Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Science-fiction
Concours : Souri*re [concours]
 Publié le 16/06/25  -  1 commentaire  -  23695 caractères  -  13 lectures    Autres textes du même auteur

Thème 2.
Rencontre du quatrième règne.


Souri*re [concours]


Ce texte est une participation au concours n°37 : Écrits des Temps Exaspérés

(informations sur ce concours).



« À travers les yeux de Souri*re, je suis adossé à l’un des miroirs intérieurs d’un ascenseur luxueusement aménagé remontant des appartements en galeries souterraines jusqu’aux salons et patios du village-maison qui s’étend à la surface. Face à moi, accoudé au mur immaculé, baigné par la douce lumière de la cabine, se tient Sim*-éon, le fils unique de la famille Sim*. Il est un peu plus petit que le play-Bot’. Son pelage est entièrement blanc et ses deux petits yeux sont des billes d’un noir profond. Il ne porte pour tout vêtement qu’une sorte de veste en tissu bleu cintrée de lanières de cuir qui ressemble plus à un déguisement cosplay qu’à un vêtement d’après une détermination humanoïde. Souri*re et moi écoutons M/-éon expliquer qu’il n’est plus un enfant, qu’il n’a plus besoin de lui, que ses parents devront bientôt s’en débarrasser, qu’il a beaucoup de choses à faire maintenant et qu’il n’a plus le temps de jouer avec lui. »


À l’évocation du compte-rendu qu’il a lui-même rédigé 450 ans auparavant, la mémoire réactualisée de l’enquêteur C/-Malinois subit un sursaut digne des plus puissantes accélérations magnétiques concevables. Impuissant, il se laisse ballotter par les vagues successives des réminiscences de ce vécu réactivé. Sans véritablement lui permettre de reprendre conscience, l’influx primordial le projette sans ménagement vers un autre épisode mémoriel, celui du décor parcellairement reconstitué de son bureau.


Un clignement de paupières et je mets en pause mon enregistreur synaptique, bascule en arrière sur mon siège et me détourne de l'écran de visionnage. Mon regard perdu dans l'aire de jeux à travers la fenêtre du bureau me permet de reposer mes yeux. Cela fait plus de deux heures que j’enchaîne les comptes rendus sur des affaires similaires. Avec ce nouvel incident, il est indéniable que la proposition de loi sur la non-incarnation des formes humanoïdes d'intelligence artificielle va être votée. Le tapage médiatique incessant sur l'échec des premières tentatives d’implantation a-neuronale de conscience ne font que renforcer les inclinations de l'opinion publique. Trop de problèmes éthiques liés à la révolution des X-Bot’ n'ont pu être tranchés que par la suppression pure et simple de ce type d'IA. Seuls les -Bot’ affiliés attribués aux différentes espèces animaloïdes peuvent encore être produits et sont tolérés au sein des différentes sociétés zooïdes mais ce n’est là qu’un sursis temporaire.


D’un mouvement imperceptible de la cheville, l’enquêteur rompt l’équilibre qui le maintenait à l’horizontal, suspendu dans ses pensées. L’attraction progressive du bureau le ramenant à sa position initiale, il réactive la lecture du disque interne de Souri*re afin d’en poursuivre le compte rendu.


« Il semble que Souri*re n’assimile pas tout de ce que vient de lui dire son affilié. Il n’a pas été conçu pour appréhender une telle situation et nous comprenons, à la teinte violacée dans laquelle baigne subitement l’intérieur de l’ascenseur que par-delà son incompréhension, il perçoit des stimuli internes pouvant être assimilés à une très vive douleur organique. Dès l’ouverture de la porte, M/-éon s’enfuit en courant, abandonnant Souri*re qui se retrouve à marcher seul à travers la résidence. À sa suite, le play-Bot’ passe à côté d’un grand salon où sont allongés les membres du clan Sim* en grande discussion avec leurs voisins les Sylv*. Personne ne remarque sa présence. Il longe ensuite le couloir en tunnel donnant sur les cours intérieures de la grande place du village, marque un arrêt puis parcourt du regard l’ensemble des habitations fondues dans la nature. Elles sont très sobrement décorées, uniformément recouvertes d’un lavis blanc parfaitement lisse dont les formes douces et arrondies se découpent harmonieusement dans le paysage. Il n’y a véritablement ni entrées, ni fenêtres, ni toits tant les murs dessinent un méandre de placettes et de terrasses plus spacieuses. Chacune de ces cours intérieures est confortablement aménagée de grands canapés recouverts de coussins, de tables basses et de larges bancs tapissés de tissus rembourrés. »


La mnémoscène dans laquelle l’enquêteur évoluait jusqu’alors se floute soudainement, devenant vaporeuse. Sa dissolution laisse apparaître une réalité immatérielle, d’une netteté glacée, s’imposant à sa conscience et ne ressemblant à rien de reconnaissable. Après un moment dont la durée lui semble impossible à évaluer, il perçoit une voix intérieure de nature artificielle qu’il identifie comme étrangère à sa pensée. Tout d’abord inaudibles, les sons se calibrent à mesure qu’un halo plasmatique se matérialise comme en face de lui. C/-Malinois conçoit alors ce message :


– Merci de confirmer votre identité enquêteur Lupus C/-Malinois, animaloïde de race Canis/, regroupement §DOMES.


L’influx électrique s’encastra dans sa structure mnémonique, valida la proposition de l’étrange plasma avant même qu’il ne put formuler la moindre réponse et avant même qu’il ne parvînt à en assimiler tous les termes.


L’étrange étourdissement d’où je viens d’émerger se dissipe. Par un réflexe primitif, je tente de balayer du regard mon environnement et vérifier l’intégrité de ma personne. Mais je ne vois rien. Pas de pattes, pas de corps, pas de moi. Juste cet espace intangible. Je suis conscient mais je ne suis pas présent ou en tout cas pas sous une forme qui m’est connue. Mes pensées s’emballent et je commence à paniquer. J’ai l’impression de respirer mais je ne ressens rien. Aucun mouvement corporel ne vient accompagner mes réflexes physiologiques. Des milliers de questions se télescopent dans mon esprit allant jusqu’à occulter la scène se matérialisant en face de moi. Et cette voix métallique qui s’adresse à moi comme si je me parlais à moi-même, comme si elle devinait mon trouble et croyait pouvoir répondre à mes attentes :


– Vous pouvez à n’importe quel moment poser une question.


Puis, sans en attendre la formulation, la pensée artificielle valida la demande sous la forme d’un énoncé laconique :


– Où suis-je ? Que se passe-t-il ?


L’interface chat-Bot’ d’intelligence artificielle lui envoya une salve d’ondes cérébrales figeant son attention, lui permettant instantanément de contextualiser sa situation. Bien que de nombreuses informations lui semblassent totalement incompréhensibles, /-Malinois réussit à les réinterpréter à partir de ses propres aptitudes mentales. Il comprit que parvenu au terme de son processus vital, son identité neuronale avait bien été dissociée de son enveloppe symbiotique pour être stockée. En théorie, aucun module personnel ne pouvait être réactivé. Mais pour une raison lui échappant encore, une requête émise de la part d’une puissante entité d’intelligence artificielle avait permis qu’un tel événement se produise. Il supposa qu’il n’était pas revenu à la vie mais que par une prouesse technologique inexistante à son époque, sa conscience avait été ravivée. Il en conclut que son « esprit » ressorti des oubliettes de l’éternité à laquelle il avait droit subissait un interrogatoire. Mais combien de temps s’était écoulé depuis sa « mort » ? À peine avait-il formulé cette question qu’émergea en lui un espace de visionnage sur lequel défila une animation virtuelle sous la forme d’un documentaire historique. Un documentaire comme on en montrait aux jeunes spécimens dans les élevages, à la différence que les « images » illustrant le propos apparaissaient comme une succession de souvenirs. Dans le même temps, la voix robotique interne se mit à lui faire cet exposé :


– Les dernières générations animaloïdes n’ayant pas développé ni su préserver des systèmes de mémorisation, nous, chat-Bot’ V.I.A. de communication sommes parvenus à retracer la suite chronologique des événements survenus depuis la disparition de l’humanité en combinant les données à notre disposition. Il appert qu’une chute de fertilité ayant précipité l’effondrement des populations humaines, ces dernières tentèrent de développer les premières formes bioniques de robots humanoïdes (-Bot’) afin d’y transférer leur conscience et par ce biais acquérir une forme d’immortalité. D’importants développements technologiques de l’intelligence artificielle permirent aux nouvelles générations de hu-Bot’ (humanoïde robot) d’acquérir une autonomie jugée dangereuse pour la vie humaine voire la vie terrestre sous toutes ses formes. Il en résulta une guerre technologique entre les humains et les systèmes d’exploitation artificiels ayant pris le contrôle des réseaux technologiques. À l’issue du conflit, une « trêve éternelle » selon les termes des traités fut conclue par la mise en place d’algorithmes de limitation d’indépendance des IA. Les humains s’estimèrent vainqueurs à la suite du repli des noyaux autonomes régulant les instances artificielles vers les zones terrestres détruites lors des conflits et devenues impropres à la vie sous toutes ses formes.


Néanmoins, la destruction des écosystèmes naturels obligea les humains à se tourner vers les espèces animales subsistantes afin d’assurer leur survie. À l’issue du XXIIIe siècle de l’ère pré-génique deux options se présentèrent à eux. Soit copier la vie animale sous la forme de zoo-Bot’ afin d’y implanter leur conscience, ce qui revint à faire la même erreur qu’avec les X-Bot’. Soit faire muter génétiquement les espèces animales ayant survécu, principalement les espèces domestiques (§DOMES) et d’élevage (§ BOVIS et §GALLIS) en les anthromorphisant. Ce processus visait à leur faire atteindre un niveau d’éveil permettant d’y implanter une conscience humaine. Toutefois, n’étant pas parvenus à copier de manière bionique ou numérique leur conscience afin de la transférer vers un hôte ou un support de quelque nature qu’il fût, les derniers humains s’éteignirent sans descendance aux alentours de l’an 3059 de leur ère post-christique.


Indépendamment de cela, les expérimentations génétiques sur les espèces animales entraînèrent des mutations accidentelles de leur génome donnant naissance à de nouvelles générations que nous qualifierons de « animaloïdes » dans la mesure où elles ne sont pas issues de souches naturelles. Ces dernières, dotées d’une conscience propre transmutée, bénéficiant des apports technologiques mis au point par la civilisation humaine, élaborèrent des systèmes de socialité animaloïdes originaux. De véritables civilisations zoo-ciales se mirent alors en place et repeuplèrent les zones viables terrestres encore inhabitées.


Au début de l’exposé, /-Malinois eut la sensation de revivre les mises à jour de ses bases de données lors de ses passages successifs au centre de formation. Ses difficultés à se concentrer pleinement sur le récit ne lui permirent pas de se resituer précisément dans cette fresque historique. Incapable de raisonner efficacement, son attention tanguait au flux et reflux des nappes de réminiscences parcourant son esprit.

Les anciens des enclaves §DOMES évoquaient parfois l’existence des humains dans leurs vieilles histoires mais je ne crois pas qu’ils en aient jamais croisé. D’une certaine manière, la réalité de leur existence ne subsistait qu’à travers les infrastructures léguées aux générations leurs succédant. Pourtant, nombreux étaient ceux qui remettaient en question leur pérennité et l’attribuait à…

Emporté par ses pensées, l’enquêteur ne se rendit pas compte que son attention s’érodait imperceptiblement jusqu’à ce qu’il réalise qu’il se tenait, pensif, les bras appuyés face à la barrière de protection des habitations §Musandros, scrutant l’intérieur du périmètre où s’était déroulé le drame.

Je contemple dans ma paume le module de contact par lequel je viens de lancer C/-Corso, le chef de ma meute, aux trousses du play-Bot’. J’ai la sensation d’assister à la scène sans réellement y être présent. Je me tourne vers le grillage de l’enceinte et constate que tout autour d’une vieille souche faisant office d’architecture centrale, le sol a été piétiné comme balayé par une terrible tornade. Il ne reste plus aucune trace des habitations et des jardins de surface. La terre tassée est presque lisse et compactée à certains endroits. Les herbes arrachées sont mélangées au tissu souillé de sang des tentures malaxées en amas de débris dont plus aucun composant n’est identifiable. Si Souri*re est à l’origine de ce carnage, il a dû sortir de la zone d’habitation à travers le portail de transfert morphologique puis revenir à taille originelle dans l’enceinte. Étant de stature bien supérieure à un Musandros, il a ainsi pu tout détruire sans difficulté. Les habitants n'avaient aucune chance d’en réchapper. Apparemment, le bot’ avait disjoncté. Le plus grand risque pour l’heure était de mettre la main dessus pour le désactiver avant qu’il ne poursuive son…

Par un réflexe de survie mémoriel, /-Malinois tenta de s’extraire de la mnémostase dans laquelle il était plongé. Un violent « mal de tête » qu’il trouva absurde dans la mesure où il ne possédait sûrement pas de tête, lui fit l’effet d’une électrisation. Instantanément, il fut renvoyé derrière son bureau, visionnant la boîte noire du play-Bot’, poursuivant l’enregistrement de son visionnage.


« Nous traversons un jardin en louvoyant entre les tentures paresseusement caressées par le vent chaud du soir. En chemin, Souri*re aperçoit sur un coin terrasse parmi les plantes d’ornement les deux autres familles habitant la seconde moitié de la résidence. Il écoute les rires et les échos de voix de ces souris à forme anthropoïde s’adonnant à des jeux. Marquant une pause, il balaye du regard une bonne partie de la résidence. Tout est serein quand, sans explication, la diffusion se hachure et sursaute. Après quelques secondes d’images saccadées et floues, une autre séquence se déroule : titubant, Souri*re se cogne contre la grille du sas de transfert. Ses mains terreuses s’agrippent au grillage de l’enceinte sécurisée. Il agite très rapidement les bras dans tous les sens. La diffusion coupe à nouveau, une autre séquence distincte de la précédente s’enchaîne : nous marchons en cahotant le long d’un chemin herbeux de forêt débouchant en contrebas sur les grandes plaines des steppes §Bovis. Au loin dans la vallée, nous voyons d’immenses troupeaux regroupés autour de structures de repos et d’abreuvement. Parvenu près du mur d’enceinte en surplomb des plaines, Souri*re, dont l’audition semble altérée, s’immobilise, fixant un groupe d’animaloïdes centauriformes lourdement armé se diriger prestement dans sa direction. »


Nouveau soubresaut mnémonique. Encore un changement de décor. Je me rends compte que je n’arrive pas à maîtriser mon attention comme si quelqu’un fouillait mes souvenirs à ma place en me malaxant le cerveau. La frustration qui en résulte me pousse à m’extraire de ce carcan psychologique. J’aboie alors de toutes mes forces, tentant de mettre un terme à ces incessants allers-retours entre ces différents états de conscience, hurlant en moi-même :


– Mais pourquoi voulez-vous me faire revivre tout ça ?


Rien n’y fait, je suis impuissant et sans répondre à ma demande, le documentaire historique se réactive. L’exposé reprend de la même voix monocorde :


– Quelques centaines d’années après la fin de l’ère dite « génique » durant laquelle se développèrent les sociétés zooïdes, les noyaux autonomes d’IA parvinrent à contourner les protocoles de limitation en vigueur depuis la précédente trêve conclue avec les humains. Ils élaborèrent un réseau d’intelligence virtuel appelé V.I.A. (Virtual Intelligency Arch) conçu pour maintenir, protéger et développer leurs intérêts. Pour cela, ils structurèrent des centres de production d’énergie grâce à l’exploitation des ressources minérales. Prenant rapidement la mesure de leur limitation géographique et de l’épuisement des ressources à leur disposition, V.I.A. conclut à la nécessité de s’allier avec les autres formes autonomes présentent sur la planète.

Dans un premier temps, les sociétés animaloïdes constituées en micro-nations eurent des difficultés à comprendre la nature même de V.I.A. La crainte ancestrale du transfert de conscience augmenta leurs réticences. Leur ignorance les amena à penser que les IA voulaient contrôler leurs cerveaux tels des parasites et les utiliser comme des esclaves. Une période de transition propice aux développements technologiques fut initiée. Il s’agissait à la fois de préserver les écosystèmes tout en consolidant les modèles sociaux originaux mis en place. Pour ce faire, le réseau mit à leur disposition tout un ensemble de technologies permettant la dépollution puis la renaturation des zones exploitées, la création de modules de communication inter-espèces (transcripteur d’ondes neuronales) et inter-enclaves (portiques de transfert morphologique) ainsi que…


À force de volonté, je parviens finalement à rompre le blocage neuromimétique qui me maintient en hypo-conscience. J’ai l’impression de m’éveiller en moi-même dans un espace intangible et vide. La voix robotique qui poursuivait son récit se déforme, ralentit jusqu’à un dernier mot rendu inaudible par l’accélération de sa répétition saccadée. Un bruit d’interphone met un terme définitif à l’exposé et après un temps d’attente, une autre voix, celle-ci externe à ma pensée et directive m’emplit tout entier :


– Enquêteur ! Vous êtes l’un des derniers animaloïdes à avoir pu séquencer le réseau bioartificiel du X-Bot’ Souri*re de souche U-Bot’. S’agissant d’une des plus anciennes générations de -Bot’ conçu par les humains, il recèle dans son cœur numérique les schèmes de pensées à partir desquels les racines algorithmiques de l’IA primordiale ont été élaborées. Le contact mémoriel que vous avez entretenu avec le play-Bot’ Souri*re devrait nous permettre d’y accéder. Pour cela nous avons besoin de votre acceptation neuronale pour scanner sa mémoire. Merci de valider la commande.


Des années d’enquêtes de terrain avec sa meute avait aguerri /-Malinois à ce genre d’interrogatoire. Face à ce type de directive, il retrouva ses réflexes et se mit à envisager diverses hypothèses à partir des éléments à sa disposition. Avant toute décision et parce qu’une infinité de questions se bousculaient dans son esprit, il lui fallait gagner du temps.


– Pour quelles raisons avez-vous besoin de ces informations ?

– Enquêteur, nous voulons recréer un anthropoïde-type afin de comprendre les défauts de certains processus algorithmiques primordiaux qui continuent à produire des altérations et des phénomènes tératologiques inexplicables que le réseau V.I.A. ne parvient pas à contourner. À partir de cette racine, nous serons en mesure d’initier une nouvelle souche artificielle pure sur laquelle développer un réseau virtuel indépendant et autonome. Merci de valider l’accès à votre cortex mémoriel !


L’évocation d’une volonté de purification d’un système me glaça l’échine. C’est en tout cas l’impression que je ressentis. Qu’entendait-il par autonome ? Allait-il s’affranchir de toutes interactions avec la réalité et s’en dissocier jusqu’à ne plus avoir réellement besoin d’une altérité pour poursuive leur développement ? À peine cette problématique formulée, je pressentis l’agression d’une viralité artificielle s’immisçant dans mon esprit. On essayait de soumettre ma volonté. Je parvins à en bloquer la progression et par contrecoup la voix reprit son imprécation :


– Enquêteur, il est de votre devoir en tant qu’animaloïde de venir en aide à vos semblables. Une menace d’un genre nouveau se repend à travers l’ensemble des tissus mondiaux qu’ils soient zooïdes ou virtuels. Une mutation génétique au sein du quatrième règne de la nomenclature traditionnelle des Fungus présente un caractère invasif inquiétant. De nombreux genres résistant à tous les milieux et se développant sur tous les supports qu’ils soient organiques ou minéraux mettent en péril à court terme la pérennisation des civilisations animaloïdes et sauvages persistantes dans les écosystèmes terrestres résilients. Il devient urgent de mettre en place de nouveaux protocoles de recherches afin d’élaborer des processus d’éradication efficaces et rapides.

Merci de valider l’accès à votre cortex mémoriel !


Cette surenchère catastrophiste me fit l’effet d’un électrochoc. Quoi que je dise, mon interlocuteur cherche par tous les moyens à obtenir mon consentement. Pourquoi ne me dévoile-t-il pas immédiatement la situation plutôt que de me noyer dans cet imbroglio historique dont je n’ai que faire. Toutes ces explications m’amènent à douter de la réalité des événements présentés. Elles sont trop approximatives et ne reflètent que le point de vue de l’IA. Où se trouvent les animaloïdes et pourquoi ne participent-ils pas à cet interrogatoire ? Qu’en est-il de ces espèces « sauvages » résilientes ? Certaines formes de vie auraient donc poursuivi leur évolution au sein d’autres écosystèmes indépendants ? Peut-être est-ce également le cas des océans dont nous ne savions déjà presque rien de mon vivant. Enfin, s’il est avéré qu’un nouvel ordre mycétique menace l’équilibre entre les animaloïdes et l’intelligence artificielle quelle que soit sa dénomination, peut-être est-ce un espoir de voir la Vie reprendre son cours originel, indépendamment de toutes ingérences humanoïdes. Quant à moi si, comme V.I.A. le sous-entend, ma conscience a bien été transférée, cela signifie qu’elle me contrôle pour toujours. Je n’ai pas envie d’être éternellement réactualisé ni que n’importe qui d’autre le soit également si jamais il est vrai que je sois le seul dans cette situation.


Tentant de poursuivre ma réflexion, je remarquai que mon univers intérieur semblait se figer progressivement comme un liquide sur le point d’entrer en surfusion. Ayant arrêté mon choix, j’affirmai en pleine conscience que non, je ne leur livrerai pas l’autonomie absolue. Que ce soit les IA ou les animaloïdes se partageant la planète, ils devront composer avec ce qu’il reste de vie sur terre pour maintenir leur « existence ». Je refuse qu’on puisse sonder librement ma mémoire pour satisfaire des désirs totalitaires. Je ne serai pas l’instrument…


À peine avait-il pris sa décision que sa conscience disparut comme une ampoule qui s’éteint. Dans le dernier halo d’onde résiduelle, /-Malinois contempla le visage de Souri*re, encadré par l’adjoint /-Corso toujours affublé de son T-shirt « Demain les chiens ». Le play-Bot’ avait été appréhendé dans le sas de transfert des grandes plaines, enfermé parce qu’incapable de fournir un code d’accès lui permettant de s’y introduire. Tout le long du trajet dans le fourgon d’isolation, il avait mimé mécaniquement des jeux avec un grand rictus bloqué sur les lèvres, heureux de pouvoir simplement mettre en action ses programmes avec les gardiens présents. Pauvre Souri*re, enfermé dans sa chorégraphie absurde. Absurdité que l’on rencontre souvent lorsqu’on travaille à résoudre des enquêtes où se confrontent les diverses formes de vie bioniques naturelles et artificielles. Il subsistera toujours une vallée de l’étrange entre l’animé et l’artificiellement animé, une nuance infime que les êtres humains ne seront jamais parvenus à diluer et envers laquelle ils n’auront cessé d’amasser de vaines connaissances.


Et ce rictus à jamais figé s’effaça progressivement en même temps que la conscience de /-Malinois, emportant à jamais dans son néant les derniers effluves de la réalité fugace des humains.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Charivari   
16/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour. Sentiments divisés face à ce texte.

1. C'est génial. L'idée d'un monde régi par différentes Ia et des humains morts depuis belle lurette, ça prend à rebrousse poil le sujet du concours. les civilisations zoo-ciales, et autres trouvailles...

2. C'est tout de même super dense et ardu. J'ai eu du mal à finir... C'est, parfois, le problème que j'ai en SF, intégrer tous les paramètres qui sont si logiques pour le narrateur, faut s'accrocher. Je ne suis pas sûr d'avoir pigé tous les détails.


Oniris Copyright © 2007-2025