas un caprice, pas un désir fantaisiste, ou narcissique, mais un désir avec lequel sa pensée est en accord : devenir coiffeur.

Cela constitue un retour à la vie professionnelle, mais différent de celui de la non-vie, la profession de comptable qu’il n’avait pas choisie. Cette fois, ce qui fait que sa vie vaut d’être vécue, c’est qu’elle répond à un choix, à une aspiration profonde, à un rêve d’enfance qui se réalise.

Là où l’art et la politique ( A. Breton : « La vie humaine est à repassionner, à faire revaloir ») se sont considérées, au 20ème siècle, comme les conditions d’une « mort » de ce qui empêche la vie authentique permettant son ré-enchantement, ce texte place un décès accidentel et une puissance magique. Mais il reste un chemin initiatique, avec sa légèreté apparente et sa part d’humour, qui permet une réflexion sur les questions de fond à propos de ce qui fait une « vie bonne ».

Merci Asrya

   Anonyme   
28/1/2018
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'aime bien l'idée, c'est original. Un mort ressuscité par une espèce de sorcier pour en faire son servant. Là où j'accroche moins, c'est votre choix d'en faire une comédie. À mon avis l'histoire aurait été beaucoup plus forte, plus marquante, si vous l'aviez prise plus au sérieux, en faire quelque chose de sombre, de sinistre. Tandis qu'ici les « Gaston », les « roupettes », les « araignées », font que votre récit ne peut réellement s'inscrire dans une ambiance. Il renvoie à une légèreté insouciante, un peu superficielle, qui ne colle pas au thème grave du départ. Il y avait pourtant matière à créer une tension avec le désir de la créature de se libérer de l'emprise du nécromancien. Je trouve dommage que vous ayez choisi d'amuser plutôt que plonger avec noirceur dans l'outre-tombe.
Bien que l'écriture soit correcte elle reste à l'image du récit : frivole et manquant de consistance.

   lululacroix   
28/1/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,
J'aime beaucoup le style narration du personnage principal et l'histoire est très originale.
J'ai plongé dedans sans retenue, par contre je n'ai pas compris la fin.
Merci pour ce récit.

   Ombhre   
28/1/2018
Une histoire surprenante, agréable, triste et humoristique à la fois.

Le thème de la mort et de la "résurrection" (même en tant que squelette :-), va avec cette question: que peut on accepter pour survivre ? Et c'est la où pour moi le bât blesse. Je n'ai pas accroché entre l'écriture qui se veut légère et humoristique (un peu lourdement parfois), les images venues tout droit de jeux vidéos, et la gravité du sujet. Il aurait été préférable selon moi de verser dans l'un ou dans l'autre, pas d'hésiter entre les deux.

Un question: tout juste revenu sous forme de squelette, Jérôme ne peut parler, et l'instant d'après, il pousse un cri strident et hurle à tout va ? Il manque une liaison sans doute, ou un tour de passe-passe de son nécromancien préféré :-)

En fin de compte, le texte se lit avec plaisir et facilité, mais n'emporte nulle part à force de tergiversations.

Merci pour la lecture.
Ombhre

   Donaldo75   
6/2/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Asrya,

Je ne suis pas un fan du registre fantastique et encore moins merveilleux, avec ses créatures mythiques et ses termes de sorcellerie.

Eh bien, là, j'ai vraiment aimé, parce que la narration est jouissive, décalée, avec des dialogues et un monologue raccords. Les codes de ce genre sont manipulés avec attention, pour ne pas les dénaturer mais les ramener dans le réel, celui de la domination, de l'exploitation de l'un par l'autre, des combats épiques et des petites mesquineries quotidiennes.

La fin est mortelle.

Bravo

Don

   Perle-Hingaud   
8/2/2018
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Asrya,
J'ai bien aimé le rythme, l'écriture alerte, qui se fait oublier pour mettre en relief l'histoire. C'est un texte divertissant, j'ai passé un bon moment avec ce Jérôme fort sympathique. J'ai bien aimé la légèreté et le plaisir qu'on croit deviner dans l'écriture.
Pour ma part, j'aurais aimé une fin plus travaillée, je l'ai trouvée un peu expédiée, mais c'est mon seul bémol.
J'espère vous relire dans ce registre,
Merci pour cette nouvelle.


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