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Humour/Détente
Azurelle : Cœur de papier
 Publié le 21/10/08  -  8 commentaires  -  7766 caractères  -  34 lectures    Autres textes du même auteur

Un lunatique héros vous parle de sa vie passionnante... Tout peut arriver sur une feuille de papier...


Cœur de papier


Je suis né pour imaginer, vibrer, trembler, rire, pleurer, puis parfois… mourir. Mon sort ne tient qu’à une plume, qu’à une pensée oisive qui, elle seule, a le droit de m’envoyer promener. Parfois haï, aimé, ou récompensé, je n’ai de cesse de ressusciter… C’est exaltant, car je n’ai aucune forme. Je peux être tout, c'est-à-dire dans le fond rien… Tout… De la simple fourmi au puissant Goliath… Du David freluquet jusqu’à Dieu. Je suis puissant et ignorant de ma force ; bref je suis votre héros. Vous savez celui de toutes les prouesses ou disgrâces… Ce jour marque une date exceptionnelle à mettre sur un calendrier, car je m’adresse enfin à votre personne. Comment voulez-vous que nous parlions ? Je me réserve le droit de vous parler en tant qu’individu. Comment vous dénigrer, nous nous connaissons à peine finalement… Et pourtant, vous savez chaque nervure de mon être. Vous me voyez déjà grand ou petit… gros ou mince ou je ne sais quelle autre apparence. Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude… (Grognements.)


(Il s’emporte soudainement.)


Hé quoi ?! Vous n’avez donc aucun honneur ?! Vous évoluez dans cet univers et vous ne savez pas qui vous êtes ! À qui donc puis-je parler si vous vous absentez ??! Lâche ! Mécréant ! Vous n’êtes qu’un chien qui se traîne dans la boue, un rat qui dévore les grains de blé ! Un castor qui construit des châteaux de cartes ! Je vous rappelle tout de même, par pure compassion pour votre cause, vous êtes mon Créateur. Enfin Créateur est un grand mot… Disons que c’est par vos yeux ou votre plume que je survis ! Au fond à part me faire vivre et m’astreindre à une intrigue épuisante, que faites-vous ? Vous êtes mollement installé devant le canapé à regarder le feu crépiter. Ou alors, je vous imagine sur une chaise avec votre livre sur la table et gribouillant les idées qui vous viennent. Comme cela… Voilà, cela se passe ainsi de votre côté ! Vous, vos journées sont tranquilles ! Dans le fond, quel est le but de votre vie ? Enfin, je veux dire, quelles sont vos quêtes ? À mon échelle, je ne vois pas de quête insurmontable. Pour peu qu’on y consacre du temps vos missions semblent abordables. Croyez-moi, tuer un dragon, désintégrer un croiseur spatial, battre un maître samouraï ou autre extravagance est une autre paire de manches… Vous dites faire vivre des personnages, quelle belle présomption ! Des petits ambitieux dégoulinants de bave et de vaines espérances ! Moi Monsieur, je sais où est ma place ! Moi Madame, je sais où je me rends ! Enfin si je m’adresse à des lecteurs, sachez que j’en suis plus bas que vous ne serez jamais ! Car, jamais vous n’aurez mon cœur de papier.


(Il se calme sans en comprendre la raison.)


Vous ne savez pas ce qu’est l’amour, croyez-moi. Moi j’ai tout à gagner et rien à perdre. Sans vous, je ne suis malheureusement que si peu de chose. Allons donc ne vous fâchez pas, j’en serais bien embêté et retournons, si vous le voulez bien à nos affaires. J’ai tout à gagner et rien à perdre. Sans vous, je ne suis hélas que peu de choses. Alors si vous voulez bien effacer ce glaive que je ne saurais voir, nous pourrons poursuivre. Cette tache que vous voyez, cette goutte infime perlant à votre plume est mon sang. Ces lettres, vulgaires assortiments de vos pensées ne sont autres que mes os. Ces virgules, fugitives errantes souvent négligées, sont mes palpitations. Les sentez-vous tonner, hurler, crier ? Elles s’arrachent de mon être en de longs gémissements et bouleversent vos phrases de doux frémissements. Et bien sûr, il y a le point… Ce point, ce macaron informe qui sonne mon glas. D’ailleurs, vous l’entendrez sans doute prochainement. Il grésillera, pépiera, puis s’atténuera dans la discrétion la plus affligeante… Ainsi j’aurai vécu. Je nais, je meurs indifféremment. Par votre œil, je découvre des couleurs, j’apprécie la vie, j’honore votre mémoire. Votre passage est toujours marqué, toujours oublié mais à jamais réclamé. Vos destinations s’effacent face à l’écrin. Je n’ai aucune mémoire et n’en aurai jamais… À quoi cela servirait-il ? À avoir une renommée, une gloire, un nom à graver… Non. Je ne suis qu’un pantin, que le vent chavire, un jouet que je voudrais maudire.


Allez-y main fantôme ! Gommez ces mots vides de sens ! Ce sont des élucubrations dénuées d’intérêt, issues d’un être qui n’existe même pas ! Épanchez votre rage ! J’attends vos rancœurs, vos frustrations, vos noirceurs ! Et alors rien ! Je vous donne la parole, ici, maintenant, derechef et vous… vous vous murez dans le silence ! Je ne connais ni la souffrance, ni la joie, ni ces passions, que vous autres, humains, partagez allégrement. Allez-y, de l’entrain ! Que dis-je, du peps ! Jamais, je ne me plains, et à qui le ferais-je ? Aux personnages autres que moi ?! En quel honneur ? Pour qu’ils répètent stupidement, ce que vous leur aurez soufflé de dire ?! Non, vraiment non…


Notre amour a cela de commun, que vous ne pouvez me lâcher à présent… Bien, (dit-il en se frottant le menton) qu’il est doux d’avoir de votre part ce petit rien de liberté. Vous êtes différent des autres, vous m’avez ressuscité, vous m’avez donné ce que nul n’avait consenti jusqu’à présent. Je vous faisais jadis vivre à travers moi, mais vous me faites vivre maintenant à travers vous. Je vous connais presque intimement, votre regard me scanne, votre ambition m’analyse. Alors quoi ?! Vous transcrivez mes mots, quelle angoisse !! Stressé par votre regard inquisiteur, je ne peux être que confus, heureux, inquiet tout à la fois. Vous êtes un ange, ma foi, je vous aime…


Mais qui me dit que je suis effectivement libre ?! Rien. Vous ?! Laissez-moi rire… Je vous boude… (Personne tourne le dos, mâchonne une gomme, regarde en l’air, puis ses pieds.). Hey ! Que faites-vous ? Donnez-moi donc un nom noble ! Un nom qui fera rêver… Personne ! Personeeeee !!! (Il crie.) Je ne vous permets pas !… Je vous hais… Puisque vous me singez, je ne vais plus parler, ça va vous faire les pieds… Vous voulez que je parle ! Bon… (Un divan apparaît.) Aaaah, le sens de l’humour je vois… C’est évolué au moins… (Un graphique tombe.) Vous voulez quoi, des calculs mathématiques !! Bon… va pour le divan. Vous voulez me psychanalyser ! J’ignore vos motivations… Je n’ai pas de vie, dois-je vous rappeler !!! Ah… vous vous étiez endormi… Pardon, désolé d’avoir troublé vos réflexions. (Il sourit bêtement puis s’allonge.) Enfin bon, il y a bien des gens qui s’en inventent… Pourquoi pas moi… Cela va rendre ma vie et la leur plus excitantes ! J’ai toujours rêvé d’être un people depuis quelques secondes.


Mon plus grand traumatisme, c’est un lecteur qui m’oblige à parler. Oui, c’est possible croyez-moi. Incroyable, n’est-ce pas ! J’ai toujours eu peur de la gomme, vous savez celle qui efface… Oui, voilà celle que vous tenez entre les mains, la belle gomme blanche, hé bien j’en ai peur. Pour l’instant, elle… cette rivale ne s’est pas encore pointée. Chouette, pas de contrôle aujourd’hui, la vigile est en pause ! (Une gomme survole la feuille.)


J’adore qu’on me nargue. Hé bien, je dois vous dire, j’en suis désolé mais… je m’en fous royalement. De toute façon, je ne retiens rien. (Il claque les mains sur ses hanches.) Cela vous fait rire… Tiens, je vous ai parlé d’un ami sympa… Comment s’appelait-il ? R… Rémi ! Bon, vous avez quelque chose contre les Rémi ? Je vais vous raconter son histoire… Une seule histoire, pour un seul personnage en une seule ligne… (Il sourit avec fierté.) Voilà c’est fait… Comme je vois venir le point final, j’ai été forcé d’abréger. Ahhh. Agonie. Enfer, damnation, démons, il se trouve que je réponds à ce point, cet unique poinçon qui m’attrape sans raison. Point.


 
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   Menvussa   
21/10/2008
 a aimé ce texte 
Passionnément
Quelle dextérité dans le maniement de l'absurde, car quoi de plus absurde que ce monologue entre le personnage et son auteur. Effet miroir. J'ai vraiment beaucoup aimé. Et puis, il y a de la musique dans ce texte écrit d'une manière théâtrale. "Je ne suis qu’un pantin, que le vent chavire, un jouet que je voudrais maudire." C'est une scène qui se déroule sous nos yeux, un personnage qui se débat seul, un Don Quichotte sans son Sancho Panza.

J'ai eu aussi sous les yeux ces dessins animés où le personnage est en prise avec son dessinateur, ces BD où l'on sort de la case, où l'on plie la feuille.

Une absurdité bien pensée dans ce monde qui ne tourne pas rond est comme une vérité, une planche de secours.

Bref, cela m'a plu, énormément.

   colette   
21/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
C'est un très beau monologue à interpréter, qui joue sur la gamme des émotions. Un texte très riche.

   Flupke   
29/10/2008
Bonjour Azurelle,
Faut pas m’en vouloir, mais là, j’ai vraiment du mal à évaluer. Déconcertant mais original et bien écrit, donc ça mérite au moins un rapide commentaire amical.

   Anonyme   
15/11/2008
 a aimé ce texte 
Passionnément
nous faire part de ce que ressent un texte face à son auteur, voilà une bonne idée, mais le faire de cette façon c'est exceptionnel. Je crois comprendre que leur liaison est,"comme dirait "Gainsbourd", je t'aime, moi non plus. C'est un peu normal, car le texte à sa vie propre, mais l'auteur, qui vis à vis de lui a des espérances, est tout puissant et joue les senseurs. La liberté de son créateur est presque totale, même s'il doit obéir à certaines contraintes, mais lui, pauvre écrit qui ne vit que grâce à un support, généralement de papier, est fragile et soumis aux caprices de "l'autre".
J'espère que j'ai bien compris ta pensée, mais de toutes façons, BRAVO

   Anonyme   
30/11/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Dire que j'avais raté çà.
Il faut dire qu'avec un tel pseudo, on s'attend à ce que l'auteur fasse dans le roman rose. Alors on n'ouvre même pas. On a tort.

C'est un des meilleurs textes humoristiques que j'ai eu à lire sur Oniris.
L'humour est un genre très difficile. N'importe qui peut faire pleurer, il suffit de parler de maladies incurables.
Faire rire, ou faire sourire, ce qui est mieux, n'est pas donné à tout le monde.

Bravo Azurelle.

   Selenim   
21/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Beaucoup plus dense que Corps stellaire , ce texte est dynamique, percutant, mais trop peu canalisé, à mon gout.

J'ai ressentit une fougue littéraire peu commune, un désir démesuré d'écriture.

J'ai aimé le texte et son originalité.

Ce torrent d'inspiration canalisé, j'aurais adoré.

   Anonyme   
3/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Azurelle
De l'énergie et de l'humour avec en sus de l'originalité. C'est poétique, de belles envolées par moments et le personnage de papier, c'est sûr, a de la personnalité.
Sauf que : j'ai relu plusieurs fois la fin et je ne l'ai pas comprise.
Est-ce que le personnage a été gommé ? Ou est-il fâché parce que sa vie n'aura duré qu'une ligne et qu'il est mécontent de voir arriver le point final ? Ou bien est-ce la vie de Rémi qui n'a duré qu'une ligne ?
Je le trouve également bien bavard pour quelqu'un qui souffre d'avoir à parler. Mais ça n'empêche que j'aime bien sa vitalité et sa façon d'enguirlander son auteur.

   nico84   
8/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Quel monologue intelligent et fin ! J'ai deja pensé à écrire cette histoire (pas exactement la même mais dans le principe c'était ça) mais il faut beaucoup d'imagination, de légéreté et de maîtrise que je n'ai pas encore.

J'estime donc d'autant plus ce travail de l'écriture, d'un personnage, d'une réflexion et qui ne s'embourbe pas bien au contraire. C'est fluide et ça maintient le plaisir par la curiosité du lecteur.

Ca sent le travail, bravo pour cette nouvelle drôle et originale. j'ai apprecié.


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