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Science-fiction
Donaldo75 : MI99
 Publié le 04/10/23  -  4 commentaires  -  22976 caractères  -  30 lectures    Autres textes du même auteur

Créé dans les années cinquante, le MI99 est une agence gouvernementale britannique dépendant du ministère de la Défense. Elle est chargée de la recherche extra-terrestre.


MI99


Thomas acheta un billet au guichet puis se dirigea vers la salle dédiée au grand peintre Gainsborough. Son contact devait théoriquement le retrouver en face d’un tableau décrivant une scène familiale avant une partie de chasse. Le jeune homme adorait ce tableau. Cette œuvre lui rappelait l’Angleterre d’autrefois, celle racontée par ses grands-parents quand il était enfant. Il se dirigea vers un banc à droite de la toile. Un petit homme chauve était assis. Thomas se posa à côté de lui puis le regarda de biais. Son voisin ne bougeait pas et était livide. Thomas lui toucha la main, constatant qu’elle était froide. Il se leva et quitta la salle.


Quinze minutes plus tard, Thomas entra dans un building majestueux. Il était supposé travailler dans ce bâtiment au profit d’un laboratoire de recherche spatiale, en qualité d’ingénieur d’application. En réalité, le jeune homme faisait partie du MI99. Cette agence gouvernementale dépendait du ministère de la Défense. Créée dans les années cinquante, elle était chargée de la recherche extra-terrestre. Les Britanniques, à l’instar des Allemands et des Français, avaient décidé de ne pas laisser ce champ d’action aux seuls États-Unis.


Une fois à l’intérieur, Thomas se soumit aux procédures de sécurité puis se rendit dans la salle de réunion. Harry, son chef d‘équipe l’attendait.


– Alors, votre informateur a rendu l’âme ?

– Oui.

– Ce dont il voulait nous parler doit être sérieux, alors. Récapitulons, proposa Harry.

– Il n’y a pas grand-chose.

– Dites toujours.

– Je sais seulement que l’ennemi veut s’attaquer au programme SETI.


Le programme SETI avait été créé aux États-Unis dans les années soixante par des sommités de l’astronomie, indépendamment de l’administration fédérale et des organismes gouvernementaux. Il sondait les signaux émis sur différents points de l’espace. Son objectif principal se résumait à la recherche d’une intelligence extra-terrestre. À cet effet, des radiotélescopes étaient pointés sur quelques étoiles ciblées afin de détecter des signes d’une activité artificielle. Le raisonnement de ses fondateurs était simple : toute civilisation technologiquement avancée émettait des ondes. Contrairement au bruit de fond généré par le champ des étoiles, celles-ci produisaient un rayonnement non aléatoire. Écouter la musique spatiale et en séparer le grain de l’ivraie nécessitaient cependant une capacité de calcul gigantesque. Pour pallier le manque de ressources, les dirigeants du SETI avaient eu l’idée géniale d’utiliser les ordinateurs des particuliers. Ils avaient proposé de les équiper d’un petit logiciel, appelé BOINC. Ce dernier était capable d’analyser une partie des données collectées et de renvoyer les résultats à un serveur central. Le grand public avait acheté cette histoire. Partout dans le monde, des volontaires s’étaient déclarés candidats à l’effort collectif. Ils avaient équipé leurs machines du programme d’analyse et le laissaient tourner toute la journée. Washington en avait profité pour le détourner à son avantage. Sa cellule d’espionnage avait ainsi créé des millions d’utilisateurs fictifs et construit un vaste réseau neuronal de stations numériques pour pirater les recherches et l’analyse des résultats.


Harry décida du plan d’actions. Une équipe d’informaticiens allait surveiller l’activité du SETI. Pour cela, elle devait infiltrer leur système centralisé de calcul et de compilation des données analysées par BOINC. Jusque-là, le MI99 avait laissé de côté ce projet d’écoute car il ne représentait rien d’autre qu’un angle de recherche particulier sur la vie extra-terrestre. Qu’il y ait une intelligence ailleurs n’était plus le sujet depuis longtemps pour l’agence depuis qu’elle avait repéré les premières velléités interventionnistes d’entités non humaines.


Un agent de liaison irait prévenir les Allemands et les Français. Une collaboration entre les trois puissances devenait indispensable face aux agissements unilatéraux des autorités américaines. Il coordonnerait les interventions de Londres, Berlin et Paris pour sécuriser leur périmètre et isoler Washington. En parallèle, Thomas partirait en Californie, dans la ville de Mountain View où était installé le siège du SETI. Il mènerait sur place une enquête de terrain afin de vérifier la sécurité du programme d’écoute et l’intégrité de ses techniciens les plus importants. Pour ce faire, il utiliserait son identité de jeune chercheur en rayonnement stellaire, dûment recommandé par l’université de Cambridge.


L’identité du mort de la National Gallery fut rapidement levée ; il s’agissait d’un savant écossais dénommé Angus Mc Guffin. Considéré comme un excentrique et connu pour ses recherches concernant la présence d’une activité extraterrestre sur la planète, il clamait haut et fort qu’une civilisation nettement plus avancée que l’Humanité avait envoyé des représentants sur Terre. Ses théories paranoïaques l’avaient rendu célèbre dans le milieu universitaire. À la longue, sa hiérarchie avait fini par se lasser de ses pitreries et décidé de l’envoyer en retraite anticipée. Pour sa part, le contre-espionnage britannique le soupçonnait depuis des années de faire passer des informations scientifiques aux Américains. Au MI99, personne n’avait jamais travaillé avec lui. Quand il avait contacté Thomas, ce dernier l’avait d’abord négligé. Angus Mc Guffin s’était alors fait remarquer en lui divulguant des codes secrets de l’agence britannique que nul n’était censé connaître. Le MI99 s’était alors intéressé à lui.


La fouille de son domicile ne donna rien. Thomas récupéra l’ordinateur personnel du défunt pour le faire inspecter à fond par ses experts, au cas où il cacherait des éléments confidentiels. La diplomatie britannique n’eut aucun mal à convaincre la France et l’Allemagne de collaborer. Ces deux pays émettaient déjà des doutes sur les États-Unis, chacun pour des raisons différentes. Paris pensait que Washington utilisait le programme SETI pour espionner les foyers européens, à l’instar de ce qui avait été dénoncé sur le programme ÉCHELON. Berlin soutenait que l’oncle Sam essayait de s’assurer l’exclusivité de la technologie extra-terrestre en travaillant de concert avec les non-humains. Londres restait dans la neutralité bienveillante, jouant ainsi sur les trois tableaux. En effet, rien n’empêchait le MI99 de protéger son territoire sans froisser son allié historique.


////


Trois jours plus tard, Thomas arriva à Mountain View. Il prit possession de sa chambre réservée dans une pension de famille puis se dirigea vers le seul pub irlandais du centre-ville. Le jeune homme s’assit en terrasse et attendit que quelqu’un vienne prendre sa commande.


– Qu’est-ce que je vous sers ? lui demanda une grande brune aux yeux bleus.

– Tout sauf une bière chaude servie par une femme froide.


La serveuse esquissa un sourire puis prit le chemin du comptoir. Thomas en déduisit que le signal de reconnaissance avait fonctionné. Il se demanda quand même qui à l’agence pouvait s’inspirer de vieilles chansons de Tom Waits pour des missions aussi sérieuses.


– Voici votre breuvage, chevalier de la Table ronde.

– Marrant. Comment vous appelez-vous ? Vous êtes irlandaise ?

– Que de questions ! Eileen. Née à Cork, dans le sud.

– Enchanté, Eileen. Moi, c’est Thomas, de Londres. Vous êtes libre aujourd’hui ?

– Je finis mon service à cinq heures. Je n’ai rien prévu après.

– Je passerai vous prendre. Vous me ferez visiter le coin.


Le contact était confirmé. Eileen travaillait dans le même camp que Thomas. Elle lui avait livré des réponses parfaites, conformes à l’attendu. La barmaid avait également gravé un signe dans la mousse de sa bière. Le jeune homme but lentement sa chope en lisant la feuille de chou locale mise à disposition des clients. Le lendemain matin, il se rendit à son rendez-vous au SETI avec le professeur Bergman. Thomas pensait encore au briefing de la veille, quand Eileen lui avait expliqué qu’il ne se passait rien d’anormal. Après un entretien passé sans encombre, il constata que sa couverture tenait la route. Le responsable scientifique l’affecta finalement dans une petite équipe dédiée à l’observation de l’étoile Tau Ceti. Ses compagnons de recherche venaient du monde entier et semblaient aussi passionnés qu’illuminés. Thomas en profita pour se familiariser avec les locaux, les maigres procédures de sécurité et le système informatique. Les dix jours suivants se déroulèrent selon un schéma bien rodé : il travaillait au SETI de neuf heures du matin à huit heures du soir, déjeunait sur place dans le snack intégré au bâtiment puis passait la soirée en compagnie d’Eileen. Les deux Britanniques s’étaient découvert de profondes affinités et avaient naturellement terminé au lit.


Le onzième jour, le professeur Bergman convoqua ses équipes en urgence. Il leur expliqua qu’il avait besoin de tout le monde sur le pont pendant trois jours. Ils seraient hébergés sur le site, dans des dortoirs aménagés pour l’occasion. Quand un mathématicien indien prénommé Ravi posa la question qui brûlait toutes les lèvres, le savant répondit de manière elliptique : « Nous allons procéder à un test grandeur nature sur un secteur précis, pour des raisons que vous comprendrez une fois le mini-projet lancé. ». Thomas accepta l’astreinte et revint à la pension afin de récupérer quelques affaires. Il informa Eileen de la situation et lui demanda d’en faire part à Londres. Le lendemain, alors qu’il analysait des données de la semaine précédente, son collègue Ravi vint le voir. Il lui annonça que tout le monde était attendu dans l’amphithéâtre pour une annonce très importante. Une fois assis dans la salle où se tenaient d’ordinaire les grandes conférences et les cours d’astrophysique, les deux jeunes hommes attendirent avec leurs homologues l’arrivée des responsables du SETI. Le professeur Bergman fit son apparition, escorté de quatre hommes. Deux d’entre eux ne ressemblaient pas à des chercheurs mais plutôt à des agents de renseignement. Un scientifique de renom appelé Bernstein prit la parole. Il se présenta comme le représentant du secrétaire d’État à la Défense des États-Unis d’Amérique puis entra dans le vif du sujet.


– Les dernières analyses ont confirmé les signaux détectés aux alentours de l’étoile Gliese 581. Il n’y a pas de doute sur leur nature artificielle.


L’ensemble des participants s’agita comme un seul homme. Bernstein leva la main pour obtenir le silence. L’assemblée se calma. Il expliqua alors la suite des opérations suite à cette confirmation aux conséquences historiques. Tout d’abord, ils allaient devoir croiser les résultats de cette écoute avec les données fournies par la NASA. Le secteur concerné se trouvait à plus de vingt années-lumière de la Terre. Cela signifiait que cette activité pouvait impliquer l’existence d’une civilisation technologiquement évoluée. Il rappela également que tous étaient soumis au secret, dans le cadre de l’accord de confidentialité que chacun avait signé en rejoignant les rangs du SETI. Dans ce cadre, il précisa les contraintes qui allaient découler de ces travaux. Si les investigations devaient requérir plus de temps, ils seraient confinés dans les locaux. L’organisation leur fournirait alors tout ce dont ils auraient besoin pour vivre en vase clos. Le professeur Bergman allait leur détailler les procédures à suivre pour mener à bien la tâche qui leur incombait. Sur ces mots, Bernstein laissa la parole à son collègue. Ce dernier s’acquitta des détails propres au mini-projet Gliese 581. Il répondit aux nombreuses questions de l’audience. Thomas observa l’attitude des présumés agents gouvernementaux. Il ne remarqua rien d’anormal dans leur comportement.


De retour dans son laboratoire, le jeune homme démarra le moteur de calcul et entra les paramètres de la nouvelle cible. Il respecta les étapes du protocole SETI, croisa les données avec celles de son voisin puis transmit les écarts à l’équipe de mathématiciens. Il répéta ces opérations durant la journée entière. De temps à autre, un spécialiste de la sécurité rentrait dans la salle et surveillait les chercheurs. Les équipes de recherche travaillaient en trois rotations journalières. À la première période de repos, Thomas s’allongea sur une couche dans le dortoir et se mit à réfléchir à cette découverte. Jusque-là, il n’y avait rien de suspect dans le déroulement des investigations scientifiques. À part l’énormité de la découverte, il ne voyait pas où se situait la menace mondiale évoquée par son défunt informateur écossais. Découvrir l’existence d’une civilisation extra-terrestre représentait le Saint Graal pour les dirigeants du SETI et la communauté des astronomes. De là à un danger immédiat, il y avait quelques parsecs. Le traitement des données et leur interprétation ne constitueraient que la première phase d’un long parcours semé d’embûches. Le plus difficile serait de diffuser le résultat des courses au grand public, de façon la plus pédagogique possible. Il faudrait éventuellement en cacher les facteurs anxiogènes. Les Américains ne pourraient pas dissimuler la situation au reste du monde. Ils avaient trop à gagner dans cette victoire nationale. Le SETI symbolisait l’Amérique toute-puissante, les nouvelles frontières de l’espace. De plus, Thomas ne les sentait pas capables d’effacer les traces de cette découverte parce que cela supposait d’éliminer physiquement l’ensemble des témoins.


////


La recherche mobilisa les équipes plus longtemps que prévu. Thomas commença à trouver le temps long. Il se rapprocha de Ravi, le moins halluciné parmi l’aréopage de premiers de la classe qui peuplait son quotidien. Un soir, l’Hindou lui proposa de boire un café dans le snack déserté par leurs collègues. Le jeune Anglais accepta l’invitation. Les deux hommes se dirigeaient lentement vers le restaurant quand, à deux pas de la porte, Ravi lui prit le bras et l’entraîna avec lui dans la réserve dédiée aux aliments. Ensuite, il sortit une clé de sa poche et ferma le local. Le jeune mathématicien se mit ensuite à fouiller dans les zones de stockage puis en sortit un petit boîtier en plastique qu’il colla contre le mur.


– Nous pouvons parler tranquillement. La pièce est à l’abri des oreilles indiscrètes.

– Combien de temps avons-nous ?

– Quinze minutes, avant que ne s’achève la boucle d’écoute des micros de la CIA.

– Je suppose que vous êtes plus dans le renseignement que dans les mathématiques.

– Exactement comme vous. Maintenant, laissez-moi parler. C’est important.

– D’accord.


L’Hindou exposa la situation. Les signaux reçus de Gliese 581 étaient des faux. Les services secrets indiens en détenaient la preuve. Ces émissions supposées correspondaient exactement à une séquence algorithmique complète inventée par l’Inde dans les années quatre-vingt-dix pour une expérimentation purement scientifique. Il était statistiquement impossible qu’une civilisation extra-terrestre envoie la même suite que celle que ce pays avait conçue. Cela reviendrait à gagner deux fois à la loterie nationale avec les mêmes huit chiffres. Les Indiens étaient théoriquement les seuls à le savoir, puisqu’ils l’avaient créée. Du coup, ils étaient persuadés que Washington leur avait volé cette simulation. C’était la raison de l’infiltration de Ravi au SETI. Ses recherches sur le terrain l’avaient conforté sur les réelles intentions des Américains. Ces derniers voulaient probablement détourner la réalité avec une fausse découverte. La question du pourquoi une telle manipulation restait cependant en suspens.


Thomas acquiesça. Sa propre présence au SETI confirmait aux Indiens qu’ils n’avaient pas forcément tort. Il fallait stopper cette mascarade à tout prix. Laisser à Washington la main sur la découverte d’une civilisation extra-terrestre constituait déjà une aberration en soi, surtout quand on connaissait la propension de ce pays à réécrire l’Histoire en sa faveur. Le problème le plus grave, au-delà de cette première crainte, venait du fait que les États-Unis allaient révéler un secret de Polichinelle. Ensuite, ils l’habilleraient à leur manière pour leur propre intérêt, au risque de détourner l’opinion publique de la menace réelle. Ravi avait donc raison. Il fallait lui faire confiance, sinon les Américains gagneraient, au détriment du reste du monde. La situation méritait un traitement radical. Il restait à imaginer lequel puis le mettre en œuvre. Les deux agents décidèrent d’un stratagème pour se revoir en toute sécurité.


Finalement, l’agent britannique trouva comment mener la contre-attaque. Il l’intitula « Arrosons l’arroseur ». Quand Ravi fut informé du plan, il applaudit des deux mains. La période de quarantaine prit fin au bout de quinze jours. Le professeur Bergman réunit les équipes scientifiques et les félicita pour les travaux accomplis. Le SETI se chargerait de la médiatisation, en accord avec le gouvernement fédéral américain. Les deux parties avaient convenu de procéder par étape. Elles prévoyaient une intervention du président du SETI devant les caméras du monde entier puis des relais dans la presse écrite, par le biais de billets signés par de grands savants de plusieurs pays. Thomas et Ravi quittèrent la Californie en invoquant leur participation active à cette deuxième phase. Ils devaient aider les auteurs des articles à vulgariser les derniers instants de la découverte, sans toutefois trahir des secrets du SETI. Bergman accepta de bon cœur un tel dévouement de la part des deux jeunes assistants.


////


Thomas atterrit le lundi à Londres puis se rendit directement au siège du MI99 pour une conférence au sommet à laquelle participaient Ravi et ses supérieurs.


– Bonjour Thomas, lui dit Harry avec un large sourire. J’aime bien votre plan.


Le jeune homme sourit à son tour. Son patron lui demanda alors d’expliquer sa stratégie à l’assistance. En réalité, elle s’avérait très simple. Les Américains soutenaient que le SETI avait découvert une séquence complexe de signaux en provenance de Gliese 581. Ils en déduisaient que c’était la preuve d’une civilisation technologiquement avancée résidant dans ce secteur. Les autres nations ne pouvaient donc plus rien faire pour les empêcher de diffuser une telle fable. Elles étaient pieds et poings liés par cette supercherie.


L’assistance soupira devant le constat de la situation en cours. Tout le monde avait avalé les couleuvres de Washington. Cependant, les États-Unis avaient commis une erreur primordiale pendant cette manipulation mondiale. Thomas proposa à son homologue indien Ravi d’expliquer en quoi elle consistait. Ce dernier prit la parole et commença par un récapitulatif de l’histoire de la séquence indienne. Puis il enchaîna sur le cœur du plan américain : le SETI bénéficiait d’une légitimité mondiale. Le recours aux ordinateurs personnels des particuliers désireux d’allouer de la capacité informatique aux travaux de recherche de l’institut renforçait sa supposée indépendance. Enfin, il conclut que la proposition de Thomas se résumait à utiliser le même vecteur de désinformation que les Américains.


À cette étape de l’argumentaire, Ravi sentit que les hauts dignitaires attendaient des propositions concrètes et non une longue envolée préliminaire. Il laissa la parole à Thomas. L’agent du MI99 ouvrit un schéma sur son ordinateur et le projeta sur le grand écran.


– Ce que vous voyez dans ce petit dessin vaut mieux qu’un long discours.


Il commenta l’animation. Le SETI achetait du temps de télescopes dans tous les pays pour scruter des secteurs précis de la galaxie. Ces instruments dépendaient des gouvernements locaux. Un accord entre l’institut et chaque ministère de la recherche lui allouait gratuitement du temps d’observation. Ces dernières produisaient de gigantesques quantités de données qu’il fallait ensuite traiter. Pour cette raison, le SETI avait fait appel aux volontaires du monde entier afin de disposer d’une capacité de traitement suffisante pour analyser les résultats. Dans cet objectif, l’institut mettait à disposition le logiciel BOINC que chaque usager installait sur son ordinateur. Ce petit programme téléchargeait les données envoyées par le serveur central et les traitait. Ainsi, chaque poste analysait un fragment d’observation et en renvoyait l’analyse au serveur central.


– BOINC est donc une porte ouverte sur le SETI, conclut Thomas.


L’idée consistait à utiliser cette porte. Il suffisait de pirater BOINC et lui inscrire la séquence indienne pour chaque analyse qu’il produisait. Ainsi, tous les ordinateurs du monde renverraient au serveur central un bout de cette séquence. Le SETI en consoliderait chaque fragment sur son système central. Le résultat suivrait une logique imparable : la séquence indienne serait enregistrée, simulant provenir de toutes les observations des télescopes, comme si tous les observateurs avaient entendu la même chose.


– Je laisse Harry vous expliquer la suite, termina le jeune agent britannique.


Harry se leva et prit la parole. Son expérience des coups tordus et des manipulations en tous genres était connue de l’assistance Elle donnait une parole d’évangile à ses arguments. Il résuma la logique de ce plan. Entendre la même séquence de tous les coins de la galaxie, même sur un échantillon d’une centaine d’étoiles, ne pouvait amener qu’à deux conclusions : soit une seule et unique civilisation extra-terrestre avait colonisé ces secteurs dans leur intégralité, soit le signal était erroné. La première option détruisait les plans américains, puisque Gliese 581 n’était plus un leurre mais juste un cas répété moult fois ailleurs. La deuxième option réduisait à néant la découverte du SETI en pointant son erreur conceptuelle ainsi que la précipitation avec laquelle l’institut avait communiqué auprès du grand public.


Le responsable britannique rajouta la cerise sur le gâteau, le nec plus ultra de la manipulation de masse : faire transpirer les résultats des supposées observations dans la presse, une fois le ver placé dans le fruit. Il insista cependant sur un dommage collatéral évident, celui de discréditer le SETI pour longtemps. Cette considération ne chagrina pas le reste de l’assemblée, bien contente de se débarrasser dans la foulée d’une institution noyautée à tous les étages par la CIA.


Harry se rassit et laissa les autorités politiques décider. La suite des événements devint historique : la séquence indienne se répéta partout dans le monde. Les fuites médiatiques se transformèrent en tsunami pour la communauté scientifique. Le SETI fut rapidement démantelé. Le secrétaire d’État à la Défense démissionna de ses fonctions à Washington. L’université de Cambridge proposa aux autres pays un nouveau mode de détection des signaux extra-terrestres, que s’empressèrent de signer les puissances non américaines, de Londres à Tokyo en passant par Sidney et Buenos-Aires.


 
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   Vilmon   
18/9/2023
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
Bonjour, un long détour et beaucoup de phrases pour une histoire plutôt simple avec un dénouement qui manque d’envergure. Désolé, c’est bien écrit, mais j’ai eu l’impression d’un long descriptif de scénario pour expliquer au lieu d’un récit. On apprend très peu sur le caractère des personnages, les dialogues qui auraient pu montrer cette facette sont rapidement esquintées pour encore faire place à l’explicatif et au descriptif. Le lecteur n’embarque pas dans l’histoire, il ne fait que suivre un guide lui faisant visiter un musée. Et le mystère reste entier au sujet de l’homme mort, comment l’a-t-on tué ? Par qui ? Comment pouvait-il savoir le secret ? Finalement, il faut simplement pirater boinc, simplement, avec tous ces anti-virus, sur plusieurs ordinateurs personnels, sans laisser de trace ? Et comment les Américains se sont procurés le message de l’Inde ? Pourquoi ont-ils diffusé ce message au lieu d’un de leur propre création ? À mon avis, il y a beaucoup de petits fils qui ne sont raccordés pour avoir un récit logique et structuré. La construction des phrases est très bien, mais je trouve que le contenu pourrait être amélioré.

   cherbiacuespe   
20/9/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
On pourrait aussi classer cette nouvelle dans espionnage... Oh, l'espionnage n'apparaît pas dans les thèmes, zut!

Le fond de cette nouvelle est très bien ficelée, de bout en bout. Je suis admiratif car je n'ai pas vu de bourdes tout au long de ma lecture, d'incohérences. Ou elles m'ont échappé... Le chef d'orchestre a pensé à tout et ce n'est pas la moindre des difficultés dans ce type d'histoire. Chaque petit bout du puzzle doit parfaitement s'imbriquer avec les autres.

La structure du récit est, elle aussi, cohérente. Le vocable est simple, efficace, facilement intégré, c'est très bien écrit, ce qui rend le parcourt du lecteur agréable. Seul reproche : j'ai, comme souvent, l'impression qu'il manque quelques longueurs. Tout le déroulement de l'affaire se fait plutôt lentement et, arrivé sur la fin j'ai ressenti comme une accélération qui ne colle pas avec le rythme imposé précédemment.

Au final, un bon moment passé devant ce texte.

Cherbi Acuéspè
En EL

   jeanphi   
21/9/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Racontée de manière directe et pourtant riche en caractères humains, cette nouvelle me paraît relever d'un équilibre entre détails utiles et complexité passionnante, entre angoisses et frivolités, beauté du langage littéraire et intrigue formelle.
Une lecture prenante, pleine de rebondissements, dans laquelle l'on distingue une passion froide, et beaucoup de calcul. Je regrette le détachement et la brièveté avec lesquels la décision finale se voit déléguée aux autorités compétentes, malgré que ce détachement démontre le professionnalisme du personnage.

J'ai l'impression qu'en alignant une vingtaine de chapitres tous égaux en densité, vous obtiendriez un bon petit roman.

   Perle-Hingaud   
29/9/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
L'écriture est bonne, aucun souci là dessus, mais je me suis ennuyée ferme en lisant le tout : trop didactique, pas assez vivant. Il y a une idée d'intrigue, qui intéresse sûrement les amateurs de thrillers géopolitiques, mais cette idée n'est pas incarnée. Il faudrait l'ampleur d'un roman et l'enrichissement des personnages pour éprouver plus que de l'intérêt intellectuel à la lecture, ce qui est la force de la fiction. D'autres apprécieront sûrement davantage que moi cette nouvelle.


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