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Policier/Noir/Thriller
Donaldo75 : Sami [concours]
 Publié le 26/09/20  -  15 commentaires  -  30259 caractères  -  190 lectures    Autres textes du même auteur

Thème: J'irai cracher sur vos tombes.


Sami [concours]


Ce texte est une participation au concours n°29 : Histoire de tombes et poésie de poussière...

(informations sur ce concours).



Sami gara sa voiture sur le parking de la station-service. Il stoppa le moteur puis ouvrit la portière. L’après-midi s’étirait paresseusement dans un ciel nuageux où un soleil fatigué dispensait des rayons faméliques. Quelques camions affichaient leur carcasse métallique sur l’espace dédié aux poids lourds. La vitrine de la supérette reflétait les pompes automatiques dans un décor quasiment rectangulaire. L’endroit ne respirait plus la joie de vivre des départs en vacances. Septembre s’annonçait maussade pour les rares clients venus s’offrir un peu de repos avant de reprendre l’autoroute. Le jeune homme entra dans le magasin et se dirigea vers les distributeurs automatiques de boissons. Il fouilla dans ses poches, trouva une pièce de cinquante centimes et l’utilisa pour se payer un expresso. La machine commença son ouvrage de manière poussive, bruyante et odorante. Sami sourit. Elle lui faisait penser à Marmoud quand il avait reçu le premier coup-de-poing américain dans son gros ventre.


– Pourquoi ? avait-il alors demandé entre deux hoquets.

– Tu ne t’en doutes pas ? avait répondu Sami en lui explosant la tête avec son pied.


Marmoud n’avait pas prolongé la discussion, trop occupé à cracher ses dents sur le sol crasseux de son arrière-boutique. De toute manière, Sami n’était pas payé pour taper la conversation avec ses patients, comme il les désignait. Son truc, c’était de nettoyer la merde de ses commanditaires. Cette fois-ci, le Turc lui avait demandé de s’occuper d’un dealer marocain devenu trop gourmand et soupçonné de balancer des informations aux condés. Sami n’aimait pas spécialement le Turc mais ce dernier payait rubis sur l’ongle et n’avait jamais essayé de la lui faire à l’envers. Il appréciait cette rare forme de respect des malfrats parisiens pour les professionnels de son niveau. Le jeune homme se remémora leur discussion sur le contrat.


– Tu as tout compris ?

– Je crois.

– Vérifions.


Le Turc ne le prenait pas pour un de ses sous-fifres mais restait pointilleux sur la procédure à suivre, comme il disait. Ce trait de caractère lui avait permis de gravir sans trop de dommages les échelons de son univers glauque. Il avait pacifié son business dans l’est de la capitale, ramenant les Africains à la raison, négociant avec les Chinois et graissant la patte aux shérifs assermentés des commissariats alentour. Il ne traitait pas avec les excités du grand banditisme, des fondus du bulbe selon lui et destinés à passer l’essentiel de leur courte vie entre les barreaux, des empêcheurs de commercer tranquillement dès lors qu’ils décidaient de monter le prétendu casse du siècle. Quand une tuile de ce style s’annonçait, le Turc en évaluait les conséquences sur son activité commerçante, calculait le ratio d’emmerdements potentiels au kilomètre carré, en déduisait le volume des pertes financières et décidait en conséquence des actions à mener pour redresser la barre. En ultime recours, il montait un contrat avec un nettoyeur. Sami le savait vu qu’il s’était déjà occupé de quelques tarés de cette espèce. Du travail bien payé, net et sans bavures.


– Je lui casse la tête dans son arrière-boutique puis balance son corps loin d’ici.

– Loin comment ?

– En Bourgogne.

– Pourquoi là ?

– Je n’en sais foutre rien.

– On s’est compris.


Le Turc tenait absolument à ce que le cadavre de Marmoud soit retrouvé par les gendarmes de Beaune. Il n’avait pas expliqué pourquoi et Sami s’en foutait comme de l’an quarante tant qu’il recevait un bonus conséquent pour ce risque supplémentaire. Parce que transporter un gras du ventre dans le coffre d’une voiture de location, ça n’était pas une mince affaire même si toutes les précautions d’usage avaient été prises. Certes, avec sa belle gueule d’ange blond aux yeux bleus, son costume de jeune cadre dynamique et son baratin imparable, il avait peu de chances d’être contrôlé, tel le vulgaire Maghrébin de base, par une patrouille de poulets xénophobes et vissés sur leurs statistiques d’arrestations. Et vu qu’il avait choisi à ses dix-huit ans le nom bien français de sa mère, personne ne pouvait deviner ses origines oranaises. Les probabilités jouaient donc en sa faveur. Il avait statistiquement trente fois moins de chances de subir un contrôle inopiné que son cousin germain Mokhtar, pourtant étudiant émérite en doctorat d’économie à la Sorbonne, un gentil modèle d’intégration républicaine mais doté d’un patronyme fleurant bon le sud méditerranéen et affublé d’une grave tronche de travailleur immigré. « Liberté, Égalité, Fraternité » ne rimait pas avec la logique policière dans la France d’en bas.


Sami revint à la réalité du moment, dans cette station-service à cent kilomètres de Paris où il attendait qu’une machine souffreteuse lui délivre un breuvage insipide mais indispensable pour garder les idées claires. Une fois le gobelet délivré chaud et rempli, il le prit de ses mains toutes manucurées, tourna les talons et décida de poser son mètre quatre-vingt-cinq sur un strapontin miteux et disposé autour d’une petite table ronde à la propreté douteuse. Il contempla son environnement immédiat, un réflexe professionnel devenu une seconde nature, la précaution indispensable pour limiter les risques de se faire serrer bêtement par un improbable inspecteur Columbo de province. Une caissière usée par des années à taper sur le clavier érodé de son terminal regardait dans le vide. Un grand chauve bedonnant aux allures de camionneur hésitait entre plusieurs marques de bières bas de gamme. Un pépère et une mémère analysaient les prix des gâteaux en promotion du mois avant de se décider à profiter de la bonne affaire. Sami se dit qu’il pourrait vivre dans leur monde s’il n’avait pas opté pour une voie plus radicale. Il se souvint de son père lui enseignant les principes de la République, de sa mère lui expliquant que ce n’était pas correct de se battre avec les garçons de son école sous prétexte qu’ils traitaient sa petite sœur Samia de sale Arabe. Ces souvenirs lui revenaient souvent à la face quand il traitait un contrat. Seulement, il ne cherchait plus à les contenir mais s’en nourrissait pour accomplir sa tâche sans se préoccuper de la morale, de Jésus-Christ le fils de Dieu ou d’Allah le Miséricordieux. Ces prophètes ne l’avaient pas aidé quand Samia s’était retrouvé enceinte à seize ans et avait décidé d’arrêter là l’expérience de la vie parce que son petit copain de l’époque l’avait abandonnée. Sami se remémora ce fils à papa en train d’implorer sa pitié quelques années plus tard, quand ils s’étaient croisés par hasard dans une boite de strip-tease à Pigalle. « Requiescat in pace » aurait-il pu lui dire après avoir éclaté sa tête de faux-cul contre la cuvette des chiottes mais ce n’était pas dans l’esprit du moment. De toute manière, son père n’était plus de ce monde ; ses leçons de morale s’étaient évaporées et avec elles tout éventuel remords sur ces actes radicaux. Sa mère s’était tournée vers la religion et la folie après la mort de Samia, laissant les hommes de la maison s’entre-déchirer sur des sujets divers et variés en forme d’excuses pour ne pas péter une durite. Tout était parti de travers dans une vie pourtant promise à de meilleurs augures. Le jeune homme arrêta la séquence souvenirs et termina son café. Il était temps de reprendre la route.


///


Les panneaux de signalisation indiquaient enfin la sortie pour Beaune. Sami commença à se diriger vers un hôtel sans accueil, le genre d’établissement discret et complètement automatisé où les voyageurs de commerce s’entassaient, où des petits chefs à plume venaient de cinq à sept pour jouer à la bête à deux dos avec leur assistante, où des professionnels de son genre ne risquaient pas de se faire repérer. Il avait listé les candidats potentiels lors de sa phase de préparation. Sami n’aimait pas les surprises.


Allongé sur le lit de sa chambre standardisée, il pensa à la suite des événements. Tard dans la nuit, quand le ciel serait noir et les environs désertés des curieux, il pourrait se débarrasser du cadavre enfermé dans son coffre. Il avait étudié la topographie des lieux et trouvé un coin idéal pour l’opération. Il n’aurait même pas à creuser, un scénario souvent raconté dans les films sur la maffia mais pas vraiment réaliste à son goût. De toute manière, une fois le corps du Marocain retrouvé par l’adjudant-chef Cruchot et sa bande de bras cassés, il devrait être officiellement identifié, ce qui prendrait des jours voire des semaines vu que Marmoud s’était concocté un paquet d’identités différentes pour échapper à une administration tatillonne. Ensuite, le dossier serait pris en charge par la section criminelle de Dijon, une équipe pas vraiment habituée à ce type de mayonnaise. L’affaire traînerait, passerait entre les mains de différents services entre Lyon et Paris pour terminer dans un carton rempli de papier et destiné aux archives. Le Turc devait probablement bien connaître les pratiques judiciaires du coin pour choisir Beaune comme dernière sépulture de Marmoud le malhonnête. Et s’il s’avérait une balance, le Marocain serait rapatrié dans la capitale auprès des services compétents pour identification par son officier traitant avant que ce dernier ne le déclare dans la colonne des pertes lors d’un rapport laconique et tapé en trois exemplaires.


Sami commençait à peine à fermer les yeux qu’il entendit des cris dans la chambre d’à côté. Il tendit l’oreille, en maudissant les couples adultères de choisir cette nuit précise pour jouer à papa-maman dans la clandestinité. C’était une voix de femme. Elle semblait appeler au secours. Le jeune homme pesa le pour et le contre. S’il n’intervenait pas, il prenait le risque que la gendarmerie soit alertée par d’autres clients, des gars pas très courageux mais qui maîtrisaient le 911. S’il se mêlait de ce qui ne le regardait pas, il perdait le bénéfice de la discrétion. Le dilemme ne dura pas une ère géologique. Sami se leva, remit ses chaussures et se dirigea vers la chambre d’où venaient les cris devenus depuis des hurlements. Il frappa à la porte. La voix de femme continua de crier. Une voix d’homme lui crachait des mots orduriers. Des bruits sourds ressemblant à des claques ou des coups de poing rythmaient leurs échanges verbaux. Sami frappa de plus en plus fort contre la porte et menaça d’appeler la police. Les cris cessèrent rapidement. La porte s’ouvrit, découvrant un gras du ventre au crâne dégarni et à la stature imposante.


– C’est à quel sujet ?

– Vous m’empêchez de dormir.

– Madame a mal aux dents.

– Et c’est une raison pour gueuler ?

– De quoi je me mêle ?

– Laissez madame m’expliquer.

– En quel honneur ?


Sami regarda le ventru, évalua rapidement la configuration de la chambre puis lança son pied dans l’estomac de son interlocuteur. Ce dernier recula de trois mètres, une distance suffisante pour permettre au jeune homme d’investir la pièce. Il termina sa démonstration de close-combat par une courte série de crochets du droit et un coup de genou dans les testicules de son adversaire du moment. Des cris retentirent de nouveau. Sami en fixa l’origine. La criarde ressemblait à madame Tout-le-Monde en version pouponnée et sado-maso. Le jeune homme se mordit les lèvres. Il se dit qu’il n’avait pas de chance ce soir-là. Tomber sur un couple de tarés branchés douleur, avec monsieur dans le rôle du tortionnaire et madame dans celui de la victime soumise, défiait les statistiques voire l’entendement. Il savait qu’avec cette engeance, la diplomatie, les arguments raisonnés et toute forme élaborée de discussion ne servait à rien dès qu’ils avaient franchi un seuil d’adrénaline. Leur cerveau ne répondait plus qu’à des stimuli primaires de type brûlant, froid, dur, piquant, douloureux. « Homo sapiens sapiens » laissait place à « Homo n’importe quoi tant que ça fait mal » dans une forme de régression de l’espèce humaine. Les arrière-petits-enfants de Freud n’en avaient pas fini d’étudier cette déviance. Sami avait envie de vomir. Il choisit néanmoins de tenter une négociation.


– Calmez-vous, madame, tout est fini.

– Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii...

– Inutile de crier, je vous entends bien.

– Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii...


Visiblement, madame Tout-le-Monde avait perdu le chemin de la civilisation, le langage parlé et le sens de la mesure. Sami lui décocha une droite pour arrêter la sirène puis se posa un instant. La situation avait déjà trop dérapé. Le couple sadomasochiste allait lui compliquer la tâche. Seul fait positif dans sa galère du moment, aucun autre voisin de chambre ne s’était manifesté. Il devait donc réagir vite. Ne pas laisser de témoin semblait la seule solution envisageable. Il fouilla les affaires des deux amants, trouva leurs cartes d’identité et les clés de leurs voitures respectives. La configuration de l’hôtel lui paraissait favorable. Il était possible de garer des véhicules dans le parking arrière, peu utilisé parce qu’il servait également aux bennes à ordures, ne sentait pas la rose et la maintenance régulière. Sami décida de passer à l’action. En bon nettoyeur, il fit passer monsieur et madame de vie à trépas puis débarrassa la scène de crime des traces de lutte. Ensuite, il déplaça leurs voitures et enfin il chargea leurs corps dans leurs coffres. Pendant toutes ces opérations, il agissait masqué, vêtu d’un survêtement noir à capuche, le modèle standard des joggers nocturnes. L’établissement ne disposait que de trois caméras de surveillance, essentiellement orientées sur le parking principal et la console de réservation. Les désactiver avait été un jeu d’enfant. Personne ne pourrait le reconnaître.


Sami s’offrit un peu de répit avant de reprendre la route. Il s’allongea sur son lit. Sa mémoire commença son défilé d’images. Le fils à papa en train de se vider de son sang dans les toilettes d’un club de strip-tease. La tête de Marmoud explosant contre une armoire en fer. Samia pendue à la porte de sa chambre. Sa mère les yeux dans le vide un chapelet à la main. Le jeune homme maudit le diable, le bon Dieu, Allah et tous les bien-pensants enfermés dans leurs certitudes, leurs préjugés et leurs mesquineries. Son père avait tort. L’homme n’était pas bon. Il était juste cruel, égoïste, menteur, avide, jaloux, incapable de regarder les merveilles du monde. Le Turc l’avait compris, lui, et il en profitait pour gagner toujours plus d’argent avec les petits défauts de ses contemporains.


///


Le corps de Marmoud gisait dans un cloaque colonisé par des insectes nécrophages dont même les crapauds avaient peur tellement ils étaient plus vilains qu’eux. Sami le recouvrit de branchages et de plantes informes pour éviter à de potentiels quidams trop curieux de le repérer avant quelques jours. Le coin choisi était perdu, loin de la route secondaire qui le desservait. Le lieu idéal pour laisser pourrir la carcasse d’un patient. Sami pensa à ses débuts dans la profession. Il avait vite pris le pli en matière de détails. Il le fallait bien vu les progrès de la police scientifique. Même les pandores de la gendarmerie nationale étaient désormais capables de dater un cadavre sans demander la crème des médecins légistes. Le jeune homme avait mis à profit ses études supérieures en biologie pour parfaire sa technique, conjecturer de nombreuses variables et transformer des vessies en lanternes. Ses commanditaires louaient souvent ses services car il représentait la Rolls-Royce des nettoyeurs parisiens, le professionnel attentif, loin du psychopathe halluciné décrit dans les films américains de série B. Devenu une pointure reconnue dans le métier, il ne se posait pas encore la question de sa reconversion, même si le Turc avait récemment abordé le sujet avec lui.


– Tu vas bien t’arrêter un jour, Sami, non ?

– Probablement.

– Tu as mis pas mal de blé de côté, je parie.

– Oui.

– Alors, que feras-tu ?

– Je n’en sais foutre rien.

– Sans rire ?

– Comme je te le dis.


Le Turc n’avait pas insisté. Sami et lui ne venaient pas du même monde. Pour lui, criminel depuis son premier vol de caramels mous dans une épicerie vietnamienne de Belleville, la société se déclinait en binaire. Les voleurs et les volés, les profiteurs et les baisés, les affranchis et les caves. Pourtant, il avait fondé une famille avec une belle danseuse du ventre venue de sa profonde Tunisie. Elle lui avait pondu une tripotée de marmots dont il espérait qu’ils ne rentreraient pas dans le milieu, qu’ils réussiraient leurs études et donneraient à son patronyme ses lettres de noblesse. Le Turc n’en était pas à une contradiction près. Sami avait effectué le trajet inverse, plongeant dans l’univers radical du meurtre sur commande, de l’assassinat garanti sur facture. Certes, il conservait un parfait anonymat et une couverture en platine mais ces précautions ne changeaient rien à son destin. Venu de la lumière, il s’était plongé dans la pénombre puis l’ombre. Sa fin risquait de rester dans ces tons.


Sami arrêta la séance d’introspection. Il était temps de passer à la phase retour. Dans son plan, elle ne signifiait pas un trajet de Beaune vers Paris mais une large boucle par Lyon, l’Auvergne, le littoral charentais et enfin la Normandie où il poserait ses valises quelques jours. Son schéma semblait complexe et ne tenait pas du hasard. Durant son voyage, il comptait semer de petits cailloux qui lui serviraient d’alibi au cas où un poulet plus futé que les autres passerait du sudoku à l’investigation poussée, une hypothèse pas complètement improbable. Et puis, conduire sur les routes de France le reposait. Il rencontrait parfois des gens authentiques, spontanément sympathiques et toujours prêts à entamer une conversation intéressante avec un inconnu sans lui demander ses papiers ou exiger la copie de son arbre généalogique depuis Louis XIII.


Son père ne l’avait jamais compris sur ce point. Il voulait que son fils soit fier de ses racines, autant celles du bled que de la Charente-Maritime. Sami détestait les blédards, des abrutis restés coincés au Moyen Âge quand leurs femmes torchaient le gosses, soulageaient leurs mâles d’une levrette vite fait sur le gaz et préparaient le repas familial tout en écoutant les conneries en boucle de leur belle-mère. Il l’avait vécu pendant son enfance, lors de vacances chez ses oncles oranais. Un cauchemar qui l’avait vacciné de revendiquer sa généalogie algérienne. S’il avait été noir, nul doute que ses cousins l’auraient traité de noix de coco. À cette seule pensée, il sentit le dégoût monter dans sa gorge tel un démon intérieur venu lui rappeler Samia, sa mère, ses patients et plein d’autres souvenirs moins glorieux. Et puis, son père avait toujours vu le monde tel un Bisounours. Il avait toujours cru en la fraternité des humains, en l’amour du prochain, en la République forcément juste et en la liberté promise à tous. Ses derniers jours dans une chambre d’hôpital au pavillon des cancéreux ne lui avaient pas ouvert les yeux. Voir des médecins débordés le traiter comme un moins que rien, un Arabe de plus dans une cour des miracles financée par soixante millions de contribuables désabusés et râleurs, n’avait rien changé à son discours de paix éternelle entre les peuples. À croire qu’il visait le prix Nobel à titre posthume.


Sami s’arrêta à Villefranche-sur-Saône pour changer de voiture de location. Il déposa la sienne au parking de Sixt puis se dirigea vers le bloc d’Europcar pour en prendre une autre, plus petite étant donné qu’il n’avait plus besoin de charrier un cadavre dans son coffre. Ensuite, il prit la direction de Lyon puis l’autoroute A71. Il alluma la radio et choisit la fréquence de France Info dont les informations en continu lui permettaient de ne pas se poser trop de questions. Les journalistes analysaient les dernières déclarations du président américain, les conséquences du Brexit sur l’économie européenne, la coupe de cheveux des joueurs du Paris Saint-Germain et le dernier album d’un obscur candidat de radio-crochet. Arrivé au péage de Clermont-Ferrand, il vit les voitures de la police et des douanes stationnées le long des bornes d’encaissement. Après avoir payé, alors qu’il allait relancer sa voiture, un policier lui adressa un signe du bras pour l’intimer à se ranger sur le bas-côté. Le jeune homme s’exécuta, arrêta son moteur puis baissa sa vitre. Trois policiers, deux hommes et une femme, s’approchèrent.


– Les papiers du véhicule, s’il vous plaît, monsieur.


Sami ne s’affola pas. Il ne voyait aucune raison de s’inquiéter. Les contrôles de routine étaient fréquents sur les autoroutes de province, en particulier en septembre quand le flot de touristes se réduisait. Il récupéra les papiers de location dans la boîte à gants, sortit son permis de conduire de la poche intérieure de sa veste puis tendit les documents à l’agent de police.


– Vous allez où ?

– Périgueux puis La Rochelle.

– Un sacré trajet, dites donc.

– C’est vrai.

– Vous êtes en vacances ?

– Non. Je voyage pour des raisons professionnelles.

– Quel est votre métier ?


Sami sourit. Évidemment, il se voyait mal répondre qu’il nettoyait la merde de malfrats parisiens en cassant des occiputs, en larguant des cadavres amochés dans des trous à rats, le tout avec en prime l’éradication de la population sadomasochiste de Beaune Sud. Les poulets français n’étaient pas réputés pour leur sens de l’humour. Fanatiques du premier degré, ils auraient probablement sorti l’artillerie lourde, appelé leur groupe d’intervention et demandé au préfet local de leur signer une décharge en quatre exemplaires pour couvrir leur bavure.


– Représentant en produits pharmaceutiques. Je fais le tour des popotes.

– Ce doit être crevant.

– Pas plus que votre métier, je pense.

– C’est pas faux.

– Que me vaut ce contrôle ?

– La routine. Et puis, on s’est dit que contrôler un Blanc ça changeait des Arabes et des Noirs.

– Vous devez en voir de toutes les couleurs, en effet.


Sur ce trait d’humour pas très subtil, Sami se mit à rire franchement, sans retenue. Visiblement, le trio comprit la vanne. Il vit les rois du poulailler s’esclaffer grassement à leur tour, suivis par la poulette de service qui avait attendu l’autorisation de dérider ses zygomatiques très crispés jusque-là. Le jeune homme les regarda attentivement tout en contrôlant ses mimiques. Dans son for intérieur, il avait envie de les envoyer rejoindre leurs ancêtres gaulois dans les charniers d’Alésia, de les déchiqueter à la mitrailleuse et de plonger leurs corps dans un bain d’acide sulfurique. Ils lui rappelaient les petites brutes qui tyrannisaient sa sœur Samia à l’école primaire en lui tirant les cheveux, en la traitant de noms d’oiseau hérités de l’OAS et d’une longue tradition de racisme verbal. Il avait bien essayé de la protéger en distribuant les coups de poing comme l’hostie à la messe mais ça n’avait pas suffi. Samia avait souffert de sa prétendue différence et n’avait pas trouvé d’autre échappatoire qu’une corde tressée autour de son cou. Sami chassa ses pensées négatives puis afficha un sourire de circonstance.


– C’est bon, monsieur, vous êtes en règle. Je vous souhaite une bonne route.

– Merci. Passez une bonne journée.


///


La route avait été longue. Sami sentait la fatigue commencer son office. Il se gara sur le parking du Novotel de La Rochelle, arrêta le moteur puis descendit de sa voiture. Ensuite, il récupéra ses bagages et se dirigea vers la réception. Une jeune femme brune lui proposa de la rejoindre sur son stand. Le jeune homme s’exécuta.


– Bienvenue au Novotel La Rochelle Centre, monsieur. Vous avez une réservation ?

– Oui. Au nom de Samuel Delahaye.

– Je vois. Effectivement. Une chambre supérieure. Réservée par Internet.

– C’est ça.

– Avez-vous des desiderata particuliers ?


Sami détailla la réceptionniste. Elle mesurait un mètre soixante-quinze, affichait de superbes yeux noirs sur un très beau visage de princesse orientale. Ses longs cheveux ondulés lui conféraient l’apparence de Shéhérazade dans le conte des Mille et Une Nuits. Il avait envie de lui répondre qu’il aimerait bien passer la soirée avec elle, l’entendre lui raconter des histoires magnifiques au son de la musique de Rimski-Korsakov et s’endormir dans ses bras. Tout oublier.


– Je suppose que vous ne vous prénommez pas Shéhérazade.

– Pas vraiment. J’aime bien. C’est un joli prénom chargé de sens.

– Et vous ne racontez pas de beaux contes aux inconnus fatigués par un long voyage.

– Non. Seulement à mes enfants.

– Ils ont de la chance.


Sami sourit à la jeune femme. Il n’avait même pas essayé de la draguer. Ces mots étaient sortis tous seuls de sa bouche, comme si son subconscient avait décidé de se mettre à nu, de dégager sa posture artificielle et de donner sa chance à l’ancien Sami, celui d’avant toute cette merde, de Marmoud, du Turc et des contrats qu’il réalisait depuis trop longtemps. Elle lui répondit par son plus beau sourire commercial, la preuve qu’elle était déjà passée à autre chose et surtout qu’elle avait l’habitude des sollicitations diverses et variées d’une population masculine pas toujours originale. La suite des événements respecta la procédure standard d’enregistrement consignée dans le manuel du parfait hôtelier.


Une fois dans sa chambre, Sami inspecta rapidement les lieux puis déballa ses affaires. Ensuite, il s’allongea un moment sur le lit et fixa le plafond. Il se concentra de nouveau sur son métier et la conduite à suivre vis-à-vis de son commanditaire. Le cahier des charges avait été respecté. Le Turc n’avait pas besoin de savoir qu’un aléa avait compliqué sa nuit précédente. Il ne restait qu’à trouver une boutique de nuit, acheter un téléphone à carte prépayée, confirmer l’exécution du contrat et se débarrasser des dernières traces. La routine.


La Rochelle était une belle ville où Sami aimait se promener le soir. Sa mère était née ici. Quand il était enfant, elle les emmenait lui et Samia visiter les rues où des boutiquiers proposaient des produits empreints de magie. Elle leur racontait des histoires de corsaires, de bateaux fantômes et de princesses anglaises enfermées dans des châteaux forts. La famille Delahaye comptait alors pour les gens du cru. Beaucoup reconnaissaient sa mère, la félicitait pour sa carrière d‘éditrice à Paris et passait la main dans les cheveux des deux petits en faisant remarquer à quel point ils avaient grandi depuis la dernière fois. Samia avalait ces couleuvres. Sami non. Il voyait le mensonge dans leurs yeux. Leurs paroles mielleuses sonnaient faux. Il restait persuadé que ces flatteurs cancanaient entre eux dès que sa mère avait le dos tourné. Ils étaient jaloux de voir la fille aînée de la dynastie Delahaye se marier avec un Arabe, même éduqué, partir à la capitale et pondre deux marmots. C’était du pain béni pour les fondus du ragot et des rumeurs en tous genres. Pourtant, il ne l’avait jamais dit à Samia. Elle était trop sensible pour supporter la dure réalité d’un monde bicolore. De toute manière, son père l’aurait engueulé, enfermé qu’il était dans son univers théorique où tous avaient leur place au Paradis à la fin, où le Mal ne triomphait jamais du Bien. À cette seule idée, Sami hoqueta de dégoût.


La Lune avait désormais pris sa place de reine du ciel. Le Soleil s’était couché, laissant son royaume aux étoiles et aux constellations. Les rues pavées luisaient. Les températures étaient encore très agréables. Les badauds s’attardaient sur les vitrines des échoppes d’antiquités ou de souvenirs, profitant des derniers beaux jours. Sami les enviait quelquefois. Ils lui rappelaient sa jeunesse étudiante, quand il était venu passer une semaine de septembre chez ses grands-parents avec sa copine Lola. Elle était différente des autres, Lola, moitié gothique, moitié punk et pas mal givrée. Avec sa grande taille, sa voix grave, elle s’attirait des remarques désobligeantes des autres qui la traitaient de travesti. De là venait son surnom Lola, comme dans la chanson des Kinks, sauf qu’elle était une vraie fille. Sami pouvait en attester vu qu’il l’avait sondée en profondeur, étudiée sous toutes les coutures et aimait remettre le couvert dans n’importe quel endroit. Elle se foutait du qu’en-dira-t-on et ne se gênait pas pour le faire savoir.


– Tu n’en as pas marre qu’on t’appelle tout le temps Lola ?

– Non. Pourquoi : je devrais ?

– À cause de la chanson des Kinks où Lola est un transsexuel.

– Qui écoute les Kinks aujourd’hui ?

– Pas grand monde. Des vieux, je suppose.

– Alors, on s’en tape. Et puis, j’aime bien ce prénom. C’est mieux que Bérénice.

– J’aime bien Bérénice, moi ; ça te va bien, je trouve.

– C’est ringard. C’était le prénom de mon arrière-grand-tante morte du typhus il y a des lustres.

– C’est pour ça que tu es gothique, alors.

– Tu es con des fois, Sami, je te jure.


Sami se demanda ce que devenait Lola. Elle était partie à Londres en cours d’année universitaire pour rejoindre un hypothétique projet artistique et n’avait plus donné de nouvelles depuis. Peut-être était-elle redevenue Bérénice, s’était mariée avec un gentil buveur de thé et avait pondu une tripotée de petits brailleurs. Après le départ de Lola, tout avait changé. Sami avait commencé à voir la vie en noir et en gris. De là était venue sa vocation, si c’en était vraiment une, pour le nettoyage. En cela, il se considérait plus gothique que Lola ne l’avait jamais été. Plus punk également. Plus nihiliste. Il ne croyait plus en rien. Seuls ses souvenirs douloureux peuplaient son vide spirituel. Il le savait et s’en contentait, ne croyant pas en la rédemption ou toutes les conneries inculquées par son père à un fils déjà clairvoyant. L’ombre lui allait finalement bien. Le reste n’était que de la littérature à ses yeux. Sur ces dernières pensées, Sami décida de revenir à l’hôtel où aucune Shéhérazade ne l’attendait pour lui raconter des histoires fabuleuses avant de s’endormir avec lui dans les mille et une nuits.


 
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   Corto   
18/10/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Devant une nouvelle si longue j'ai pris des précautions. Après un sondage à diverses profondeurs j'ai décidé de faire le plongeon. Je ne le regrette pas.

Le ton, le style, l'intrigue, tout est séduisant pour un amateur de polar. On ne trouve ici aucune erreur dans le déroulement des faits, un cynisme à toute épreuve, des rebondissements inattendus amenés ici juste pour le plaisir.

L'auteur montre qu'il a du souffle, de l'imagination, de la rigueur. On le retrouverait volontiers au Masque ou autre collection célèbre.
Côté style c'est souvent brillant, avec des évocations bien amenées en parallèle d'une action linéaire, ce qui contribue à étoffer les situations avec des contenus psycho-sociologiques structurants.

Pour le plaisir, au milieu de mille formulations excellentes je relèverai:
"Le corps de Marmoud gisait dans un cloaque colonisé par des insectes nécrophages dont même les crapauds avaient peur tellement ils étaient plus vilains qu’eux".
ou(plus mignon):
"Pour lui, criminel depuis son premier vol de caramels mous dans une épicerie vietnamienne de Belleville, la société se déclinait en binaire. Les voleurs et les volés, les profiteurs et les baisés, les affranchis et les caves ".

J'ai passé un long et bon moment.
Bravo à l'auteur.

Corto en EL. Edit du 18/10 pour petite modif.

   ANIMAL   
5/9/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
J'ai adoré cette nouvelle du premier au dernier mot. C'est bien écrit, savoureux, méchant et cynique. Le personnage principal, désabusé et lucide, est présenté de façon sympathique malgré son métier. Les personnages satellites sont bien posés dans le décor, le style est parfait et fluide. L'évocation des souvenirs est distillée habilement pour relancer l'intérêt régulièrement en changeant de ton de narration. Je dois avouer que j'ai lu d'une traite.

De l'excellent polar comme j'aimerais en lire plus souvent, même s'il n'y a pas de vraie chute. J'ai apprécié que l'histoire se termine bien pour Sami. S'il y a une suite à ces aventures, je suis preneuse.

Bonne chance pour le concours.

en EL

   IsaD   
11/9/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Malgré sa longueur, cette nouvelle se lit très facilement tant la narration est fluide.

J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le parcours de Sami tout en savourant au passage la qualité de l'écriture « coup de poing ».

C’est net, direct et sans bavure. J’aime beaucoup.

Tout se tient (j’ai quand même un doute sur la crédibilité de l’échange avec la police lors du contrôle, j’imagine mal en effet ce type de réflexion venant de la part des forces de l’ordre) mais pour le reste, tout est parfait.

Tout ? Presque… Il me manque quelque chose, je ne sais quoi, peut-être un final un peu plus explosif, un peu plus grandiose, un coup de théâtre. Car il y a une progression dans ce texte, on suit le voyage de Sami et ses péripéties en sentant (en tout cas, moi je l’ai senti) que quelque chose d’autre se prépare. Mais le final nous emmène vers des souvenirs et de la nostalgie, ce qui plombe un peu l’ambiance noire de la nouvelle.

Au passage, lors de ma lecture, j’avais en tête les livres du Bourbon Kid, je ne sais pas pourquoi, ce n’est pourtant pas tout à fait le même univers…

En tout cas, merci à l’auteur(e) pour cet excellent texte.

   Alfin   
26/9/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Le récit du voyage de Sami est très efficace, du rythme, de l'intérêt, des circonstances atténuantes pour que l'on puisse bien s'attacher au personnage. Les seconds rôles ont juste le poids et la présence qu'il faut. Le tout est bien équilibré et même si l’on n’est pas surpris dans l’histoire, c’est une nouvelle de qualité. Du grand art, crédible du début à la fin...
Bravo à l'auteur.trice.

   Myo   
26/9/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Un personnage qui ne laisse rien apparaître de son ressenti, de ses émotions, et qui pourtant est le fruit de toutes ses blessures.

Un écrit qui nous emporte sans difficulté sur les pas de ce nettoyeur de l'ombre. L'histoire est prenante et nous donne envie d'une suite.
Je regrette un peu le manque d'une réelle chute.

Un style mature qui fait mouche.

   dream   
27/9/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Dans un savant mélange d’humour et de gravité, sérieux et jubilatoire à la fois, l’auteur signe ici sans doute un de ses polars le plus abouti, car il a l’air d’un spécialiste du genre.

La révolte, la haine, la vengeance, le désarroi, puis la haine, la haine toujours parcourent ce récit du début à la fin.

Son personnage est un rebelle qui poursuit son errance au gré de ses impulsions, qui expose ses blessures intimes, montrant les cicatrices d’une enfance perdue, les origines, le fichage de l’individu, le dégoût des gens et des choses ; et puis il y a aussi la figure paternelle qui croit en la bonté de l’homme et qui revient sans cesse. C'est aussi un être profondément désabusé et en plein désarroi face à ce monde, assailli par ses fantômes et qui cherche peut-être une autre voie. Mais où donc ? Peut-être nulle part, peut-être est-il vraiment trop tard ?

En guise de chute, il y a un dernier plan, celui d’un homme au portrait incroyablement vivant et précis sur ses blessures d’amour... Qu’attendre de plus ? N’avons-nous pas eu notre dose d’hémoglobine ?

Enfin, je dirais que l’auteur s’affirme, ici, comme le talentueux disciple des maîtres du polar les plus prestigieux. Magnifique !

   plumette   
28/9/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Une histoire bien écrite qui emporte sans difficulté le lecteur.

Une construction qui alterne l'action et les pensées du narrateur , pensées qui nous permettent d' apprendre un petit peu plus qui est Sami, sa double culture, la fracture de la mort de sa soeur et sa solitude actuelle.

Et des rebondissements bien venus pour mettre un peu de suspens dans le déroulement de la mission.

Et finalement, ça roule pour Sami, du moins dans l'objectif qui est le sien.

Alors pourquoi ai-je l'impression que ce texte est inachevé, ou qu'il est une partie d'un plus grand tout? Je suis déçue de ne pas avoir assez de matière pour comprendre comment Sami en est arrivé là.
je trouve aussi que le thème du concours n'est pas très explicite.
Il y est question de tombes, certes mais en quoi est-ce que Sami "crache" sur les tombes? Ce thème m'évoque la vengeance, la haine, le refus d'appartenance. je manque de données pour prêter à Sami l'une ou l'autre de ces différentes caractéristiques.

Un peu de difficulté aussi à admettre sans aucune explication que nous avons un Sami et une Samia dans la même famille. Faut-il deviner entre les lignes que Samuel n'est devenu Sami qu' après le suicide de Samia...d'autant que Sami n'est pas le diminutif de Samuel.

Et j'ai trouvé l'épisode des voisins bruyants too much!

Quant au contrôle de routine sur l'autoroute qui est très utile au suspens, il n'était pas nécessaire de le caricaturer ainsi( gendarmes racistes et cons!)

Ces réserves n'atteignent pas la qualité de la plume de l'auteur et son indéniable savoir-faire.

   Anonyme   
30/9/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

C'est avec certaines réticences (texte long... contraintes du concours pas suffisamment explicites pour la catégorie choisie, ou l'inverse) que j'ai lu votre texte.

Et pourtant, surprise (pour moi) : rien de décevant, bien au contraire ! Votre nettoyeur, vrai sociopathe, a tout pour plaire. Son "road trip" est correctement saisi, justement exprimé. La scène de l'assassinat des sados masos est truculente ! Voilà ce qui arrive quand on tombe dans les sales délires... bien fait pour eux !

Dur de critiquer la fin du texte ; le contrôle de police, arrivé plus tard dans le texte, aurait fourni un meilleur point d'orgue, mais le texte en aurait été déséquilibré. La fin, avec son aspect intimiste, convient, mais dans ce cas, le lecteur réclame plus d'explications...

Un bon texte. Bonne chance pour le concours !

Dugenou.

Edit : je vais avoir 44 ans dans deux semaines, et je suis fan des Kinks... je pensais, moi, que les vieux écoutaient les beatles et les stones... vous m'avez appris quelque chose là. Je ne changerai pas mon appréciation pour autant.

   hersen   
17/10/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Cette nouvelle est très bien écrite, maîtrisée.

Mais pourtant, je lui trouve un côté trop rationnel. Disons que la violence du personnage, ok, mais peut-être que le problème (pour moi) a été de vouloir lui donner une raison (la perte de sa petite soeur dans des conditions très dures) sans aller plus loin dans l'analyse du personnage.
Je trouve la nouvelle un peu construite comme un film, dans lequel on doit entretenir un rythme, peut-être au détriment de la profondeur.
Terminer sur l'épisode "Lola" accentue encore cette impression.
Je reste un peu sur ma faim quant à Sami le personnage principal.

merci de la lecture !

   jaimme   
10/10/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
Votre nouvelle est parfaitement dans le thème. Je l'ai lue avec plaisir et admiré votre écriture. Le contrat est rempli et bien rempli.
Des critiques? Oui: je trouve votre écriture un peu trop didactique, et c'est un peu dommage. Je vous conseille de plus suggérer par moment et cela pourrait passer par des dialogues plus nombreux. Vous savez le faire: j'ai beaucoup aimé celui avec la réceptionniste.
Sur le fond vous êtes dans l'air du temps (et c'est un compliment), mais je trouve la forme un peu datée: un peu plus de dialogues, des phrases un peu moins longues peut-être.
Bon, je chipote, c'est vraiment du très beau boulot, riche et intéressant.
Au plaisir de vous lire à nouveau!

   Lulu   
17/10/2020
Bonjour,

Je ne suis vraiment pas fan du genre, mais j'ai trouvé cette nouvelle intéressante du fait d'une écriture qui a su captiver mon attention. Les phrases me semblent bien construites. Le rythme y est bien mené.

J'ai trouvé qu'il y avait un bel équilibre entre les actions et les pensées du personnage. Les pensées dominent largement, cependant, rendant plus effroyables encore les actions tues, juste esquissées.

L'expression "le ratio d'emmerdements potentiels au kilomètre carré" m'a interpellée. J'ai trouvé qu'il y avait là de la recherche.

Il m'a semblé que le portrait des policiers était vraiment caricatural, excessive, peu crédible, notamment par le renfort du dialogue.

Cette nouvelle raconte une intrigue et la vie d'un personnage triste et sans espoir. Cela me semble en parfait adéquation avec le thème choisi.

Très bien pour l'écriture qui nous fait entrer dans une lecture particulière, en ce qui me concerne.

   SaulBerenson   
26/10/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Pas mal.
Ecriture fluide avec la causticité juste ce qu'il faut, et qui fait passer les caricatures pour des figures de style.
J'aime ce personnage première génération des trahis de la République. Il aurait pu finir en fou de religion, il préfère nettoyer les plus noirs que lui et les tordus en tout genre.
Sympathique Sami.

   Malitorne   
10/11/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C’est un bon texte, je comprends qu’il ait remporté le concours, franchement il le mérite. Et puis ça fait plaisir de voir que tu es capable de quitter l’outre-atlantique pour regagner nos contrées, même si tu portes encore des reliquats : « graissant la patte aux shérifs assermentés des commissariats alentour ».
Le parcours du tueur est bien mené, mais on comprend vite qu’il n’est finalement qu’un prétexte pour délivrer une charge au vitriol sur le racisme de tous les jours. Des charges parfois un peu lourdes ( « la France d’en bas », «  contrôler un Blanc ça changeait des Arabes et des Noirs »), néanmoins dans l’ensemble ça fonctionne et on finit par cerner la psychologie de Sami.
Le style est solide, ça roule et ça déroule sans anicroche. Je ne me prononce pas pour le thème du concours vu que je ne m’y suis pas trop penché.
Une petite incohérence dans le récit : «  le genre d’établissement discret et complètement automatisé ». Justement, on est obligé de payer par CB, tout est enregistré, donc la trace de Sami aussi. Pas l’idéal pour un serial killer...

   wancyrs   
2/1/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Don !

Ton texte a vraiment de la gueule, chapeau bas ! Je t'aurais donné un passionnément + si je n'étais pas comme le daron de Sami...
J'ai vraiment aimé ; moi qui suis devenu avec le temps frileux à la lecture de tant de caractère, j'ai avalé d'une traite tes 30 000 signes, et pour cause, ton écriture est drôlement efficace.
Il y a beaucoup de travail dans cette écriture ; un personnage principal très riche: le métis qui n'est pas dupe des mascarades de la société occidentale qui n'a pas vraiment accepté sa famille ; la mort tragique de sa soeur vient enfoncer le clou d'un cercueil où il s'est enfermé dans son adolescence, puis commence pour lui une croisade punitive où finalement il hait tout ce qui ressemble à ce qui le traumatise (La scène avec les trois policiers le montre).
ton texte montre si bien le côté négatif d'apporter la foi, ou l'humanisme aux enfants sans nuancer le propos ; généralement après le premier contre-exemple rencontré dans la société l'enfant a tendance à se fermer sur lui-même.
J'aime beaucoup comment tu emmènes et présente cette famille, comment tu montres la richesse de chaque membre de la famille ; au final ils sont crédibles et la colère de Sami est justifiée. Tu arrives à forcer l'empathie pour ce gars qui reste un criminel, malgré le concours de la société dans cette déviation. Sami est un gars attachant avec qui on aurait bien pris un café, grâce à toi.

La dénonciation subtile du racisme est omniprésente dans le texte, et pour moi c'est un plus. Le texte ne manque pas d'humour, et j'aime tellement cet épisode de l'hôtel avec la "Shéhérazade" qui montre que le personnage central n'a pas totalement sombré dans la folie.
Pour moi, le meurtre des deux sado-masos était un risque inutile, mais tu dois avoir de bonnes raisons d'avoir pris ce risque ; je crois qu'un vrai professionnel serai juste parti dormir ailleurs ; mais cette scène renforce quand même l'idée que Sami n'est pas dénué d'humanisme... finalement c'est un bon choix...

Maintenant, en tant que chrétien, je sais que Sami fera face à la justice de Dieu ; sera-t-il condamné ? Ça je ne peux le confirmer, car cela dépend toujours d'un paquet de choses qui échappe à l'humain lambda...

Merci pour ce partage, Don, je comprends pourquoi ce texte a été primé !

Wan

   cherbiacuespe   
27/2/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
On est dans le noir complet. Quel monde pourri vit ce pauvre Sami dans un métier sans passé, sans présent, sans avenir.

Côté texte, c'est ciselé au millimètre, rien à redire. Côté fond, pareil, on y est en plein. L'ambiance, la mort, et les clichés, bien sûr. Triste vie que la sienne. Se méfier de tout et de tous, ne voir que la face sombre de la lune jour après jour. Pas d'amour, pas de rire, pas de joie, rien que du rouge et du noir. Heureusement, il nous reste les caves (attention, parfois ils se rebellent) pour mettre un peu de couleur là-dedans.


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