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Sentimental/Romanesque
Edgard : Nom de Dieu de nom de Dieu…
 Publié le 16/05/21  -  14 commentaires  -  5657 caractères  -  82 lectures    Autres textes du même auteur

L'histoire se passe en 1971.


Nom de Dieu de nom de Dieu…


« Nom de Dieu de nom de Dieu », grommela le vieux Jean.

Au milieu de la cour de ferme, qu’il parcourait chaque matin depuis presque cinquante ans avant d’attaquer les tâches quotidiennes, il fixait un cercle quasi parfait, dont la circonférence semblait présenter des traces de brûlé. Il souleva sa casquette comme pour donner de l’air à son cerveau, pinça ses lèvres. C’était sa manière d’accueillir les problèmes. Et c’en était un de taille. Les vrombissements qui l’avaient réveillé cette nuit et les lumières bleues, aveuglantes, qu’il avait aperçues depuis la fenêtre… ça ne faisait aucun doute : ils étaient venus. Depuis quelque temps, le vieux paysan avait décelé plusieurs signes. Le noyer complètement carbonisé derrière les écuries avec son tronc fendu en deux, et les mêmes traces de feu, en rond. Les lumières en forme de soucoupes qu’il avait plusieurs fois observées en pleine nuit avec ce sifflement étrange, la remise, au bout du potager, qui avait mystérieusement été dévorée par les flammes. Un trouble avait eu peu à peu raison de son bon sens paysan et de sa placidité, sapant son bonheur tranquille de choses enracinées, des certitudes d’arbres, de murs de pierre, de lenteurs de vaches, de temps qui s’égrène.

Il revint jusqu’à la cuisine, hésita, se servit un reste de café noir, tiède, qu’il but d’un trait. Le soleil illuminait déjà le faîte des deux tilleuls centenaires. Il monta à l’étage, décidé à en parler à la Louise, à lui montrer une fois de plus les preuves indubitables de leurs visites, de plus en plus fréquentes. Ils faisaient chambre à part depuis des années. Il se levait très tôt le matin et cela permettait à sa femme, que l’âge affaiblissait, de dormir un peu plus longtemps. La chambre était vide, le lit fait avec soin, chaque chose impeccablement rangée. La photo en noir et blanc de leur mariage, « 16 mars 1924 », sur la table de nuit. La robe immaculée faisait comme un petit nuage autour d’elle. Une fée. Il en eut les larmes aux yeux.

« Nom de Dieu de nom de Dieu ! Louise ? » Il appela. En vain. Elle n’était nulle part, à l’étage. Il redescendit, la chercha dans la buanderie, dans les granges, les écuries, les prés alentour. « Louise ! ».

La crainte, qui lui avait à plusieurs reprises occupé l’esprit, devenait brusquement une terrible réalité. Ils ne venaient pas pour rien. Les apparitions précédentes étaient des voyages de reconnaissance. Et cette fois ils avaient agi. Ils avaient kidnappé sa Louise. Il avait lu ça dans « La Dépêche » une fois. Ils enlevaient des gens, disait-on. Son amour, la femme de sa vie. La bonne, joyeuse et indispensable compagne de toute une existence. Le vieil homme en fut un instant paralysé. Puis sa résistance naturelle reprit le dessus. Ils en avaient connu, durant leur vie, des drames et des souffrances. Depuis les résistants et les armes cachées dans les fenils, les descentes des nazis, la mort du fils, les épidémies, les inondations, les gels qui détruisent les récoltes… ils avaient à chaque fois fait face, tous les deux, embrassés comme le tronc du chêne et son lierre… Mais cette fois, il était seul, il se sentait impuissant et le désespoir rôdait.

« Nom de Dieu de… ! » Il pensa aux gendarmes : c’étaient des nouveaux. Ils étaient venus se présenter, l’an dernier, ils lui avaient fait bonne impression. Des jeunes qui ne traînaient pas dans les bistrots, qui ne comptaient pas leurs heures, et qui étaient là pour les gens. C’est ça qu’il avait aimé toute sa vie : le plaisir du travail bien fait.

Il se décida, passa une chemise propre, se rendit sous le hangar. La clé était sur la voiture. La vieille Peugeot 203 rouge, c’était celle de Louise. C’était son plaisir à elle de faire des balades, d’aller en ville, et c’était sa fierté à lui, de la voir s’installer au volant, habillée comme pour un dimanche, lui faire un sourire, un petit signe, avant de faire ronfler le moteur. Une sacrée gonzesse, sa Louise. Peur de rien, ni des tâches harassantes de la ferme, ni des réflexions des gens du village. Toujours à voir le positif. Un sacré courage, qui lui avait communiqué, durant toutes ces années, sa force et sa persévérance. Il dut nettoyer la poussière du pare-brise. Le moteur toussa, eut beaucoup de mal à démarrer. C’était la première fois qu’il laissait la ferme.

Il raconta l’histoire, donna tous les détails, les preuves, fit part de son inquiétude, de son désarroi. On l’écouta attentivement. On lui promit une visite.

Ils arrivèrent à deux, l’après-midi même, dans leurs uniformes impeccables. Attentifs et compréhensifs. L’un d’eux était fils de paysan. Il connaissait bien la vie de fermier. Ils firent le tour de l’exploitation et le Jean fut heureux, par moments, de répondre à ses questions. Fier de montrer le fruit de leur travail, de lui conter les difficultés de chaque jour. Ils s’arrêtèrent devant le noyer, la remise carbonisée, le cercle de la cour…

À la fin de la visite, après une bonne demi-heure, le lieutenant le prit à part. « Monsieur Jean, dit-il, d’une voix hésitante, je dois vous parler. » Il avait un ton grave, et le vieux cultivateur sentit dans sa voix une affection qui ressemblait à celle d’un fils pour son père. Le gendarme posa ses mains sur les épaules du petit homme et le regarda droit dans les yeux. « C’est important, monsieur Jean… Votre épouse, Louise, est décédée depuis plus d’un an. Vous l’avez enterrée en mars 1970. Voilà. »

« Nom de… », fit le Jean. Il souleva sa casquette, pinça les lèvres. Son regard vague se porta du sol en terre battue vers l’horizon. De fins nuages blancs, minuscules, flottaient dans l’air brûlant de l’été, on aurait dit des robes de mousseline.


 
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   Anonyme   
18/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une histoire touchante, je trouve, et qui en outre m'intrigue... Car le noyer et la remise, ils ont bien cramé, le rond brûlé il est là ? Alors je suppose que c'est le vieux paysan en train de perdre la tête le responsable des incendies, son inconscient exprime le ravage de sa vie solitaire, le besoin de trouver de l'aide, un soutien.
Le récit m'apparaît bien mené, au départ tout est possible ; j'envisageais un simple canular, puis les choses ont basculé à partir de la disparition de Louise. Bien vu, le détail de la voiture qui a du mal à démarrer parce que, comprends-je à la fin, inutilisée depuis des mois. Une vraie amertume dans cette histoire me semble-t-il, adoucie par du fatalisme : les choses sont ainsi, désespérantes, on ne peut que les affronter de son mieux, un problème après l'autre, en pinçant les lèvres. L'écriture sèche, distanciée, sert bien le sujet à mon avis.

   ANIMAL   
22/4/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une jolie histoire mélancolique, qui montre la tristesse de la séparation définitive chez ces vieux couples qui ont passé toute une vie ensemble.

Jean perd un peu la boule de solitude, on suppose que c'est lui qui a fait brûler la grange, l'arbre, son inconscient le poussant à trouver une explication forcément extraordinaire à la disparition de sa chère Louise.

Il y a quelques indices pour le lecteur, avec la voiture au pare-brise poussiéreux et qui peine à démarrer. Néanmoins je me suis laissée porter par l'histoire.

Les descriptions de la vie à la ferme, de la mentalité rude des paysans, sont très réalistes et visuelles.

Un bon moment de lecture. J'aurais aimé savoir ce que va devenir Jean.

   alvinabec   
23/4/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
Un texte bon jus terroir, bien ourlé comme la mode le veut ces derniers temps. Jean, personnage bien campé, précis, on le voit bien s'agiter au cœur de sa ferme à chercher sa Louise.
La chute est bien vue, j'étais perplexe de la fin du texte que vous avez sauvée.

   maria   
23/4/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un beau texte' intense sur le fond et dense dans sa forme.
Au fil des lignes l'auteur (e) a glissé un détail du décor ou une information sur la vie de Jean et de Louise. Le rendu est visuel, vivant, ce qui conduit le lecteur à l'empathie pour le déni et la solitude du vieux paysan.
Une lecture très agréable malgré la frustration du mystère autour du "cercle quasi parfait" : cauchemar, imagination, hallucination ?

Merci du partage.
Maria en E.L

   plumette   
16/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
c'est à travers le regard et les souvenirs de Jean que le lecteur entre dans cet univers très bien campé.
une pépite dès le début : "Il souleva sa casquette comme pour donner de l’air à son cerveau, pinça ses lèvres. C’était sa manière d’accueillir les problèmes." voilà une phrase qui m'a donné envie d'aller plus loin et qui m'a sensibilisée d'emblée au devenir de cet homme troublé.

le dur labeur de la campagne et le compagnonnage de toute une vie, retracé en quelques phrases denses... je me suis demandée où vous vouliez nous emmener!

Et voilà que la fin arrive, habile , créant une empathie pour cet homme qui ne se remet pas de la perte de sa femme.

A vous relire

   Corto   
16/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Eh bien, à la fin de ma lecture je me reprendrais bien, moi aussi "un reste de café noir, tiède".
J'ai apprécié chaque détail de la mise en scène de cet épisode cruel de la vie du vieux Jean. Et dire qu'à 4 ans près il aurait fêté ses noces d'or avec Louise.
Comment se remettre d'une telle injustice venant après "les armes cachées dans les fenils, les descentes des nazis, la mort du fils".
Le tableau de toute une vie est bien présenté, avec ses détails et ses raisonnements qui servent à masquer la cruauté d'événements vécus, ceux qui servent aujourd'hui de support pour affronter les jours qui persistent à revenir "chaque matin depuis presque cinquante ans".

Un texte plein d'humanité et d'empathie. Bravo.

   Robot   
16/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Une belle histoire triste. Le récit se déroule petit à petit en révélant les affres de cet homme que j'imagine vieux. La chute m'a surpris car je m'attendais, je craignais une pirouette de science fiction. Mais non, on découvre que le paysan a perdu la tête. Peut être est-il même par négligence pour quelque chose dans les destructions "extra terrestres." qu'il a imaginé.
C'est court mais intense et le récit est superbement conduit jusqu'à sa chute révélatrice et émouvante.

   Anonyme   
16/5/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Edgard,
A la lecture du premier paragraphe je m’attendais à une histoire drôle, une blague romancée, une révélation finale dont la trame logique aurait été le ressort comique face aux élucubrations du Jean.
Au lieu de ça on comprend vite que l’affaire est plus sérieuse et le Jean plus atteint qu’on ne le pensait : « le lit fait avec soin, chaque chose impeccablement rangée. » et plus loin : « Il dut nettoyer la poussière du pare-brise. Le moteur toussa, eut beaucoup de mal à démarrer. » et là, tout d’un coup, je suis beaucoup moins emballé car il me semble avoir compris que le Jean était tout simplement devenu zinzin.

Le récit s’étire donc jusqu’à la résolution de l’énigme par les gendarmes : « C’est important, monsieur Jean… Votre épouse, Louise, est décédée depuis plus d’un an. Vous l’avez enterrée en mars 1970. Voilà. » Simple confirmation de l’état mental du héros dont le narrateur nous conte la vie cabossée en raccourci. Final que j’ai d’abord trouvé décevant pour un lecteur modeste comme moi, qui dès que l’auteur pose son intrigue (ici le cercle brulé de ce matin faisant suite à la remise et au noyer carbonisés quelque temps avant) en attend bêtement la résolution. Et si la solution n’est que la démence prévisible du héros, ben je suis déçu. Le récit d’intrigue se transforme alors en une image d’Epinal, le lieu commun du conjoint survivant qui sombre peu à peu dans la solitude puis la folie… Sans doute réaliste, mais habillé d’une psychanalyse assez ordinaire et donc à mes yeux assez peu romanesque.

Le style et la narration un peu plan-plan ajoutent à la fatalité prévisible des évènements. J’ai attendu la fin en espérant qu’elle ne soit pas celle qui parcourait déjà les lignes. La prochaine étape est toute tracée : Jean ira débusquer les extra-terrestres au Café du cimetière, un lance-flammes en bandoulière, et le gendarme lui dira : « Jean, le café a été fermé l’an dernier ».
Je n’ai pas voulu rester sur une mauvaise impression, alors j’ai creusé un élément primordial de l’intrigue : pourquoi Jean met-il le feu ? Car si ce n’est pas lui, le récit n’a pas de sens. Hercule Poirot, fouillant son comportement (« Ils firent le tour de l’exploitation et le Jean fut heureux, par moments, de répondre à ses questions. Fier de montrer le fruit de leur travail, de lui conter les difficultés de chaque jour »), répondrait : pour avoir quelqu’un à qui parler…
Misère humaine.

Bellini

   Myo   
17/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
L'ambiance est bien rendue, on imagine aisément le paysan dans son environnement, avec sa mine interrogative ...
La forme est agréable à lire, et l'intérêt est suscité par l'intrigue.

Je suis juste un peu déçue par la fin trop " terre à terre" à mon goût.
Cette triste réalité est en décalage avec le reste du récit.

Mais cela n'enlève rien à la qualité d'écriture.

Merci du partage

   hersen   
17/5/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Dans un sens, il n'y a pas vraiment de surprise dans la chute, mais le déni est fort bien raconté.
C'est en fait d'une sensibilité telle qu'à la fin, on a réellement pitié de jean, qui bien sûr va "oublier" de nouveau la révélation du gendarme.
On ménage le jean, on lui parle gentiment, on l'informe une fois de plus.

j'aurais aussi aimé que la nouvelle aille un peu plus loin. Car jusqu'où pourra-t-il aller dans le déni sans devenir fou ? Il est vrai que tant qu'il se cantonne à sa ferme, il ne dérange sans doute pas grand monde.

merci pour cette histoire sensible, fort bien racontée sur un ton juste.

   in-flight   
17/5/2021
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Au tiers du texte, j'ai eubpeur de plonger dans un pastiche de "La soupe aux choux", cette exception culturelle française au scenario flatulant.
Mais c'est un tout autre canal que vous empruntez (bien heureusement), celui du déni de la disparition de l'être cher. J'ai emis l'hypothèse de la chute au moment où il prend la 203, celle de la Louise qui n'avait pas bougé depuis un bon moment.
Edit: la nouvelle mériterait un autre titre, peut-être en lien avec le thème de l'invasion (des extraterrestres pout la fausse piste, des sentiments pour le vrai fond du texte).

   Donaldo75   
20/5/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Edgard,

J'ai adoré cette histoire. La narration est taillée au cordeau, le personnage de Jean prend tout de suite corps et le lecteur le voit bien dans sa réalité de vieil homme loin de la ville. Les descriptions sont précises et servent le décor au lieu de s'empiler inutilement comme je le constate souvent dans d'autres écrits. C'est de la densité littéraire ou rien ne sert à rien et tout se recoupe au fur et à mesure de la lecture, comme si le regard du lecteur s'affinait progressivement. Il n'y a pas de digression, Jean ne s'égare pas en fioritures, ce qui coule de source au vu du personnage et comment il est exposé au lecteur. Sa vision des événements est bien amenée et j'ai cru un instant qu'elle était réelle, que le récit allait vraiment m'emmener dans cette direction alors que la fausse piste ne servait qu'à montrer un peu plus comment ce vieil homme est seul, se réfugie dans un autre monde. La fin est très bien vue, poétique, attachante.

Bravo !

Donaldo

   Cyrill   
17/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
« Et puis j’aime bien la mer, merde alors », disais-tu sous l’un de mes derniers poèmes. Je me suis dit quelqu’un qui aime la mer ça peut pas être le mauvais bougre, du coup je suis allé fouiller et j’ai trouvé cette nouvelle que j’avais lue en son temps de visibilité dans la vitrine onirienne. On devrait plus souvent d’ailleurs, aller faire de l’archéologie.
Mais trêve, ici pas de mer, c’est plutôt de mystère extraterrestre qu’il s’agit, et puis même pas. On vient à la rencontre de Jean, un bon bougre à l’horloge arrêtée au milieu de nulle part.
J’ai bien aimé le regard tendre porté sur lui, l’écriture précise pour parler de lui et de: « son bonheur tranquille de choses enracinées, des certitudes d’arbres, de murs de pierre, de lenteurs de vaches, de temps qui s’égrène ».
De la vie dans ce bonhomme et de la richesse dans ce portrait. Ce que j’appelle une nouvelle réussie, courte et dense. Pas mécontent de mon déterrage, moi.
Y a-t-il eu des incendies, beaucoup, en 71, j'en sais rien et ça n'a peut-être pas beaucoup d'importance.

   Disciplus   
18/2/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Pas les extraterrestres. Trop "Soupe aux choux", trop David Vincent. (Il aurait lu dans la Dépêche qu'ils enlevaient des gens?)
En revanche nous aurions bien pris un peu plus de souvenirs, de sentiments, d'anecdotes pour sa femme chérie.
Chute émouvante bien que classique.
Pour le fun : Il existe de jolis jurons anciens.
L'écriture est maitrisée, l'orthographe et la grammaire correcte. Récit bien tenu et convaincant. Nouvelle qui mérite qu'on s'y attarde.


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