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Fantastique/Merveilleux
David : Claire
 Publié le 22/02/08  -  19 commentaires  -  6952 caractères  -  96 lectures    Autres textes du même auteur

C'est l'histoire d'une goutte d'eau.


Claire


Sombre, non pas le noir total, mais un gris nuancé, envahissant, tumultueux, assassin certainement d’un état vers un autre. Du vent, des forces immenses et pourtant éthérées, impressionnantes de légèreté. Une tension qui s’avance vers son paroxysme. Je reste indifférente et pourtant inquiète, angoissée, j’ai hâte et j’ai peur de ce qui se prépare. L’excitation cède enfin, un hurlement a déchiré l’obscurité d’un éclat sublime, des Z mit bout à bout, d’un blanc douloureux, je l’entendrais presque se plaindre, ils semblent se ruer, instantanés, vers quelque chose en contrebas… je saurais bientôt ce que c’est, pour moi aussi c’est la chute.


La vitesse s’accroît sans cesse avant d’enfin se stabiliser, une croisière verticale où je suis enfin forme, nous sommes légions telle que moi, d’un ordre supérieur qu’aucun bataillon ne saura imiter, le vent poursuit sa quête de chaos entre nous toutes, têtu car la charge ne peut échapper à son but, notre charge. Peu à peu se dessine ce que j’ignorais, son image apparaît plus précise de seconde en seconde, d’éternité… le sol. Masse informe de gris, marron, vert et bleu, toutes les couleurs sont foncées, encore ce vent, ou bien nous ? Très vite aussi des géométries, des géométries anarchiques ou plutôt côte à côte sans…si, un sens apparaît, des zones délimitées, les nuances sont plus fortes, l’accélération ne peut… il m’a sauté au visage ! m’a giflé impudent d’une force incroyable, écartelant ma forme, le sol, le monde à nouveau meurtrier.


Je n’ai plus de contours, je m’allie en rigole à des sœurs inconnues et nous dévalons, joyeuses et emportées vers le bas. Mobile dans l’immobile, mon latin est bien piètre, tout n’est que matière mais la notre est fluide, avide à la noce, contourner, submerger… épouser. L’inerte se défend, tel le vent précédent il s’entête et sait qu’il fera taire nos jeux. Un moule, plus de pente à séduire une cuvette nous échoue dans son sein, une flaque.


Claire, au loin dans le ciel un astre de feu célèbre mon prénom, celles de mes sœurs qui sont à la surface rejoignent, ascensionnelles, les nues qui nous ont relâchées, tantôt. Je suis tout au fond, je me fais plus fine qu’un cheveu et m’immisce entre les rides infimes de cette chair geôlière, à nouveau unique, la course reprend, ce mouvement qui m’enchante. Sans nous parler, moi et mes sœurs nous nous trouvons souvent, ces voies étroites semblaient un labyrinthe mais avec le temps (?) il s’avère une seule et unique destination, le torrent.


Je connaissais la joie voici venir la liesse, c’est un éclat de rire que je ne finirais pas, s’il ne tenait qu’à moi. La pression dans les courbes, je danse vive et effrontée, sans regard pour les obstacles battus comme des gardiens pris dans une ruée, certains sont balayés d’autres résistent, de pierre qu’ils disent. Leurs peaux sont tannées comme le cuir d’une vieille innocence cent fois bousculée, moqueuse je regarde pourtant parfois surprise, l’étrange apparence que nos luttes leurs ont laissé, statue de douleur aux cicatrices de beauté, mais l’ivresse est plus riche encore et rien ne peut m’arrêter, rien ne peut m’arrêter… la course se fait lâche et les sœurs plus nombreuses, nous voilà réunies encore dans un écrin prison ? La course s’est finie et j’aurais versé des larmes à sentir la force qui me quittait peu à peu, mais le fil se poursuit plus en lenteur, s’élargit aussi, la joie ne vient plus que de quelques goulées, trop rares, quand enfin un nouveau de mes mondes apparaît, le fleuve.


Impossible à dénombrer celui de mes semblables, je reste éberluée par tant de réunion. La force qui me grisait était vive et fugace, celle que je joins ici est lourde et impavide, des remparts et du temps, lente elle semble invincible, je m’endormirais presque dans ses bras indolents, j’observe rêveuse la matière ennuyeuse et me moque en secret de sa triste nature, condamnée à sa forme première, si statique, si vaine quant elle lutte contre moi et les miens.


Je le vois enfin, je connais son nom sans d’autres raisons que je connais le reste : un homme. Sur les berges il se tient droit et grave et me regarde ? Je l’ai bientôt passé et poursuis mon val, que sont donc ces barrages qui veulent m’inféoder, ils ne prennent qu’un temps et même m’amusent un peu, je ne sais pas pourquoi, ça me vexe. Des zestes pétillants se mêlent plus loin à nous, de plus en plus nombreux ils nous encouragent, nous attirent vers de grands espaces où nous serons reines, qu’ici est une prison quand on a vu là-bas, ils disent.


La mer, par tous les essaims qui m’ont prise, celui-là est le plus gigantesque que j’ai pu parcourir, la matière inerte a même disparu, à perte de vue nous ne sommes qu’entre nous, et notre force est sans mesure pour moi, la violence du torrent et la masse du fleuve ne m’avaient inspiré un pareil ébahissement ! Ma nature a changé les zestes plus nombreux me rendent plus lourde, mais étrangement, ça ne me vexe pas. Parfois je lèche un rivage, la pierre ou le sable, et nous nous étendons langoureuses comme des caresses d’amoureuses, je ris d’écume aussi, mais ce blanc n’est pas le plus beau que j’ai vu. Je peux fouetter les falaises et déchirer leur silence d’un bruit assourdissant, nous formons des mains monstrueuses n’agrippant rien, le plus souvent. Une fois une force irrésistible nous a animées toutes ensembles, pas celle du bas, ni celle qui nous élève, une autre. Nous nous sommes dressées comme autant de titans invoqués par des dieux fous, et nous avons dansé, furieuses et hurlantes en laissant libérée toute la puissance qui d’ordinaire reste à l’intérieur de nous, c’est un bal hystérique, un carnaval de fou, j’en ressors détendue et sereine, à pouffer dans le faux calme que j’arbore juste après, comme si rien ne s’était passé.


Un jour à la surface, comme le froid se faisait trop prenant, je fus à nouveau tuée ! Ma colère ne tarit pas dans cette montagne de glace où je suis ce que même je pouvais abhorrer, une matière solide, un objet ! Comment s’enfuir, j’ai été engloutie en plein cœur où rien ne pourrait fondre !? Avec mes sœurs jalouses nous poussons des plaintes andalouses, des complaintes violentes et mélancoliques en déchirants craquements symboliques qu’aucun tango jamais n’osera orchestrer. Nous avons tant de temps pour ces jeux de pénombre, je suis à l’agonie, vaincue et sans espoir, ce temps qui ne passe pas m’étouffe et je reste ainsi…


Claire, il fait bien plus clair, un chambardement m’aura ramenée à la surface ? Je suis vêtue du cristal délicat d’un flocon élégant, mon blanc irradie mes sœurs elles aussi finement habillées, l’espoir renaît dans mon cœur, je me sens fondre… Sombre, la vitesse, la flaque, le torrent, le fleuve, la boucle se boucle et tiens, sur la berge, l’homme a disparu ?


___________________________


Pour écouter ce texte, c'est ici



 
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   TITEFEE   
22/2/2008
J'ai bien aimé, non pas parceque mon prénom est Claire, mais pour la mémoire de l'eau...pour le cycle éternel
Cependant j'ai parfois trouvé que les phrases étaient trop longues et qu'elles pouvaient sans en interrompre le rythme être coupées, un peu comme l'eau peut se reposer dans un méandre du fleuve avant de dévaler plus fort le dévers

mais je n'ai pas boudé mon plaisir de l'enregistrer
http://www.archive-host2.com/membres/up/1086141494/ONIRIS/ClairedeDavid.mp3

   Anonyme   
22/2/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Très dense comme écriture, moi j'aime bien...

Le fond et la forme.

De très belles images, un peu difficile à lire parfois...

Je regrette juste une des phrases de la fin, pas la phrase en fait
juste "Claire, il fait bien plus clair", je trouve cela facile c'est
dommage.

L'ensemble me convient.

   calouet   
24/2/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Je suis pris entre deux feux : d'un côté j'ai été charmé par la finesse du propos, par certaines images. de l'autre, ton goût pour les belles tounures et les mots amène parfois des relents de surcharge qui m'ont gêné à la lecture. Comme un très bon gâteau dont on s'aperçoit après deux-trois bouchées qu'il est un peu écoeurant... Alors après, je ne suis peut-être pas assez fan de bons gâteaux... ;)

   Anonyme   
28/2/2008
Joli texte avec beaucoup de poésie. Idée originale qui nous fait vivre sous la forme d'une goutte Texte très travaillé, belles images belles tournures. On se laisse emporter par cette vague vague

   Anonyme   
7/3/2008
Bonjour David, je te rends ta visite. Et je suis sous le charme, sensuel et poétique, de Claire la goutte. J' ai bien aimé le suspense, avant de comprendre, puis quand j' ai compris, j' ai eu soif de lire jusqu' au bout. C' est liquéfiant !

   patrice   
22/4/2008
je n'ai pas lu jusqu'au bout, car cela est trop difficile pour moi. Cela n'enlève rien à la qualité du texte.

   Philo   
20/9/2008
Belle idée qu'imaginer l'itinéraire d'une goutte d'eau. La lecture, est à mon avis, parfois diffcile ( pb de ponctuation, parfois de la lourdeur). On ne comprend pas immédiatement qui est Claire.

   Flupke   
20/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Très joli texte. Une idée originale et poétique. Très bien écrit et très agréable à lire. Merci

   victhis0   
10/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
une écriture riche, peut être un peu trop ? une avalanche de métaphores et de jolies tournures qui s'étouffent un peu trop, j'ai donc eu du mal à en goûter la qualité, trop inondé...
Mais, a bien réfléchir, c'est quand même du chipot car c'est un beau texte, lancinant et admiratif, d'un auteur sensible à la beauté complexe des choses les plus triviales ; et ce regard de peintre me touche.

   leon   
25/11/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Une idée originale, bien développée mais je rejoins TITEFEE au sujet de la construction des phrases : la ponctuation n'est pas adéquate, en tout cas pas "classique".

l'avantage, c'est que ça rend la lecture bouillonnante mais effectivement, ça fait de Claire une goutte un peu trop "pressée" par moment.

Un beau texte néanmoins.

   guanaco   
4/1/2009
Magnifique texte qui, je le reconnais, m'a demandé plusieurs lectures pour n'en capter ne serait-ce que le sens.
Je vais le lire et le relire car il me faut maintenant m'imprégner de sa musicalité et de toute sa poésie.
Cette goutte est une perle!

merci
Guanaco
PS: ce texte aurait tout à fait sa place dans le concours "brève de l'eau"

   Togna   
11/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Le finale de ce ballet cyclique et gigantesque d’infinies unités réunies, rappelle l’impermanence de l’Homme.

Le style est fluide, il ne pouvait en être autrement ! Il fallait des phrases longues à cet écoulement, et la ponctuation est juste.
Le texte est concis dans le choix de la pensée et du vocabulaire.

Bravo et merci David.

   Anonyme   
12/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
merci david d'écrire des textes qui demandent à etre relus plusieurs fois, on ne doit pas passer à coté de toutes ces bonnes choses! Je dirais "succulent" Merci

   Safwa   
20/3/2009
Il y a certaines choses qui ne nécessitent pas des questions du genre" pourquoi on les aime" parce que c'est vrai qu'on ne peut pas leur trouver des réponses précises.
Dans ce voyage de cette goutte d'eau, il y a maints mystères que plusieurs lectures ne peuvent dévoiler, mais on ne peut qu'aimer cette écriture dans laquelle s'entremêlent et poésie et récit et musique sans que ça ne dérange, en aucun point, le lecteur absorbé par les idées et le flux de superbes images.
Merci pour l'exquise lecture David

   Safwa   
31/3/2009
J'ai lu depuis plusieurs jours "Claire" David. Je trouve que c'est très fin au point de ne pouvoir y toucher. Ces tournures, ces obscurités qui se faufilent à travers un alphabet qui donne l'impression d'avoir chuté comme ça tel que des gouttes d'eau claires ne connaissant point leur chemin, mais malgré cela, elles arrivent à désaltérer un aloès dans le fond d'un désert. Je suis sure que cette écriture avec sa langue, parfois, imparfaite est volontaire, car elle veut exprimer la situation, disons, morale de Claire qui ne peut être prisonnière d'une forme précise. On peut même ne pas dire que c'est une nouvelle sans mentionner que c'est aussi un poème. Un très long et beau poème qui aurait pu mieux supporter les ruptures, les brisures, la confusion et surtout cette liberté des visions allant vers les confins.
Merci pour la belle lecture
Bien cordialement

   David   
11/5/2009
Merci à Essia Skhiri, grâce à elle cette histoire a voyagé du français à l'arabe, cette traduction est disponible à ce lien :

http://www.doroob.com/?p=35691

   Bidis   
2/9/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Parce que sans doute je m’en sens incapable, j’admire beaucoup les auteurs qui peuvent parler longuement et de belle façon de quelque chose d’infime ou de quotidien, et tout à coup ce qui semblait banal s’habille de magie et de mille nuances. Donc, je trouve, à cet égard, ce texte époustouflant.
J’ai regretté une chose : que la goutte ne soit pas née d’un nuage, fasse tout son périple, puis arrive à la mer, et puis il y aurait l’évaporation par le soleil et de nouveau le nuage… Cela est évoqué un moment au milieu du texte, je sais, mais cela ne ressort pas assez comme un cycle, ce qui est vraiment quelque chose de la nature d’extraordinaire.
J’ai moins lu le texte que je ne l’ai écouté, lu par Titefée (merci Titefée !). Ce fut un très, très bon moment que je n’ai pas envie de gâcher en cherchant la petite bête comme j’ai l’habitude de le faire…

   marogne   
11/9/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Un peu déstabilisant ce texte, et in fine peut être un peu décevant. Oui il y a de belles images glissées de-ci de-là, mais peut être pas assez par rapport à la longueur du texte. Et puis mettre de belles images les unes à la suite des autres ce n’est peut être pas une histoire.

Il est vrai que ce n’est peut être pas une histoire que voulait nous faire lire l’auteur, mais n’empêche, même si le but était autre, la conclusion ne change pas.

J’avais commencé à relever quelques détails (ci-dessous), mais dans l’ensemble j’ai trouvé le texte dur à lire, manquant peut être parfois de coupures pour justifier les marques (ou leur absence) du pluriel ; un peu trop expérimental peut être ?


Détails :
• « assassin certainement d’un état vers un autre », qu’est-ce que ça veut dire ?
• « une tension qui s’avance… », le verbe choisi ici étonne un peu
• Des Z mit ou mis ?
• « des légions telle » ou telles
• « impossible à dénombrer celui de mes semblables » ???

   matcauth   
11/1/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très beau titre.

j'ai beaucoup aimé la fluidité des phrases et des paragraphes et surtout, je n'ai pas, comme je l'ai lu plus haut dans un commentaire, ressenti de surcharge. Mais je retiens surtout cette fluidité, c'est joli, agréable, ce qui me fait dire que je peux lire ce texte juste pour son charme, presque indépendamment de sa teneur.

J'ai beaucoup aimé le concept, aussi, de dénombrable / indénombrable
"nous sommes légions telle que moi"

le fait d'explorer les facettes de la narratrice, l'exploration poursuit son chemin, elle est intérieure et extérieure, harmonieuse.

Il y a quelques moments excellents,

"d’un ordre supérieur qu’aucun bataillon ne saura imiter"
"Je suis vêtue du cristal délicat d’un flocon élégant, mon blanc irradie mes sœurs elles aussi finement habillées"

Bref, j'ai apprécié lire quelque chose qui est encore pour moi hermétique et cela, c'est un succès.

dommage que l'accès à la version audio soit bloqué.


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