Qu'est-ce que j'ai fait pour en arriver là ? Est-ce que Dieu me déteste tant que ça ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi ? Et maintenant, je fais quoi moi ? Seigneur aidez-moi ! Je suis là, inerte, avec cet objet qui passe de ma main gauche à ma main droite, de ma main droite à ma main gauche.

Il fait noir dans mon appartement vide, il fait froid aussi, je frissonne.

Je n'ai plus de lit, plus d'armoire, plus de table ni même de chaises.

Ma femme, mon fils sont partis. Les blattes – et moi – sommes les seuls êtres vivants maintenant ici.

Main gauche, main droite.

Je ferme et j'ouvre les yeux, ils me piquent.

Je pense à ma vie foutue en l'air, à ma femme qui était si belle, à mon fils que j'aimais tant.

Main droite, main gauche.

Mais yeux me brûlent. Je ne sais plus quoi faire.

Je revois les huissiers.

Je revois ma famille – ma vie, ma chair – monter en voiture après cette dispute immonde, je revois l'accident et les restes de mes amours.

Main gauche, main droite.

Mes pensées se brouillent, se mélangent, se bousculent, je suis comme dans un grand huit constitué uniquement de loopings qui ne s'arrêterait jamais.

Et là, je vomis. Je me redresse, lentement, mon esprit devient fou, c'est de ma faute, je vous aime, j'ai gâché votre – notre – vie, pourquoi j'ai fait ça ? Pourquoi, hein ?

Main droite, main gauche.

J'ai les mains moites, je tremble, l'objet glisse de mes mains, je le rattrape à temps.

Je n'ai plus de raison de vivre, j'ai tout perdu, mes biens matériels, mes amours, ceux qui me faisaient vivre.

Et je revois le lit, CE lit où notre fils a été conçu, je revois cette nuit d'été orageuse. Je fais les cent pas, je donne des coups de poing, de pieds, de tête dans le mur, le sang commence à couler. Mes larmes aussi.

Main gauche, main droite.

J'avance vers la fenêtre, et aperçois en bas un couple avec un bébé. Ils ont l'air si heureux ! Je devrais être à leur place avec mes anges, et à la place de ça je suis ici, complètement dément, à pleurer toutes les larmes de mon corps, à m'épuiser, à me meurtrir encore un peu plus chaque instant…

Main droite, main gauche.

Je n'en peux plus, tous ces flashs dans ma tête qui me remémorent leurs jolis visages, puis leurs visages déchiquetés, défigurés par ma faute… Jamais je ne pourrai m'en remettre, jamais je ne pourrai ôter cette culpabilité de mon cœur ; la seule solution…

Main gauche, main droite.

Ça y est, je suis décidé, je vais le faire, je vous aime trop, vous étiez ma seule raison de vivre. Je porte l'objet à ma bouche. Non, plutôt à ma tempe.

En fait, à ma bouche, j'aime le goût du métal dans ma gorge.

Un dernier coup d'œil par la fenêtre, pour cette famille si belle…

J'inspire par le nez, j'expire par la bouche.

Mon cœur s'emballe, mes yeux se noient…

BANG !