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Fantastique/Merveilleux
costic : Fatal reflet
 Publié le 24/11/10  -  13 commentaires  -  5960 caractères  -  103 lectures    Autres textes du même auteur

Histoire d’une rencontre au cimetière et d’un avenir qui s’ouvre.


Fatal reflet


J’ai rencontré Armonie au cimetière. Ce matin-là, le ciel était gris, l’air humide et froid : il faisait un vrai temps de Toussaint et c’était la Toussaint. La foule affluait vers les cryptes, caveaux, tombeaux et assaillait les marchands de chrysanthèmes. Comme chaque année, j’accompagnais ma grand-mère et j’allais consacrer ma journée à fleurir en sa compagnie les tombes de nos disparus. Ce n’était pas une corvée, j’aimais les cimetières, le bruit de mes pas sur le gravier, les arbres, les chuchotements, la démarche solennelle, hors du temps, des visiteurs fragiles. Certains regards fuyaient, d’autres se voilaient, enfermés dans un passé inaccessible et secret. Ma grand-mère s’accrochait à mon bras. Elle me semblait rétrécir davantage à chacune de nos rencontres, mais son œil pétillait, l’argent de ses cheveux éclairait son visage souriant.

Dans l’entrée un petit attroupement commençait à se rassembler. Nous marchions très lentement. En passant j’ai eu tout le temps d’observer le cortège qui n’allait pas tarder à démarrer. La masse obscure des corps regroupés s’écartait lentement, laissant apparaître, posée sur des tréteaux, non pas un cercueil, mais une armoire à glace.

Je m’exclamai :


- T’as vu ? C’est pas un cercueil !

- Bah, y a toujours des excentriques, que veux-tu. Encore un qui veut faire son original jusque dans la mort ! Ou bien c’est la nouvelle génération des armoires qui osent !


Ma grand-mère n’était pas impressionnable mais moi, ça me stupéfiait.

Nous avons continué à avancer jusqu’à l’allée B12. C’était la première étape, la tombe de l’oncle. J’ai laissé ma grand-mère se reposer sur le banc en face et je suis retourné chercher les fleurs qui étaient restées dans la voiture. J’ai alors croisé à nouveau l’étrange cortège qui escortait l’armoire à glace. C’était une belle armoire ancienne, d’une porte, en noyer, d’au moins deux mètres. Finalement sa taille et sa forme s’adaptait parfaitement à sa nouvelle utilisation. C’était la glace qui me choquait davantage. Le ciel anthracite s’y reflétait. J’étais tellement absorbé par l’observation de ce morceau de ciel ambulant que je bousculais une fille. Elle rit.


- Hé ! Vous marchez comme un crabe !


J’essayai de bafouiller des excuses tandis que les gens continuaient d’avancer.


- Pardon mais cette armoire, c’est un peu étrange non ? Vous faites partie des proches ?

- Oui.

- Et c’est une habitude de vous faire enterrer dans des armoires ?

- Pas dans des armoires, dans cette armoire en particulier.

- Vous avez une raison familiale donc…

- Cette armoire est disons… particulière.

- En quoi ?

- Eh bien suivez-moi, je vous montrerai. Je m’appelle Armonie.

- Et moi Antoine, Antoine Griolet.


Je m’intégrai donc au cortège.

Nous arrivâmes non loin de l’allée C3 où reposait mon grand-père. Il y avait là tout un côté réservé aux sépultures bourgeoises. Les cryptes monumentales et rococo succédaient aux caveaux de marbre luisant. L’armoire fut déchargée et placée à la verticale au fond d’une petite chapelle.


- J’espère que le défunt est bien accroché !


Je regrettai ces paroles au moment où je les prononçais : je ne voulais en aucun cas choquer Armonie dont les yeux couleur d’eau et le visage doux me troublaient de plus en plus.

Mais elle se mit à rire.


- Ne vous inquiétez pas, tout est parfaitement prévu.


Ensuite les gens s’alignèrent en une longue file devant le mausolée. Chacun à son tour y entrait, restait une minute puis ressortait.


- Que font-ils ?

- Ils regardent le miroir.

- Qu’y a-t-il dans le miroir ?

- Le ciel. Un reflet de ciel.


Armonie se mit à son tour dans la longue file qui serpentait le long de l’allée.


- Vous venez ? Vous êtes bien sûr de ce que vous faites ?

- Pas vraiment, mais j’ai commencé à vous suivre et je compte continuer le plus longtemps possible.


Nous nous approchions lentement. J’espérais que ma grand-mère ne s’impatientait pas trop. Mais Armonie était devant moi, je respirais son parfum. Les mèches de ses cheveux me caressaient le visage, je n’avais aucune envie de la laisser, je voulais au contraire nouer ce lien ténu qui naissait à peine.


Nous n’étions plus qu’à quelques mètres de l’entrée. Je pouvais voir, au fond de la chapelle, le reflet du ciel dans le miroir de l’armoire. Une personne nous précédait encore. Je l’observais distraitement : une fois qu’elle fut devant l’armoire le reflet se modifia. Les nuages gris disparurent laissant apparaître un ciel bleu pâle parsemé de nuages blancs et moutonneux.

Armonie se retourna vers moi :


- Vous comprenez ? L’armoire donne l’exact reflet du ciel le jour de votre mort. Vous pouvez encore changer d’avis… L’armoire est dans la famille depuis toujours et ses prévisions ne se sont jamais démenties. Elle ne fonctionne que lorsque l’un d’entre nous disparaît.


Je bafouillai :


- Et vous, vous savez déjà ?

- Oui, le ciel, le jour de ma mort, sera d’un blanc polaire. Quelques flocons légers tomberont doucement.


Était-ce imaginable ? Je frissonnais. Quel était l’intérêt ? La situation frisait le grotesque. Pourtant je restais.

Tandis qu’elle entrait à son tour je ne pouvais maîtriser l’emballement de mon cœur.

Elle se tint debout devant la glace, et le reflet cendre du ciel s’effaça pour devenir opalin et, comme elle l’avait annoncé, quelques copeaux de neige se mirent à flotter, suspendus dans l’air vaporeux. Elle sortit. Le ciel du miroir redevint de plomb. Je ne pouvais plus penser. Tout se bousculait dans ma tête mais j’entrai et me plaçai à mon tour devant le miroir.

Le ciel devint limpide, d’un bleu électrique. C’était un ciel qu’un vent sauvage avait dû purifier.

Je sortis. Elle m’attendait.

Quand j’ai émergé de ma stupeur elle me tenait la main.

Nous avons fait quelques pas, je serrais sa main dans la mienne, je ne voulais plus la lâcher.

Je la regardais encore avec la certitude que je l’aimais déjà et que nous ne mourrions pas ensemble.


 
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   Mistinguette   
14/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une rencontre amoureuse insolite. J’aime beaucoup cette histoire plutôt originale.
L’écriture est pour moi très agréable et va à l’essentiel, les dialogues sonnent vrai. L’ensemble est bien construit, l’ambiance bien restituée grâce aux descriptions habiles.
En ce qui me concerne que du bon.

Juste une phrase que je n’ai pas vraiment comprise : « Ou bien c’est la nouvelle génération des armoires qui osent ! ». C’est le seul endroit où j’ai légèrement accroché.

MERCI beaucoup à l’auteur pour cette lecture.

   jaimme   
15/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien
"Nous ne mourrions pas ensemble" est tellement à double sens que cela m'attriste et gêne un peu la poésie de cette belle nouvelle. Un détail encore: cette grand-mère qui attend. Pas très gentil ça.
A part ces eux choses j'aime cette nouvelle, son idée centrale si originale. Si inutile en fait, sinon de savoir en quelle saison on va mourir.
Je pense que pour l'améliorer (à mon goût, bien sûr), j'aurais aimé voir, par quelques signes, cette amour naître.
Merci!

   Anonyme   
16/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un très mauvais choix dans le titre peut cacher une nouvelle assez bonne.
J'ai apprécié ce texte entre fantastique et merveilleux, et surtout la simplicité et la facilité avec laquelle il est amené. L'idée est très bonne et améne facilement le lecteur vers une chute assez déroutante et plaisante.

Bref, ce texte sans gros défauts (peut être une difficulté dans les dialogues) est de bonne facture.

   doianM   
16/11/2010
 a aimé ce texte 
Bien
C'est curieux que Armonie, habituée à ce rituel, consulte de nouveau la glace de l'armoire.
Ca met en cause la crédibilité accordée à ce mystérieux messager de la mort. Le verdict devrait ne pas changer.

A part ce détail, qu'on pourrait ranger parmi les licences poétiques de la fiction, le récit est intéressant, original.

J'apprécie la dernière ligne de la nouvelle, le bonheur d'un amour naissant avec un arrière goût de tristesse.

Bonne continuation

   widjet   
24/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Mouais, c'est gentillet.

Je n'ai rien contre les bluettes sentimentales (même mâtinées de fantastique) dans l'absolu, mais la forme m'a semblé bien trop convenue pour être séduit. Rien qui frise véritablement la pupille, peu d'humour (même noir), des descriptions assez sommaires, et personnages un peu trop stéréotypés et "glucosés" (jusque dans le choix du prénom de la fille) pour moi (à ce titre, la présence de la grand mère n'apporte rien). Un peu d'originalité et un poil d'innovation dans le traitement n'aurait nuit en rien.

Intéressant ce contraste entre le caractère habituellement sombre d'un tel évènement et le coté saugrenue, décalée symbolisée par cette armoire. Hélas, l'auteur ne s'amuse pas assez (et le lecteur non plus) de ce paradoxe.

Voilà. Disons que tout ça c'est léger, inoffensif, mais presque trop dans le sens où ça manque de "chair" et d'"os" (notamment pour visualiser les persos).

C'est dommage car une nouvelle fois l'idée de l'armoire comme une sorte de "boule de cristal", c'est plutôt sympa. Mais il aurait peut-être (je propose juste) fallu faire durer le suspens en jouant un peu plus sur ce meuble et le mystère de son pouvoir prémonitoire.

Bref, pas emballé.

W

PS : le titre est atroce. On dirait un série Z de chez M6.
PS2 : "C’était une belle armoire ancienne, d’une porte, en noyer, d’au moins deux mètres"... Fallait il autant de virgules ? Je crois que l'auteur en est assez friand (lire "Une vie imparfaite")

   alifanfaron   
25/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
C'est gentillet, en effet. Le premier paragraphe met bien dans l'ambiance. Je ne trouve pas grand chose à dire. Si, je m'attendais à ce que le ciel d'Antoine soit identique à celui de la jeune fille. J'ai donc été ravi de voir que non. Cela aurait été trop consensuel.

Point négatif toutefois: et la grand-mère dans tout ça? Ne va-t-elle pas crever de froid toute seule? Quel lâche abandon!

   Margone_Muse   
25/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu
Je salue l'originalité. C'est amusant, mais c'est court. Ils sortent de là et je me dis "et c'est tout" ?
C'est dommage de ne pas exploiter, même si je ne conteste pas le choix de l'auteur. Disons que ça me plait bien à moi, mais comme base à une "histoire", plus substantielle. Une histoire d'amour, leur mort à tous les deux, un truc post-armoire quoi...

L'écriture ne me parait ni bonne ni mauvaise. J'ai lu le texte sans entrave, sans soucis (pas du tout confus d'ailleurs, rien à voir avec Résurgences) mais sans rien y trouver d'emballant non plus.

J'aime bien la grand-mère qui s'accroche au bras et qui a l'air de rapetisser à chaque rencontre. Mais j'ai trouvé bizarre l'idée qu'il reparte chercher les fleurs à la voiture. Ceci dit, s'il y a plusieurs tombes, je comprends qu'il ne les prenne pas d'emblée, mais il va avoir super mal aux pattes ce pauvre Antoine.
Je sais pas... Difficile de faire autrement mais c'est tellement évident que c'est une simple excuse pour que le narrateur se trouve où il se trouve. Ca fait trop prétexte et il aurait peut être été sympa de broder autour de ça, ne pas oublier la grand-mère trop vite.
Si elle disparait, par exemple, il n'est pas exclu qu'une personne se balade seule, comme ça dans un cimetière, sans raison particulière. Ca pourrait très bien m'arriver. Et que cette personne tombe sur ce cortège.

Bon, j'arrête de refaire la nouvelle, pardon :/ (et c'est pas ce qui m'a dérangé le plus de toute façon).

Je termine juste sur une chose : la dernière phrase est très chouette, ça m'a fait sourire.

   alvinabec   
25/11/2010
Ah! ces armoires...Drôle, vivant, spontané, frais, original.
Donner plus de corps à vos personnages serait ss doute un plus, tout comme un commentaire plus approfondi des pouvoirs du 'buffet';la dernière phrase me semble à retravailler, elle est très (trop) courte. Au plaisir de vous (re)lire

   Anonyme   
29/11/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Costic,

J'ai beaucoup aimé votre armoire qui a "osé". Incongruité de la situation aidant, on s'attache très vite aux personnages. Et la chute, poètique, peut nous faire regretter de ne pas faire partie de la famille d'Armonie. Merci pour cette lecture.

   wancyrs   
29/11/2010
 a aimé ce texte 
Un peu
J'aime bien la fin de ce texte pourtant plein de lourdeurs :

"Dans l’entrée un petit attroupement commençait à se rassembler."
"Ou bien c’est la nouvelle génération des armoires qui osent !"
J'aurais dit "se former", au lieu de "se rassembler" et tout simplement essayer de reformuler la seconde.
un opus où on passe du présent au passé simple et à l'imparfait sans transition...
quelques répétitions des mots observer, stupéfier, dans un texte de 5000 caractères, ça fait un peu trop non ?

Bonne continuation

Wan

   emi   
7/12/2010
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai lu avec plaisir cette histoire originale bien menée même si elle aurait pu être étoffée
Le miroir magique esr présenté ici d'une façon nouvelle,
relié au thème Éros-Thanatos.
Bonne continuation.

   Anonyme   
9/1/2011
Commentaire modéré

   Anonyme   
25/9/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Un texte assez agréable à lire du point de vue de l’écriture. Le style est aisé, il y a peu de maladresses (elles ont d’ailleurs été signalées par d’autres commentateurs). Je n’y reviendrai donc pas.
Je veux par contre mettre en lumière ce qui m’a paru peu convaincant ou peu crédible.
- La grand-mère a été laissée pour compte. Le narrateur aurait aussi bien pu la laisser chez elle et venir seul au cimetière, ce qui n’aurait strictement rien changé à l’histoire.
- « Une personne nous précédait encore. Je l’observais distraitement… ». Il me semble qu’au contraire, Antoine a observé avec attention (en restant discret, probablement), puisqu’il a pu constater le changement du ciel dans le miroir, au fond de la chapelle.
- Cette armoire « magique » « ne fonctionne que lorsque l’un d’entre nous disparaît ». Si ce « nous » ne concerne que la famille propriétaire de l’armoire, ce meuble ne devrait pas fonctionner pour Antoine, n’est-ce pas ?
Si, au contraire, ce « nous » englobe toute l’humanité, il y a problème : à la surface de la planète, il meure des milliers de gens à chaque instant du jour et de la nuit. Cette armoire magique ne cesse donc jamais de fonctionner ? Et alors pourquoi y mettre un défunt et la placer « debout » au fond de la petite chapelle ? Je ne saisis ni l’objectif ni la logique de cette démarche. Démarche qui, entre autre, est totalement interdite par les pratiques funéraires légales (la fiction est crédible quand elle s’appuie sur des réalités vraies).
Ou alors l’armoire est vide… et l’on a affaire à une famille de lugubres farceurs. Pourquoi pas, après tout ?
- Cette nouvelle n’a pas de chute à proprement parler. Antoine découvre qu’il mourra par beau temps et donc pas en même temps qu’Armonie (encore que l’aspect du ciel ne soit pas une garantie de date et d’heure, dans le futur). C’est tout. Ce n’est pas un bien grosse surprise pour le lecteur qui s’attend à autre chose de plus craquant avec cette fichue armoire magique.
- Et tomber réciproquement amoureux en une dizaine de minutes, dans un cimetière, un jour de Toussaint… Un peu rapide, non ?

   Beckett   
26/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Allez!
A mon avis le très bien est un peu fort, mais j'ai envie de vous encourager. Votre texte m'a plu parcequ'il est simple et que les mots sont au service de l'histoire. Pas de chichis, ni de fantaisie stylistique, et j'aime ça. Pour moi c'est ça écrire : c'est dire et etre compris au plus près de ce que l'on souhaite exprimer.
D'autre part, étant amateurs de nouvelles fantastiques, et en particulier de celles de Buzzati, j'ai trouvé ici un ton qui s'en approche, et cela m'a séduit. Vous avez un talent de conteur, ce n'est pas le cas de tout le monde, et moi j'aime les petites histoires étranges. Na!


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