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Policier/Noir/Thriller
Donaldo75 : Le tueur de l’Amstel [concours]
 Publié le 06/05/23  -  12 commentaires  -  27146 caractères  -  117 lectures    Autres textes du même auteur


Le tueur de l’Amstel [concours]


Ce texte est une participation au concours n°33 : L'ombre et la lumière

(informations sur ce concours).



Les jours rallongeaient mais conservaient leur froide lumière hivernale. Les bourgeons du printemps peinaient encore à poindre. Le cycle de la vie et de la mort restait bloqué sur l’heure d’hiver. Le meurtrier l’avait bien compris. Il avait décidé de frapper en plein cœur de Paris, à l’ombre des grands immeubles haussmanniens. Comme à son habitude, l’inspecteur Garnier ne pouvait qu’élaborer des hypothèses sur le sujet. Il avait quand même besoin d’en apprendre plus, d’apporter un peu d’éclairage scientifique à ses intuitions.


– Quelle est la cause de la mort, Max ?

– La peur, répondit le légiste.

– C’est une explication médicale, ça ?

– Oui. Le reste, la crise cardiaque, n’en est que la conséquence.

– Si tu le dis.

– Crois-moi. Je sais de quoi je parle. Le gars est mort de peur.


Garnier regarda son collègue de la médecine légale puis décida de ne pas poursuivre cette discussion. Le professeur Maxence Duchemin se considérait comme une sommité du département médico-légal. Il se croyait divinement investi du savoir même quand il s’agissait de quelques pauvres gars morts dans la rue, probablement assassinés par un monstrueux psychopathe urbain. En tant qu’inspecteur de la section homicides, Garnier devait composer avec l’ego démesuré du sexagénaire parce qu’à un moment donné, il aurait besoin de sa science pour étayer sa propre théorie du crime. Et puis, vu le curriculum du monsieur, il valait mieux ménager la chèvre et le chou. Il ne fallait surtout pas froisser les susceptibilités et donner à sa propre hiérarchie un os à ronger. Duchemin se croyait certes sorti de la cuisse de Jupiter mais Garnier savait l’utiliser à bon escient pour calmer les gradés.


– Bon, je te laisse bosser. On se retrouve à l’institut d’ici ce soir.

– Demain, plutôt, répondit Duchemin. Mon carnet de bal est déjà bien rempli.

– Je t’appelle, Max.


Le légiste leva la main en signe d’accord. Garnier fouilla ses poches, sortit les clés de sa voiture de fonction puis se dirigea vers la rue Auber où il s’était garé un peu n’importe comment. Tout en marchant, il se remémora les faits marquants de l’investigation en cours. Le macchabée du jour représentait la quatrième victime d’un seul et même tueur. Ce dernier sévissait depuis le début du mois de mars. Paris semblait constituer son terrain de chasse. Jusqu’à présent, rien ne reliait les morts entre eux. L’inspecteur avait quand même élaboré une thèse quant à l’origine de ces crimes. Elle ne lui plaisait pas du tout. Malheureusement, cette enquête lui rappelait un cas similaire. Il s’agissait de meurtres perpétrés dix ans auparavant aux Pays-Bas, plus précisément dans la ville d’Amsterdam. Les cadavres avaient toujours été retrouvés allongés le long du fleuve Amstel. Ce cas n’avait jamais été résolu. Douze personnes avaient péri de la main du même fou criminel, entre le 1er et le 21 mars. Il se nota d’appeler son collègue néerlandais en charge de l’enquête à l’époque.


////


« De l’ombre viendra la lumière » disait je ne sais quel intellectuel à tête d’ampoule il y a des lustres de ça. J’aimerais bien. Parce que même si les jours rallongent maintenant, ce n’est pas encore le printemps. Les hirondelles restent encore tapies loin d’ici. Elles évitent cette sale grisaille parisienne où des millions de fourmis s’entassent dans des boîtes en fer-blanc pour rejoindre leur petit enfer quotidien. Je hais ces pauvres invertébrés accrochés aux promesses d’un avenir radieux loin de la guerre en Ukraine ou des explosions à Tel Aviv. Ils ne le savent pas, ces nains de jardin mais je suis devenu leur ombre. Je suis resté au froid pendant ces derniers mois parce que là-haut on me commande d’hiberner, de ne pas réveiller la bête avant que le soleil ne reprenne la main sur le ciel. Mais je suis revenu.


Je revois encore cet ahuri devant les vitrines du boulevard Haussmann. Qu’est-ce qu’il y a de beau dans ces mannequins de plastique ? Ce ne sont que des poupées apprêtées comme des arbres de Noël. Pourquoi ces moucherons sont-ils autant attirés par la lumière des fenêtres, par les écrans publicitaires où défilent des images plaquées toc ? Je crois qu’ils rêvent tout éveillés. Et moi je leur procure le vrai sommeil. Je ferme leurs lucarnes dorées. Je les ramène dans la nuit, la vérité dernière, le début de la fin, là d’où ils n’auraient jamais dû s’échapper. Je me souviens de sa face éclatée devant mon sourire rougi et mes dents sanguinolentes. On aurait cru qu’il voyait un fantôme, celui de ses propres tourments, de sa culpabilité, de sa mauvaise conscience. Et l’ombre l’a enveloppé. Je l’ai privé de la lumière. Pour toujours.


Je vais reprendre le métro où ces rats d’égout rampent de quai en quai. L’ombre n’en a pas fini. Ils doivent payer leur vacuité. Après, il sera trop tard, je ne pourrai plus rien faire à cause de cette maudite lumière d’équinoxe. Je hais le printemps. Je déteste l’hiver. J’abhorre les hommes et les femmes, leurs enfants et leurs chiens, leurs rêves et leurs vies.


////


L’inspecteur Garnier posa son café sur son bureau, ouvrit son petit calepin puis décrocha le combiné du téléphone. Il composa lentement le numéro d’Interpol à Lyon. La standardiste lui demanda les renseignements d’usage avant de le transférer sur la ligne directe du commissaire Piet van Helden.


– Bonjour Piet, c’est Philippe Garnier.

– Pour une surprise, c’est une surprise. J’ai failli tomber de ma chaise.

– Désolé si je ne t’ai pas donné de nouvelles récemment.

– Je te charrie. Que me vaut ton appel ?

– Le tueur de l’Amstel.


Le Néerlandais marqua un court temps d’arrêt. Pour lui, cette affaire ne devait jamais remonter à la surface. Il pensait un peu naïvement qu’une autorité supérieure avait décidé de mettre un terme à cette gabegie puisque les meurtres s’étaient arrêtés d’un coup sans réelle raison apparente. Il ne croyait pas vraiment en la méthode Coué mais parfois elle avait du bon pour garder la tête dans le sable et attendre des jours meilleurs. C’était ça ou un ulcère carabiné à se ronger les sangs sur un vieux dossier non élucidé.


– Ne me dis pas qu’il est revenu.

– J’en ai l’impression.

– Vous avez muselé la presse ?

– Oui, en quelque sorte.


La presse n’aidait pas vraiment. Elle habillait trop souvent les faits dans le seul sens voulu par une rédaction en mal de frissons. Des experts autoproclamés s’arrachaient des strapontins sur les chaînes d’information continue. Ils déblatéraient leurs théories fumeuses, comparaient des choux et des carottes dans le but d’impressionner madame Michu ou monsieur Dupneu. Et quand ce n’était pas à des parangons d’expertise, elles laissaient la parole aux énarques de la préfecture, des fonctionnaires trop zélés et juste bons à pondre de la procédure inutile ou à conjecturer des variables sur un tableau statistique. Les vrais tueurs compulsifs ne se préoccupaient ni de la science administrative ni des courbes de Gauss.


– J’ai besoin de tes notes de l’époque.

– Elles sont dans le dossier, Philippe.

– Je ne parle pas de l’officiel. Je veux tes impressions, ta vue à chaud.

– Mes cauchemars, tu veux dire ?

– Oui.

– Tu as les mêmes ?


Dix ans auparavant, l’inspecteur Piet van Helden avait presque fondu une durite lors de cette enquête. Ses collègues avaient commencé à le prendre pour un fou. À l’époque, Philippe Garnier suivait le cas de loin, par intérêt morbide ou par passion de la criminologie, il ne savait plus. Il avait alors remarqué des similitudes entre le tueur de l’Amstel et des meurtres étranges survenus l’année précédente à Bruxelles, la région où il officiait. Des conflits de territoire l’avaient néanmoins empêché de converger avec son homologue néerlandais. Les chefs à plumes locaux avaient finalement tranché pour la clôture des investigations, dans les deux cas parce que les meurtres avaient cessé après le 21 mars. Pourquoi compliquer la sauce quand on pouvait juste simplifier ? Telle avait été la logique de leur décision.


– Je ne les ai pas sur papier.

– Alors ?

– Elles sont encore là, dans ma tête.

– Après tant d’années ?


Le policier français se sentit désolé pour son collègue d’Interpol. Il lui demanda quand même de lui expliquer sa vision des choses, celle de l’époque. Piet van Helden lui sortit une théorie proche de la sienne. Les deux s’accordaient tellement que cela faisait a posteriori presque peur. Le diable n’était pas dans les détails, malheureusement mais en chacun des simples Homo sapiens, du moins chez les plus faibles. La police ne pouvait pas souvent changer la donne. Son action se résumait juste à poser un gros pansement stérile sur une jambe de bois. Le commissaire batave lui résuma sa thèse en peu de mots : pour lui, le tueur de l’Amstel était saisonnier. Ses meurtres se basaient sur le sacre du printemps ou la fin de l’hiver. Son inclinaison criminelle hibernait pendant l’hiver puis se réactivait dans les trois premières semaines de mars, quand la nouvelle saison prenait forme dans la nature, la lumière et le climat. Puis, une fois la période printanière ouverte, il arrêtait de perpétrer ses crimes et passait à autre chose. Piet van Helden attribuait cette temporalité à des croyances païennes. Pour lui, le tueur de l’Amstel se voyait investi d’une mission quasi divine.


– Tu en as parlé à quelqu’un avant moi ?

– Oui. À quelques experts en sciences occultes.

– Sérieusement ?

– Pourquoi pas ?

– Et ?

– Ils ne m’ont pas traité de maboul.


L’inspecteur Garnier ne savait plus s’il devait se sentir rassuré ou simplement constater qu’ils étaient tous les deux atteints du même mal. Personnellement, il n’avait jamais parlé de sa théorie à quiconque, de peur de se voir écarté de l’investigation. Son collègue d’Interpol n’avait pas agi de manière aussi sage dix ans auparavant. Sa carrière avait failli se terminer dans les méandres de la bureaucratie amsterdamoise. Heureusement, il avait pu compter sur une hiérarchie bienveillante. Son responsable lui avait conseillé de prendre de longues vacances et de ranger toutes ses idées dans une boîte bien fermée à clé et de l’enterrer.


– Tu penses que c’est le même, Philippe ?

– Oui.

– Et tu partages ma théorie ?

– Complètement.

– Que comptes-tu faire, alors ?

– Je n’en sais foutre rien.


Telle était la cruelle réalité. Le tueur de l’Amstel semblait agir un peu partout mais toujours au même moment. Dix ans avant Paris, il avait sévi à Amsterdam. Et Philippe Garnier pensait que ce n’était pas son premier bal. Pour lui, les meurtres inexpliqués de Bruxelles l’année précédant ceux de la capitale néerlandaise suivaient une logique identique. Le meurtrier tuait du 1er mars au 21 mars puis disparaissait comme par magie de la circulation.


////


Je le vois, ce rat. Il s’accroche bêtement à sa barre dans cette rame pourrie. Son téléphone portable semble être son seul ami. J’ai presque pitié de lui tellement il en est pathétique. Depuis sa montée dans le train à la station « Nation » il regarde comme hypnotisé son petit écran. Il ne voit rien d’autre. Je peux sentir ses pensées malsaines. Il s’imagine entouré de beautés aux allures de mannequins, ces bimbos affichées en quatre par trois sur les murs des grands boulevards. Il se prend pour le coq au milieu de sa basse-cour, à montrer ses ergots à une tripotée de poules en chaleur. Il rêve de les remplir de sa semence de gallinacé priapique. Profites-en bien petit poulet de merde, je vais te plumer.


Enfin, ce débile descend. Je le suis. Il est tellement absorbé par son Smartphone qu’il ne me remarque pas. Je me profile dans son sillage. La station « Charles de Gaulle – Étoile » est gigantesque, un labyrinthe de couloirs et un dédale d’escalators. Va-t-il sortir sur les Champs-Élysées rejoindre ses frères anonymes ou juste rejoindre une ligne de métro ? Je parie sur la première option. J’aime cette chasse. Elle m’excite. Je suis fort.


Il a bifurqué dans une ruelle adjacente à l’avenue Hoche. Je vais profiter de l’occasion pour le surprendre. Il n’y a personne ni devant ni derrière nous. De toutes manières, les Parisiens n’en ont rien à faire de leurs congénères. Ils marchent telle une foule lobotomisée dans la froideur de la nuit. J’accélère le pas. Je m’approche de lui. Je le dépasse. Il ne voit toujours pas le coup venir. Je me retourne. Je baisse ma capuche. Il me regarde sans comprendre. J’ouvre ma bouche sanguinolente et lui montre mes crocs. Il ne bouge plus. Je le sens tétanisé devant moi. Je lui jette à la face ma haine foudroyante. Ses yeux se révulsent. Ses lèvres tentent de bouger mais aucun mot ne peut en sortir. L’ombre prend enfin possession de son corps et le vide des restes de lumière qui semblaient encore habiter sa pauvre petite enveloppe charnelle. Je le quitte, il est déjà froid.


////


Le professeur Duchemin recousait patiemment le cadavre étendu sur sa table d’autopsie quand l’inspecteur Garnier entra dans la salle. Les deux hommes se saluèrent en hochant la tête en silence puis le policier posa la première question, celle qui ne cessait de le tarauder depuis plusieurs jours.


– Toujours la peur, Max ?

– Oui. Une peur primale.


Philippe Garnier savait ce qu’était la peur. En général, ajouter un adjectif à ce terme lui paraissait exagéré. Pourtant, dans le cas présent, il prenait tout son sens sur le faciès du pauvre hère allongé sous ses yeux. La terreur semblait avoir figé les muscles de son visage. Elle s’était propagée en instantané, ne laissant probablement pas le temps au cerveau d’analyser la situation, de préparer des contre-mesures au danger, d’éviter au reste du corps de sombrer dans la nuit. Le policier se souvint d’un article scientifique traitant des derniers moments des cellules avant la mort physique. Déjà à l’époque, après sa lecture, il avait eu du mal à se remettre de la manière dont étaient décrits ces instants ultimes, une souffrance vécue au niveau le plus élémentaire. Il ressentait à présent un malaise identique. Pourtant, son métier lui faisait côtoyer le pire. Cependant, dans le cas présent c’était tout bonnement inhumain, indescriptible avec des mots.


– À ce point ?

– Pire, Philippe, pire que le pire que l’homme puisse imaginer.

– Qu’est-ce qui peut inspirer un tel sentiment.

– Je ne sais pas. Je crois que ce n’est pas la question.


Le médecin avait raison. Le quoi importait peu. Chaque victime était différente et dotée d’un référentiel personnel en ce qui concernait la peur. Certaines craignaient la vue des araignées ou même de simplement penser à cet animal. D’autres tremblaient au bruit sourd de pas sur un vieux parquet grinçant. Les symptômes n’étaient également pas identiques d’un individu à un autre. Le quoi changeait donc de nature selon la personne. Là résidait l’inhumanité de cette peur dite primale. Elle semblait polymorphe.


– Et la conséquence a été une crise cardiaque ?

– Oui.

– Même chose pour les autres ?

– Non.

– Je croyais, pourtant.

– La première victime a succombé à un AVC. La troisième également, je pense.


Le professeur Duchemin chercha à justifier son erreur de diagnostic avec des arguments médicaux. L’inspecteur Garnier le laissa développer son laïus juste pour la forme puis lui indiqua sommairement que cela n’avait pas d’importance. L’enquête n’allait pas changer de manière radicale avec cette découverte. Le comment n’influençait pas le pourquoi.


– Désolé, conclut le légiste.

– Nous devons élargir notre perspective.

– Tu as une idée ?

– Pas sur le modus operandi. Quoique.

– Explique.

– Je dois vérifier deux ou trois trucs.

– Tu me tiendras au courant.


////


Les jours s’allongent trop vite. La lumière commence à me brûler, même quand je suis sous terre avec les fourmis dans leurs boîtes en fer-blanc. Il faut tenir jusqu’à l’avènement de la nouvelle saison. Je me sens faible ces derniers temps. Je n’arrive plus à me concentrer sur qui doit être puni. J’entends leurs voix dans tous les sens. Elles m’énervent. Elles crissent telles les cordes d’un violon désaccordé. Une migraine me cloue certaines fois. Je ne peux alors même pas me lever de mon siège. Tout va trop vite. L’ombre semble vouloir me quitter, trouver un nouvel outil de châtiment. Je suis peut-être trop vieux désormais.


Mes sens s’agitent constamment. Je sens les effluves de cette poubelle géante appelée Paris. Je ressens son métro couvert de fange, son cloaque humain. Cette puanteur me donne envie de jeter mes intestins sur ces rats. Je les goberais puis les régurgiterais illico tellement ils ne me méritent pas. Les néons de la station m’agressent en permanence. Ils clignotent comme des étoiles sur un sapin dans une fête de fin d’année. Ils me rappellent l’hiver quand je dois me coucher dans ma gangue tandis que des milliers de pénitents déambulent sur les grandes avenues parisiennes à la recherche de n’importe quoi. Je me souviens de ma faiblesse pendant cette période. Je suis alors aussi impuissant qu’eux. Je me hais. Je ne peux même pas mourir. Je suis redevenu une larve. Comme eux, finalement.


Celui-là fera un bon candidat. Il ne devrait pas me fatiguer vu la lenteur avec laquelle il se traîne. Étonnamment, il ne pianote pas sur un de ces stupides téléphones portables. Il ne lit pas un de ces journaux gratuits pleins de publicités débiles. Il regarde dans le vide, avec ses yeux gris de vieux matou fatigué. Je ne sais pas pourquoi je le sens bien. Sa vacuité attire l’ombre. Les autres passagers de la rame ne semblent pas le remarquer. Il est invisible pour eux. Peut-être sentent-ils en lui le banni, le laissé-pour-compte, le paria de la société. Ils ne veulent pas l’assimiler. Je n’arrive même pas à le plaindre. Il n’est qu’une version décatie de toutes ces infâmes raclures de bidet. Je dois donc le punir, lui comme ses pairs ou toutes celles et ceux qui se croient supérieurs à lui. Il sera le prochain.


////


L’inspecteur Garnier raccrocha. Il s’essuya le front. Son cerveau pédalait dans la purée tellement la nouvelle était incompréhensible, inattendue, phénoménale. Il enfila son manteau, prit ses clés et se dirigea vers le garage. Une fois au volant de sa voiture, son corps commença à trembler. Pourtant, il n’avait aucune raison. Au contraire, ce que lui avait annoncé le commandant allait dans le bon sens.


Le véhicule de patrouille s’affichait lumineux avec son gyrophare scintillant dans la pénombre du boulevard de Magenta. Philippe Garnier se gara à l’arrachée, sortit de l’habitacle et se dirigea vers ses collègues.


– Inspecteur Garnier, je dois parler au témoin.

– Il vous attend sur la plage arrière.

– Laissez-moi seul avec lui.

– D’accord. Nous allons continuer à poser des questions aux passants.

– Faites ça.


L’inspecteur se dirigea vers la voiture de police. Il vit une silhouette frêle et immobile. Elle lui faisait bizarrement penser à un petit oiseau sur une branche en plein hiver, attendant que le gel l’achève. Il ouvrit la portière, regarda à l’intérieur puis posa ses fesses sur la banquette.


– Philippe Garnier, inspecteur à la criminelle. Racontez-moi !

– Je ne sais par où commencer.

– Détaillez-moi les cinq dernières minutes, alors.


Le policier en profita pour examiner la victime. Il trouvait presque étrange que cet homme malingre soit encore vivant et en mesure d’aligner trois mots. D’ordinaire, du moins dans cette affaire, il se retrouvait à considérer un macchabée avare de détails par nature. Les morts sont capables de révéler des secrets mais pas forcément en les formalisant. Et dans le cas présent, le survivant tenait plus du zombie que de la viande froide bonne à autopsier.


– Il m’a suivi à la sortie du métro.

– Vous l’aviez remarqué ?

– Oui. Il paraissait inoffensif.

– Ensuite, que s’est-il passé ?

– Il m’a dépassé, s’est retourné et a tenté de me dire quelque chose en grimaçant.


À cette évocation, la presque victime se frotta le front puis les oreilles. L’inspecteur Garnier le laissa poursuivre son rituel avant de relancer l’interrogatoire.


– Qu’a-t-il dit, exactement ?

– Rien.

– Comment ça, rien ?

– Aucun son ne sortait de sa bouche.

– Et elle était comment, sa bouche ?

– Sale, vermoulue, édentée.

– Avez-vous eu peur ?

– Non. Par contre, lui semblait effrayé de ma réaction.


Le reste de la scène n’avait pas d’intérêt. Philippe Garnier en savait assez. Il posa quelques questions supplémentaires par acquit de conscience professionnelle. Ensuite, il conseilla au témoin de rester dans la voiture. Il lui demanda d’attendre que les policiers l’amènent au commissariat le plus proche. Enfin, l’inspecteur le remercia avant d’ouvrir la portière et de se lever. Le mystère restait entier mais Philippe Garnier sentait que la série des meurtres allait bientôt prendre fin. Il se demanda néanmoins ce qu’en penserait le commissaire Piet van Helden. Il nota de l’appeler une fois qu’il aurait relu la déposition du petit homme malingre et le compte-rendu de l’enquête de voisinage.


////


Que m’est-il arrivé ? J’ai l’impression d’être l’un d’eux. L’autre petite blatte informe n’a pas eu peur de moi. L’ombre ne l’a pas infestée. Et je suis parti en courant, tel un vulgaire voleur à la tire. Je pensais renaître de mes cendres, après une absence aussi longue. Je me sentais de nouveau surpuissant. Je ne comprends pas. Le printemps ne s’est pourtant pas encore annoncé. Je ne ressens pas ses effluves fruitées, tout ce que je déteste dans cette saison. Maintenant, je suis assis comme un con sous la tour Eiffel. Je ne peux pas retourner dans le métro. Je ne veux pas subir leur odeur, leur petitesse, leurs pensées débraillées.


Je me souviens de Bruxelles. C’était une autre époque. Et je me remémore Amsterdam, avec cet Amstel que je pouvais longer pendant des heures en attendant de trouver celle ou celui qui remplirait ma nuit de saveurs doucereuses. Je ne comprends toujours pas pourquoi l’ombre m’a choisi puis m’a quitté et a fini par me revenir pour vouloir m’abandonner de nouveau. Tout ça m’a manqué pendant ces dix sales années passées à vivre comme les autres. J’ai compté mes pauvres journées, entassé les heures nocturnes sans sommeil, abruti mon esprit à des tâches indignes de moi. J’ai détesté. Je le sais désormais. Je suis accro à l’ombre, à la noirceur de l’âme, au sang, à la mort. Rien ne m’excite plus. Tuer est trop bon. Et leur peur m’élève à des niveaux himalayens. Ce n’est pas un mal de les débarrasser de leurs turpitudes en les amenant au bout du précipice avant de les voir tomber. Leur salut vient de là, de cette ultime danse avec la fin. Je les sauve d’eux-mêmes.


Je dois me reposer. Ce banc me semble idéal. Le froid me grise un peu. C’est bizarre mais j’aime cette sensation. La rue est vide. Personne ne viendra me déranger. J’entends le vent bruisser dans les feuilles. L’hiver veut encore exister. Mes paupières pèsent maintenant des tonnes. Je vais lentement glisser dans une autre dimension, le temps d’un battement d’ailes de papillon. Je reviendrai plus fort. Ils me craindront de nouveau parce que j’existe en eux.


////


Marguerite Daumesnil promenait son bouledogue français quand elle remarqua le corps allongé sur le banc. Elle se dit que le pauvre hère devait avoir froid en cette matinée de mars. Sa charité chrétienne lui commanda de s’approcher, de voir s’il allait bien. Elle tira sur la laisse puis se dirigea vers ce qu’elle pensait être un clochard endormi. La vieille dame remarqua à peine l’espèce de brume sombre s’évaporant alentour. Elle posa sa main sur l’épaule du dormeur. En l’absence de réaction de sa part, elle se pencha. L’homme sentait le feu de cheminée. Sa tête était tournée vers l’intérieur du banc. Marguerite Daumesnil posa sa main sur sa joue puis la retira vivement. Elle se signa et quitta les lieux en invoquant le Christ, les saints et les apôtres.


L’agent de police Lucien Portier arriva le premier sur la scène. Il examina le cadavre. Rien ne lui sembla suspect. Juste étrange mais pas forcément inhabituel dans Paris en cette fin d’hiver. Il appela son commissariat.


– Agent Portier au rapport.

– Oui ?

– La petite dame avait raison. Il y a bien un mort là où elle nous l’a indiqué.

– Des traces de lutte ?

– Non.

– Des papiers d’identité ?

– Aucun.

– J’envoie du monde. Restez sur place !


Le commandant Cédric Chapoutier raccrocha. Il cligna des yeux à l’attention de Marguerite Daumesnil. Elle lui faisait penser à sa grand-tante, une bigote à l’imagination trempée dans les psaumes.


– L’agent Portier confirme la mort du monsieur.

– Il l’a touché ?

– Oui.

– Il n’a rien senti ?

– Pas à ma connaissance.

– Le Malin était pourtant présent tout à l’heure. Je l’ai senti.

– Allons bon !


La vieille dame toucha son chapelet, caressa le front de son bouledogue français puis récita une prière. L’officier de police ne jugea pas opportun de l’interrompre. Selon son expérience, prier pouvait apporter du réconfort aux personnes peu habituées à la mort ou à ce type de découverte macabre.


Environ deux semaines plus tard, alors qu’il consultait les rapports sur les morts survenues au mois de mars dans Paris, l’inspecteur Philippe Garnier tomba sur un cas a priori intéressant. Le décès datait de la nuit où le tueur de l’Amstel était apparu pour la dernière fois. Le cadavre ne portait aucune trace de lutte ou d’agression. D’après l’expertise médico-légale, il avait succombé à une sorte d’hypothermie. Il ne portait sur lui aucun document susceptible de l’identifier. Philippe Garnier réagit à un détail : la bouche du décédé. Sur la photo prise lors du constat, elle paraissait sale, vermoulue, comme celle d’une momie débarrassée de ses bandelettes. Le policier additionna instinctivement deux et deux pour aboutir à une forme de certitude. Il décida de relire le témoignage du survivant, la seule personne ayant réchappé au tueur de l’Amstel. Sa lecture confirma son intuition. Il décrocha son téléphone et appela son collègue d’Interpol Piet van Helden.


– Il est mort, dit-il sans introduire le sujet.

– De quoi ?

– De froid. Je crois.

– Et c’est bien lui.

– Je le pense, oui.

– Où est le corps ?

– Quelque part dans un tiroir à la morgue.

– Il faut l’incinérer sans plus attendre.

– Pourquoi ?

– Ne demande pas. Tu ne veux pas vraiment le savoir.


Philippe Garnier n’avait pas l’intention de chercher à comprendre le commissaire Piet van Helden. Il souhaitait simplement ranger le dossier du tueur de l’Amstel dans la case des affaires clôturées à défaut d’être résolues. Les conjectures à deux euros, les explications fumeuses ou les théories ésotériques l’ennuyaient désormais. Il sentait une forme de lassitude l’envahir. L’inspecteur de la brigade criminelle passa quelques coups de fil à des personnes bien placées et arrangea l’incinération en toute discrétion.


 
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   Anonyme   
23/3/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Les monologues intérieurs du tueur m'ont fort intéressée, j'ai apprécié la détestation universelle accompagnée de mégalomanie qu'ils exsudent. J'ai bien aimé aussi l'entre-deux où, me semble-t-il, s'installe votre nouvelle : le fantastique rôdaille, il peut y avoir de la créature surnaturelle là-dessous, voire du Malin, ou l'abominable assassin peut tout aussi bien n'être qu'un humain ordinaire qui, ne supportant pas sa condition médiocre, s'illusionne.

Un point qui n'est pas du tout abordé : qu'est-ce qui différencie la dernière cible du tueur, pourquoi cet homme n'a-t-il pas eu peur du monstre ? Si peu eu peur, d'ailleurs, si peu menacé s'est-il senti, que je me demande bien pourquoi il a alerté la police et comment celle-ci a fait le rapprochement avec la grosse affaire en cours… (Et même, puisque les victimes sont mortes d'infarctus ou d'AVC sur la voie publique, comment l'intention criminelle est-elle manifeste, pourquoi y a-t-il seulement une enquête reliant ces morts « naturelles » ?… Ah oui, je m'étonne aussi qu'un flic de la police criminelle soit en poste à Bruxelles, puis à Paris, puisqu'il s'agit des capitales de deux pays différents. Bon, Garnier a peut-être changé de nationalité, je n'en sais rien ; un détail, mais qui me distrait du cœur de l'histoire.)

La partie « enquête » de l'histoire m'a paru trop longue pour ce qu'il y a à dire, notamment les dialogues entre Garnier et divers interlocuteurs pour tenter de faire avancer le schmilblick. Il patauge, ses efforts n'aboutissent pas à grand-chose et font patiner l'action à mon avis.

Une nouvelle qui m'a assez plu, j'ai bien aimé cette incertitude sur le caractère surnaturel du tueur, mais dont, je crois, la narration pourrait être plus efficace, plus nerveuse, et s'affranchir de certains détails embrouillants à mon avis.

   senglar   
30/3/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,


Oui, bon, il y a de quoi hein... L'auteur s'efforce de démontrer qu'il répond bien au sujet, régulièrement, tout au long de cette enquête policière. Curieusement son héros meurt de froid alors qu'il affectionne la lumière d'hiver qui est en fait son carburant.

Quelques impressions et relevés qui m'ont accroché (dans le bon sens du terme) ici et là lors de la lecture du récit :

Se faire traiter de maboul par des spécialistes en sciences occultes : amusant :)

Un meurtrier saisonnier accro à la lumière d'hiver : un mythe revisité.

Après le cri, la peur primale... aux causes polymorphes... : On crie pour venir au monde et on crie pour le quitter. Il y a de quoi développer là, hors nouvelle :)

- Je reviens un peu sur le 2ème point : On a ici un vampire qui marche aux saisons et non à l'alternance jour/nuit... Un accro à l'ombre... (J'existe en eux)... Je pourrais approfondir tout cela... On insiste, on montre que l'on n'a pas oublié le sujet. Il y a beaucoup de piqûres de rappel comme cela. Ce tueur est-il notre part d'ombre ?

Les personnages sont pittoresques, classiques mais pittoresques. On est dans un connu confortable. L'inconnu aussi finalement.


Ma conclusion : Les vampires, quelle que soit leur nature, sont appelés à disparaître car les gens n'ont plus peur de rien.

Travail important, bien scandé, on suit sans difficulté l'enquête de cet inspecteur sympathique et plutôt bonhomme.

Joli titre, ça fait penser à la bière, aux courses de vélo tout en dépaysant pour la partie hollandaise.

Merci à vous, travail sérieux, assumé. On ne se moque pas du lecteur. Un bon policier en quelque sorte.


N B : Un macchabée ; un maboul, être maboule.


senglar en EL

   jeanphi   
6/5/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour,

La tonalité est très juste de cette nouvelle. J'ai l'impression de lire du Vargas. On entre dans la pensée de l'inspecteur, les dialogues sont un peu impersonnels mais format cours oblige, à considérer leur aspect rapports professionnels, ils sont parfaits.
J'aurais voulu plus de digressions, d'à côté dans la pensée de Garnier, mais le format justifie certainement de s'en tenir aux faits. Les séquences sont bien proportionnées, selon moi, la fin très condensée maintient l'équilibre général du texte.
Merci pour cette belle écriture.
Je me permets de relever deux petits morceaux de phrases qui me sont apparues comme des anicroches au sein d'une rédaction parfaitement maîtrisée :

"... avares de détails par nature." Je ne sais pas, c'est un peu moins pourvu d'esprit que le ton général.
Pareil pour "himalayesque".
Ceci n'est bien sûr que mon ressenti, et je relève ces formules avec l'intention de spécifier que le texte me paraît réellement très abouti.

   Vilmon   
7/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Désolé, j'ai trouvé le récit long, le tempo trop lent et un discours redondant. J'ai apprécié la forme qui passe de la lumière, l'inspecteur, à l'ombre, le tueur, mais je trouve que ça s'étire en explication et en justification. Pourquoi dix ans plus tard et Bruxelles l'année précédente ? Pourquoi dire qu'il n'y a aucun fil conducteur alors que c'est relié à Amsterdam ? Pourquoi s'en tenir qu'aux dires du médecin légiste ? Pourquoi la dernière victime est-elle épargnée ? Pourquoi le criminelle tombe en hibernation avant la date ? C'est bien écrit, le criminel semble beaucoup plus éduqué, mais je trouve que c'est limité comme enquête et recherche d'indices. Alors qu'il avait la chance d'avoir un témoin oculaire, l'inspecteur terminé avec fracas sont interrogatoire sans en soutirer un portrait robot. L'heure de la mort des victimes, l'endroit de leur découverte, les possibles autres témoins auraient tous alimenté cette intrigue. Je suis resté sur ma faim, on n'a que gratté la surface.

   Angieblue   
8/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Une nouvelle policière et fantastique très originale avec ce tueur de l’Amstel à l’identité sombre, mystérieuse et surnaturelle étant en quelque sorte une version moderne d'une sorte d’Ankou faisant mourir d’effroi ses victimes. Le lien avec le thème du concours est également bien illustré puisque le meurtrier opère entre deux saisons, la fin de l’hiver et le début du printemps, et aussi parce qu’il est porteur de l’ombre de la mort.
La narration est bien menée alternant récit à la 3ème personne et point de vue interne du tueur. Son mépris pour la vacuité de l’espèce humaine est bien rendu avec toutes les métaphores comparant les personnes à des insectes ou des rongeurs. Sa psychologie est intéressante et sa nature a quelque chose de vampirique même s’il ne mord pas ses victimes avec ses crocs. Un personnage plutôt fascinant, en somme.
La ville de Paris avec ses lumières artificielles est également bien décrite. On arrive facilement à visualiser les lieux et à se mettre dans la tête du meurtrier qui exècre tout cet apparat.
Les personnages enquêteurs sont également bien posés avec ce couple Garnier et Van Helden et l’intrigue est bien ficelée. Il y a du suspense et on est tenu en haleine jusqu’à la fin. Très réussies aussi les scènes où le tueur passe à l’acte.
Enfin, j’ai bien apprécié la chute avec notre meurtrier dont la lumière mortifère s’échappe sous la forme d’une ombre pour s’éteindre comme celle des humains qu'il méprise tant. Et, en effet, de ce fait, il n’a pas réussi à effrayer sa dernière victime car il n'a plus suffisamment d'énergie effrayante et surnaturelle ce qui le rapproche désormais des simples mortels. Le portrait du personnage à ce moment-là est très réussi et marque bien l’esprit du lecteur avec la bouche « sale », « vermoulue » et « édentée ». ça reste bien en mémoire.
Seul petit bémol, la dernière victime n’en est pas vraiment une puisqu’elle n’a rien eu. Le lien avec les autres crimes n’est pas flagrant et aurait pu ne pas être découvert par notre enquêteur… Enfin, à voir…

En tout cas, c’est une nouvelle policière très réussie, riche, subtilement travaillée à tous les niveaux et originale par son caractère fantastique.
Vous ouvrez ce concours en mettant la barre très haut. Bravo !

   plumette   
7/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Un texte de qualité dans un registre entre policier et fantastique.

Un tueur en série qui fait mourir de peur ses victimes et qui officie dans des grandes métropoles au sortir de l'hiver.

Pardonnez-moi, mais je me suis demandé s'il s'agissait d'un texte déjà existant repris pour y intégrer la consigne du concours! Car j'ai trouvé que ces questions d'ombres et de lumières étaient un peu plaquées sur l'histoire policière.

Ceci étant, j'ai bien aimé le monologue intérieur du tueur dont la nature me semble indécise: un vampire? Un monstre ? Le diable en personne? En tous cas, sa détestation du genre humain est bien décrite.

Et pourquoi son échec avec sa dernière victime le conduit-elle à mourir? Et pourquoi est-ce que cette dernière victime n'a pas peur?

je suis sans doute trop rationnelle pour me laisser totalement emporter lorsque subsiste autant de "zones d'ombres".

je vous souhaite bonne chance pour le concours.

   Disciplus   
8/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Correspondance avec le thème peu développée. Enquête policière sans véritable enquête.
Le style narratif permet -entre autres- de suivre les faits et gestes des personnages, mais cela peut alourdir d'autant la lecture : "Garnier fouilla ses poches, sortit les clés de sa voiture de fonction puis se dirigea vers la rue Auber où il s'était garé un peu n'importe comment. - Enfin l'inspecteur le remercia avant d'ouvrir la portière et de se lever".
Les incises des états d'âme du tueur sont une bonne construction pour donner du rythme.
Les dialogues, bien que succincts, offrent une pause dans la lecture.
Suggestion : Commencer le récit par un paragraphe qui met en situation : Marguerite Daumesnil promenait.../... Invoquant le Christ, les saints et les apôtres". L'épilogue et ses dialogues passe-partout cassent le tempo et n'apportent plus grand-chose.
Remarques :
Eviter les ficelles : "Je dois vérifier deux ou trois trucs". Les victimes sont choisies au hasard mais le tueur nous dit "Je n'arrive plus à me concentrer sur qui doit être puni". Bonne question : qui/pourquoi doit être puni?
Pourquoi compliquer la sauce quand on pouvait juste simplifier (deux idées en une?).
Il vous attend sur la plage arrière (la banquette arrière).
Changement de ton : L'ironie ponctuelle d'un tueur en série jusque-là froid et méchant : "De l'ombre à la lumière" disait je ne sais quel intellectuel à tête d'ampoule il y a des lustres de ça." (j'ai apprécié la phrase).

   Dugenou   
8/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Ce polar lorgnant sur le fantastique m'a paru bien mené. Même si, d'autres le font remarquer, de nombreuses questions restent en suspend - ce qui m'évoque, au final, plus un texte préparatoire, d'un travail plus long, novella ou roman.

L'antagoniste, dans les parties lui étant consacrées, en tant que narrateur, m'a semblé proche, dans son expression et ses motivations, du personnage de Rorschach, dans Watchmen.

Merci et bonne chance !

   Asrya   
9/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Me voilà partagé à bien des égards face à cette nouvelle.

J'ai trouvé le ton et la dynamique du récit très alléchante au début de la lecture. Je m'y suis plongé avec beaucoup de plaisir tant je trouvais la tonalité bien maîtrisée.
Au fil du récit, je trouve que cette dernière s'étiole et l'élan qu'elle laissait percevoir ralentit, en tout cas, a manqué de m'accrocher jusqu'au bout et surtout de me tenir en haleine jusqu'au dernier mot.

Je n'ai pas trouvé les dialogues d'une importance capitale pour le déroulement de la nouvelle. Un certain nombre d'entre eux auraient pu être élidés sans que cela n'impacte la teneur du récit.

La construction de l'enquête qui s'articule autour des différents faits est relativement linéaire, pas d'obstacles particuliers à la résolution de l'enquête, pas de "fausses pistes", l'ensemble des éléments semblent s'accorder dans la direction que le narrateur a souhaité leur faire prendre. Pour une nouvelle du genre "policier", on s'attend à un peu plus de rebondissement, d'intrigues, de mordant.

Ceci-dit, la démarche est originale et cette intrusion du tueur dans la narration est plutôt satisfaisante.
Le tueur lui-même est intéressant et l'angle de vue choisi est prenant. Le fait que cette "ombre" l'envahisse, qu'il en devienne addict, est relativement captivant. La psychologie du personnage est effleurée, peut-être en aurais-je souhaité davantage pour m'immiscer encore plus dans le récit, mais cela reste présent, c'est déjà ça !

La partie plus "fantastique", le fait de ne pas savoir ce qu'est réellement la source de cette "ombre", le fait de la laisser planer, aller, venir, infiltrer des individus est intéressante, mais il manque probablement des éléments pour qu'on se pose moins de question à la suite de la lecture (le narrateur tueur est-il 'ombre lui-même, le mal, le malin, qui s'exprime au travers d'une enveloppe corporelle ? pourquoi du 1er au 21 mars ? pourquoi faiblit-elle alors que le printemps n'est pas encore présent ? pourquoi tant d'années d'absences ? pourquoi l'incinérer ?) Beaucoup de questions qui amènent un certaine frustration.

Je n'ai pas noté grand chose sur l'écriture, on sent qu'il y a une belle plume derrière, seul ce passage a retenu mon attention :
"Certaines craignaient la vue des araignées ou même de simplement penser à cet animal" ; on sent la volonté d'éviter la répétition "araignée", mais, ce n'est pas très heureux. Pourquoi pas, "certaines craignaient la vue des araignées, ou même de simplement y penser" ?

Ah et "effluves" est répété en peu d'intervalle, il aurait facilement pu être remplacé lorsque vous parlez du printemps.

Concernant la thématique "ombre/lumière", j'ai trouvé que les mots "ombre" et "lumière" apparaissaient bien trop souvent dans la nouvelle pour ne pas sentir cette volonté intrusive de coller, montrer que la nouvelle est dans le thème. Plus de subtilité aurait été probablement bienvenu.
Je ne suis pas spécialiste en concours de nouvelles et n'ai pas vraiment l'habitude des attentes que l'on peut avoir par rapport à une thématique ; d'un point de vue personnel, je ne suis pas convaincu que le texte les épouse parfaitement. Mais, libre à chacun d'y adhérer.

J'ai trouvé le texte relativement bien écrit. Il y a une belle maîtrise dans l'ensemble, mais le fil narratif, la démarche narrative m'a paru trop fermée. L'auteur y trouve probablement son compte car son idée est bien tracée derrière sa tête, cela se ressent ; mais en tant que lecteur, il me faut plus de clarté.

Au plaisir de vous lire à nouveau et bon courage pour le concours !
Asrya.

   Catelena   
12/5/2023
trouve l'écriture
perfectible
et
n'aime pas
De prime abord, entre les considérations de Garnier sur l'ego du médecin-légiste avec qui il faut ménager la chèvre et le chou (?) et les hirondelles tapies dans l'ombre, si ce n'était la curiosité, rien ne m'engage vraiment à poursuivre ma lecture. Sans compter les dialogues dont on peut se dispenser, et les questions qui restent sans réponse – même pas un soupçon de réponse sur le pourquoi des dix années écoulées sans crime entre ceux commis au Pays-Bas et ceux de Paris. Du coup, l'histoire dilue sa force et perd en crédibilité.

Si les paragraphes dédiés au monologue intérieur du succube apportent du mouvement à l'ensemble, mis à part sa haine féroce qui me dérange un tantinet tant elle semble dépasser le cadre du simple personnage, rien ne fait vraiment peur. Moi qui frôle l'arrêt cardiaque à chaque coup de carabine tiré dans une fête foraine, je n'ai fait que sourire à chaque apparition du monstre aux dents sanguinolentes. S'il s'agissait d'un film, je le qualifierais de film pour enfants facilement impressionnables.

C'est dommage pour tout le travail engagé. Il mériterait d'être poursuivi par un sévère élagage des redondances et une concentration mieux aboutie pour apporter de la profondeur à chaque action.

Quant au respect du thème du concours ''l'ombre et la lumière'', il me semble ici, un peu tiré par les cheveux pour rentrer dans les cases.

Merci pour le partage, et bonne chance pour le concours.

   Alfin   
19/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Cette enquête m'a emmené tranquillement au gré des pérégrinations des protagonistes. Joliment racontée, la narration manque cependant de modernité pour être à notre époque, les techniques d'investigation me semblent dater du début / milieu du 20e siècle. En soi, cela ne dérange pas la lecture.
Ce qui m'a plus dérangé, c'est que les enquêteurs aient peur de passer pour fous, car finalement, il ne font que décrire ce qui leur semble être la psychologie / psychose du tueur, et là il me semble que tout est permis.

J'ai vraiment apprécié cette nouvelle à la Maupassant et bonne chance pour le concours !

   Cyrill   
13/6/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Allez, je me grouille avant les résultats.
Une enquête policière mâtinée de fantastique mais les codes rassurants du polar sont respectés, le duo inspecteur/légiste ne fait pas exception à la règle : ça coince un peu entre eux.
Le personnage du tueur revenant d’entre les morts et nettoyeur d’une espèce humaine honnie n’échappe pas non plus aux poncifs du genre. Son monologue sert une critique tous azimuts de la modernité. Au moins on sait de quel côté se trouve le bien. L’aspect fantastique qui fait de lui un jeteur d’ombre mortelle n’est pas rationalisé par une enquête élucidée, tant mieux : reste un brin de fantaisie.
C’est le style de l’auteur – et c’est dommage - qui marque les personnages des deux inspecteurs, ce qui fait que j’ai l’impression de me trouver devant deux clones dont les pensées se font sur le même ton et avec le même genre de pirouettes langagières : « C’était ça ou un ulcère carabiné », « dans le but d’impressionner madame Michu ou monsieur Dupneu ».
L’écriture est claire. Le texte se lit trop vite, il est exempt de difficultés sur lesquelles achopper, histoire que la lecture soit une aventure. Rien qui m’ait apporté de véritable émotion littéraire.
Merci pour le partage.


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