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Sentimental/Romanesque
Benjoui : Le petit vieux
 Publié le 03/08/07  -  2 commentaires  -  18776 caractères  -  10 lectures    Autres textes du même auteur

Dans une salle d'interrogatoire, un vieillard. Des vies se croiseront autour de ce dernier.


Le petit vieux


Dans la salle d’interrogatoire, un vieil homme est assis à une table. Il attend qu’on vienne lui poser des questions sur ce qui s’est passé. Il fixe ses mains posées sur la table, les yeux rougis et une expression inquiète sur son visage. Le commissaire Éric Musseau entre dans la pièce rectangulaire, ne salue pas le vieillard et s’assied en face de lui. La tête du policier se retourne vers la vitre teintée et se meut en un quasi imperceptible hochement.


De l’autre côté du miroir, Sara Donnelli, secrétaire de Musseau, enclenche l’enregistrement de l’interrogatoire. Après quoi, elle se retourne vers l’inspecteur Truffeau. Ce dernier regarde attentivement la fiche de l’homme. Il lève la tête, intrigué :


– Cet homme a vraiment fait ces choses-là ?

– Apparemment. C’est ce qu’ont prétendu les témoins, en tout cas.

– C’est absurde…



***



Le commissaire Musseau plonge son regard dans celui du vieillard :


– Je vous prierai de ne pas mentir, des témoins vous ont vu. Pourquoi avez-vous tué ces quatre jeunes gens ?

– Je n’avais pas l’intention de mentir. Par contre, je ne sais pas si vous serez capable de comprendre.

– Justement ! Je n’arrive pas à comprendre l’élément déclencheur d’un tel acte. Surtout pour quelqu’un de – il jette un coup d’œil sur la première page du dossier qu’on lui a fourni – soixante-trois ans…

– Parce qu’à mon âge, on n’est pas capable d’accomplir de tels actes pour vous ? Vous êtes de la génération qui pense que les – il dessine avec ses doigts le signe des guillemets – « papys » passent leur temps devant la télévision, à regarder des rediffusions des ‘Brigades du Tigre’, je suppose. Réveillez-vous, monsieur ! La vieillesse d’aujourd’hui possède autant de fougue que la jeunesse. Le physique ne nous permet pas de réaliser tous nos projets, mais nous en avons l’envie, ce qui compte déjà beaucoup !


Musseau écarquille les yeux. Ce sexagénaire est plus dynamique que lui à vingt ans.


– Je vous demande juste de m’expliquer. Je ne demande qu’à vous comprendre, mais vous devez faire le premier pas.

– Je m’appelle Marcel Lanson, et si j’ai tué ces personnes, c’est parce que mon cœur m’a dit de le faire. J’ai assassiné par amour.


Musseau pousse un soupir, lève les yeux au ciel. Marcel comprend qu’il ne le croit pas.


– Vous voyez, je vous l’avais dit : vous ne pouvez me comprendre.



***



Des larmes sourdent aux coins des yeux de Sara Donnelli. La dernière phrase du vieillard l’a littéralement bouleversée. Elle ne sait pas si elle doit le croire ou non, mais le romantisme lui plaît depuis sa plus tendre enfance. Elle fait partie de la génération naïve des petites filles qui rêvaient du prince charmant et qui n’ont pas arrêté d’y croire une fois devenues femmes. L’inspecteur Truffeau s’approche de la jeune secrétaire et pose ses mains sur ses épaules :


– Il ne faut pas vous mettre dans des états pareils… Je vais me chercher un café, vous en voulez un ?

– Oui, je veux bien, merci.


Elle le regarde et lui sourit distraitement. Il ne peut s’empêcher de remarquer à quel point elle est belle, même les yeux gonflés et rougis par les larmes. Sara regarde attentivement Marcel. Il pleure. Il n’en est que plus attachant. Il s’apprête à parler. Elle retient sa respiration et écoute.



***



Marcel baisse la tête. Il préfèrerait que le commissaire ne le voie pas en situation de faiblesse. Il sait que même si l’homme n’a pas vu ses larmes, il remarquera sa détresse au tremblement de ses membres. À moins qu’il ne songe à la maladie de Parkinson. C’est peu probable. Le vieillard relève la tête et prend une profonde inspiration :


– Édith et moi, nous sommes rencontrés le vingt octobre, l’an passé. Je me recueillais sur la tombe de ma première épouse, elle pleurait avec d’autres personnes à l’enterrement d’un bébé. J’ai su plus tard que c’était sa petite-fille, dont elle devait s’occuper après que sa fille unique soit décédée. Dès que nos regards se sont croisés, une grande bouffée de chaleur est montée en moi. La vie semblait pénétrer de nouveau mon corps, alors qu’elle m’avait quitté à la mort de Marie, cinq années auparavant. Elle s’est avancée vers moi, sous les regards consternés de sa famille, et s’est laissée tomber dans mes bras, pleurant à chaudes larmes. C’est à cet instant que je compris que je ne la quitterai plus. Enfin je croyais…


Un bruit retentit, il tourne vivement la tête vers la vitre teintée, il a cru entendre un sanglot. Quand il était entré dans la salle, quelques minutes auparavant, il s’était douté que quelqu’un l’écouterait. Mais il avait espéré qu’il se trompât. Les sanglots retentissent toujours. Il sait que c’est une femme qui se trouve derrière, ça s’entend. La présence d’une femme ne le gêne pas :


– Nous nous sommes revus le lendemain, et le surlendemain, et le jour d’après. Pendant un mois, nous avons appris à nous connaître, à tomber amoureux, à revivre. Nous avons échangé notre premier baiser le vingt-deux novembre. Nous vivions un amour sans limites, remarquant que nous retrouvions une certaine jeunesse d’esprit, et le corps a suivi. La première fois que nous avons couché ensemble, l’émotion était au rendez-vous. C’était le premier janvier de cette année. Il faisait très froid, je ne sais pas si vous vous en souvenez. Nous étions couchés dans son lit, au milieu de sa grande chambre. Nous n’avions pas prévu de « conclure ». C’est arrivé tout seul, dans la tendresse, sans précipitation, sans envie de sexe pur, pas comme la plupart des jeunes de maintenant. Ce fut un moment exquis, un moment d’amour intense. La dernière fois que nous sommes passés à l’acte, c’était le six mai, il y a donc quatorze jours. Je ne savais pas que je ne la reverrai jamais vivante.


Des larmes coulent sur les joues de Marcel. Celles qui constellent déjà la table avaient coulé grâce à la joie. Quand il avait parlé de la naissance de son amour, il avait eu l’impression de revivre ces instants, et il avait tout naturellement ressenti la joie reçue à cette période de sa vie.



***



Sara pleure. Cet amour extraordinaire, c’est mille fois mieux qu’un film avec Julia Roberts. Le vieillard raconte si bien…



***



Léonard Truffeau, inspecteur depuis à peine un an, fait partie de ces presque trentenaires déjà veufs à qui la vie n’a pas toujours souri. Il naquit par césarienne le mardi vingt mai mille neuf cent quatre-vingts – et il aurait préféré mieux que l’interrogatoire d’un vieillard pour son vingt-septième anniversaire – à la clinique Sainte Élisabeth de Verviers. Sa mère décéda durant l’accouchement suite à de fortes complications. Il fut donc élevé – pour moitié – par son père, un journaliste indépendant qui n’avait pas beaucoup de temps à consacrer à son fils. L’autre demie de son éducation fut apportée par sa grand-mère, vieille veuve en manque d’affection. Sa « mémé » mourut alors qu’il était âgé de six ans et son père la rejoignit aux cieux deux ans après. La mère-grand périt parce qu’elle avait fait son temps et le « papa » se suicida par la faute du temps qui ne défilait pas assez vite. Léonard fut confié à un orphelinat dirigé par des femmes de foi. Les autres pensionnaires le rejetèrent à cause de son "étrangeté". S’ils l’avaient jugé ainsi, c’était parce qu’il n’était pas arrivé en pleurant. Il avait préféré garder ses émotions pour lui, et les autres gosses ne comprenaient pas cette décision. Il passa donc son adolescence seul. Il sortit à l’âge de dix-huit ans et put jouir de son héritage. Il passa ses examens d’entrée pour l’école de police et les réussit avec brio. Il rencontra Sandra, une jolie blonde à l’allure sportive la même année et l’épousa trois ans plus tard. Le bonheur semblait enfin lui sourire jusqu’à ce vingt mai deux mille trois où sa femme succomba après un accident de voiture. Il s’accrocha donc à son travail pour ne pas sombrer dans la folie d’une dépression et son assiduité lui permit de devenir inspecteur. Il n’avait plus jamais regardé réellement de femmes depuis la mort de Sandra, mais ce matin, il avait trouvé quelqu’un qui l’attirait.


Léonard se poste devant la machine à café et introduit une pièce de cinquante cents dans la fente prévue à cet effet. Alors que le café coule dans un gobelet en plastique, les cris d’une femme retentissent dans l’établissement.



***



Marie Tallier hurle dans les couloirs du commissariat, retenue par deux agents qui l’empêchent de passer. Cette femme de quarante-trois ans se débat comme une furie, n’hésitant pas à griffer les deux jeunes fonctionnaires qui ne savent plus comment maîtriser la ménagère. Marie est la mère de Serge Bourbier, l’un des quatre jeunes gens qu’a assassinés Marcel.


Quand les deux policiers lui apprirent, une demi-heure plus tôt, la mort de son unique enfant, Marie sentit le monde s’écrouler autour d’elle. Pendant une seconde, qui lui parut un moment d’éternité, elle eut l’impression de mourir. Son premier réflexe fut de courir vers sa voiture. Les agents, ayant reçu l’ordre de réunir un maximum d’informations sur la victime, se précipitèrent hors de la maison pour la rattraper. Ils tentèrent vainement de la raisonner, mais durent essuyer un échec cuisant. Ils décidèrent donc de l’amener au commissariat, où quelqu’un de plus expérimenté put leur apporter son aide.


Léonard saisit le gobelet et se dirige vers Marie. Il dépose le café sur le bureau de l’accueil et demande plus de précisions aux deux bleus ruisselants de transpiration. Samuel Deauviers, officier de police à l’allure athlétique, répond tant bien que mal :


– C’est la mère d’un des jeunes qui se sont fait descendre. Elle a piqué une crise quand on lui a annoncé la nouvelle. Pas moyen de la calmer.


La femme continue de hurler. Maintenant, Léonard peut comprendre ce qu’elle crie :


– Je veux le voir ! Je veux qu’il me regarde dans les yeux, et qu’il me dise pourquoi il a tué mon bébé ! Je veux l’entendre pleurer quand il s’expliquera ! Je veux le faire saigner, ce salaud !


Léonard saisit le visage de la pauvre mère entre ses mains et lui parle, d’un ton qui se veut rassurant :


– Écoutez-moi. Je suis l’inspecteur Truffeau. L’assassin fait sa déposition. Je vous conseille de suivre mes confrères et de leur dresser le portrait de votre fils. Vous devez leur dire quelles étaient ses occupations, qui étaient ses amis, et répondre aux questions qu’ils vous poseront. Aller trouver l’homme ne fera pas revenir votre fils, nous vous permettrons de comprendre son mobile quand il aura fini de parler. Je peux vous assurer que le meurtrier regrette son acte.


Léonard ne croit pas en sa dernière phrase et il craint que la femme qui se tient devant lui, à présent immobile, n’ait su déceler le peu de conviction qu’il a mis dans son discours. Heureusement, la quadragénaire est tellement désemparée qu’elle ne fait pas attention aux variations de la voix. Marie se colle contre le mur et se laisse glisser par terre. Léonard s’accroupit devant elle et la regarde pleurer, la bouche ouverte, paraissant presque bloquée. L’inspecteur offre son gobelet à la ménagère et la suit du regard alors qu’elle s’éloigne en compagnie des deux jeunes policiers. Il se dirige vers la machine à café, en prend deux et rentre dans la pièce où il retrouve Sara.



***



Sara ne se leurre pas : si le commissaire Musseau l’a engagée, ce n’est pas pour ses compétences, mais pour son physique. Cette perspective ne la gêne pas plus que ça, tant qu’il n’essaie pas de « se la faire »… Elle a d’ailleurs mis les choses au point dès son premier jour : elle acceptait de se dévêtir pour faire plaisir à son patron, mais il ne pouvait toucher qu’avec les yeux. Durant l’adolescence, elle souffrait de sa plastique irréprochable. Les filles étaient jalouses et les garçons pensaient qu’ils pouvaient la mettre dans leur lit facilement. Elle se souvient de ce jour où un élève de cinquième avait tenté de la « sauter » au milieu du couloir. Quant aux professeurs, ils ne valaient guère mieux. Ils ne tentaient pas de la violer à tout prix, bien entendu, mais ils pensaient que beauté et intelligence ne sont pas compatibles. Ils ne la prenaient donc pas au sérieux quand elle parlait. Ils lui retiraient des points à ses interrogations, pensant qu’elle avait triché. Elle en voulait à ses parents de l’avoir conçue aussi belle. Elle enviait les filles à la beauté peu exceptionnelle et pleine de petites imperfections. Ces mêmes filles qui la jalousaient avec force. Pour Sara l’adolescente, la nature ne savait pas ce qu’il y avait de mieux pour les humains. La Sara d’aujourd’hui accepte plus facilement son physique : sans « lui », elle n’aurait jamais trouvé ce travail. Par contre, elle pensait que sa plastique lui permettrait de trouver le prince charmant, mais elle s’était trompée et maintenant, elle ne cherche plus de prétendant.


La porte s’ouvre et l’inspecteur Truffeau pénètre dans la pièce :


- Voilà votre café. Alors, qu’ai-je manqué ?

- Il a parlé de sa rencontre avec une certaine Édith. Il a également parlé de leur première fois. Apparemment, elle a disparu il y a quelques jours…

- La mère d’une des victimes est arrivée comme une furie. J’ai dû essayer de la calmer. Ça n’a pas été facile, mais je ne m’en suis pas trop mal tiré. Sa détresse faisait mal à voir.


Sara remarque qu’il a les yeux rougis. Il a sûrement pleuré. Un homme sensible… Sara a peut-être trouvé son prince charmant.



***



Marcel regarde attentivement le commissaire Musseau. Il tente de déceler de l’émotion dans son regard. Ne trouvant pas ce qu’il cherche, il décide de poser une question :


- Savez-vous ce qu’ «aimer » signifie ?


Musseau semble décontenancé pendant une seconde. Il s’empresse de continuer l’interrogatoire :


- Que s’est-il passé ensuite ?

- On ne répond pas à une question par une autre, commissaire. J’en déduis que vous ne connaissez rien à l’amour.

- Racontez-moi la suite de votre histoire.


Musseau tremble. Cet homme n’a pas le droit de le juger. Le commissaire connaît presque tout sur l’amour. Il a tout fait pour sauver sa femme atteinte d’un grave problème respiratoire : il a versé des pots de vins aux médecins pour qu’elle soit première sur la liste des personnes en attente d’un poumon mais ils ont refusé, la corruption ne faisant pas partie de la profession, il a voulu se sacrifier pour permettre à son épouse de survivre. Malheureusement pour elle – et heureusement pour lui – ils n’étaient pas compatibles. Il a donc dû se résigner à la laisser partir. Il continue de l’aimer et de lui rester fidèle. D’accord, il regarde les autres femmes, mais c’est simplement pour admirer, et non pour consommer. Et ce vieillard ose lui dire qu’il ne comprend rien à l’amour ?


- S’il vous plaît, finissons cet interrogatoire. Je ne veux pas m’éterniser avec vous et je suppose que vous n’en avez pas plus l’envie que moi.

- Entendu. Nous étions donc le six mai. Édith et moi nous promenions dans le parc, en face de chez elle. Il était quinze heures quand nous sommes rentrés dans son appartement. Nous nous sommes assis sur son canapé et nous sommes embrassés. Nous avons fait l’amour. Comme les autres fois, ce fut un moment magique. Nos corps s’unissant pour n’en donner qu’un. Un seul être, aimant et aimé. Quand nous avons fini, nous nous sommes endormis. La vie me procurait enfin ce dont j’avais besoin : de l’amour. Je suis parti à vingt et une heures. Elle m’a d’ailleurs raccompagné jusqu’à ma voiture. Si seulement elle était restée chez elle… Je montai dans mon véhicule. Je ne sais pourquoi je n’ai pas démarré directement. J’ai attendu. Peut-être un pressentiment, je ne suis pas sûr. Je l’ai entendue crier. Je suis sorti rapidement de ma voiture, pour voir quatre adolescents autour du corps inanimé de mon Édith. J’ai eu le temps de les voir, de les regarder, de mémoriser chaque détail de leurs visages et de les reconnaître. Ils traînaient souvent dans le parc. Ce matin-là, ils y étaient. Aujourd’hui, à dix heures, je suis descendu au parc et je les ai abattus. La suite, vous la connaissez. Un témoin a appelé les urgences et la police. J’ai sagement attendu l’arrivée de vos confrères. Voilà, vous savez tout. Je n’ai plus rien à ajouter.

- Je vous remercie de votre coopération. Je vais vous confier à deux de mes collègues. Ils vont s’occuper de vous. Je ne sais où ils vous placeront en attendant le procès, mais vous ne serez certainement pas relâché.

- J’ai fait mon temps vous ne croyez pas ? J’ai assez vécu, non ? J’ai aimé deux fois, j’ai tué par amour. Je crois que c’est assez pour un seul homme non ?

- Je ne vous laisserai pas partir, et pour deux raisons. Je ne peux vous laisser vous suicider, ce serait contraire à ma profession. La deuxième est que je ne veux pas vous laisser en finir avec la vie. Qui sait, peut-être que les jurés seront assez émus pour vous pardonner. Même si c’est peu probable, vous pouvez vous en sortir avec une simple amende, conséquente, mais c’est mieux que de la prison non ?

- Si vous le dites. Bon, je crois que c’est ici que nos chemins se séparent.

- Je vais chercher des agents.


Musseau quitte la salle d’interrogatoire, laissant Marcel seul avec sa tristesse. Il sait que les paroles du commissaire sont totalement absurdes et qu’il disait ça pour l’empêcher d’en finir. Après tout, voir un suspect mourir après l’interrogatoire ne constitue pas la pub rêvée pour l’agent qui a questionné le suspect en question.



***



Sara pleure. Décidément, elle est bien trop sensible. Elle prend sa veste et se dirige vers la sortie. Une fois à la porte, elle se retourne vers l’inspecteur Truffeau. Ce dernier pleure, repensant à sa femme. Sara s’approche, lui tend un mouchoir en papier :


- Je vois que je ne suis pas la seule personne à fleur de peau.

- Et non… Enfin, je suppose que vous devez partir avec votre patron.

- Oui, il déteste que je traîne. J’ai été enchantée de vous rencontrer.

- Moi de même. À la prochaine fois, j’espère.

- À la prochaine fois.


Sara sourit timidement à Truffeau et sort de la pièce. Léonard se maudit d’avoir laissé filer cette chance.



***



Marcel pose les pieds sur le trottoir. Les deux policiers chargés de l’amener dans la prison la plus proche s’étonnent de le voir si serein. Alors qu’une voiture arrive, le vieux réussit à se défaire de l’emprise – légère – des deux policiers et se jette sur la route. Il fredonne une chanson d’Èdith Piaf pour prouver qu’il ne regrette pas sa vie.


Marcel Lanson s’est suicidé à quinze heures et huit minutes.


 
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   Ninjavert   
3/8/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Ce texte a quelque chose de sincère, d'authentique, qui le rend attachant.

J'ai bien aimé la façon dont tu as détaillé, en relativement peu de mots, le caractère, l'histoire, et la psychologie de tes personnages. On s'attache à eux très vite, on les sent vivants.

Certaines phrases sont très bien tournées, simples et belles à la fois, comme par exemple :

"Elle fait partie de la génération naïve des petites filles qui rêvaient du prince charmant et qui n’ont pas arrêté d’y croire une fois devenues femmes."

Le récit du vieillard est fluide, cohérent, les situations s'enchaînent avec juste ce qu'il faut d'ellipses pour ne pas être trop décousu ni trop précis. Ca fonctionne bien.

Il y a quand même des phrases qui pêchent un peu, soit dans leur structure, soit dans le vocabulaire, parfois inadapté ou trop simpliste. L'expérience, et la lecture, devraient te permettre d'améliorer ça sans trop de difficultés...

J'ai aussi noté quelques incohérences, comme le fait que -de mémoire-, les salles d'interrogatoire sont insonorisées dans les deux sens. C'est par un interphone que les spectateurs peuvent écouter l'interrogatoire, le suspect n'a donc aucun moyen d'entendre ce qui se passe dans la pièce d'à côté. Ca n'est qu'un détail mais le fait que Marcel entende Sara pleurer n'apportant rien à l'histoire, tu pourrais le supprimer.

De même, si la scène avec la mère éplorée est plutôt crédible, la fin de l'interrogatoire fait franchement faux. Même si c'est du bluff, jamais un inspecteur ne dira à un mec qui a tué quatre personnes de sang froid qu'il a une chance de s'en tirer avec "une forte amende" (ça est la discussion sur le suicide qu'il ne peut pas le laisser commettre). Tu devrais trouver un autre moyen de conclure la conversation, car même si Marcel n'y croit pas ça nuit à la crédibilité de l'ensemble.

J'aime assez le fait qu'on ne sache pas trop ce qui s'est passé. Pourquoi les jeunes ont-ils tué Edith ? L'ont-ils vraiment fait au demeurant ? Pourquoi Marcel, qui est loin d'être stupide, ne se pose-t-il même pas la question ?

Autre incohérence, si les jeunes sont suspectés du meurtre d'Edith, pourquoi sont-ils laissés en liberté ? Marcel est-il le seul à les avoir vu près du corps ? Même s'ils sont présumés innocents, il y a peu de chances qu'on les laisse gambader dans le parc les jours suivants, ils devraient donc être enfermés, le temps que la justice se prononce, ce qui compliquerai la tâche de Marcel...

Bref ce sont des petites choses qui ne gênent pas la lecture, mais qui pourrait rendre ton récit encore meilleur. Sara et Truffeau sont peut être un peu trop sensibles aussi. Ok, l'histoire est belle et triste, mais bon. Faudrait un peu nuancer leurs réactions, mieux la contenir. A voir.

De mémoire tu es plutôt jeune, Benjoui, c'est un texte qui est franchement encourageant ! Un peu plus d'expérience, notamment dans la rédaction, et tu devrais être en mesure de faire des trucs vraiment très bien...

Bravo et continue surtout, c'est prometteur ! :)

Ninj'

   teeth   
3/8/2007
 a aimé ce texte 
Bien
Je crois qu'il n'y a rien à ajouter, Ninjavert a déjà tous dit.
En effet, c'est un texte qui contient de bonnes et de moins bonnes choses. Mais tout ça devrait s'arranger avec le temps et l'expérience.
Comme on dit, c'est en forgeant que l'on devient forgeron.


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