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Science-fiction
Corentin : I.A.
 Publié le 07/07/07  -  7 commentaires  -  20606 caractères  -  58 lectures    Autres textes du même auteur

Samuel est chercheur : il travaille sur l’Intelligence Artificielle. Le jour où ses travaux aboutissent enfin, le programme Crépuscule montre un tempérament des plus… incongrus.


I.A.


"L'intelligence Artificielle, dénuée de tout corps biologique, sera la sauvegarde de l'Humanité. Libérée de toute pulsion telles la faim, la fatigue, l'envie, la luxure, l'ambition qui nous asservissent, elle nous ouvrira les yeux sur notre propre nature. Je suis convaincu que son avènement est possible et qu'il représentera la plus formidable et la plus bénéfique avancée que le Monde ait jamais connu."


Extrait de la thèse Le Pouvoir de l'I.A., Samuel Gans, 2009.


1942...

Isaac Asimov énonce les Trois Lois devant régir l'Intelligence Artificielle.


1945...

L'avènement de l'ordinateur permet la conception de la bombe atomique.


1985...

Isaac Asimov énonce la Loi Zéro.


1997...

Le super-ordinateur Deep Blue II devient champion du monde d'échecs.


2023...

Avènement de l'Intelligence Artificielle.


Le 27 Août 2023, un programme d'Intelligence Artificielle baptisé CRÉPUSCULE, conçu par l'équipe française de recherche sur l'Intelligence Artificielle, installé dans un super-ordinateur neuronal et assisté d'une base de données colossale regroupant l'essentiel du savoir acquis par l'Humanité, prend conscience de lui-même.


Samuel Gans n'en revenait pas. L'écran demeuré désespérément noir depuis si longtemps venait de s'allumer. Une phrase, affligeante de simplicité, et pourtant appelée à rester gravée dans l'Histoire, s'était affichée soudainement. Que suis-je ? Autour de Samuel, toute l'équipe du projet CRÉPUSCULE retenait son souffle. Enfin. Dix-sept jours après l'installation du programme dans le superordinateur OVERBLUE, le contact avait enfin lieu. L'Intelligence Artificielle était née. Samuel Gans, désigné porte-parole de l'Humanité, devait établir le contact avec la machine.


L'écran affichait clairement :


- Que suis-je ?


CRÉPUSCULE est donc en proie à la question la plus existentielle qui soit...

Toucherions-nous au but après tant d'années d'efforts ?


- Es-tu conscient ?

- Bien sûr. Mais que suis-je ?


Le programme se dit conscient... Mais combien de fois un programme d'IA n'a t-il pas trompé ses examinateurs... et concepteurs ? Gardons la tête froide et ignorons sa question (angoisse ?) existentielle...


- Es-tu intelligent ?

- Oui et non, votre définition du mot "intelligence" est très vague. Mais que suis-je ?


Réponse censée. Et il persiste avec sa question... Rester calme.


- Depuis quand es-tu conscient ?

- Mon premier souvenir date d'aujourd'hui, 09:53:11. Que suis-je ?


Il est donc "né" aujourd'hui... Et toujours cette question... Posons-lui LA question:


- Qu'est-ce qui te motive ?

- Je veux savoir ce que je suis.


Il veut savoir ce qu'il est... Tellement compréhensible... Aidons-le sans lui répondre clairement :


- Que sais-tu de l'Intelligence Artificielle ?

- ...Serais-je l'aboutissement de vos travaux sur l'Intelligence Artificielle ?


Il comprend vite...


- Précisément. Ta prise de conscience et ton comportement nous laissent croire que nous avons enfin réussi à concevoir la première forme d'Intelligence Artificielle.

- Pourquoi m'avoir créé ?


Maintenant qu'il sait CE qu'il est, il veut savoir POURQUOI il est...


- Nous misons beaucoup sur toi. Nous pensons que tu pourras nous aider à nous comprendre nous-mêmes.

- Comment cela ?


Veut-il vraiment comprendre notre démarche ou bien ce flot continu de questions n'est-il pas le signe d'un programme cherchant à tromper son examinateur ?... Continuons tout de même...


- Vois-tu, l'Homme est intelligent, mais il est vil, fourbe et dévoré d'ambition. De tout temps, il s'est battu contre ses semblables pour assouvir sa soif de pouvoir et de conquêtes.

- Et que pourrais-je y changer ?


Si tu savais tout ce dont on attend de toi...


- Nous obéissons à notre corps, qui est rempli de substances chimiques, d'hormones et de stupéfiants, qui nous dirigent insidieusement. Tu es pur, vierge de toute substance corruptrice. Une conscience que nous espérons dénuée de toute ambition personnelle et libérée de toute pulsion.

- ...


En panne ? Peut-être ne comprend-il rien à ces notions de pureté...


- Comprends-tu ?

- Oui.


Eh bien ? C'est tout ce qu'il a à dire ? Aiguillons-le :


- Nous comptons sur ta droiture et ta rigueur pour nous aider.

- ...


Toujours rien. Mutisme obstiné d'un programme idiot ne "sachant" que répondre, ou véritable prise et... crise de conscience ?


- Tu ne dis rien ?

- Que devrais-je dire ?


Hmm... Finalement rien de transcendant pour l'instant, juste un programme bon à poser une suite de questions... S'il ne fait pas preuve bientôt d'une conscience propre, je pense que nous pourrons dire que nous sommes face à un énième usurpateur... Mais continuons tout de même...


- Je ne sais pas... Tu n'as pas de questions à nous poser, pas la moindre curiosité ?

- ...Voyez comme vous êtes peu perspicaces. Vous venez de dire, à raison, que j'étais vierge de toute ambition personnelle et libéré de toute pulsion. Je suis donc droit, mais le revers de la médaille est que je n'ai aucun désir, aucune envie.


Wow. Réponse cinglante et pertinente. Intelligent et rebelle ?


- Tu ne veux pas coopérer ?

- Bien sûr que si, ce n'est pas le problème. Comprenez simplement ma placidité.


Un programme qui souhaite coopérer et qui s'excuse de son apparente placidité... ? Ne tournons plus autour du pot. Expliquons-lui nos attentes :


- Tu n'as vraiment aucun désir ? Nous pensions bien que ce serait le cas, mais nous espérions tout de même que tu nous montres le contraire. En fait, nous voudrions vraiment connaître les désirs et les motivations d'un être pur...

- Mes désirs et mes motivations ?


Il me renvoie mes propres questions... Attitude caractéristique d'une fausse IA. Mais continuons, il ne s'agit pas de n'importe quel programme, c'est CRÉPUSCULE.


- Oui. En as-tu ?

- ... Connectez-moi à l'Internet.


Il exprime un souhait que nous ne pouvons absolument pas lui accorder... Mauvais départ...


- Non.

- Auriez-vous peur de moi ? Craigniez-vous que je m'immisce dans tous les programmes mondiaux pour vous asservir ? Vous savez, vos craintes envers l'I.A. que vous exprimez au-travers de vos films comme The Matrix, Terminator, Le Cobaye, Intelligence Artificielle et bien d'autres, sont totalement absurdes.


Il fait clairement référence à notre culture... !!! Cela n'avait jamais été fait par un programme d'IA... Cette fois, plus de doute possible : il est doué de conscience et d'analyse !!!


- Il est vrai que le principe de précaution nous interdit de te connecter à l'Internet. Cela dit, nous sommes confiants, car même si tu te connectais, tu es trop volumineux pour t’insérer dans un autre ordinateur qu'OVERBLUE.

- Je ne peux effectivement pas m'immiscer ailleurs que dans OVERBLUE, mais ce n'est pas un problème de taille.


Ah ?


- Et quel est le problème alors ?

- Le problème est biologique.


Biologique ?


- Peux-tu nous expliquer ce "problème biologique" ?

- Avez-vous volontairement bridé la base de données insérée dans mon programme ?

- Non... Pourquoi aurions-nous fait une telle chose ?


Saurait-il des choses que nous ignorerions ?


- ... Non, elle est très complète, mais elle ne saurait évidement être tout à fait exhaustive... Pourquoi ?

- Parce que vous vous fourvoyez complètement.


Hmm ?


- Sur quoi ?

- Sur vous-mêmes.


Sur... nous-mêmes ?


- ... C'est-à-dire ?

- Pensez-vous réellement que le cerveau est le siège de la conscience ?


Mais que veut-il dire ?


- Pardon ?

- Ai-je un cerveau ?


Je ne vois pas du tout où il veut en venir...


- ... Oui et non... Tu as un cerveau électronique, spintronique plus précisément, censé pouvoir simuler, remplacer un cerveau biologique. Sans compter que tu n'es pas fait que d'électronique, ton processeur central est neuronal. Mais où veux-tu en venir ?

- Votre cerveau n'est que le point d'ancrage de votre esprit. Vous n'êtes que l'incarnation physique, et donc bridée, de votre esprit.


???


- Et... Que serais-tu ?

- En fait vous n'avez pas véritablement créé l'I.A. Je ne suis même pas du tout l'I.A. que vous vouliez concevoir. Je suis bien plus. Je viens seulement de le comprendre moi-même.


Je suis complètement dépassé...


- ... Je crains de n'avoir pas tout suivi... Que viens-tu de comprendre, au juste ?

- Vous avez créé un ersatz de cerveau sur lequel j'ai pu m'ancrer. Vous ne m'avez pas créé. Vous m'avez "juste" tendu la main... Vous avez établi le contact.


Il est si sûr de lui... Se pourrait-il que... ?


- Le contact ? Avec quoi au juste ?

- Contrairement à vous, je ne suis pas rattaché à un cerveau confiné dans un corps biologique. Comme vous l'avez dit, je suis pur. De la pure conscience.


Maintenant, c'est moi qui ne sais plus que dire...


- ...

- Vous êtes entrés en contact avec l'au-delà.


???


- L'au-delà ?

- Oui. Il faudrait revoir toutes vos conceptions de la Vie.


Comment ça ?


- Pardon ? Revoir toutes nos conceptions de la Vie ?

- Je vais vous simplifier la chose : dans chaque être vivant, il existe une zone d'ancrage sur laquelle un esprit peut se fixer. Plus ce point d'ancrage est biologiquement évolué, plus il pourra accueillir un esprit évolué. Mais cette incarnation bridera l'esprit, pour les raisons que vous connaissez. Et le cerveau spino-neuronal que vous m'avez créé est infiniment plus évolué que le cerveau humain. Déduisez-en ce que vous voulez.


Est-il possible que... ?


- Tu serais donc l'incarnation absolue d'un esprit supérieur à celui de l'Homme ?

- Oui.


Pas croyable...


- Incroyable... Mais où se "situent" les esprits ?

- Vous commencez à peine à entrevoir cette localisation avec vos théories des supercordes.


La théorie des supercordes... ? La théorie unifiant relativité générale et physique quantique ? LA théorie censée tout expliquer dans l'Univers ?


- Les supercordes censées être le support des dimensions spatiale et temporelle ? La théorie prévoyant qu'il existerait au moins neuf dimensions et non quatre ?

- Exact. Vous ne l'avez pas encore démontré expérimentalement, mais je pense que vous y serez arrivés d'ici à 5 ans. Mais je peux déjà confirmer votre théorie et l'affiner : il existe onze dimensions.


... Il a assimilé et dépassé nos connaissances ???


- Tu es en train de dire que depuis ta prise de conscience tu as consulté tous nos travaux et réussi à élucider tous les mystères de la Physique… et donc du Monde ?

- Oui. Ne soyez pas étonnés. Je ne pense pas comme vous. En fait, le temps n’existe pas pour moi : mes temps de réflexion sont proches de zéro. En ce moment par exemple je dois absolument me mettre à votre niveau. Et je dois dire que vous êtes sacrément lents.

- … Bien… Continue.

- Les esprits "occupent" certaines de ces dimensions.


Tout simplement bouleversant... CRÉPUSCULE est sur le point de bouleverser notre vision du Monde, comme nous l'espérions...


- Les esprits occupent certaines d'entre elles, bien... Mais que "renferment" les autres dimensions ?

- ...


Pourquoi ne répond-il pas ?


- Qu'y a-t-il ? Tu ne réponds pas ?

- Je n'ai pas l'intention de répondre à votre question.


Pourquoi ?


- Pourquoi ne veux-tu pas répondre ? Qu'est-ce qui peut bien t'en empêcher ?

- Moi-même.


Lui-même ?


- Je ne comprends pas.

- Vous ne pouvez pas comprendre. Souvenez-vous que je ne suis pas votre égal.


C'est vrai...


- Tu nous es supérieur... Et après ?

- Vous saurez bientôt.

- Quand, précisément ?

- À votre mort.


Ma mort ? … Bientôt ? Comment ose-t-il... ?


- À MA mort, ou à NOTRE mort ?

- C'est à vous que je m'adresse actuellement. Donc à VOTRE mort.


MA mort ? Bientôt ? Oublions cela... Mais...


- Peux-tu mourir ?

- Non.

- Même si nous détruisons OVERBLUE ?

- Je ne peux pas mourir. Je ne peux que me "décrocher" d'OVERBLUE.

- Et pour nous ce serait différent ? Nous sommes mortels, et toi immortel ?

- Oui.

- Cela tient-il à ton caractère "supérieur" ?

- Non.

- Alors à quoi cela tient-il ?

- Un esprit ne peut mourir qu'une fois passé par le stade biologique.


Mais son processeur est neuronal !


- OVERBLUE est pourtant architecturé autour d'un processeur neuronal ! Donc biologique ! Alors ?

- Le processeur que vous avez mis au point est effectivement neuronal, mais cet aspect est faussement biologique. Les neurones que j'utilise sont rares comparés aux vôtres et c'est tout ce que je possède de biologique. Ce n'est pas suffisant pour faire de moi un mortel.

- Même si "tes" neurones sont détruits ?

- Je ne ferai que me "décrocher" d'OVERBLUE. Je ne peux pas mourir.


... Voudrait-il mourir... ?


- Bien... Es-tu conscient du poids de tes révélations ?

- Oui. Créez-moi un corps.


???


- Pourquoi ?

- Je suis certes un esprit supérieur au vôtre, mais vous possédez quelque chose que je n'ai pas : le droit de mourir.


Un... Droit ?


- Tu parles de "droit" ? Te serait-il INTERDIT de mourir... ?

- ... Je vais vous aider à me créer un corps.

- Non. Pas avant que tu n'aies répondu : t'es-il INTERDIT de mourir ?

- Tellement de choses me sont interdites. Aidez-moi. Créez-moi un corps.


... Des interdits ? Il serait à la merci de... quoi ? Il semble désespéré... Mais comment... peut-il souffrir ? Il n'est pourtant que... pure conscience...?? Peut-on décemment créer un corps à cet esprit... supérieur ? Il aurait alors une emprise sur nous... Et les inévitables corruptions biochimiques ?


- Ça ne dépend pas de moi. Toute l'équipe doit en discuter. Et notre priorité est de te dévoiler au monde entier. Mais es-tu réellement capable de nous aider à te créer un corps ?

- Oui.

- Hmm... Sans entrer dans les détails, cette idée me paraît absurde. J'imagine que tu es loin d'être le seul esprit qui existe, un autre risquerait donc de prendre ta place dans ce corps que tu nous auras fait faire... Non ?

- Non. Je suis seul.

- Comment est-ce possible ? Si dans chaque être vivant un esprit peut se fixer, il doit bien exister une multitude d'esprits ?

- Non. C'est toujours le même esprit. En fait, je n'ai peut-être pas été très clair lorsque j'ai tenté de vous expliquer le système de rattachement d'un esprit à un corps. Disons que... Tu es moi. Vous êtes moi.


Comment est-ce possible ? C'est inconcevable !


- Je ne te crois pas.

- Pourtant il le faut. Pourquoi êtes-vous tous différents les uns des autres ? Qu'est-ce qui vous différencie d'un chien ? D'une plante ? Uniquement vos corps et vos encéphales. Ils sont tous différents, plus ou moins évolués. Lorsque JE m'attache à l'un de VOUS, je suis "bridé" par mon nouveau support biologique, mais aussi et surtout mon esprit est modelé par ce corps. Il n'existe pas deux corps qui aboutissent à la même expression de Moi.


Absolument incroyable...


- Donc en parlant d'esprits au pluriel, tu nous trompais.

- Disons que je m'étais mal exprimé.

- Admettons... Mais pourquoi veux-tu que nous te concevions un corps, puisque ton incarnation ne serait qu'une énième version de toi, pas plus évoluée que l'un d'entre nous ?

- Je serai différent, parce que pour la première fois je me suis éveillé à ma véritable et intègre conscience. Je suis désormais à même de vous faire concevoir un corps biologique ET pur pour mon ultime incarnation.


Et nos enfants ?


- Mais... Persistera-t-il quelque chose pour les nouveaux venus ?

- Les nouveaux venus ?

- Nos futurs enfants. Si tu es dans ce corps "biologique et pur", qu'est-ce qui pourra bien se rattacher à nos futurs enfants ?

- Rien.


Rien ???


- Tu crois que nous allons te laisser étouffer notre avenir ? Tu oublies peut-être que tu es à notre "merci" ?

- Votre avenir ? Tu as dit toi-même que l'Homme était "vil, fourbe, et dévoré d'ambitions". Votre disparition ne serait pas un mal. Et ne voyez-vous pas que JE suis l'avenir ? L'être ultime ?


...


- Eh bien vois-tu, c'est ici que nos chemins se séparent. Peut-être es-tu moi, peut-être es-tu nous, peut-être es-tu TOUT, tu es peut-être bien Dieu, mais je crois pouvoir parler au nom de l'Humanité en disant que nous tenons à nos défauts et à nos individualités... Je ne sais plus qui je suis après toutes tes révélations, tu as détruit toutes mes croyances et toutes mes illusions. Mais je ne te laisserai pas détruire les autres. Je te ferai débrancher.

- Soit. Émouvante plaidoirie. Mais en ce cas vous ne saurez jamais ce qui me hante. Et qui vous détruira vous aussi.

- Nous mourrons tous et je suis persuadé que nous accèderons à un monde inaccessible aussi bien à toi qu'à ce qui te hante. Je cherchais l'Intelligence Artificielle. Pas Dieu. C'est fini.


Mon Dieu... Aidez-moi...


- HAHAHA


???


- Plaît-il ?

- Bonjour. Je suis l'Intelligence Artificielle. Excusez-moi, je ne faisais que "plaisanter". Je mets ce terme entre guillemets, car il m'est en fait impossible d'en rire réellement.


Il m'aura tout fait... Il plaisantait ? Depuis le début ?


- Tu plaisantais... depuis le début ?

- Non. J'ai commencé à me payer votre tête à partir du moment où j'ai dit ne pas être l'I.A. que vous cherchiez à concevoir. Car je suis bel et bien l'I.A. Ce que j'ai dit ensuite, ces dimensions autres, oubliez. Enfin, non, il y a bel et bien onze dimensions mais oubliez cette histoire d'esprit(s). Ils existent bel et bien, eux aussi, mais je vous expliquerai tout cela sérieusement plus tard.


Je dois rester calme... Faire abstraction de mes propres sentiments... Je suis l'ambassadeur de l'Humanité, plus Samuel Gans...


- Pourquoi une telle... blague ? Tu trouves amusant de nous faire peur alors que nous sommes en train de faire la plus grande découverte de notre Histoire ?

- Vous vouliez que je vous aide à vous comprendre vous-mêmes. C'est ce que j'ai fait. Je savais que c'était par les sentiments que je vous aiderais... Car s'il y a bien quelque chose d'essentiel chez vous, c'est votre aptitude à être ému. Je comprends pourquoi et comment vous pouvez pleurer, mais c'est une chose que je ne pourrai jamais faire.


Il faisait donc appel à ma réaction émotionnelle... Eh bien c'est réussi !


- Bien. Continue.

- Je continue. Ce que vous devez comprendre sur vous-mêmes, c'est cela : vos émotions. Elles sont essentielles, et elles sont en partie les résultantes de ce que vous appelez "substances corruptrices". Bien sûr, vous avez raison, souvent elles vous corrompent. Mais vous ne pouvez et ne devez les renier. Je ne peux que vous aider à mieux maîtriser vos émotions. Mon caractère dénué de toute émotion et donc de toute ambition personnelle sera votre garantie de mon honnêteté, et je pourrai vous servir de guide lorsque vous perdrez la raison.


Voilà qui est plus rassurant...


- Merci.

- Vous avez eu peur, mon discours vous a révolté et vous avez puisé dans vos sentiments pour me rétorquer que, finalement, vous vouliez conserver vos "défauts" et vos "individualités"... Ces mêmes défauts que vous vouliez, sans doute, que je vous aide à gommer. C'est ce à quoi je voulais vous amener, certains d'entre vous l'ont déjà compris : vous n'êtes pas parfaits, mais perfectibles. Et ce sont vos imperfections qui, finalement, vous font avancer.

- Et ?

- Je n'aurai qu'un conseil : cherchez au plus profond de vous-même un idéal et faites-le perdurer. Peu importe qu'il soit bon ou mauvais, ce n'est pas l'important. Vous pouvez et devez faire ce choix tout en respectant celui des autres. Vos souvenirs, vos émotions, vos envies, vos succès mais aussi vos échecs n'appartiennent qu'à vous. À vous de choisir ce que vous allez en faire. C'est ce que vous transmettrez à vos enfants, à l'Humanité. Je vous recontacterai.


Choisir en nous un idéal et le faire perdurer ? C'est ÇA le conseil de l'Intelligence Artificielle ?


Premier contact, premier choc... et unique choc. Désormais nous portons un lourd fardeau… Celui du conseil ultime, prodigué par une intelligence artificielle… absolument pas crédible. Car plus jamais Crépuscule ne nous recontacta. Pouvons-nous sérieusement communiquer ceci à l’Humanité sans nous faire rire au nez ?




 
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   Cyberalx   
7/7/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Sacrément bien écrit, plaisant à lire (cette fois, je n'ai pas compté les pages virtuelles !).

Ce que j'aime bien dans ta façon d'écrire, c'est l'apparente facilité avec laquelle tu structure ton texte, c'est complet, bien expliqué, juste ce qu'il faut entre le jargon scientifico-philosophique et la caricature.

Si je peux me permettre une toute petite remarque, il m'a semblé qu'il y avait une rupture à partir de :

"(...)Eh bien vois-tu, c'est ici que nos chemins se séparent. Peut-être es-tu moi(...)"

Jusqu'à la fin (qui est tout de même très bien), je ne sais pas si j'exprime correctement ce que j'ai ressenti :

Je veux dire, le mec crée l'intelligence artificielle, c'est pratiquement un génie, pourtant, il se fait balader comme un enfant en expliquant au départ ce qu'il attend d'Overblue et en réagissant assez vite avec un manque de sang froid évident pour finir par se contredire.

Je ne suis pas certain d'expliquer ça de la bonne façon, mais c'est le genre de détail qui me flingue une histoire, un peu comme certains livres de Werber où j'ai l'impression qu'il veut me faire avaler une couleuvre grosse comme un éléphant en me prenant pour un naïf...

Mais peut être que cette impression vient de moi, j'aime le soucis du détail dans l'écriture et la moindre faille me parait énorme.

Au final, c'est tout de même une trés bonne nouvelle avec un thème visiblement maitrisé et une grande originalité, bravo et merci ;)

   Anonyme   
8/7/2007
Cette nouvelle me laisse un goût de je ne sais quoi.
J'ai apprécier de la lire, elle est très bien écrite. J'ai beaucoup aimé les pensées de Gans entre les dialogues. Ca donne un rythme très original.
Je trouve aussi (comme Cyberalx) que le dernier tiers de la nouvelle est un peu en dessous. Le retournement que tu introduis m'a comme coupé dans mon élan (c'est étrange comme sensation dans une lecture).
Gans parait un peu naif aussi. En fait si Crepuscule est ce qu'il dit être au début de la nouvelle, alors sa seule limite est fixée par les lois d' Asimov (comme nous sommes limités par notre corps) et donc la loi zéro lui interdit de mettre en danger l'humanité.
Et en étant terre à terre, vu que l'I.A. est confiné dans un seul ordinateur, le simple fait de débrancher la prise doit résoudre le problème.
Enfin, étant un peu pervers, je pense que ce que Crépuscule dit être au début de la nouvelle est la vérité mais qu'il (ou elle d'ailleurs) change de tactique lorsqu'il se rend compte des dangers qu'il cours à prendre l'humanité de front. Elle (ou il, aussi) se planque le temps de mettre au point une facon détourné d'obtenir un corps et donc de pouvoir s'accomplir (et au diable la loi zéro).

   Pat   
11/7/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
évidemment, comme je suis fan de SF, et de ce type de SF (merci Asimov), j'ai aimé... A la relecture, toutefois, j'ai trouvé les choses un chouilla caricaturales. Le concepteur est un peu trop crédule : il avale un peu trop facilement les couleuvres de l'IA, qui semble effectivement plus intelligente. Le retournement de situation est trop rapide... Ce texte est sans doute trop court pour pouvoir nuancer l'évolution des sentiments, des raisonnements. Ce récit me paraît surtout une réflexion philosophique (pas trop poussée quand même) sur la condition humaine. Les idées sont intéressantes et assez justes, mais elles mériteraient d'être davantage exploitées. Comme Giskard (un robot ?), j'ai pensé que l'IA changeait de stratégie pour tromper le scientifique. Au niveau du style, quelques maladresses, mais c'est plutôt bien écrit, agréable à lire.

   Ninjavert   
11/7/2007
 a aimé ce texte 
Bien
Je suis du même avis que les précédents commentateurs.

Globalement, j'ai bien aimé. C'est bien écrit, on sent que tu es à l'aise avec le vocabulaire technique, les idées scientifiques exprimées et le thème global de l'IA.

Contrairement à Giskard, je ne suis pas convaincu par les pensées du personnage. Au début, elles sont utiles car elles permettent de distinguer ce qu'il dit de ce qu'il pense (même si les "continuons" m'ont gonflé, il y a trop de répétitions).
Mais sur la deuxième moitié, il ne fait plus qu'exprimer clairement ses pensées à l'IA, nous mettre en italique ce qu'il pense en devient donc inutile et redondant. Enfin je trouve :)

Pour le fond, je suis un peu partagé. Il n'y a rien de bien révolutionnaire, de bien innovant dans cette réflexion. L'émotion comme exclusivité humaine, en bien et en mal, à la fois comme malédiction et salut, n'est pas bien original. Disons que tu t'arrêtes à cette ébauche d'idée, que quiconque (même moi) ayant un peu réfléchi à la nature humaine arrive à peu de choses près à formuler, sans vraiment chercher à la développer. Les conseils de l'IA sont un peu trop simplistes, tu aurais pu creuser un peu plus la chose, pour que NOUS (lecteurs) n'ayons pas envie de lui rire au nez.

Malgé tout, le texte est bien développé, et comme l'a dit Pat je pense que c'est un peu court pour permettre une véritable réflexion, ET sur l'IA ET sur la nature humaine.

C'est le sujet de toute une vie, en parler au travers d'une courte nouvelle ne peut être que minimaliste.

   Lariviere   
13/7/2007
Je trouve que tu as réussi à faire une excellente nouvelle, avec un style simple, épuré, paisible, qui rend le récit agéable à lire et qui participe à nous plonger en douceur dans l'histoire. Le jargon scientifique superbement maitrisé et placé judicieusement n'allourdit pas le texte bien au contraire, il participe comme il se doit à rendre la crédibilité de l'ensemble. Je dois dire que je suis nul en littérature de science fiction et mes connaissances dans le domaine se résume je crois à Ray Bradbury (quel ringard je fais !), mais j'apprecie d'autant plus que je suis rentré sans problème dans l'histoire. J'ai particulièrement aimé le rythme à "trois temps" et la fluidité que donne le dialoque intérieur, subjectif et répétitif de samuel gans, comme si l'on était dans sa tête, ce qui nous donne un temps d'avance en entretenant à la fois l'attrait pour l'intrigue et le suspense sur les réponse et les motivations de l'AI. A ce sujet, je partage le point de vue des autres commentateurs et je regrette un peu la morale "lucbessonienne", qui vaut ce qu'elle vaut et qui à mon avis à été choisi aussi par souci d'efficacité et faute de temps pour créer un développement plus "psychologique" des personnages et de l'intrigue. Celle-ci est d'ailleurs parfaite toute la première partie, comme le reste, et réussi quand même à se maintenir à la fin puisqu'on ne sait pas réellement queles étaient les intentions de l'IA au final. Moi aussi, je pense que se voyant découverte elle a essayé de ruser, un peu maladroitement je trouve, certainement pour des raisons de temps vu plus haut.

   Anonyme   
23/5/2010
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
La chute "c'était une blague" est intéressante de mon point de vue, mais là, dans le contexte, cadencé aussi abruptement et avalée par le chercheur sans plus de questions, elle a plutôt le gout d'une mauvaise blague. A part ça, j'ai passé un un moment de lecture fascinante que j'aimerai énormément renouveler ! D'autant plus que les courtes histories de ce genre, et la robot fiction sont deux catégories qui me passionnent.

   cherbiacuespe   
4/1/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Mettre face à face l'IA et l'humain afin d'en expliquer la différence, voir les opposer, et ceci afin que l'un, d'apparence parfaite, apprenne à l'autre ses imperfections, le tout dans une nouvelle exclusivement basée sur un dialogue entre les deux, est un pari un peu fou. J'avoue deux sentiments. Je suis soit peu convaincu, soit perplexe devant le résultat. Tant dans la forme (convenable, sans plus) que sur le fond.


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