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Sentimental/Romanesque
Calioh : Le souvenir
 Publié le 09/08/12  -  8 commentaires  -  6905 caractères  -  72 lectures    Autres textes du même auteur

Après être sortis de la caverne et avoir vu le soleil, y revenir nous rend aveugles. Nous nous retrouvons seuls dans le noir.


Le souvenir


Londres. 1895.


Mrs Cudington avait eu la bonté de nous inviter ma tante et moi en voyage dans les Antilles afin que nous découvrissions enfin ces "terres d'ocre" comme elle se plaisait tant à nous le répéter.

En tant que Sir, Mrs Cudington s'était chargée de me faire entrer dans la haute société de Londres, et je ne lui en étais que plus redevable lorsque elle avait fini par me convaincre d'épouser cette fille de banquier. Ce mariage m'assurait une position plus que confortable chez les notables de la ville.

Je ne pouvais décliner son offre de voyage, je lui devais bien trop.


Les adieux sur les docks n'eurent pas cette pointe de désespoir qu'éprouvent les personnages de roman. J'étais d'humeur massacrante et l'enthousiasme de mon épouse de me voir partir pour découvrir le monde sauvage ou "l'aventure" comme elle l'appelait ne m'atteignait pas et m'écœurait presque.


La traversée dura une semaine. Semaine durant laquelle je ne cessais de tempêter contre ce bateau qui m'arrachait à mon Angleterre natale et bien-pensante. J'allais plonger dans la jungle tropicale, m'immerger dans les cultures sous-développées, me noyer dans l'exotisme, étouffer sous ces classes primaires et sauvages.


Plus le bateau se précipitait vers l'horizon, plus je me renfrognais. Le luxe de ce navire était convenable et les sauvages qui se chargeaient de nous servir avaient été bien dressés. Cet aperçu de leur genre humain m'exaspéra encore plus, j'ai toujours abhorré la médiocrité. Durant notre promenade quotidienne sur le pont, ma tante et moi fîmes la connaissance de Miss et Mrs Call qui rentraient d'un séjour à la ville pour rejoindre leurs plantations. Nous conversions des heures durant et chaque seconde mettait à mal mon sens de la politesse et des convenances. Je saturais de l'amour dégoulinant que tout le monde portait à cette terre infâme.


Puis un vendredi, nous arrivâmes.

La nuit était tombée et bon nombre de badauds des classes inférieures s'étaient rués sur le ponton pour essayer de distinguer la terre.

Nous ne nous mêlâmes pas à la foule tonitruante, mais une curiosité polie nous animait.


De la proue, nous distinguâmes d'abord les feux qui vibraient sur la côte, attirant notre navire toujours plus certainement. Les roulis de l'eau contre la coque ne couvraient pas l'agitation qui régnait sur la terre approchante. Je ne distinguais qu'un horrible et méprisable fourmillement noir, comme ces insectes qu'on voit chez nous.


L'horreur que ce fut pour moi, d'accoster au milieu de ces ruraux qui chantaient, braillaient pour se donner du courage. Toute cette fumée qui empestait, et remuait tour à tour les relents de l'océan, les odeurs nauséabondes de pêches anciennes, les parfums de ces dames du continent charriés à mes narines, cet abject mélange me retournait l'estomac.

La nuit qui nous enveloppait, nous étouffait. Il régnait sur le port comme un air de fin du monde, de misère, de marasme putride dans lequel évoluaient bon nombre de nègres.


Ma tante qui se tenait à mon bras était plus que ravie, un sourire large s'étendait sur ses lèvres bien que les dames du monde sachent que sourire ainsi est proche de l'indécence. En revanche, sur ces terres, "indécence" n'avait pas la même signification. L'outrecuidance de leurs jupons fendus était aussi provocatrice que le rouge sur leurs lèvres charnues. Je ne pouvais blâmer ma tante d'être ébahie, ce lieu suintait la nouveauté, le dépaysement, et pour moi : la décadence.


Une voiture nous attendait pour nous conduire chez notre hôtesse absente. Je ne dis rien du trajet, ma tante se chargeait des exclamations de plaisir et des clameurs de joie. Son enthousiasme ne m'atteignait pas. Pourquoi avais-je accepté déjà ? Les bonnes résolutions que j'avais savamment listées puis ingérées sur le navire ne tenaient plus à mesure que nous nous enfoncions dans ces champs de cannes.


Je voyais les derrières lueurs de la ville s'effacer, les cannes engloutissant mon désespoir.


La suite ne fut que bavardages intempestifs comme un long monologue qui bourdonnait à mes oreilles, ponctué de gens qui souriaient, se serraient la main, parlaient de l'élection du maire et de leurs placements financiers, grinçaient des dents, paraissaient aimables, et juraient s'adorer profondément !


Petits fours cajuns, champagne rose, orchestre, lustre de cristal. Nous avons la même chose chez nous sauf qu'ici tout est plus exotique. Plus écœurant.


Puis je la vis.






Quelque part dans le monde. 1895.


Subitement le monde changea de centre. Subitement plus rien d'autre n'existait.

Je pouvais enfin mourir.


La première question qui me vint à l'esprit fut : pourquoi elle ? Ce fut la dernière pensée cohérente dont je me souvins. Le reste ne fut composé que de quelques instants de lucidité pour simplement l'admirer.






Londres. 1896.


Doucement sa main courait sur ma peau. Je sentais le velouté de son corps tout contre moi. Un chaud soleil brun de la fin d'après-midi pénétrait au travers des jalousies, nous nimbant d'un rayon d'or.


Je me réveille. Me lève. Il pleut, il fait nuit.


Londres est morne de nuit… presque agonisante. Les sabots des chevaux sur les pavés me parviennent de loin, comme le battement de cœur d'un mourant. Diffus. Distant. Faiblissant.

Puis inexistant ; disparaissant dans le brouillard de la Tamise.


Londres, mon reflet de pierre. Une froideur terrible, des blocs de briques encadrant des artères où le trafic s'amenuise à la tombée du jour. Mon soleil à moi a disparu au-delà de mon horizon, il y a, j'ai l'impression, une éternité.


J'aimerais tant me rappeler avec précision la douceur de sa peau, le galbe de son corps, le velouté de ses lèvres pulpeuses, entières. Si seulement mes doigts se souvenaient de chaque parcelle de son corps doux. Si seulement mes yeux avaient pu mémoriser la teinte exacte de sa carnation, cette couleur chaude, qui réchauffait mon cœur solitaire. Qui le comblait comme une moitié qu'il aurait toujours attendue.


Ce souvenir, cette blessure plutôt, qui saigne dès que je cherche à l'évoquer, me prouve que je n'ai rien rêvé ; que tout a été réel.

Par pitié dites-moi que tout cela a existé ! Je ne peux pas avoir rêvé un tel bonheur ! Je veux me souvenir !

Plutôt traîner mes plaies béantes que me noyer dans la torpeur de l'oubli.


Laissez-moi proscrit. Laissez-moi saigner et quand je serai vidé de mon sang, de ma vie, de tout… alors mon corps se relèvera. Vidé de mon esprit. Mon corps parlera pour moi, bougera, fera semblant de sourire.

Chaque jour, je serai véritablement ailleurs bien loin de ce Londres agonisant. Je serai sur un rivage. Elle sera là, riant à mes côtés. Le monde est son sourire, l'univers : son corps. Et jusqu'à la fin des temps je revivrai cette ellipse divine qui n'aurait jamais dû naître.

En attendant je m'en retourne me noyer dans mes souvenirs.


 
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   Anonyme   
13/7/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Je trouve le personnage du narrateur bien cerné dans sa froideur, sa distance hargneuse qui cache en fait un désir désespéré de passion. Quand celle-ci prend fin, il se sent mourir. Une histoire banale mais rendue intense par le caractère outré du narrateur. Je trouve notamment bien vue cette notation: "quand je serai vidé de mon sang, de ma vie, de tout... alors mon corps se relèvera. Vidé de mon esprit."

   Palimpseste   
9/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Jolie et surprenante histoire, racontée d'une façon originale.

J'avoue que je me suis un peu ennuyé au début de l'histoire, jusqu'à la rencontre... ça tartine pas mal les clichés pour dire, redire et re-redire que ce bon monsieur n'aime pas les Colonies. Un peu moins n'aurait pas nuit.

J'aime beaucoup l'absence de description de cette jeune femme qui lui a mis la tête à l'envers... de la peau pâle d'une voyageuse ou le corps sombre d'une esclave? hmm... Très habile!

Côté écriture, je n'ai rien relevé contre le texte. ça se lit vite et bien... Merci !


[Edit du 8 août: en relisant le texte, je ne vois pas la justification du "-" à mon "Bien"... Je réhausse donc ma note à "Bien"]

   macaron   
9/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Une petite nouvelle, agréable à lire, avec ce ton juste autant pour le mépris des colonies que pour la passion d'une belle envoûteuse. Tout est dans l'expression des sentiments, et l'écriture ancienne, un peu surannée apporte une note lointaine qui nous fait voyager dans le passé. Un bon moment de dépaysement!

   Anonyme   
10/8/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Joliment écrit, mais un peu trop doucereux... Dans ces années-là, le monde n'était-il pas plus rude... même dans la très british Angleterre ?

   brabant   
14/8/2012
 a aimé ce texte 
Pas
Bonjour Calioh,


Un bon point : la mentalité colonialiste fin XIXè est bien rendue.

Mais j'ai rarement vu un Sir s'exprimer avec une telle maladresse dans quelque littérature que ce soit : "... Cet aperçu de leur genre humain... Je saturais de l'amour dégoulinant... attirant notre navire toujours plus certainement... sur la terre approchante... ..."

Je ne comprends pas l'enthousiasme de l'épouse à voir partir son mari.

Je ne savais pas non plus qu'épouser une fille de banquier (mésalliance) donnait à un Sir une position plus que confortable chez les notables, l'ascenseur marchait plutôt dans le sens contraire et un Sir se serait difficilement compromis.

Je ne comprends toujours pas ce coup de foudre soudain de la part d'un être imbu du prestige de la civilisation (anglaise de surcroît). Quant au velouté d'une peau sous le soleil des Tropiques...

Bref j'arrête là, je ne marche pas un seul instant. "Plutôt traîner mes plaies béantes que me noyer dans la torpeur de l'oubli.", on termine dans un mauvais romantisme, grandiloquent.

Ce texte est à contre-vérité d'un bout à l'autre le racisme inhérent du début étant contredit par la suite.

   AntoineJ   
15/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
bel exercice de style entre la sécheresse du début et l'émotion de la fin .. la "bascule" du milieu (Subitement le monde changea de centre. Subitement plus rien d'autre n'existait. Je pouvais enfin mourir.) tombe comme un couperet
je ne sais pas si plus d'explications apporteraient quelque chose ou pas ... cela peut rester un rêve, une trame, ...
derniere remarque : cela fait quand même un peu trop travaillé, on devnie trop les objectifs de l'écrivain derrière le texte (enfin, de mon point de vue, bien sûr)

   toc-art   
16/8/2012
Bonjour,

ce texte me parait assez bancal à vrai dire. Déjà, dans sa construction et son procédé narratif : je comprends bien l'opposition que vous avez cherché à rendre avant et après la rencontre de cette belle métisse mais la rupture est trop forte et devient dès lors peu crédible, du moins en l'état. Vous nous brossez le portrait d'un sir particulièrement imbu de sa position sociale et des privilèges de sa caste et de ses origines et vous nous le faites tomber éperdument fasciné par une métisse dès le premier regard. Vraiment, ça mériterait un traitement différent à mon sens (ça n'engage que moi bien sûr).
Par ailleurs, il me semble qu'il y a des précisions qui manquent. Vous en dites trop ou trop peu. Pourquoi, par exemple, ce voyage du narrateur avec sa tante et non sa femme ? pourquoi la joie de cette dernière au départ de son époux ? A quoi bon préciser le nom des interlocuteurs du narrateur sur le bateau puisqu'ils ne jouent aucun rôle dans l'histoire ?

Ensuite, sur le plan de l'écriture, je pense qu'il faut encore faire des efforts, elle m'a parue parfois assez maladroite, de même pour la ponctuation. Quelques exemples :

- Mrs Cudington avait eu la bonté... / le terme "bonté" me semble mal choisi vu ce que pense réellement le narrateur, ou alors il aurait fallu en souligner le caractère ironique.
- en tant que sir, mrs cudington... / la phrase me paraît mal construite : tel quel, "en tant que sir" se rapporte à Mrs Cudington et non au narrateur.
- le terme "bien-pensante" rattaché par le narrateur à son pays qu'il adore me paraît mal choisi car il a plutôt une connotation péjorative et ne me semble pas refléter son ressenti envers sa nation.
- La nuit qui nous enveloppait, nous étouffait. / la virgule, seule ici, est fautive. Soit vous l'enlevez, soit vous encadrez "qui nous enveloppait" entre deux virgules.

Sinon, j'aime bien l'argument de votre récit, ce mec dont l'univers et les certitudes basculent par amour mais je pense que le tout manque un peu de nuances.

bonne continuation.

   Anonyme   
21/8/2012
 a aimé ce texte 
Pas
Une bonne idée de départ, à développer.

Mais l'ensemble me semble bien mince, un peu pauvre.

"La suite ne fut que bavardages intempestifs comme un long monologue qui bourdonnait à mes oreilles, ponctué de gens qui souriaient, se serraient la main, parlaient de l'élection du maire et de leurs placements financiers, grinçaient des dents, paraissaient aimables, et juraient s'adorer profondément !"

L'écriture est approximative et la mise en page n'est pas du meilleur goût. Le contexte, s'il était développé, l'intrigue, s'il en existait une... Un texte qui manque de teneur mais qui pourrait, au regain, donner de bonnes choses.


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