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Science-fiction
Donaldo75 : Warakurna
 Publié le 05/12/19  -  12 commentaires  -  19813 caractères  -  95 lectures    Autres textes du même auteur

Warakurna est une grande communauté aborigène, située dans la région de Goldfields-Esperance, en Australie occidentale, dans le comté de Ngaanyatjarraku.


Warakurna


Carl posa la navette dans le désert australien. Il procéda aux derniers contrôles avant de fouler le sol ensablé de ses ancêtres, les fiers colons de la Nouvelle-Galles du Sud. L’ordinateur de bord, une intelligence artificielle dernier cri dénommée SISTER, le briefa au bout de deux minutes.


— Vous devriez mettre une combinaison.

— Je croyais ce territoire assaini.

— Les radiations sont faibles mais le vent, la température élevée et l’atmosphère ionisée ne sont pas compatibles avec votre seuil de tolérance physique.

— Je choisis une peau synthétique, alors. Inutile de s’embarrasser d’une lourde combinaison d’astronaute, non ?

— Cela suffira, selon mes estimations.


Carl pensa à son métier d’agent de nettoyage. Jusqu’à ce jour, il avait participé à des missions sur les satellites galiléens, pas loin de sa ville natale Callisto-City, à comprimer des déchets industriels et recycler des hydrocarbures fatigués. Par conscience professionnelle, et aussi à cause des problèmes de chômage, il s’était contenté d’obéir sans demander une autre affectation. Pourtant, dans ses rêves d’enfant, il se voyait marcher dans la nature aux senteurs fleuries, quelque part sur les belles planètes de Gliese581, le paradis des riches touristes et des classes dirigeantes. Respirer un air pur, contempler un soleil éclatant, passer sa main sur d’humides brins d’herbe, cela l’aurait changé de son terne quotidien sur la seconde lune de Jupiter. Pourtant, il avait eu droit à une faveur venue d’en haut. Le patron l’avait affecté à une opération de formatage écologique sur la Terre. Terry, son manager, n’en était pas revenu.


— Tu te rends compte, Carl ? Jamais personne chez nous n’avait été mandaté pour un truc aussi important sur la Terre.

— C’est vrai, le bruit qui court ?

— Sur quoi ?

— Sur la Terre. Il paraît que les rupins de Gliese581 veulent en faire un parc d’attractions pour gamins friqués. C’est pour ça que je dois inspecter l’Australie.

— J’entends la même rumeur. Ils veulent faire sauter son statut de sanctuaire.

— Tu en penses quoi ?

— Rien de bon. La Terre était déjà une poubelle avant l’émigration massive vers les mondes extérieurs. La sanctuariser était juste une manœuvre des grandes compagnies de nettoyage. On a payé, toi et moi avec nos impôts, pour que ces gars passent la Terre au savon, dans le seul but de la rendre présentable à une assemblée de vieux grincheux. J’espère qu’on paiera moins cher pour que les mêmes profiteurs s’enrichissent en la décorant de rouge et de blanc.

— Tu as raison. Moi, je vais m’en farcir une bonne tranche. Ce n’est pas tous les jours qu’un humain pose le pied sur la Terre. En plus, je n’ai pas à ramasser les ordures des autres mais juste à poser des sondes télémétriques, faire des relevés techniques et envoyer les résultats au centre de commandes.


***


Carl conditionna sa peau synthétique, ajoutant au dispositif des lentilles de contact et un respirateur miniaturisé, en prévision d’éventuelles complications climatiques. Il assembla un kit de survie, prépara un rover de sortie avec l’équipement nécessaire aux premières opérations de contrôle, puis testa sa connexion longue distance avec SISTER.


— SISTER, simule une communication à cent kilomètres de toi. Je vais voir comment réagit mon implant cérébral.

— C’est bon. Vous m’entendez ?

— Cinq sur cinq !

— Je vous envoie des images, des graphiques de données et du texte. Vous les voyez ?

— Comme s’ils étaient devant moi.

— Vous êtes prêt !

— Je le crois. Ouvre le sas pendant que je sors le rover.

— C’est fait.

— On se revoit dans six heures.

— Vous devez m’envoyer des messages à fréquence horaire. C’est le protocole. Si vous oubliez, je serai obligé de déclencher la procédure de secours.

— Je sais tout ça. Ce n’est pas ma première mission.

— Certes, mais ici vous êtes sur la Terre, pas sur Ganymède ou Callisto.

— Qu’est-ce que ça change ?

— Les conditions biologiques sont inconnues. C’est d’ailleurs la raison de votre mission.

— Enfin, je ne vais pas rencontrer un dinosaure géant ou un kangourou carnivore. Cette planète a été stérilisée à l’eau de Javel et au détergent.


Carl n’attendit pas la réponse de l’intelligence artificielle. Selon lui, ces dispositifs synthétiques avaient été conçus pour protéger les opérateurs et non les materner. Il n’avait pas besoin de baby-sitter, après tout ce qu’il avait enduré sur les satellites de Jupiter. SISTER le fatiguait avec ses précautions inutiles, son souci de la procédure et son règlement édicté par des technocrates incapables de lacer seuls leurs chaussures.


Le soleil s’affichait haut sur l’horizon. Carl admira sa belle coloration orange, un spectacle inconnu des habitants de Callisto, de Ganymède ou des autres lunes joviennes situées trop loin de l’étoile nourricière pour en apprécier les mille feux. Malgré sa peau synthétique, il ressentit la chaleur solaire, comme si son cerveau reptilien avait stocké ce souvenir dans un tiroir oublié de la mémoire humaine. Le ciel était clair et sans nuage. Le vent soufflait fort, soulevant des volutes de sable. Le désert australien s’étendait à perte de vue, plat et dénué de végétation. Le jeune homme commença ses travaux d’inspection. D’abord, il posa des stations de mesure sur un périmètre planifié à l’avance, enregistré dans le manifeste de la mission sous la forme d’un rectangle de trente kilomètres sur soixante. Le rover avançait bien sur le sol sableux, sans rencontrer d’obstacle inopportun. Ensuite, il parqua son véhicule au centre de la zone parcourue et démarra les tâches techniques. Après avoir connecté les sondes entre elles, triangulé chacune avec SISTER et vérifié la liaison, il lança les sondages. L’intelligence artificielle lui servait d’interface entre les instruments de contrôle et son propre cerveau, comme une antenne-relais pour satellite de communication.


Carl s’assit en tailleur dans l’habitacle du rover. Il trouvait la position relaxante, idéale dans le cas présent, quand il devait utiliser ses cellules grises pour analyser des données, relancer des relevés ou amender des mesures. Ainsi, il minimisait le stress, facteur de mauvaise décision, et élargissait sa perception du monde numérisé par les sondes. Ce que l’esprit humain permettait, et pas la machine, c’était d’interpréter des données au-delà de leur apparence première, de donner du corps à des chiffres et de décider en conséquence. Des courbes, des nombres et des indices s’affichèrent dans son cortex cérébral. Il les manipula mentalement, corrigeant les scories et les incidentes dues à un réglage imparfait, rangeant les résultats similaires dans des répertoires logiques, classant les extrêmes au rayon « À regarder de plus près » et préparant un gros paquet d’informations à envoyer au centre de commandes. Ce travail de technicien devait lui prendre des heures avant qu’il ne revienne à la navette pour atteindre un autre secteur du continent australien et recommencer à l’identique les mêmes opérations. Soudain, une image s’afficha au-dessus des autres sur son écran intérieur. Il sursauta, comme si un intrus avait perturbé sa routine. Il l’examina en détail. Au premier abord, elle montrait une sorte de forêt exotique, avec des cabanes en bois et des ornements colorés. Il essaya de paralléliser son travail de classement et l’étude de cette nouveauté. Son cerveau refusa. Cette incapacité le surprit au début mais il décida de ne pas s’attarder sur une contrainte aussi mineure. Pour lui, comprendre ce qu’il y avait derrière l’image devenait subitement essentiel.


***


L’image s’anima, comme dans un film documentaire. Le village forestier devint le théâtre de scènes quotidiennes où des femmes au teint cuivré bavardaient dans un langage inconnu tout en tressant des feuilles entre elles ou en pilonnant des fruits gigantesques. Carl tenta une manœuvre osée, insolite, impossible pour un être synthétique mais compréhensible pour un humain très curieux. Il élargit le champ de vision, zooma sur l’arrière-plan et rechercha d’autres signes d’activité vivante. Après quelques réglages, il découvrit une sorte de lisière, un endroit peuplé de jeunes enfants en train de jouer, de vieilles femmes au regard fatigué et de pré-adultes s’exerçant au maniement d’une sorte de fronde. Il les observa attentivement, intrigué par une société a priori primitive et ressemblant au monde des aborigènes d’antan.


Le temps défila. Le jeune homme sentit les tentatives de connexion de l’intelligence artificielle mais n’en tint pas compte. La nuit tomba progressivement sur le désert australien, effaçant les rayons du soleil au profit d’une large lune striée de gris. Il ne s’en rendit pas compte, tant son nouvel univers, celui affiché en couleurs dans son cortex cérébral, le fascinait, avec à présent des hommes revenant de la chasse, célébrant leurs prises avec les autres villageois et préparant une sorte de rituel d’avant-dîner. Il pouvait humer les fragrances du foyer allumé par le chef du village, un vieillard habillé de peau orangée et coiffé d’un rostre en ivoire. Les odeurs chatouillaient ses narines, véhiculant un goût de chair grillée et de légumes cuits, comme une invitation à partager le repas.


Le chef du village se retourna. Il fit un signe de la main. Carl se vit alors dans la scène, le seul homme blanc habillé de technologie, au milieu d’une tribu aborigène. Il décida d’entamer la conversation, comme s’il avait l’habitude de la situation.


— Que mange-t-on de bon ce soir ?

— De l’antilope, avec des poivrons et des herbes.

— C’est la fête !

— Tu as deviné.

— Je disais ça au hasard.

— Nous fêtons ton arrivée.


Il regarda le vieil homme différemment. Il se demandait pourquoi il se voyait dans ce spectacle insolite, alors qu’il savait ne pas rêver.


— Tu es étonné ?

— Un peu. Je n’avais pas envoyé de carton d’invitation.

— Inutile. Je t’avais vu lors d’une de mes visions, il y a déjà des lunes.

— Qu’est-ce que je faisais dans ton songe ?

— Tu arrivais du ciel, dans une boule de feu. Ensuite, tu en sortais assis sur un petit chariot et tu parcourais le désert, posant çà et là des cubes métalliques.


Carl cessa de se poser des questions. Visiblement, le chef du village jouait le rôle du cuisinier, du sorcier et du devin. Côté cuisine, le jeune homme avait eu des réponses précises ; il lui restait donc à creuser la piste divinatoire, la plus intéressante à son goût.


— Et ensuite ?

— Tu nous rejoignais pour le dîner.

— Comme ça ?

— Pas exactement. Ta vision croisait la mienne.

— Je rentrais dans ton monde ?

— En quelque sorte, oui.

— As-tu vu la suite des événements ?

— Bien entendu.

— Peux-tu m’en dire plus ?

— Tu mangeras les meilleurs plats de ta vie, tu boiras un vin fabuleux, même s’il râpera un peu ton gosier, et surtout tu écouteras le récit des anciens.

— C’est prometteur.

— Arrêtons de parler en l’air. Il est l’heure de manger.


Carl avança vers le foyer. Il allait prendre la main tendue par le vieil homme quand l’image se mit à trembler, à devenir floue. Le décor exotique laissa place à un déluge de particules lumineuses, à des zéros et des uns. Une voix familière l’interpela sans ménagement.


— La procédure de secours, Carl. Je vous avais prévenu.

— SISTER ? Pourquoi l’avoir déclenchée ?

— Vous êtes parti depuis déjà une dizaine d’heures et avez arrêté les communications il y a six heures.

— Où es-tu ? Je ne te vois pas.

— Je suis en orbite haute. Le vaisseau a décollé depuis trente minutes.

— Pourquoi ?

— Une tempête de sable s’est levée sur tout le continent australien. Elle a balayé les sondes, votre rover et aussi vous.

— Pourtant je t’entends. Comment est-ce possible ?

— Je ne sais pas. Je n’ai pas retrouvé votre corps, seulement votre esprit. J’ai été d’ailleurs surpris de capter votre onde cérébrale, alors que je vous croyais bel et bien perdu.

— Je ne suis donc pas mort !


***


Carl n’avait jamais eu peur de mourir. Sa vie sur Callisto, avant de s’engager comme agent de nettoyage, n’avait pas permis de jolis souvenirs à regretter ou de terribles remords à ruminer. De sa naissance à sa première mission, il n’avait connu que le gris, le terne, l’ennui. Nettoyer les saletés des autres l’avait alors sorti d’un futur décliné à l’avance en une vie sans saveur ni odeur. Il avait quitté Callisto-City et ses faubourgs, laissé ses proches à leur routine laborieuse, pour voyager vers les autres lunes joviennes, découvrir les volcans de Io et les jardins aquatiques d’Europe, fouler le sol grisâtre de Callisto et sentir le champ magnétique de Jupiter.


L’ordinateur de bord bipa, un signe inhabituel de la part d’une intelligence artificielle dotée d’un langage complexe et d’un règlement contraignant. Le jeune homme en déduisit une forme de désarroi primaire devant l’inconnu.


— As-tu peur, SISTER ?

— Ce n’est pas le terme exact. Je dirais plutôt que je ne comprends pas ce qui nous arrive en ce moment.

— Fais-moi part de ton incompréhension. Moi, j’ai arrêté de réfléchir logiquement depuis longtemps.

— C’est peut-être vous qui avez raison.


Carl esquissa un sourire. SISTER, le nec plus ultra des êtres synthétiques, un bijou de la technologie humaine, capable de calculer à la vitesse de la lumière, de prévoir le temps sur dix planètes en simultané, avouait son impuissance.


— Tu n’aimerais pas être dans ma tête. Ici, c’est le royaume du grand n’importe quoi. Je ne contrôle plus rien. Trêve de bavardages philosophiques. Qu’est-ce qui cloche ?

— Mes mesures sont contradictoires.

— Par exemple ?

— Quand je sonde le sol australien, je suis bien à l’heure et la date prévue. Aucune tempête n’avait été prévue mais le climat terrestre peut s’avérer capricieux. Quand j’analyse l’atmosphère de la Terre, j’arrive exactement au même résultat.

— Parfait, non ?

— Ce n’est pas fini. Quand j’analyse votre onde cérébrale, j’ai une différence.

— Tu veux dire qu’il y a un décalage temporel entre mon moi virtuel et la réalité physique ?

— Exactement !

— De combien ?

— Trois mille ans. Dans le passé.


Carl accusa le coup. La nouvelle était peu banale, même comparée aux nombreux récits des vieux briscards du nettoyage planétaire. D’un côté, il avait perdu la trace de son corps, au point de se demander s’il n’était pas physiquement décédé. De l’autre, son esprit, son âme peut-être, se trouvait dans le passé, au temps où même le capitaine Cook n’était pas encore né, un âge primordial pour les aborigènes.


— Je comprends mieux pourquoi ma vision a croisé celle du chef.

— Moi, je n’ai rien vu. Pourtant, je vous entends maintenant, alors que trente siècles nous séparent.

— Tu n’as pas une petite théorie, même imparfaite, pour expliquer ce décalage ?

— Rien qui s’applique à l’environnement planétaire.


Carl s’amusa de cette dernière réponse. Il savait bien que SISTER, ensemble programmé de connaissances scientifiques et de données cognitives, n’avait pas atteint le stade de la spiritualité et de la perception extra-sensorielle. Il n’existait pas encore de version chamanique de l’intelligence artificielle, une sorte de sorcier métallique capable de voir le passé, le futur, les dimensions cachées de l’éther infini pour en tirer la substance philosophique, le pourquoi des choses et de la vie. Il aurait fallu l’exposer à un flux impromptu de particules inconnues, une sorte d’acide lysergique pour robots, afin de le sortir des chemins balisés de la logique cartésienne et du raisonnement algorithmique.


Il décida de revenir au sujet du jour. Le vaisseau en orbite autour de la Terre, lui perdu dans un espace virtuel, son corps éparpillé aux quatre coins du désert australien, il fallait dorénavant prendre des mesures pour limiter les dégâts.


— Peux-tu rapatrier mon moi virtuel dans une de tes cases mémoires ?

— Votre représentation physique n’existe plus.

— Je suis pourtant ici, du moins sous forme d’onde cérébrale.

— Oui, mais dans le passé. Je ne peux stocker une onde venue de trente siècles. C’est comme observer une étoile située dans une galaxie lointaine : j’en fixe la manifestation lumineuse dans une photographie mais je ne peux la toucher telle quelle. Si j’essayais, je ne pourrais pas, elle serait toujours dans le passé.


— Que vas-tu faire ?

— J’enregistre notre conversation, ce qui est déjà un exploit en soi.

— Jusqu’à quand ?

— Tant que vous émettez !


***


Carl commença à trouver le temps long. Il ne se voyait pas discuter des heures avec une entité synthétique incapable de résoudre son problème. Il pensa de nouveau au vieillard dans la forêt australienne et au repas préparé en son honneur.


— Peux-tu stopper la procédure de secours ?

— Ce n’est pas conforme au règlement.

— Il n’y a plus rien à secourir. Mon corps est perdu pour la science. Tu ne peux pas stocker mon onde cérébrale. Il ne te reste que l’enregistrement de nos conversations. Tu parles d’un sauvetage !

— Je dois comprendre ce qui se passe. Peut-être expérimentons-nous une première scientifique ou un phénomène important pour les générations à venir.

— Je n’ai pas le cœur à raconter ma vie en attendant ma mort !


Le jeune homme se concentra sur ces souvenirs récents, ceux du village aborigène et des femmes à la peau cuivrée. Son esprit sentit la résistance de SISTER, une sorte de grésillement analogique, tel un vieux poste de radio dans les basses fréquences. Il contourna l’obstacle en imaginant des scènes festives où il buvait un nectar parfumé et dégustait des filets d’antilope, le tout au son des instruments ancestraux et des rires joyeux. Le vieillard réapparut subitement, la main toujours tendue vers l’homme blanc. Carl reconnut la scène précédente, comme si le temps l’avait figée.


— Tu as fini tes bavardages ? Le village t’attend pour célébrer ton arrivée.

— Tu as tout entendu ?

— Oui. Tu parlais assez fort.

— Qu’as-tu compris ?

— Que tu voulais rester avec nous et non remonter dans ta boîte de conserve.

— Uniquement ça ?

— Le reste m’était étranger, incompréhensible, sans intérêt.

— Pourtant, SISTER a parlé d’un décalage temporel entre sa réalité et ma virtualité.

— Tu te poses les mauvaises questions.

— Il n’y a pas de mauvaise question. C’est ce que j’ai appris dans mon enfance.

— Si tu n’as pas la réponse ou qu’elle échappe à ta compréhension du monde, alors la question n’est pas bonne ou elle est mal formulée.

— Tu me rappelles mon ancien mentor. Ce gars me disait toujours, en plissant les yeux avec un air malicieux : « Des paroles carrées n’entrent pas dans des oreilles rondes. »

— C’est un sage. Il aurait sa place parmi nous.


Carl entendit des voix de femmes, des rires d’enfants et le crépitement du feu. Il sentit les fumets du repas et les odeurs de la forêt australienne. La lune illuminait le ciel de ses pâles rayons. Le jeune homme prit la main du vieillard puis le suivit jusqu’au cœur du village où l’attendaient ses nouveaux frères et sœurs, une famille soudée et prête à l’accueillir sans lui demander de sésame ou de laissez-passer.


Le continent tressaillit comme parcouru par un frisson planétaire. SISTER enregistra la secousse et ses répliques puis lança le programme de retour au centre de commandes. L’intelligence artificielle compila l’enregistrement de sa dernière conversation avec l’agent de nettoyage Carl Garrett, la compressa au format standard des archives et la stocka dans un répertoire dédié aux anomalies rencontrées en mission. Elle envoya son dernier rapport avant de mettre en route les moteurs de la navette. « Nettoyage compromis, risque géologique élevé, ne plus envoyer d’agent humain. » s’inscrivit en lettres capitales sur la console de l’ingénieur Mason, le planétologue en charge du projet de reconditionnement de la Terre.


 
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   ANIMAL   
20/11/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Même si un lecteur habitué à la SF devine très vite la chute probable de l'histoire, assez classique, j'ai beaucoup apprécié cette nouvelle.

Le style est simple et explicite, y compris dans les notions purement techniques. Tout est clair, logique, les descriptions comme les dialogues coulent sans heurt et permettent d'entrer dans l'aventure avec Carl. Ses choix sont cohérents et même SISTER est sympathique.

Le mythe du bon sauvage revisité à la sauce science-fiction, saupoudré d'un peu de paradoxe temporel, m'a fait passer un excellent moment. Il me manque juste un indice sur les causes du phénomène pour que ce soit parfait.

Une lecture agréable et distrayante.

   maria   
20/11/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Warakurna est, pour moi, une très bonne et belle nouvelle de science-fiction pour l'originalité et la pertinence de son histoire et par la qualité littéraire de son écriture.

L'auteur(e) ne s'est pas lancé(e) dans une vague et vaste vue de l'espace, avec des centaines d'engins et des dizaines de créatures bizarres.
Son récit est concentré et clair et son imagination intelligemment maîtrisée.
Carl, agent de nettoyage, né et vivant à Callisto, "seconde lune de Jupiter" est "affecté à une opération de formatage écologique sur la Terre, pour préparer l'implantation "d'un parc d'attractions pour gamins friqués." Il sera assisté par une intelligence artificielle. Il est surpris qu'on l'ait choisi et parce ce que "ce n'est pas tous les jours qu'un humain pose les pieds sur Terre." !
L'auteur(e) soigne son style aussi bien pour la description du désert australien, que pour le déroulement du travail technique de Carl et ses conversations professionnelles avec Sister.
L'auteur(e) introduit en douceur le village aborigène et son chef. Carl est sous le charme. Lui qui "de sa naissance à sa première mission n'avait connu que le gris, le terne et l'ennui."ne veut pas retourner à Callisto.
L'auteur(e) nous offre une fin heureuse. Sister, recommande, dans son rapport, de ne plus envoyer d'humain sur Terre. Trop dangereux. Pas de parc, donc.

J'ai aimé cette histoire comme elle a été racontée, sans chercher des explications sur ce qui est affirmé.
Je pense que cette nouvelle sera appréciée des connaisseurs en "acide lysergique pour robots" et des amateurs d'histoires imaginatives et bien écrites.
J'ai apprécié le travail de l'auteur (fond et forme). Merci de cet excellent moment de lecture. ( dans une catégorie qui ne m'attire pas souvent ).

   cherbiacuespe   
28/11/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Il y a de la science là-dedans avec cependant une légère odeur de fantastique.

Une nouvelle qui se laisse lire sans effort. Rien à dire sur le style, c'est bien écrit, les dialogues sont biens menés. L'intelligence artificielle est raisonnablement crédible ainsi que le futur décrit. Petite coquille, à mon avis : le vieillard aborigène peut-il parler de boîte de conserve? Peut-être à corriger, pas assez en tout cas pour rejeter cette histoire.

Concernant le sujet je pourrais toujours ergoter sur le destin funeste de la Terre devenue inhabitable pour l'homme. Mais il aurait fallu rajouter quelques pages pour expliquer ce triste résultat.

   Jean-Claude   
29/11/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
Ce texte, fort sympathique, est agréable à lire, et repose sur une idée intéressante.
Je trouve néanmoins qu'il y a des problèmes de transition : on passe d'une scène à l'autre sans sans liaison, il manque des éléments de compréhension.
J'ai du mal quant aux dialogues : entre l'IA (pas assez IA) et le narrateur (pas assez incrédule) où les conclusion arrivent trop vite, sans que les personnages paraissent réfléchir, d'autant plus que le narrateur n'est pas présenté comme Einstein ; entre le narrateur (pas assez étonné) et l'aborigène, plus ancien que la colonisation mais qui emploie les termes "boite de conserve", "chariot", et n'est pas assez intrigué par la technique, même si on peut admettre qu'il décide de ne pas s'y intéresser (en ce cas, il faudrait le dire).
Je trouve que le personnage est béat trop rapidement. Nulle interrogation, nul questionnement. Son choix est hâtif et il accepte tout trop vite. Pas le moindre recul.
La fin est sans surprise pour un lecteur de SF, mais ce n'est pas un problème en soi (le rapport, la décision en conséquence).
Ce qui me manque, ce sont les relations de causes à effets, même absurdes ou surréalistes, voire hypothétiques. Des relations de causalité donneraient, à mon avis, plus de cohérence ou d'épaisseur.
Par exemple, je trouve bizarre que l'IA ne cherche pas à analyser et que le narrateur ne se pose pas de questions.
Au plaisir

   Malitorne   
5/12/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Une nouvelle de science-fiction un peu simple mais néanmoins agréable à parcourir. Il manque des développements narratifs et une IA plus rigoureuse pour s’inscrire véritablement dans de la SF pure et dure, si je puis dire. Les aborigènes paisibles et heureux, sages d’entre les sages, face à l’homme du futur tourmenté par la technologie est aussi un tantinet naïf. On retrouve J.J. Rousseau quand il s’agit d’opposer progrès et vision idyllique du passé.
Hormis ces détails, j’ai apprécié l’idée que la Terre puisse happer, par quelques réminiscences mystérieuses, des visiteurs humains, comme si elle reprenait possession de ce qu’elle a créé. L’homo sapiens indissociable de son sol natal.

   Luz   
5/12/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir Donaldo75,

Je ne suis pas un grand amateur de SF, mais j’ai bien apprécié ce texte. J’ai aimé en me disant que dans 3000 ans la réalité aurait peut-être rattrapé la fiction.
Il y a un certain suspens tout au long de cette nouvelle.
C’est fort, également, l’idée que l’être humain, parachuté sur Terre sans l’avoir habitée auparavant, se retrouve un peu « génétiquement » chez soi.
Bravo !

Luz

   hersen   
6/12/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Faisons les choses bien :

Fond - Futur antérieur, je savais bien que ça voulait dire plus que Bescherelle ! Il est assez intéressant de partir de l'An je ne sais combien, dans un spatio-temporel dont on se demande bien, humainement, quel en serait l'intérêt mais ce n'est pas mon propos, ni le tien d'ailleurs. Retrouver des aborigènes australiens au fin fond du bush, avec notre sorcier extrasensoriel qui attendait la venue de l'homme venue du ciel...
Homme qui d'ailleurs se pose assez peu de questions, c'est sans doute son point fort, et à 3 000 ans d'écart n'est pas étonné par cette tribu. Une très grande faculté d'adaptation, mais il en faut, et c'est de tous les temps, pour être un Voyageur.
Celui qui a, une fois dans sa vie, dû manger du serpent vivant pour agréer ses hôtes me comprendra.
Je dirais que le fond est un peu faible en ceci qu'il est trop simpliste. Les délires IAesques prennent trop de place (on a compris tout de suite) tandis que les pensées de l'Aventuriers des temps anciens-modernes ne sont pas assez développées. (pour moi, ce qui n'est pas une référence)
Pour tout dire, il me manque un milieu à cette histoire, un entre -temps narratif qui positionnerait mieux le voyageur face à cet ancien monde nouveau pour lui.
"L'effacement" est une idée intéressante.

Forme : ça commence par L et ça finit pas E, hi hi, il est là, et aussi les oreilles.
Par contre, tu m'as tuée avec ton eau de Javel. J'en suis encore à peine remise. Mais j'ai compris le truc : c'est un caillou blanc que je retrouverai ailleurs. (je regrette simplement que tu n'aies pas choisi plus joli, tant qu'à le répéter :))
Non, je rigole. C'est juste un défi.

Merci pour cette lecture !

   Shepard   
6/12/2019
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Salut Donaldo,

Y'a beaucoup de magie dans ce texte de science-fiction. Je pourrais décortiquer de A à Z ce qui ne le plaît pas, mais c'est intriqué dans l'essence même du texte, donc ça reviendrait à tout réécrire... Ce qui n'est pas le but, chaque auteur à sa façon faire. Quand même, je vais essayer d'exposer les points qui m'ont laissé critique :

1- Au fond : Je ne vois vraiment pas, pourquoi, on passe d'un relevé télémétrique à un voyage dans le temps. C'est un peu trop gratuit à mon goût. On a loupé une porte dimensionnelle quelque part... sans transitions. C'est bien ce dernier point qui me chagrine le plus : ça sort de nulle part. Je ne discuterais pas du mystérieux 'entanglement' avec le chef de tribu, c'est la singularité de l'histoire, je pense - j'accepte.

2- Plus technique : Cette fichue IA dernier cri de la technologie n'a pas un mode pilote sur le Rover pour le tirer de la tempête ? =)) Et à part ça, à quoi elle sert au juste - elle ne fait même pas le job de calcul !! Et elle déclenche la "procédure de secours" une fois qu'il est mort ? Vu les conditions climatiques, elle aurait pu le tirer hors de sa transe genre... beaucoup plus tôt. Cette partie m'a semblé très, très artificielle.

3 - Aussi technique : "L'onde cérébrale". Si le type est mort, alors implant ou pas, son cerveau n'émet plus rien. Si il est passé dans une dimension "spectrale" alors il n'est plus connecté à l'implant. Si la communication se passe sans implant, alors c'est impossible (les ondes cérébrales, ben, elles ne quittent pas le cerveau, par définition). J'ai bien compris, c'est un tour de l'auteur ! Mais je suis un peu comme l'IA...

4 - La fin m'a fait remettre en question toute l'histoire. Oui, du coup, pour faire une poignée de relevés, et qu'on a disposition une IA indépendante (capable de rentrer toute seule !), est-ce qu'on ne devrait pas la laisser faire ce travail ? N'est-ce pas typiquement pour ce genre de job qu'on utiliserais une machine ? Pour une mission plus compliquée, je ne dis pas... mais là, je peine à y trouver une raison.

Pour l'écriture, c'est efficace. J'ai trouvé la description du 'travail mental' plutôt réussite, ainsi que ce qui est suggéré des satellites de Jupiter (en fait, c'est la partie qui m'a le plus accroché, alors que c'est complètement contextuel) - d'ailleurs, le contexte est plutôt bien choisit, l'idée de rénover la terre pour les riches. En somme, je trouve le plateau très joli, manque peut-être l'apparition de la tempête.

Seul bémol : le dialogue avec le chef Aborigène, tellement normal... Je pense que ça aurait été une occasion de créer quelques étincelles, ou réflexions, de travailler le surréalisme. Mais à la place, le voyageur est très blasé. Ce qui tranche avec un type né sur une lune de Jupiter, probablement des (centaines ?) d'années après l'abandon de la de Terre, vivre un moment pareil... ça devrait sembler incroyable.

Au final, c'est une nouvelle qui (à mon avis) cherche un peu trop à exposer son idée sans faire assez attention à certains détails narratifs. Peut-être qu'au final, vous auriez du en dire moins... et laissez le lecteur se débrouiller. Si les évènements sont clairs, alors il faut que la causalité soit logique, ce qui n'est pas toujours le cas ici.

"comme si son cerveau reptilien avait stocké ce souvenir dans un tiroir oublié de la mémoire humaine"
Remarque : Je le vois souvent mais ça n'existe pas le cerveau reptilien ! C'est une légende, née d'une vieille théorie aujourd'hui réfutée. Et en plus, dans sa définition, il ne stocke aucune mémoire, juste des réflexes fondamentaux (respirer, par exemple). Un détail... mais attention au diable...!

   Anonyme   
8/12/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Donaldo75,

Bon, si j'ai bien compris le fond, Carl est un nouveau Baiame, qui rêve de l'origine de l'australie. Le Temps du Rêve transposé dans un futur où l'homme est parti depuis belle lurette essaimer la galaxie...

Dans quel but ? Partager avec les anciens aborigènes une spiritualité qui lui a toujours été étrangère ou pour prendre conscience du mauvais présage que représente la "désanctuarisation" de la Terre ?

Comme toujours, tu suggères plus que tu ne racontes et ici ça me plaît assez.

Dugenou.

   Sylvaine   
12/12/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Texte très agréable à lire, prenant et bien mené. Fin plaisante, la culture aborigène que rejoint le héros apparaissant beaucoup plus sympathique que le monde ultra technique qu'il quitte apparemment sans regret (on le comprend !) Mais s'il y a message, il est exprimé sans insistance ni lourdeur. Deux petits étonnements : le héros dit qu'il n'a pas envoyé de carton d'invitation, alors que c'est lui l'invité! Je vois là une petite incohérence. Et je trouve étrange que le vieux chef emploie le mot "métallique" alors que je je l'aurais cru à lâge de pierre. Mais ce sont vraiment des vétilles, qui n'entament pas le plaisiir de lecture. Bravo !

   papipoete   
14/12/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
bonjour Donaldo
" amis de la science-fiction, bonjour ! " Il y a trente six matières dans ce long récit ; du terrien, de l'aérien, du volatile en algorithmes... Des sentiments palpables, des allusions comiques ( la terre nettoyée à la javel ) et ce flou entre rêve et réalité...Les aborigènes, parmi les premiers habitants de la Terre, deviennent sous la plume du prolixe auteur, les derniers à l'occuper, vivant dans un endroit que les " forces extra-terrestres " n'ont pas localisées...
NB non seulement inculte de science-fiction, mais incapable d'en imaginer une historiette, je suis stupéfait par l'imagination de " Carl " et les faux-plats de silence, qui ne durent pas tant ça rebondit sans cesse ! J'ai peur des manèges à sensation, et là je me sens dans une " chenille " dont le circuit finira où, finira quand ?
je pense que les amateurs du genre doivent se régaler ?
Moi, j'apprécie en tous cas le foisonnement d'idées ; la couleur des décors ; la sensibilité des personnages !

   Castelmore   
5/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Don

Je suis époustouflé !
Cela commence comme il se doit par un clin d’œil à 2001 l’odyssée de l’espace, aux temps préhistoriques de la Conquête, pour les humains que tu mets en scène.
Et quelle scène ! Elle ne peut que nous émouvoir : une terre dépeuplée, nettoyée à la javel !! pour que les héritiers de Disney gagnent encore plus de bitcoins.23z ...
Fort heureusement l’osmose homme-machine n’a pas tué la partie reptilienne de nos très lointains descendants et l’un d’entre-eux va retrouver une forme d’harmonie...
Tout au long de cette nouvelle, on reconnaît aussi ton style direct, précis sans emphase ... celui de tes commentaires...

Merci , merci pour ce retour aux sources paradoxal


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