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Policier/Noir/Thriller
doriankova : Il faut bien vivre
 Publié le 02/12/07  -  4 commentaires  -  5423 caractères  -  16 lectures    Autres textes du même auteur

Se battre pour réussir, faire des sacrifices, puis chuter... Pourquoi ?


Il faut bien vivre


Je suis sidéré de ce qu'on est réduit à faire pour vivre. Il va falloir que je baise son vieux cul de vieille. Comment en arrive-t-on à ça ? Comment un beau mec comme moi, dans la force de l'âge se retrouve acculé à ça ? J'adore le mot acculé. Il y a en lui une connotation qui correspond exactement à ce que je ressens en entrant avec cette fausse jeune dans le hall de ce magnifique hôtel parisien.
Les lustres du début du siècle précédent n'arrivent pas à me faire oublier ce que je m'apprête à faire. Chaque pas à la suite de ce manteau de fourrure, de ce tailleur Dior, de ces bijoux Cartier, me donne la nausée un peu plus. Elle est malheureusement mon avenir.
Douze ans d'études supérieures pour avoir le droit de me faire la vieille fardée qui sert de femme à mon futur patron. Dans l'ascenseur, je prie pour avoir la force ou plutôt l'ardeur que j'ai promise à mamie-pognon. Et si je n'y arrivais pas ? Si monsieur cyclope avait plus de présence d'esprit que j'en possède ? S'il refusait de faire son office ? Ce serait la fin de tout. Elle ne me le pardonnerait jamais et pèserait de tout son poids, et y'a de quoi, pour que plus jamais je n'obtienne un emploi à la mesure de mes capacités. En fait je mise mon avenir sur la seule chose que je n'ai pas étudiée avec sérieux toutes ces années que j'ai sacrifiées aux études. J'aurais dû me faire ma voisine de chambre. Elle voulait, mais j'étais trop occupé à devenir « quelqu'un ». Si je me rate je ne serai plus jamais quelqu'un. J'aurais dû prendre Béatrice, au lycée, quand on était seuls dans la salle de classe. Elle me regardait comme si elle allait me manger tout cru mais moi j'avais les jetons. La vieille me regarde pareil ! Et j'ai toujours les jetons ! Sauf que Béatrice était superbe... J'échangerais dix momies friquées sapées pour cent plaques contre une Béatrice en jean déchiré à l'heure actuelle.
Le regard amusé et concupiscent du chasseur manque singulièrement de professionnalisme. Il est là pour appuyer sur le bouton de l'ascenseur, pas pour se foutre de ma gueule pendant que je monte à l'échafaud ! Pauvre imbécile ! Dans six mois je serai directeur d'une succursale en province, je me ferai quatre ou cinq fois ton salaire et j'aurai oublié ta gueule. Celle de la vieille aussi, enfin j'espère. Je m'achèterai une belle voiture, je draguerai des minettes et je rattraperai tout le retard que j'ai accumulé en matière de sexe. À moins que je ne passe pas le test... Il faut que je bande ! J'en ai des frissons ! Aucun examen, aucun concours ne m'a autant fait flipper que celui-là. Et j'ai même pas révisé ! Je suis stupide ! Bon ! Il faut que je pense à autre chose ! Il faut que je me concentre sur un truc sympathique. Donc, pas ce con de chasseur ! On n'arrivera jamais à l'étage ou quoi ? J'aurais dû acheter du Viagra ! C'est fou, je m'abrutissais de médicaments pour tenir le coup à la fac mais là j'ai rien pris. Je suis vraiment pas fait pour ce taf. Je peux peut-être trouver un moyen élégant de remettre ça à plus tard, pour mieux me préparer. Je pourrais lui dire que je tiens à ce que ce soit inoubliable et que je ne me sens pas prêt tout simplement. Si je lui dis ça, elle me crucifie sur l'heure. Je pourrais faire comme si je recevais un appel urgent et que je devais partir... Bof... J'en sais rien ! C'est trop tard !
La porte de l'ascenseur s'ouvre sur le couloir. Le chasseur nous accompagne jusqu'à notre porte. Il marche trop vite ! Bon sang, ralentis ! Je dois trouver une astuce ! On m'a volé ma voiture ? Non elle sait que je suis venu à pied depuis mon appartement miteux du seizième arrondissement. Elle sait tout. La porte de la chambre s'ouvre, ou plutôt ce con de chasseur nous ouvre la porte. Il continue à sourire béatement. Je lui casserais bien la gueule ! Nous entrons, elle se met à l'aise pendant que je vais payer le chasseur. En plus il faut que je le paie ! Quel plan foireux ! Le chasseur à un truc à la main... Un flingue ! Je... Les silencieux sont incroyablement efficaces, j'ai à peine entendu un souffle lorsque le pistolet a craché le feu sur moi et sur Madame de Rumberley. Vu que je suis en train de crever à ses côtés, inutile de lui manquer encore de respect. J'aurais vraiment dû me faire Béatrice...


Surtout rester calme, ils arrivent enfin. Un mois à faire le larbin en costume rouge, à me faire traiter comme une merde par des enfoirés trop riches pour se rendre compte qu'ils croisent la mort dans l'ascenseur. Ils lui donnent même un pourboire. Un mois que je les attends. Je n'arrive pas à rester naturel ! Je souris comme un angelot béat. Le jeune mec semble se douter de quelque chose, il me regarde bizarrement. Il n'a pas l'air armé, ce n'est sans doute pas son garde du corps si j'en crois les regards que lui jette la vieille dinde. Enfin on entre dans la chambre. Je sors mon 9mm à silencieux, avec balles subsoniques. Le pistolet fait moins de bruit qu'un pet furtif dans la voiture des beaux-parents. Deux bastos pour monsieur, deux bastos pour madame, je vous en prie. Je ne sais pas ce que vous avez fait pour mériter ça et c'est pas mon problème. Je termine par une balle dans l'oreille pour chacun, inutile d'abîmer leur visage. On pourra laisser le cercueil ouvert comme ça. Je ramasse les étuis, six au total. Je prends mon pourboire, je l'ai bien mérité. Et je repars prendre mon avion. Je suis sidéré de ce qu'on est réduit à faire pour vivre.


 
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   Bidis   
3/12/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Scabreux, marrant, bien écrit et du suspense en prime...
Je n'ai pas compris ce qu'étaient les étuis... Ou alors, c'est du vocabulaire moderne ?

   Anonyme   
3/12/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
un bon texte divertissant on passe un bon moment, c'est bien écrit, style alerte

   pounon   
4/12/2007
 a aimé ce texte 
Bien
Etuis est le mot juste pour désigner ce que communément on appelle les "douilles". C'est ce qui est éjecté d'une arme automatique ou semi-automatique, après la percussion de la cartouche. Ce est mot utilisé couramment sur les pas de tir.
C'est bien écrit mais assez provocateur dans l'usage de l'horrible.
A quand un récit policier bien saignant ?

   jensairien   
13/12/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je préfère cette nouvelle à « tuer l’ennuie ».
Le style est très vivant, là par contre on croit au personnage. La fin est très chouette, jolie pirouette. Mais ces deux
Nouvelles sont trop courtes je trouve. De la matière que tu devrais prendre le temps d’étoffer quoi !


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